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La Mer de la fertilité tome 3 sur 4

Tanguy Kenec'hdu (Traducteur)
EAN : 9782070385058
416 pages
Gallimard (10/04/1992)
4.03/5   117 notes
Résumé :
Troisième volume de la tétralogie "La mer de la fertilité", Le temple de l'aube est la suite chronologique de Neige de printemps et Chevaux échappés. A l'évocation du Japon ancestral dans le premier roman, puis, dans le deuxième, des agitations politico-militaires de l'entre-deux-guerres, succède ici la peinture de la société nouvelle qu'engendre la défaite, suivie de l'occupation américaine.


Le lecteur retrouve les personnages familiers de c... >Voir plus
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Les deux premiers tomes de la tétralogie La mer de la fertilité m'avaient complètement gagné. Ainsi, mes attentes étaient élevées pour le temple de l'aube. Et la première partie les a rencontrées. J'ai retrouvé Shigekuni Honda, qui avait abandonné la magistrature pour se lancer dans le droit. Il est maintenant dans la cinquantaine et il commence à sentir le poids de l'âge. Il n'est pas particulièrement proche de son épouse, il n'a pas d'enfants. À ce stade de la vie, n'importe qui se tourne vers le passé, nostalgique. Les années de jeunesse, l'Académie, les princes thaïlandais… surtout son amitié avec Kiyoaki Matsugae, mort trop tôt, Et cette phrase énigmatique : « Je te reverrai. » Puis, tel que prophétisé, le meilleur ami s'est réincarné en Isao Iinuma, un jeune homme aux convictions élevées, lui aussi mort dans la fleur de l'âge. Mais le cycle doit continuer. En 1939, en voyage d'affaires en Thaïlande (il doit régler un litige commercial), Honda entre en contact avec la jeune Ying Chan. À sept ans, elle a de drôles d'idées. « Je ne suis pas une vraie princesse siamoise. Je suis la réincarnation d'un Japonais et mon pays à moi, c'est le Japon. » (p. 31) J'aime bien comment tout est relié, ainsi la présence des princes thaïlandais dans le premier tome n'était-elle pas un détail superflu mais pensé dès le début, important à l'intrigue. Mais bon, je ne m'attendais pas à ce qu'un avocat vieillissant kidnappe une altesse royale mineure. Plutôt, Honda s'embarque dans un voyage spirituel, introspectif en Inde. Même si cette partie était davantage contemplative, partagée entre les réflexions religieuses et philosophiques et ses observations des coutumes indiennes, je ne me suis pas ennuyé. Peut-être ai-je glissé rapidement sur quelques paragraphes mais, dans l'ensemble, c'était différent et intéressant.

Malheureusement, la deuxième partie m'a laissé ambivalent. Elle se déroule quelques années après la guerre. La désillusion est partout mais Honda fait partie de la classe privilégiée donc il ne souffre pas trop. Un jour, il apprend que la princesse Ying Chan se trouve au Japon pour poursuivre ses études supérieures et il cherche à la rencontrer afin de vérifier s'il s'agit vraiment de la réincarnation de Kiyoaki Matsugae. Elle, de son côté, ne se rappelle plus les lubbies de son enfance, pas plus du vieil homme. Elle est devenue une jeune femme énigmatique. Trop, peut-être, parce que je n'ai jamais connectée avec elle. Ying Chan me semblait froide, distante, inaccessible. Peut-être l'auteur Yukio Mishima éprouve de la difficulté à bien cerner un protagoniste féminin ? Quoiqu'il en soit, il s'ensuit de multiples péripéties dont je n'ai pas vraiment compris l'utilité. Entre autres, Honda cherche à jouer les entremetteurs, cherchant à faire dévierger la princesse par un jeune homme de sa connaissance. Pourquoi ? Aussi, par moment, il me paraissait un vieil homme pervers sur le retour de l'âge, qui trouve son plaisir à espionner les femmes à leur insu. Ce n'est pas du tout l'image que je voulais garder de cet homme qui m'avait toujours paru assez respectable même si son intérêt marqué pour le sexe opposée avait été plus d'une fois évoqué. Puis, les événements se précipitent vers la fin, culminant dans une finale décevante. Je m'attendais à la mort de la princesse, comme ce fut le cas des protagonistes dans les deux tomes précédents – après tout, le cycle des réincarnations doit continuer – mais la sienne s'est résumée en quelques lignes presque expédiées.

