Sur le papier, Damián et Laura élèvent leurs quatre enfants dans un environnement aimant et bienveillant. Forts de leurs valeurs progressistes, ils ont à coeur de partager des moments familiaux en toute simplicité. En apparence. Parce qu'une fois la porte poussée, c'est un patriarche despote et avide de contrôle qui règne en maître sur son petit monde, que l'on retrouve. Sous couvert d'ouverture sur l'autre et de libertés individuelles conservées, Damián verrouille et annihile chaque volonté d'émancipation et de tentative de jardins secrets. Sans élever la voix, il humilie et méprise sans merci chaque membre de
la famille.
Roman à tiroir, en accordéon, dans lequel on plonge au sein de cette famille brisée; roman familial qui analyse au couteau les fêlures et ses conséquences liées à une enfance sous le joug d'un père castrateur, il n'y a pas de doute,
Sara Mesa sait mettre ses lecteurs mal à l'aise tout en dévoilant l'intime, sans concession mais toujours avec un voile opacifiant qui ne dit pas tout. On s'interroge, on suppute, on imagine … et ce, jusqu'à la fin. Ne cherchez pas dans ce roman un quelconque dénouement qui pourrait répondre à toutes les questions que vous pourriez vous poser, là n'est pas la volonté de l'autrice. Elle défonce des portes, les laissant grandes ouvertes, à tout jamais.
Après ma découverte de
Sara Mesa en 2022 avec le merveilleux "
Un amour", j'attendais son nouveau roman avec grande impatience et ne suis pas déçue, loin de là. Spécialiste du malaise et de la suggestion, l'écrivaine espagnole confirme, avec ce quatrième roman, son talent hors pair pour cisailler et décortiquer les relations humaines.
Alors, peut-on échapper à sa famille ? Rien n'est moins sûr. En tous cas, le linge sale se lave en famille, ça c'est certain.