Domenico Scarlatti, un compositeur napolitain méconnu que j'ai découvert il y a une dizaine d'années grâce à une chronique radio de Thierry Geffrottin. Une partie importante de son oeuvre a disparu – dans le tremblement de terre de 1755 qui détruisit Lisbonne entre autres – et l'on connait surtout ses 555 sonates qui peuvent être jouées au clavecin ou au piano. Grâce à ce livre, j'ai découvert aussi un très bon Stabat Mater.
Martin Mirabel raconte avec style et brio la vie de cet homme expert du clavier, né la même année que Bach et Haendel (en 1685), renfermé et peu intéressé par la gloire, longtemps étouffé par la célébrité de son père Alessandro. Il parvient à remplir les nombreux blancs en pénétrant son esprit et en imaginant ce qu'il aurait pu penser, comment il aurait pu faire émerger telle idée. Mirabel se fait poétique, lyrique, il use d'étonnantes analogies comme celle mettant en relation les azulejos du Portugal et les sonates : « les azulejos sont des motifs variés et répétés et peuvent faire songer de loin aux sonates de Scarlatti. Acceptation et affrontement du vide. Les rainures entre les carreaux de faïence sont l'équivalent des modulations brusques de Domenico ».
On accède à la vie de diverses cours d'Europe, et surtout celles de Jean V du Portugal et de Philippe V d'Espagne, pays où le compositeur officia longtemps, des cours dont les livres d'Histoire parlent assez peu. On les voit peu à peu laisser l'Inquisition en arrière et pénétrer les Lumières. On découvre le « règne des mélomanes » d'Espagne, L'Infante Maria Barbara du Portugal, mariée à Ferdinand VI d'Espagne et élève particulière de Scarlatti. On voit arriver le castrat Farinelli en Espagne et on partage un peu de sa vie aussi. C'est tout ce sud de l'Europe, vue d'en haut, qui brille sous les sentences de Mirabel.
Et l'on découvre la postérité de l'oeuvre, longtemps discrète, longtemps jouée au piano avant le retour du clavecin dans la deuxième partie du XXe siècle.
Martin Mirabel décrit un peu ses interprètes géniaux : Vladimir Horowitz ou
Scott Ross.
Ne reste plus qu'à écouter, ou réécouter.
Je me reconnais dans les mots de Schumann qui disait : « Point trop n'en faut, mais il est merveilleux en usage modéré, au bon moment ». Écouter un album entier me fatigue vite. Comme pour les Maximes de la Rochefoucauld il faut picorer, ici avec l'oreille. Les sonates lentes passent mieux au piano et les rapides s'encanaillent au clavecin.
555 sonates : vous avez le choix.