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sur 696 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un repas de famille qui tourne mal : Bernard, alias Feu-de-Bois, offre une broche coûteuse à sa soeur. L'homme, paumé, alcoolique, n'a pas le sou, c'est notoire. Scandale : où a-t-il trouvé l'argent ? Fuyant la désapprobation de ses proches, Bernard quitte la fête, ivre, se rend chez des voisins maghrébins, s'en prend à la femme. Pourquoi ?… La voix de son cousin Rabut nous en dit plus sur l'origine des fêlures de cet homme, via sa jeunesse, mais aussi et surtout la guerre d'Algérie telle qu'ils l'ont vécue, tous les deux, en tant que soldats.
Une lecture d'abord difficile en raison du style fastidieux de la première partie : de longues phrases qui, telle la pensée, s'égarent dans des va-et-vient tacites entre les époques. J'ai vraiment dû m'accrocher pour me situer, pour comprendre, pour avoir envie de poursuivre. Puis à la moitié de l'ouvrage, le récit change de style, de rythme : à peine une transition et on entre de plein fouet dans la guerre d'Algérie. Les descentes dans les villages pour trouver les fellaga, les sacrifices d'enfants pour obtenir des informations ou punir le mutisme, les nuits de solitude et de terreur à faire le guet, l'ennui aussi, la plupart du temps, l'attente. Et puis les représailles, les copains torturés, massacrés... Au milieu de cela, les prières et les bons moments auxquels on se raccroche pour ne pas désespérer : les pensées pour la femme aimée, les rêves d'un bel avenir en France, les lettres à une soeur, les permissions à Oran... La fin de la guerre, enfin, tant attendue, mais avec son lot de règlements de comptes sinistres, et le retour en France d'hommes brisés... Un témoignage important, parfois insoutenable, sur une guerre encore taboue, dont ceux qui étaient "là-bas" n'arrivent toujours pas à parler, cinquante ans plus tard... et pour cause : "On pleure dans la nuit parce qu'un jour on est marqué à vie par des images tellement atroces qu'on ne sait pas se les dire à soi-même." (p. 268)

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Comment les ravages de la guerre ressurgissent bien longtemps après les faits
? Ils avaient vingts ans au moment de la guerre d'Algérie et se sont retrouvés embarquer dans une guerre qui ne disait pas son nom. Pourquoi se retranche t'on dans le silence pour vivre sa vie. Mauvignier aborde un sujet longtemps tabou avec un talent narratif remarquable. Des hommes vous secouent avec une grande force et Mauvignier signe un livre apre, poignant et dur. Injustement oublié des prix littéraires, un des grands lvres de 2009.
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Ce roman raconte les conséquences post traumatiques de la participation d'hommes à la guerre d'Algérie en 1960. Bernard, Rabut et Février, appelés du contingent ont vécu des situations qui les ont marqués à vie et entraîné des attitudes, des comportements pouvant paraître anormaux à leur entourage. La construction romanesque est habile, puisqu'on constate d'abord, quarante ans plus tard lors d'une fête de famille l'état psychologique et physique de Bernard et Rabut qui seront décodés ensuite par leur séjour algérien. L'écriture de Laurent Mauvignier permet de cerner de façon précise les méandres de la pensée des personnages en leur donnant une présence et une intensité fortes qui ménagent un suspens permanent.
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« ….on ne sait pas ce que c'est qu'une histoire tant qu'on n'a pas soulevé celles qui sont dessous et qui sont les seules à compter, comme les fantômes, nos fantômes qui s'accumulent et forment les pierres d'une drôle de maison dans laquelle on s'enferme tout seul, chacun dans sa maison, et quelles fenêtres, combien de fenêtres? » (P. 272)

C'est l'anniversaire de Marie-Jeanne. Bernard, ou « Feu de bois » pour les copains, a l'habitude de taper tout le monde pour avoir de l'argent. Mais aujourd'hui il lui offre une broche en or nacré.

Comment l'a-t-il achetée? Est-ce l'argent de sa mère qu'il aurait pris avant qu'elle parte en maison de retraite?

Chefraoui se présente à la gendarmerie. En rentrant chez lui il a trouvé la mobylette de Feu de Bois. Mais celui-ci, surpris par la femme de Chefraoui a pris la fuite. Il s'en était pris au chien qui l'a mordu.

Bernard était, quant à lui, parti 28 mois vers les Djebels, comme des milliers d'autres pour faire la guerre en Algérie. Rares sont ceux qui en sont revenus sans aucune attitude raciste à l'égard de ces Algériens!

« Ce que c'est qu'être mineur, dépendant des parents, pas bon à voter mais déjà bon pour les djebels.«

Ils n'avaient pas 21 ans mais étaient bons pour le casse-pipe…Quelque soit la guerre !

Un racisme banal, entre ces soldats appelés français qui, en partant faire la guerre d'Algérie, ont sacrifié leur jeunesse, ont perdu des copains et les Arabes, arrivés en France, à l'issue de cette guerre.

Venus pour travailler sur les chantiers, dans les mines, dans les champs..

