Citations sur Faiseurs d'histoires (27)
Ces camps sont peuplés d'êtres humains, aussi intelligents et intéressants que nos plus brillants compatriotes. Dans certaines de leurs cultures, le "comment" des choses est aussi vital qu'un toit. A mesure que j'écris ces pages, je suis de plus en plus convaincue que si le droit d'asile est indéniablement le combat d'aujourd'hui, la dignité sera celui de demain.
[p234]
Ma vie était un grand parking gris avec des mégots de cigarette qui macéraient dans des flaques d'essence, des enfants à la peau luisante qui traînassaient sous le soleil de plomb, des enseignants nuls en maths. J'avais consacré ma jeunesse et toute ma magie à me sortir de là. Une vie meilleure! Ces mots étaient restés coincés dans mon oreille comme du sable.
"Le problème, m'a dit un financier hollandais lors d'une fête de l'entreprise de Philip, c'est que les migrants opportunistes racontent les mêmes histoires que les vrais réfugiés. Ceux-là sont rares. Comment l'IND peut-elle faire la différence ?"
(...)
"Je ne crois pas qu'opportuniste soit le bon mot, ai-je dit. Qu'ils fuient la misère ou autre chose, ils fuient quand même. Ils ne viennent pas ici pour escroquer les gens."
Une vie meilleure ? A Ispahan, nous avions des roses jaunes, une piscine. Un cube vitré s'élevait au milieu de notre salon, avec un arbre à l'intérieur. J'avais un arbre dans ma maison ! J'avais les mains parcheminées de Morvarid, mon amie et nourrice, une villageoise de quatre-vingt-dix ans ; j'avais les rouleaux de pâte au fruits de ma grand-mère, les schnitzels de l'hôtel Koorosh, les cerises aigres, des vergers et une ferme - ma vie en Iran était un conte de fées.
Chaque histoire vraie a ses étrangetés, des choses qui ne peuvent arriver qu'à cette personne là, à ce moment-là.
"Nul ne part de chez soi à moins que chez soi soit la gueule d'un requin", écrit la poétesse Warsan Shire.
Deux hommes discutent assis sur des marches. (...)
Je les écoute une dizaine de minutes. Ils parlent de ce qu'on ressent en mourant, de la douleur du trépas. Ils parlent de la meilleure façon de vivre.
"La vie est comme un film, dit l'un d'eux. Tu peux choisir de ne te concentrer sur aucun détail, de flotter là-haut. Ou tu peux zoomer quelque part et te concentre là-dessus. S'il y a de la douleur, tu la sentiras davantage. S'il y a de la joie, tu la sentiras davantage aussi. Mais si tu restes loin au-dessus de tout, j'imagine que tu pourrais éviter de ressentir quoi que ce soit de façon trop intense.
- Si tu veux vivre, tu es obligé de zoomer, déclare l'autre." (...)
Quand l'un d'eux parle de rester à l'affût de la musique de la vie, je décide que c'est assez joli pour que je m'en aille.
La guerre donnait l'impression que chaque chose serait la dernière de son espèce. Chaque après-midi paisible, chaque dîner en famille, chaque gorgée d'eau.
si vous êtes né dans le tiers-monde et que vous osez tenter votre chance avant d'être anéanti, vos rêves sont suspects. Vous êtes un profiteur, un voleur. Vous ne savez pas rester à votre place.
Car pour réussir une demande d'asile, il ne vous faut pas seulement une histoire vraie. Il faut que vous la racontiez à la manière anglaise, hollandaise ou américaine. Les américains aiment les drames ; ils veulent être émus. Les hollandais veulent des faits. Les anglais se basent sur des précédents, des histoires de chaque pays qu'on estime vraies cette année ou ce mois-là. Les hollandais ont un système similaire. Les américains apprécient la possibilité d'un parcours glorieux, révèrent l'exception et veulent rendre toute réussite américaine.