Dans tous les cas, j'ai tout de même apprécié mon expérience de lecture. Je me suis immergée dans cet univers extraordinaire : la Thaïlande exotique, l'Inde mystique et, surtout, le Japon de l'après-guerre qui se reconstruit, qui cherche sa voie. L'occupation américaine, l'ouverture à la culture occidentale, certaines traditions reléguées aux oubliettes, etc. Yukio Mishima a créé un véritable chef d'oeuvre. Je suis autant impatient que triste à l'idée de me lancer dans le dernier tome de la série.
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Troisième opus de la tétralogie de Mishima, "Le temple de l'aube" est bien différent des deux premiers dans la mesure où l'histoire se déroule en partie hors du Japon.

Le personnage central de la tétralogie, Honda, était au début de celle-ci, en 1912, un brillant étudiant de 18 ans.
Juriste en droit commercial, il se trouve à Bangkok en 1940, pour le compte d'une société japonaise en litige avec un client thaïlandais et profite de l'occasion pour visiter le Siam.
Il n'est pas mécontent de prendre un peu de distance avec la vie trépidante de Tokyo et son climat politique délétère. La tentative de coup d'État d'un groupe d'ultra-nationalistes quatre ans plutôt a marqué les esprits, renforcé le militarisme japonais et entraîné la seconde guerre sino-japonaise.

Depuis sa jeunesse étudiante, Honda est attiré par les anciennes lois indiennes de Manu qui donnaient une importance particulière à la réincarnation.
Ainsi dans le deuxième opus a-il défendu au pénal un jeune homme, Isao, accusé de tentative d'assassinat. Honda voyait déjà en Isao la réincarnation de son ami d'enfance Kiyoaki.
Au cours de la visite d'un palais de Bangkok, il a une entrevue avec une petite princesse de six ans, Clair de lune, qui se dit la réincarnation d'un japonais. Intrigué, Honda se prend à croire que la fille du demi-frère du roi est peut-être la deuxième réincarnation de Kiyoaki.

Malgré la complexité des thèmes abordés et notamment celui de la transmigration des âmes, la lecture n'est jamais rébarbative.
Mishima explique avec force détails les concepts philosophiques et religieux nécessaires à la bonne compréhension du roman, explications pas le moins du monde fastidieuses tant sont omniprésents la beauté de la prose et les talents de vulgarisation de l'écrivain.

Ayant brillamment solutionné le litige commercial, Honda se voit offrir un voyage d'agrément en Inde. Commence alors un périple touristique qui ravira les amoureux de cet immense pays, avec notamment les visites guidées de :
- Bénarès, la terre sainte vivante de l'hindouisme, située sur le Gange,
- Agenta et ses célèbres grottes, haut-lieu du bouddhisme jusqu'au IVe siècle de l'ère chrétienne.

Magnifique roman d'évasion empreint de sagesse orientale, "Le temple de l'aube" peut se lire indépendamment des deux premiers volumes de la tétralogie, surtout si vous projetez de visiter les pays précédemment cités.
Les lecteurs des deux premiers opus goûteront le côté dépaysant de celui-ci, l'intensité dramatique en moins.

Le long cheminement culturel qu'impose Mishima à son héros, développe chez celui-ci une réflexion à plusieurs niveaux l'empêchant de penser de façon simple et directe. Cette profonde introspection permettra-t-elle à Honda de trouver le chemin d'une paix intérieure et de dépasser le mystère de la transmigration des âmes qui depuis des décennies le perturbe ?
Le démon de midi qui peu à peu se réveille chez Honda dans la seconde partie du livre, accentue encore un peu plus son questionnement existentiel. Sans concession pour son héros qui refrène difficilement un voyeurisme obsessionnel, l'écrivain nous réserve un épilogue d'une originalité savoureuse.
La grande littérature est une fois de plus au menu du Chef Mishima !
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Comme tout un chacun, et plus que tout autre peut-être eu égard à ses intentions – n'oublions pas qu'il est avec cet ouvrage sur le troisième opus de son oeuvre testament laquelle en comporte quatre – l'auteur de la Mer de la fertilité est confronté à la perpétuation de la vie. Avec lui point de quête d'éternité dans l'au-delà, de place auprès de Dieu ainsi que peuvent nous le promettre quelques religions monothéistes en perte de vitesse en ce troisième millénaire, il ne peut donc être question que de transmigration de l'âme, de réincarnation. le seul point qui accorderait peut être les différentes croyances quant au sort réservé après la mort est la vertu du comportement de la personne de son vivant. Cette vertu s'exprimant parfois non pas en dévotion ou actions charitables, mais en pureté d'intention laquelle peut fort bien comporter l'élimination d'autrui, s'il est convaincu de corruption par les vices inhérents à la nature humaine.