Je n'avais pas quinze ans mais je me souviens parfaitement de cette période ! Pourtant je n'habitais que dans une petite ville, dans laquelle ces algériens étaient facilement reconnaissables. Et rares. Mais ce racisme était dans l'air du temps. Normal

Chefraoui était venu travailler, à la mairie, il avait quitté l'Algérie, seul, sans femme ni enfants. Mais personne n'avait voulu qu'il soit le représentant du personnel de la mairie !

Relations entre deux hommes, deux conceptions que tout oppose, et rappel de cette période, des descentes dans les villages du Maghreb, des exactions, du racisme ordinaire.

« ..tu sais, on pleure dans la nuit parce qu'un jour on est marqué à vie par des images tellement atroces qu'on ne sait pas se les dire à soi-même. » …..ceux qui ne l'ont pas vécu ne peuvent se l'imaginer… Personnellement je me souviens de réveils brutaux, de cris, d'amis chez qui j'avais dormi..

Toujours hantés mais à jamais secrets.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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bookapax, très influente, m'a donné envie de lire Laurent Mauvignier. N'ayant pas trouvé "Histoires de la nuit" qu'elle avait adoré, je me suis penchée sur le seul que j'ai trouvé chez mon libraire; « Des hommes ».

Quels hommes ? Des hommes français, conscrits, appelés en Algérie pour y mener une guerre qu'ils ne saisissent pas, ne comprennent pas. Ils y vont parce qu'ailleurs, plus haut, quelques-uns ont décidé qu'il en allait de leur devoir de citoyens français. Ils y vont obligés et ils découvrent une terre qui ne leur appartient pas, ne leur appartiendra jamais. Cette terre, ils ne la connaissent pas ; ces habitants, ils ne les rencontrent pas. L'Algérie est pour eux un service militaire dont il voudrait vite se débarrasser, une énigme qui, toute leur vie, les torturera. Pourquoi ? Pourquoi cette guerre ? Pourquoi cette horreur ? Oui, pourquoi ? Ces hommes sont marqués, à vie, et ils ne peuvent en parler, jamais. Pour dire quoi ? A qui ? La guerre d'Algérie est devenue une guerre des mots. 

Le roman, par son thème, sa conscience politique aiguisée, son intelligence, m'a intéressé. Il montre la lâcheté d'un pays qui fait de la participation à la guerre d'Algérie un devoir de citoyens mais qui, une fois la guerre finie, les oublie. Pourquoi ? Pourquoi faut-il taire cette guerre ? Parce qu'elle est une honte ? Parce qu'elle est une perte ? La guerre d'Algérie est un trou dans L Histoire, un charnier meurtrier, une fosse commune qui entasse des morts par milliers, portés par la mémoire défaillante de toutes celles et ceux qui ont connu ou participé à cette guerre d'humiliés. Et ce poids pèse. Il assomme. Laurent Mauvignier raconte, avec efficacité, des hommes qui se sentent humiliés.

Bémols dans ce roman, j'ai eu quelques difficultés avec l'écriture et la trame de l'histoire. En voulant retranscrire tel quel le « parler » de ces campagnards, l'auteur a alourdit son texte difficile à digérer. C'est un parti pris que certains apprécieront peut-être mais qui a gâté quelque peu ma lecture. Quant à cet incident, minime, qui a enclenché le défilé des souvenirs, je n'y ai pas cru. Disons plutôt que je ne l'ai pas compris.
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Whou ! Quel style, quelle écriture !
Je dois avouer que j'ai mis quelques pages à m'y habituer et me suis rendu compte que parfois je survolais une dizaine de lignes, puis je revenais dessus et j'appréciais.
Cette écriture à la fois orale et parfaitement maîtrisée, avec ses hésitations, ses phrases laissées en suspend, comme dans nos propres pensées, oblige le lecteur à s'impliquer, à ne pas rester simplement lecteur.
Le thème du roman, les cicatrices, les rancoeurs, les peurs, laissées par la guerre d'Algérie, s'y prête particulièrement.
Quarante ans plus tard, si tout a voulu être oublié, rien ne l'a été et un rien peut faire basculer dans le passé, l'utilité de cette guerre (ou son inutilité), les atrocités commises de part et d'autre, les unes répondant aux autres.
La dernière phrase est déchirante : "je voudrais savoir si l'on peut commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard".
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Lecture difficile que ce roman de Mauvignier, difficile parce que chargée émotionnellement, difficile parce que la guerre, difficile par ce qui n'est pas dit, difficile en raison du choc que ces hommes ont vécu, choc qui propage son onde sur toute leur vie et sur toutes celles et ceux qui les côtoient. Laurent Mauvignier, pour transmettre tout ce poids et tout ce tourment, adopte une écriture qui est proche du langage parlé avec ses hésitations, avec ses non-dits, avec ses phrases qui n'aboutissent pas et qui restent en suspens, avec...

