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Citations sur Le bureau d'éclaircissement des destins (277)

"Et ces pleurs silencieux d'objets, à jamais abandonnés par leurs propriétaires. Avilis par des mains étrangères, comme des corps non enterrés qui n'ont personne pour s'occuper d'eux. Qui n'a jamais vu les sanglots d'objets morts n'a jamais rien vu ni entendu de triste."

Rachel AUERBACH,
extrait du poème "les sanglots des objets morts" traduit du yiddish (archives Ringelblum).
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- Parle- moi de lui, dit Agata.
- Il m'a appris la patience, répond-il.Quand on filme, il faut savoir attendre que quelque chose arrive.Quelque chose qu'on n'attendait pas, qui donne son sens à l'histoire qu'on est en train de raconter. Quand j'étais gamin, il m'emmenait sur les tournages. Le voir travailler me fascinait. Il était toujours aux aguets. Ça reste, ça. Même s'il n'est plus capable de tenir une caméra.


( p.393)
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- Mon mari est mort, lui confie la vieille dame.Il ne voulait pas que je parle du camp.Tout de suite il me coupe: "Tu es en vie, tu es rentrée.Maintenant il ne faut plus penser à tout ça. " Alors je ne disais plus rien, je voyais qu'il ne comprenait pas.
- Qu'est-ce qu' il ne comprenait pas ?
-...Je ne suis jamais rentrée du camp. J'y suis toujours.


