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EAN : 9782226492180
Albin Michel (02/05/2024)
4.83/5   6 notes
Résumé :
« Un cimmérien, même âgé, même malade, même gâté par la civilisation, reste un Cimmérien. Jusqu’à sa mort. »
Conan, le roi des sept nations, est vieux. Aux yeux du barbare qu’il reste – malgré les ors du royaume et les afféteries de la cour –, il a passé cet âge formidable qui se compte ainsi : huit fois la somme des doigts de ses deux mains.
Dans sa forteresse de Kaldré, sur ses terres natales de Cimmérie, il accorde audience sur audience et souffre d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Les modes vont et viennent mais les livres, eux, restent.
Parmi ces classiques, certains sont tellement indissociables d'un genre qu'ils peuvent l'incarner aux yeux du grand public pendant des années.
C'est le cas des écrits de l'auteur américain Robert E. Howard dont les nombreux héros ont marqué la littérature allant jusqu'à forger un sous-type précis de fantasy à lui seul : l'heroic fantasy.
Mais aucun n'a plus marqué l'histoire que le Cimmérien Conan le Barbare, popularisé au cinéma par John Milius et un certain Arnold Schwarzenegger. Une empreinte si profonde et durable dans l'imaginaire collectif qu'elle a touché des millions de lecteurs et spectateurs.
Une empreinte qui rougeoie encore dans le coeur de certains comme celui d'un français jusque là cantonné chez des micro-éditeurs de genre et qu'on attendait pas sur le devant de la scène chez Albin Michel Imaginaire.
Laurent Mantese, professeur de philosophie, rencontre Conan le Barbare pour une dernière aventure de plus de 600 pages illustrée par Didier Graffet. Et la légende peut revivre l'espace d'un livre.

La grande nuit d'orage
Quelque part en Hyperborée, dans la vieille citadelle royale de Kaldré, la Septaine de réconciliation touche à sa fin. Les ducs et les puissants ont accouru des quatre coins du Royaume pour venir verser doléances et présents à un seul homme, un seul Roi, une seule légende.
Il est le Roi-Barbare souverain des Sept Nations, Seigneurs des Terres d'Aquilonie, de Némédie, de Brythunie, d'Ophir, de Zingara, d'Argos et de Corinthe, dernier fils de la Cimmérie, il est l'unificateur et le Pacificateur par qui règne la paix.
Il est Conan, le Barbare.
…et il est vieux. Trop vieux.
Dans cette carcasse amaigrie se devine l'auréole de gloire des jours d'avant, la musculature d'un géant qui écrasait ses ennemis de ses mains et les tranchaient de son épée. Conan est vieux… et malade.
Un caillou bloque ses urines, un kyste grossit contre son testicule et la souffrance ne fait que grandir chaque jour qui passe.
Conan sait qu'il approche de la fin mais il veut encore se battre, tenter le tout pour le tout, malgré les revendications de la Congrégation du Très Haut, malgré les rumeurs de malheurs qui s'abattent sur son Royaume, malgré l'orage qui s'annonce dans le lointain.
Entouré de Tokaiev, son Khajym, de Cassius, capitaine de la garde royale et de son cher fils adoptif, Colin, le Roi-Barbare s'apprête à livrer un ultime combat contre le mal qui le ronge, dans une dernière tentative désespérée, par la sonde et la taille. Mais il lui faudra faire vite pour survivre car l'Orage approche, il gronde sur les contreforts des montagnes Cimmériennes toutes proches, et des torches surgissent dans le froid au pied des murailles de la Citadelle.
La maladie n'est pas la seule à guetter Conan.
L'orage est là.
C'est un récit très resserré que propose Laurent Mantese. Un récit de quelques jours, rapport scrupuleux et particulièrement généreux dans ses détails sur les derniers jours d'un Roi. Une unité de lieu, presque, dans cette citadelle bouffée par le bruit de la pluie et de la nuit. Puis la neige, l'enfer blanc et sauvage, la véritable mesure des hommes.
Quand on y pense, Laurent Mantese tient son histoire sur un timbre-poste qu'on pourrait résumer à la dernière lutte de Conan.
612 pages plus loin pourtant, le lecteur ne s'en remet toujours pas.
Alors que s'est-il passé sur ce postulat pourtant déjà vu et revu du vieil héros fatigué qui se découvre mortel enfin ?