Sous la plume de Mauvignier, plusieurs narrateurs racontent, en différents moments de la ligne du temps. le sujet, c'est celui de la guerre d'Algérie, mais surtout celui d'une famille élargie qui vit encore aujourd'hui dans son quotidien les affres de cette guerre. Ce sont les relations de Bernard avec sa famille, avec sa soeur et ses frères, avec son cousin qui a aussi vécu les «événements», avec ceux qui ont soufferts et qui souffrent de ce tumulte non cicatrisé. C'est aussi Bernard et des soldats qui envahissent un village, c'est Bernard dans la nuit en sentinelle seul avec sa peur.

C'est une oeuvre marquante par sa forme et par l'impact de son propos.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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Que de souffrances enfouies dans ce livre. Il raconte l'histoire des hommes ( Bernard, Rabut...) appelés en Algérie puis rappelés chez eux deux ans plus tard... et qui reprennent leur vie. Mais quarante après ce passé refait irruption.

J'ai aimé le style d'écriture plutôt intimiste de l'auteur et l'analyse et la description du choc de la guerre pour des individus qui ne peuvent s'en remettre jamais complètement.
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« Des Hommes » de Laurent Mauvignier résonne en ce mois de janvier 2021 avec le rapport de Benjamin Stora sur « les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie ». le conflit, quelque soixante ans après, présente des cicatrices inguérissables, et poursuit, par un silence tonitruant, son oeuvre destructrice. le livre de Laurent Mauvignier se singularise par son style, sa construction, la puissance des thèmes abordés.
Quand un cadeau d'anniversaire provoque interrogations et suspicions, la fête familiale verse dans l'acte violent. Bernard, le clochard, a offert une bague de prix à sa soeur, ce cadeau provoque l'incompréhension de la famille. le sentiment d'exclusion, amplifié par l'alcool, pousse Bernard à violenter une famille d'origine maghrébine, intégrée au village. Bernard, ancien combattant en Algérie, a raté son retour à la vie civile et ne peut oublier l'horreur de la guerre.
L'auteur construit le roman en quatre temps. Rabut, raconte, dans « l'après midi », la fête et la réaction violente de son cousin Bernard. « le soir » est propice aux réactions de la famille, comment Bernard en est-il arrivé là ? « La nuit » retrouve la guerre, avec ses horreurs qui marquent à jamais. Bernard et Rabut se sont retrouvés là-bas ensemble, les souvenirs ont été enfouis, les projets se sont évanouis.. « le matin » est le retour à la vie, au quotidien mais « peut-on commencer à vivre quand on sait que c'est trop tard » conclut l'auteur.
Le style marque l'indicible, il essaie de coller à la réalité du vécu et rythme une tension qui va dégénérer. Les situations décrites sont autant d'arrêts sur images sur un plan visuel. le langage est direct, l'oral cherche à cerner les réactions, les intentions..
La vie des appelés sert de cadre au récit de la guerre : l'isolement du camp militaire, les corvées, les patrouilles… « L'ennemi » reste invisible, les attaques sont soudaines et la mort horrible. Les représailles suivent avec la même violence et inhumanité. L'incompréhension des appelés face à cette guerre sans nom aboutit à une défaite qui plonge les soldats dans le mutisme, l'oubli.
A la lecture, « Des Hommes » indispose . le conflit déchire toujours les consciences, le passé ne passe pas. La mémoire oubliée, enfouie empêche la travail de la Mémoire Historique. Un livre à conseiller.
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Comme elle fut laborieuse la lecture de ce roman. Je découvrais Laurent Mauvignier et son écriture… Ses écritures devrais-je dire. Toute la première partie est écrite dans un style difficile à lire pour moi, presque du langage oral avec de longues phrases qui ne se terminent pas toujours, qui suivent la pensée du narrateur, dans lesquelles viennent s'intercaler, sans crier gare, des dialogues, oui c'est ça, les paroles des personnages à peine marquées par un retour à la ligne. C'est un texte qui nous résiste, qui ne s'offre pas à nous, et même qui nous tient à distance, on regarde la scène, de loin, en essayant de comprendre et en même temps on est pris dans le mouvement, malgré nous. C'est très particulier et il m'a fallu fournir des efforts pour parvenir au bout de cette première partie, mais paradoxalement, j'aimais le moment où je reprenais ce livre, comme un obstacle que je devais surmonter.

Et puis, je voulais à tout prix savoir ce qui s'était passé en Algérie, en 1960, ce que ces hommes avaient vécu là-bas. Et là, je n'ai pas été déçue. Je me suis heurtée à une seconde épreuve : non pas le style qui s'était fluidifié, qui s'était mué en phrases plus courtes, plus sèches, plus faciles à lire aussi, mais le contenu. La violence, parfaitement écrite, à la limite du supportable, la violence des français et celle des fellagas, l'horreur, l'inhumanité, celle qui donne envie de vomir, de partir vivre sur une île déserte, loin des hommes

J'aime les livres qui me résistent, les livres qui me bousculent, ceux qui m'amènent à me questionner sur l'écriture, sur le monde, sur la nature humaine.


Lien : https://krolfranca.wordpress..
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