Nul doute que Mishima décèle dans la perpétuation qu'il applique à ses héros, une voie pour son propre avenir dont il semble avoir décrété l'échéance. Marguerite Yourcenar qui s'est intéressée à cet écrivain dans Mishima ou la vision du vide trace dans son oeuvre les indices qui témoigneraient de son intention. Elle y voit un artisan en préméditation de son chef-d'oeuvre : sa fin spectaculaire selon le rituel samouraï.

Isao le fervent nationaliste du tome deux de la tétralogie, Chevaux échappés, était la réincarnation de Kiyoaki, l'amoureux éperdu de Neige de printemps, le premier tome. Les dernières lignes de chacun de ces ouvrages faisant disparaître leur héros, Honda leur survivant est le témoin attesteur de leur réincarnation. Dans ce troisième opus, la transmigration des âmes ne connaissant ni frontière ni race, c'est la princesse siamoise Ying Chan qui se dit elle-même réincarnation d'Isao. Honda s'en convainc et cherche sur son corps par ses indiscrétions équivoques le signe qui confirmera le fait.

Le temple de l'aube est un ouvrage quelque peu déroutant. Autant une première partie voit son héros en quête de la réalité de la réincarnation, allant la en chercher les preuves jusqu'à Bénarès en Inde, le sanctuaire de l'hindouisme, autant la seconde plonge son héros, Honda, dans la déviance comportementale du notable respecté qu'il est, faisant de lui un voyeur des ébats sexuels de quelques couples occasionnels dont il a lui-même favorisé le rapprochement. Il s'en expliquera auprès de son épouse, Rié, qui le surprendra dans cette posture condamnable.

Il y a toujours dans le texte de Mishima cette communion avec la nature qui s'exprime par de longues tirades contemplatives, lesquelles trouvent leurs prolongements dans la poésie mise dans la bouche de l'une ou de l'autre de ses personnages. Tirades qui peuvent distraire le lecteur du fil directeur de l'ouvrage d'autant que certaines allégories sont assez poussives et terre à terre. Mais le chemin est tracé et Mishima y ramène ce dernier avec l'obsession du but à atteindre que le quatrième opus au titre annonciateur, l'Ange en décomposition, ne devrait pas manquer pas à mon sens de nous révéler.

Dans ma perception de lecteur peu averti des croyances religieuses qui ont cours en extrême orient, je situe ce troisième opus au creux de la vague de la tétralogie. Je l'ai trouvé déséquilibré, pénalisé par cette dichotomie comportementale chez Honda en ces deux parties de l'ouvrage. Une première tout orientée vers une quête de spiritualité, parfois absconse à mon entendement, l'autre vers la recherche de preuve physique sur le corps de la princesse qui rabaisse son protagoniste en une trivialité coupable en complète rupture avec la qualité du personnage. Mais cette perception est affaire de culture personnelle et ne me retiens pas de m'engager sur le quatrième volet de la tétralogie. Je garde à l'esprit le cheminement intellectuel mortifère que fomente son auteur. Il se donnera la mort au bout de ce chemin. Et comme Marguerite Yourcenar, je tente de comprendre cette démarche sacrificielle dans ces textes, de déceler les traces de ce poison qui lentement fait son oeuvre.
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Le temple de l'aube est la partie la plus composite et la plus contrastée de la tétralogie. Il est scindé en deux parties principales de 200 pages chacune, aux climats très différents, mais qui se nourrissent l'une l'autre. La première partie est exotique (Marguerite Yourcenar dit sévèrement dans "Mishima ou la vision du vide" que c'est un peu trop "touristique" avec une réflexion sur le bouddhisme trop littérale comme si l'auteur voulait s'en débarrasser une fois pour toute sans se l'approprier véritablement). Honda en déplacement d'affaire à Bangkok fait la connaissance de la jeune princesse Chantrapa (ou Ying Chan surnommée "Clair de lune") qui lui apparaît comme la nouvelle réincarnation potentielle de Kiyoaki et Isao, ainsi que le rêve d'Isao l'avait suggéré dans Chevaux échappés.

