Car les mères , par on ne sait quelle magie cosmique , sont sensées savoir toutes les choses importantes qui concernent leurs enfants .
Elle avait toujours imaginé avoir une famille. Au moins deux enfants, voire trois. Au départ, elle avait espéré éviter de n'en avoir qu'un, étant donné qu'elle avait elle-même souffert d'être fille unique. Cependant, elle avait fini par prendre conscience que cela n'impliquait pas forcément de le traiter dès la naissance comme un adulte miniature.
(p. 30)
" Ma mère , elle, elle est toujours là, a fait Dylan . Un vrai boulet ."
En vouloir à ses parents est le droit fondamental de tout adolescent .
J'allais devoir poser mes questions par un chemin détourné.
" Est-ce que tu appartenais à une sororité quand tu étais à la fac ? " lui ai-je demandé.
Sororité, club secret. C'était un moyen sûr de poser la plupart de mes questions.
" Une sororité ? "
Elle a semblé un instant perplexe puis quelque peu gênée.
" Oui, j'ai bien peur que oui.
Ça y est, avait songé Kate. C'est officiellement une adolescente. A partir de maintenant, ce ne sera plus nous deux contre le reste du monde, mais elle contre moi.
(p. 25-26)
C'est là l'objectif principal du club : faire se sentir mal celles qui n'en font pas partie et menacer en permanence les membres de perdre leur statut spécial. Cette dynamique présente toujours de multiples dangers.
Le Dr Lipton m'a longuement dévisagée ,complétement immobile , on aurait dit une sorte de lézard . Je m'attendais à voir d'une seconde à l'autre sa langue jaillir de sa bouche et se coller sur ma joue .
"Exclue temporairement ? Non, pas Amelia. Kate, malgré son travail accaparant, connaissait sa fille. Vraiment. Il y avait erreur".
Quand je suis parvenue au sommet de l'escalier, elle a écrasé sa cigarette sur le perron, passé son bras sous le mien et m'a conduite à l'intérieur. Son salon était plein à craquer de meubles, de babioles et de corps : mecs et filles empilés sur des canapés et étalés par terre. La pièce était aussi complètement enfumée. Sgit, cigarettes. Presque tous avaient une bière à la main. J'avais dû m'arrêter car Dylan m'a doucement tirée en direction de la cuisine.
« T'as jamais vu de bringue, ou quoi ? » s'est-elle esclaffée en se dirigeant vers le frigo, d'où elle a sorti une bière blonde de Brooklyn.
Si, j'avais déjà été à des bringues : bringues pyjamas, bringues ciné, bringues d'anniversaire et même bringues garçons-filles. Jamais à une bringue comme ça.
Dylan a décapsulé la bouteille d'un coup sec et me l'a tendue comme s'il s'agissait d'un chewing-gum. Je l'ai prise. Du moins, je crois, vu que la bouteille était là, dans ma main. Elle était froide, visqueuse et plus lourde que ce que j'aurais cru. J'ai serré fort les doigts pour ne pas qu'elle m'échappe. J'avais déjà bu du vin à Noël, et Sylvia et moi, on s'était enfilé une fois un shot de whisky dégueu de son père. Mais je n'avais encore jamais bu de bière, et certainement pas une à moi toute seule à une bringue bourrée de gens coolissimes.