( p.233)
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Même si on ne répare personne, songe Irène en s'essuyant les yeux, si l'on peut rendre à quelqu'un un peu de ce qui lui a été volé, sans bien savoir ce qu'on lui rend, rien n'est tout à fait perdu.
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Je ne cherche pas à atténuer sa responsabilité. Mais je ne peux m'empêcher de me demander ce que j'aurais fait à sa place, si on m'avait envoyé dans ce lieu atroce. Quelle était sa marge de manœuvre? Peut-on rester humain, dans un cadre où l'inhumanité est la règle ? Ces questions me hantent. Je ne reconnais pas la femme simple qui a pleuré de fierté le jour où j'ai réussi l'examen du barreau. Comme s'il y avait toujours eu deux Elsie, qui ne pouvaient coha-biter. Celle qui était enfermée dans la boîte a fini par détruire l'autre. Je voudrais préserver le souvenir de celle que nous avons aimée dans le cœur des miens.
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Ce sont des objets sans valeur marchande. les biens monnayables étaient dérobés sans retour. Ce sont les restes méprisés par les assassins, dont la modestie trahit celle de leurs propriétaires.
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L'arrivée de Max Odermatt à I'ITS avait coïncidé avec le départ à la retraite de nombreux enquêteurs de la première époque. Les anciens DP, prisonniers de guerre ou rescapés des camps, s'étaient dévoués sans relâche à leur travail de recherche. Ils se réparaient en aidant les autres. Peu à peu, ils y voyaient plus clair, appréhendaient les ramifications du système concentrationnaire, comprenaient où s'était jouée leur tragédie personnelle, au croisement de quelsl hasards fatals ou providentiels, et ce qui les relaient à ces anonymes qu'ils avaient peut-être frôlés sans le savoir.
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Ils escaladent la grille cadenassée qui ferme un chemin envahi de broussailles. Plus loin, il se rétrécit entre les arbres. Désormais hors de vue, ils marchent jusqu’aux bâtiments désaffectés de la firme Siemens, qui avait installé près du camp des ateliers et des dortoirs pour les détenues que les SS leur louaient à un prix dérisoire. Elles trimaient douze heures par jour et si elles n’atteignaient pas les objectifs, le contremaître leur explosait la figure sur les machines. Quand elles étaient usées, il suffisait de les envoyer au rebut et d’en commander d’autres.
— Le travail forcé est un rêve de capitaliste, dit Rudi, fixant les branches enchevêtrées qui dépassent des murs écroulés. J’imagine que tous ces gens s’en sont bien tirés, après la guerre ?
— Sans dommages, et la conscience tranquille.
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— On l’appelle la Tragende, lui dit-elle. En 1945, les Soviétiques ont libéré le camp et violé les femmes. Y compris les déportées intransportables qu’ils étaient venus sauver. Ils ont détruit les baraquements pour y installer une garnison. À la fin des années cinquante, ils ont inauguré cette statue avec le mémorial. C’est ironique, vous ne trouvez pas ? Brutaliser tant de femmes, et choisir ce symbole pour Ravensbrück. (…)
On raconte que la Tragende s’inspire d’Olga Benário, une militante communiste allemande. Elle a donné naissance à une petite fille dans une prison de la Gestapo avant d’être transférée à Ravensbrück. Elle a été assassinée à trente-quatre ans, dans la chambre à gaz d’un centre d’euthanasie. On l’a tuée parce qu’elle était juive. Mais ça n’intéressait pas les Soviétiques qui l’ont choisie comme égérie de la résistance antifasciste. Seules comptaient les vaillantes camarades sacrifiées pour la lutte.
Il a fallu attendre la réunification de l’Allemagne pour qu’une nouvelle narration émerge, accordant leur place à d’autres victimes : les prostituées raflées dans les rues, les témoins de Jéhovah qui refusaient de participer à l’effort de guerre, les fillettes tziganes stérilisées de force et les rescapées juives des marches de la mort, les voleuses à l’étalage et les espionnes anglaises, celles qui ne croyaient plus à la victoire du Reich et celles qui aimaient les femmes, cachaient des proscrits, avaient déplu, désobéi. Parquées ici pour endurer tout ce qu’on peut souffrir dans un corps de femme, un cœur de mère.
— Et maintenant, on déboulonne les plaques d’authentiques résistants allemands sous prétexte qu’ils étaient communistes, commente Rudi, désabusé. Comme s’il fallait toujours réduire l’Histoire à un catéchisme manichéen.
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Il explique à Irène combien les documents administratifs de l’époque sont glaçants. Une note griffonnée au bas d’un formulaire révèle l’opportunisme d’un fonctionnaire, l’absence d’empathie pour les populations pourchassées que son autographe condamne à la mendicité, à l’exil ou à la déportation. La sécheresse de ces traces de papier est un couperet. Elle dément les justifications d’après-guerre. On n’y déchiffre aucune velléité de sauver, mais une indifférence meurtrière. — Les archives ne mentent pas, sourit Pierre. C’est pour ça que tant de gens s’évertuent à les garder sous clef.
— Irène en sait quelque chose…, dit Antoine. Raconte à Pierre la bataille de l’ouverture des fonds de l’ITS. Il va adorer.
Elle évoque les années où elle travaillait pour Max Odermatt, dans un climat empoisonné où toute initiative était découragée, voire suspecte. Tant qu’Eva était en vie, elle s’en était accommodée, parce que son amie savait contourner les règles. À sa mort, une lassitude l’avait gagnée, l’épuisement de devoir toujours lutter contre le courant, les lenteurs bureaucratiques et les lubies du directeur. Elle confie à Pierre que ce dernier se vantait de n’embaucher aucun diplômé, et interdisait aux employés de communiquer sur leurs enquêtes en cours. Y compris en interne.
— Ça revenait à saboter leur travail ! lâche-t-il, sidéré.
— Il divisait pour mieux régner, répond Irène. Il considérait l’ITS comme son domaine réservé.
— Tu oublies qu’il devait rendre des comptes, objecte Antoine. Il bossait tout de même pour le Comité international de la Croix-Rouge ! Et au-dessus, il y avait une commission internationale…
— Il refusait aussi de fournir des documents aux procureurs qui travaillaient sur les crimes nazis, ajoute-t-elle à l’intention de Pierre. Au nom de la neutralité de la Croix-Rouge.
— Parlons-en, ironise Antoine. Pendant la guerre, elle avait une fâcheuse tendance à pencher d’un côté ! Complaisants envers les dignitaires nazis, les délégués suisses avaient refusé de protester contre les déportations. Ceux qui visitaient les camps ne trouvaient rien à redire aux conditions d’internement. Une cécité diplomatique nourrie par l’antisémitisme, pointe Antoine. La neutralité s’arrangeait de ces compromissions. À la Libération, la Croix-Rouge internationale s’était donné beaucoup de mal pour qu’on les oublie. Administrer l’ITS participait d’ailleurs de cette volonté. Les délégués avaient œuvré pour construire une paix durable, et faire ratifier de nouveaux accords de Genève. Mais l’humanitaire n’excluait pas d’avoir un agenda politique. Dans la guerre froide, le CICR avait choisi son camp depuis longtemps.
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