Cette révélation entraîne chez Honda le désir d'approfondir ses connaissances sur le bouddhisme et la réincarnation en allant puiser à leurs sources au cours d'un voyage en Inde après avoir quitté la Thaïlande. Nous assistons donc successivement à des descriptions extrêmement belles de la ville de Bangkok avec le Wat Arun (Le temple de l'aube) ou le palais impérial puis les spectaculaires fêtes sanglantes de Calcutta dédiées à la déesse Kali, les rites funéraires de Bénarès dans un climat de fin du monde, l'ascension vers les grottes d'Ajanta...

Ce sont certes des sites emblématiques et touristiques mais la description qu'en fait Mishima atteint des moments de fulgurance inoubliables même si j'aurais aimé m'attarder un peu plus longuement dans chacun de ces lieux envoûtants.

Puis survient la partie la plus contestée par Yourcenar qui concerne l'explication par Honda de ses recherches sur les origines et les variantes du concept de Samsara et de conscience Alaya. Elle occupe une trentaine de pages (des chapitres 13 à 19) qui sont assez ardues et abstraites, peut-être trop littéralement théoriques, mais qui ont beaucoup d'importance pour comprendre le cheminement de pensée de Honda dans la seconde partie puis dans L'ange en décomposition. C'est assez impressionnant et déroutant mais j'avoue y avoir éprouvé du plaisir parce que cela m'a donné des clés non seulement pour La mer de la fertilité (le titre, l'image de la cascade choisie par Quarto...) mais aussi pour mieux appréhender le cinéma d'Apichatpong Weerasethakul (Oncle Boonmee notamment). Les plus réfractaires pourront zapper sans problème ces trente pages mais ça serait dommage...

Enfin nous voilà dans la seconde partie qui se déroule au Japon dans un Tokyo dévasté par la guerre ainsi que dans les environs du Mont Fuji entre le quartier résidentiel de Gotemba et le sanctuaire Shinto de Sengen.

C'est une partie extraordinaire qui n'est pas sans évoquer Marcel Proust par cette façon de suggérer les ravages du temps qui passe (un incroyable Tokyo en ruine et une apparition qui m'a rappelé les descriptions de la Berma vieillissante), les impasses de la vie conjugale, le regard ironique porté sur l'aristocratie locale dans des scènes de réceptions mémorables et délectables. Il y a une grande cruauté dans cette vision pessimiste et dépressive de l'humanité qui n'en est pas moins aussi lucide et désenchantée que perverse. Il y a des séquences érotiques d'une grande intensité et d'une puissante volupté jusque dans le voyeurisme. Et il y a surtout cette quête insatisfaite et illusoire de la beauté (celle de la sublime Ying Chen) qui apparaît peut-être comme la mort elle-même. le final est très spectaculaire.

