Dans la foule
Pour faire le portrait d'un oiseau.
Peindre d'abord une cage
Avec une porte ouverte
De cette poésie de
Prévert, Laurent Mauvinier tire la leçon. La cage c'est le stade du Heysel le 29 mai 1985. Les oiseaux sont jeunes, anglais, français belges et italiens. Tous, confluent vers la porte qui se refermera en piège infernal. Jusque-là tout va bien.
L'auteur qui avait douze ans au moment des faits et qui a sans doute suivi l'inimaginable coupe d'Europe de foot à la télévision se projette péniblement dans le stade et dans la ville de Bruxelles .
Au point que le style confus et la densité du texte sans air (c'est sans doute voulu) n'arrivent pas à traduire ce qui est de fait intraduisible sauf à être génial ( On est loin en effet de l'incroyable explosion d' «
Eureka street » de
Robert Mcliam Wilson).
Tout est très flou (bien évidemment) car trop d'oiseaux dans la cage étroite font voler les plumes en piétinant dans la fiente. le récit des faits, première partie du roman, est donc à moitié raté et indigeste (comme les gâteaux de ma mère).
Reste que les personnages sont prisonniers même hors les murs (hors la cage). Prisonniers de leurs propres conventions. Avec des motivations différentes mais surtout celle d'avoir voulu participer à un évènement exceptionnel (en cela ils ne peuvent pas être déçus) ils agissent tous à contre temps tout simplement parce que leur projet était vide de sens.
La seconde partie s'englue dans les réactions de chacun après l'évènement. Tana jeune mariée italienne recherche son mari Francesco et trouve là tous les prétextes à de longues introspections ennuyeuses et vaines. Gabriel et Virginie, Jeff et Tonino font tapisserie avec leurs vagues CV d'employés de banque en balbutiant des âneries, alors que, des trois frères anglais bourrins de Liverpool, le plus jeune fait l'innocent sans cesser d'admirer ses ainés violents et bêtes. Tous sont des spectateurs lambda : et gentils et méchants et cons. C'est fastidieux et les pages pèsent des tonnes.
La troisième partie trois ans plus tard (il n'y a plus de sujet) atteint elle, des sommets de verbiage et de psychologie à deux balles. A,
« Si j'aurais su, j'aurais pas venu », pourrait se résumer 260 pages d'état d'âme et notamment ceux de Tana la chieuse dont le comportement est tout simplement inexplicable au point d'amener une fin improbable à cet embourbement littéraire.
«
Autour du monde » est un roman ouvert, «
Dans la foule » un pensum en forme de nasse, une bonne grosse métaphore de 430 pages qui laisse pantois et épuisé.
Laurent Mauvinier a écrit aussi «
apprendre à finir ». Qu'il en fasse son miel.