Elle voulait abandonner sa ville sans un regard en derrière mais, en cet instant, elle souhaitait aussi que quelqu'un reste et la bouleverse de l'intérieur.
La société bâtie sur les cadavres de la Grande Epidémie se targuait d'avoir survécu à la pire des plaies, mais à quel prix ? Pourquoi tolérait-on de tels dysfonctionnements ? Et surtout pourquoi, quand quelqu'un comme Zéphyr tentait de rétablir un peu de justice, était-il broyé par le système ?
Maïa ralentit l'allure, frappée par les pensées qui pointaient à l'orée de sa conscience. Lui appartenaient-elles vraiment ? Depuis quand possédait-elle cette empathie ? Elle ne craignait pas ses idées marginales, lovées en elle comme une présence apaisante. Mais elle n'aurait jamais formulé un tel soutien aux Lazuli si elle n'avait pas rencontré Zéphyr et Nathanaël. A leur contact, elle changeait. Subtilement, sans s'en rendre compte, elle devenait quelqu'un d'autre ; et, lorsqu'elle se retournait, elle voyait sa mue loin derrière et ne parvenait pas à se rappeler quand elle l'avait abandonnée.
- Tu ressembles à un rat crevé, Dimitri.
- Et toi à un tonneau. Un gros tonneau particulièrement désagréable.
Marcus décocha un sourire à son ami, qui le lui rendit.
- Tu exagères toujours.
- C'est le "gros" qui te dérange ?
- Et le "particulièrement". Et le "désagréable". Et le "tonneau" tant qu'à faire.
- Un gros tonneau particulièrement désagréable et susceptible, donc. Tu m'as manqué, Marcus.
Son procès, le matin même, avait fait à Maïa l'effet d'un électrochoc. Le désespoir dans lequel l'avait plongée l'arrestation de son mentor s'était atténué pour laisser place à une énergie nouvelle. Elle sauverait Dimitri. Elle l'emmènerait avec elle hors des Murs avant qu'il subisse le Châtiment. Le compte à rebours avait commencé.