On est aspiré par un vide sidéral et la manière dont il décrit la personnalité de Honda comme celle de son épouse est d'une grande richesse psychologique. Chaque personnage a du relief (formidable Keiko) et le regard porté sur eux sans concession. Mishima montre la fin d'un monde, de la beauté des traditions ancestrales qu'il avait sublimées dans Neige de Printemps, du couple (quelle violence morale entre Honda et Rié!!), des illusions. L'occidentalisation est presque perçue comme une déchéance (et le bref portrait des occidentaux est assez méprisant. Celui des japonais n'est pas beaucoup plus reluisant). Mais paradoxalement il en ressort un attachement déchirant à ces lieux et à ces personnages qui sont emportés par le temps mais sublimés par sa plume unique. Avec l'idée que peut-être la pensée bouddhiste permettrait de dépasser la souffrance et le dégoût de soi. Honda y parviendra-t-il à la fin de sa vie dans L'ange en décomposition? En tout cas Mishima s'est suicidé après avoir achevé son oeuvre...
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A la fin du tome 3, je reste mitigée entre la fascination pour le grand écrivain, capable de fouiller, ciseler, décortiquer les plus fines nuances et plus sombres méandres de l'âme humaine, les beautés d'une floraison, les raffinements d'une lumière, d'un jardin ou d'un paysage, les lumineux emballements de la passion, l'implacable fatalité… tout en narrant le Japon ancestral, héroïque ou quotidien, puis battu en brèche, puis américanisé et modernisé, tout en gardant entremêlées les diverses strates de ses états antérieurs. Ça c'est pour l'ampleur, l'espace, la richesse et la maîtrise du roman, qui laissent béat d'admiration. Mais il y a le revers, par moment, je me plains d'un écrivain prolifique, qui (se regarde) écrire les complexités de la pensée et de l'action des jeunes anarchistes de droite, (cf Chevaux échappés, tome 2) nostalgiques du culte de l'empereur et des dieux (c'est pareil) : le complot d'Isao Iinuma raconté par le menu est quand même indigeste, même s'il met en scène l'étrange personnage d'isao, dont Honda se persuade qu'il est la réincarnation de Kiyoaki, l'amoureux de Neige de printemps, un Isao forcené de pureté et de fidélité à ses idéaux. Un sorte de diamant inaccessible à rien d'humain, farouchement corseté dans ses valeurs et fidèle à lui-même. J'avais quand même hâte qu'il parvienne à conclure. le dernier tiers (arrestation, prison, procès et final) reprend de la vigueur et de la grandeur.
De même la première partie du tome 3 (Le Temple de l'aube) laisse complètement désemparé devant ce foisonnement de concepts, quand Honda accomplit son voyage en Inde, avant l'entrée en guerre du Japon. Même si les descriptions de Bénarès sont magistrales, saisissantes et dantesques, il reste toutes les spéculations sur les avatars de la pensée hindouiste et bouddhiste pour cerner la vérité de la réincarnation. Pour un esprit occidental moyen, c'est totalement abscons, et je me suis contentée de survoler cet océan d'érudition, me disant au passage que j'étais là pour lire un roman, et pas une compile philosophico-religieuse. Bref. La deuxième partie change du tout au tout, on retrouve Honda et son esprit analytique curieusement entaché de croyances irrationnelles, embarqué dans une quête étrange fixée sur la personne de Ying Chan, la princesse Thai, 2ème réincarnation de Kiyoaki. On est dans le Japon d'après-guerre, une ère d'enrichissement, de modernité (et de vulgarité ?). le personnage de Honda, avocat riche et arrivé, révèle sous ses dehors de grand bourgeois prospère une nature calculatrice et perverse. Il est dénué d'illusion sur lui même comme sur le genre humain, empreint de l'aridité de la lucidité et du pessimisme et toujours en quête de l'inaccessible réalité de la mort et de la réincarnation. On a envie de deviner Mishima à l'arrière-plan.
Je commence L'Ange en décomposition. Séquence inaugurale : l'observation de la mer, du soleil et l'étrange personnage de Toru Yasunaga, 16 ans, celui qui guette, « l'oeil qui n'a rien à faire que de chercher à voir »… « tout à fait convaincu qu'il n'appartenait pas à ce monde ». On devine le 3ème sujet de réincarnation.
Honda a 76 ans -20 ans plus tard, donc - et se plaît à la compagnie de sa vieille complice, la brillante Keiko : ils sont « devenus de parfaits compagnons de vieillesse »… J'attends avec curiosité et impatience les circonvolutions que va prendre l'affaire.
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Citations et extraits (33) Voir plus Ajouter une citation
Le bouddhisme connut une décadence soudaine en Inde peu après le quatrième siècle de l'ère chrétienne. On a dit à juste titre que l'hindouisme l'avait étouffé en lui donnant l'accolade. Comme le christianisme et le judaïsme en Judée, le confucianisme et le taoïsme en Chine, il fallait que le bouddhisme fût exilé de l'Inde pour qu'il pût devenir une religion universelle.
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Pour la première fois depuis bien des jours, on apercevait le Fuji au-delà du jardin. Déjà, la montagne prenait une allure estivale. Ses jupes de neige étaient remontées plus haut qu'on ne s'y attendait et, au soleil du matin, la terre rutilait, couleur de brique trempée de pluie.
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Ayant consulté la carte, il vit que les endroits qu'il désirait visiter - les grottes d'Ajanta et Bénarès sur le Gange - étaient si éloignés l'un de l'autre qu'il en défaillit presque. Pourtant, chacun d'eux attiraient également l'aiguille magnétique de son désir de l'inconnu.
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Hormis les calamités naturelles, les évènements historiques ne se produisaient, si inattendus qu'ils pussent paraître, qu'après un long mûrissement. L'histoire est aussi hésitante qu'une toute jeune fille devant une proposition romanesque.
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Le monde du bouddhisme theravada ressemblait à la saison des pluies à Bangkok quand le fleuve, les rizières et les champs offrent à l'infini une étendue ininterrompue. Or, les inondations dues à la mousson ont dû se produire également dans le passé, et elles se produiraient de même dans l'avenir. Le dattier phoenix du jardin, aux fleurs vermillon épanouies, était là hier et par conséquent y serait sans doute encore demain. S'il était certain que l'existence continuait, disons, même après la mort de Honda, de même façon son passé certainement se poursuivait sans heurts jusque dans l'avenir en des réincarnations répétées.
Une acceptation aveugle du monde tel qu'il est, la docilité tropicale si naturelle à un pays qui accepte les inondations, étaient caractéristiques des adeptes du Theravada. Ils enseignent que notre existence se poursuit, procédant du passé à travers le présent jusque dans l'avenir; passé, présent et avenir ressemblent aux eaux brunes, immenses d'un fleuve bordé de palétuviers avec leurs racines aériennes, au cours pesant et paresseux. On donne à cette doctrine le nom de théorie de la constante existence dans le passé, le présent et l'avenir.
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Videos de Yukio Mishima (17) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yukio Mishima
Yukio Mishima (1925-1970), le labyrinthe des masques (Toute une vie / France Culture). Diffusion sur France Culture le 20 février 2021. Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Marie-Laure Ciboulet. Prise de son, Philippe Mersher ; mixage, Éric Boisset. Archives INA, Sandra Escamez. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. 25 novembre 1970 : Yukio Mishima, écrivain iconoclaste japonais âgé de 45 ans, met en scène sa propre mort ; alors qu’il s’apprête à quitter le monde, il livre à son éditeur "La mer de la fertilité", véritable testament littéraire et spirituel de cet auteur tourmenté, fasciné par la mort rituelle. Cet homme nostalgique, avec son goût du vertige et de l'absolu, son amour des corps vierges et des âmes chevaleresques, sa quête effrénée des horizons perdus laisse une œuvre considérable qui raconte sans aucun doute la recherche d’une pureté illusoire et la laideur du monde. Lectures de textes (tous écrits par Mishima) : Barbara Carlotti - Textes lus (extraits) : "Patriotisme. Rites d’amour et de mort" (film de et avec Yukio Mishima, 1965. À partir de "Yūkoku", nouvelle parue en 1961) - "Confessions d’un masque" - "Le Lézard noir" - "La Mer de la fertilité". Archives INA : Ivan Morris et Tadao Takemoto - Flash info annonçant la mort de Mishima le 25 novembre 1970. Extraits de films : "Mishima" de Paul Schrader (1985) - "Le Lézard noir" de Kinji Kukasaku (1968) - Extrait du discours de Mishima juste avant son seppuku, le 25 novembre 1970.
Intervenants :
Pierre-François Souyri, professeur honoraire à l’université de Genève spécialiste de l’histoire du Japon Fausto Fasulo, rédacteur en chef des magazines "Mad Movies" et "ATOM" Tadao Takemoto, écrivain, spécialiste et traducteur de Malraux au Japon et vieil ami de Mishima Dominique Palmé, traductrice de Mishima chez Gallimard, spécialiste de littérature japonaise et de littérature comparée Julien Peltier, spécialiste des samouraïs, auteur de plusieurs articles parus sur Internet et dans la presse spécialisée, en particulier les magazines "Guerres & Histoire (Sciences & Vie)" et "Actualité de l'Histoire". Il anime également des conférences consacrées aux grands conflits de l'histoire du Japon Thomas Garcin, Maître de conférences à l’Université Paris 7 - Diderot, spécialiste de Mishima et de littérature japonaise Stéphane du Mesnildot, critique de cinéma, et spécialiste du cinéma japonais
Source : France Culture
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