Le crépuscule des Dieux
Ce qui fait la grande littérature, qu'on le veuille ou non, c'est certes l'histoire, le récit, l'émotion, mais c'est surtout le style, la plume, la gouaille. Depuis longtemps, le lecteur n'avait pas connu plus incroyable et incandescent que la plume de Laurent Mantese.
Son parler incroyable, sa façon de décrire si vivante, si collante, si poisseuse, ses phrases interminables comme des ruisseaux qui peuvent tout à coup se transformer en torrents de sang, de merde ou de pus, ses coups d'éclats lyrique et brutaux. On passe son temps à déguster les lignes, s'arrêter, à lire et relire, parce que c'est beau et étouffant en même temps. On se noie dans ces descriptions vertigineuses, cette façon de parler qui tape dure et vraie, avec des dialogues d'une authenticité à faire peur, à filer la nausée, avec ce patois de mercenaire crasseux ou la verve enragée d'un prête fanatique. Ce qui fait immédiatement la différence et qui fait que La Sonde et la Taille va vous retourner comme un gant, c'est cette faculté à glisser entre les lettres, à absorber chaque détail d'une scène pour la restituer intact aux yeux du lecteur, pour donner à voir quelque chose de tellement réaliste qu'on en arrive à la nausée, à l'effroi, aux larmes.
Mais le style ne peut pas tout faire, il fournit un squelette, une charpente pour le récit et… quel récit !
La Sonde et la Taille, c'est une fantasy crue et violente, c'est une épopée qui regarde en face l'abjection humaine et qui la recrache devant vous sans vous épargner rien, jamais. Laurent Mantese regarde ses personnages avec l'oeil d'un chirurgien dément, capture leurs douleurs et leurs peurs au scalpel avec une lucidité incroyable et presque terrifiante. Il faut vivre la fameuse scène qui donne son nom au bouquin pour comprendre à quel point la précision de l'auteur fait tout, à quel point il pénètre les attentes et tort les tripes parce qu'il sait restituer le vrai, le douloureux, le dur et le mou, les tripes et la sueur. Aucune concession ne sera faites, aucun compromis, aucun trigger warning, rien. Parce que la vie est brutale et que la mort l'est encore davantage. Alors que l'on comprend que la maladie cache en fait une ultime trahison, que Conan va devoir affronter la duplicité, encore, on découvre l'antagoniste du récit : Tranche-Gueule.
Géant barbare qui renvoie le Roi à une certaine image de ce qu'il aurait pu être, meneur d'une troupe d'égorgeurs, de violeurs et de meurtriers.
Avec cette entrée, le récit change complètement et s'écoule dans la crasse, le sang, le foutre et les cris. C'est toute la violence des hommes et la mort des Dieux qui s'étalent devant nos yeux. Laurent Mantese n'est pas là pour le paraître ou la bienséance, il est là pour donner du sens au mot « barbare ». Comme par une sorte d'ironie insidieuse, le Barbare de jadis, celui venu d'ailleurs, de Cimmérie, rencontre le Barbare du commun, celui qui jaillit de la misère, des basses fosses et de l'horreur, qui n'a plus ni sens moral ni humanité. Que reste-t-il à la fin des fins quand toute société s'écroule et que le dernier cadenas qui forçait la civilisation à rester en place saute à son tour ?

Pour l'amour d'un enfant
Élément étonnant, presque dissonant dans cette galerie des brutes et des tueurs, un simple enfant, Colin, fils adoptif du Roi-Barbare.
Colin, un beu beu, un gamin difforme qui n'a pas tout en place là-haut et qui parle un dialecte que lui seul peut vraiment comprendre.
Colin et ses petites chèvres.
Laurent Mantese réinvente l'innocence par le contour d'un enfant retardé mental au faciès disgracieux, aux membres trop longs.
Ce qui échappe encore au lecteur est là, dans cette volonté d'une dernière étincelle de rédemption, d'humanité, de beauté.
C'est le lien qui unit le Barbare d'avant, le Roi fatigué de maintenant et le fugitif pitoyable de demain.
Tout autour, le monde subit la grêle et dégorge de sang et de merde.
Les cadavres mutilés accusent le survivant qui à son tour agonise aux pieds de ceux qui n'ont plus d'humains que le noms.
Mais dans l'étable, caché et silencieux : Colin.
Laurent Mantese montre qu'il existe quelque part une chance pour la beauté avec l'amour inconditionnel que voue Conan à Colin. Ils se comprennent sans se comprendre, ils sont père et fils sans un seul lien du sang. Et pourtant.
En offrant au lecteur ce minuscule point de chaleur véritable, en noyant tout sous un déluge d'horreurs abominables, Laurent Mantese éclaire comme jamais la nuit des hommes. Colin, émouvant dans sa naïveté, innocent jusqu'au bout, authentique dans ses sentiments, vaut mieux que tout ceux qui défilent au gré du temps et des pages.

L'homme et la beste
Pour qui lira attentivement ce pavé de fantasy, une chose deviendra clair. Plus que l'horreur des humains privés de valeurs, plus que l'hypocrisie des dévots et des ducs, c'est autre chose qui imprègne le récit, autre chose qui effraie au fond : le temps.
Comme étiré infiniment par la prose de Laurent Mantese et ses descriptions qui n'en finissent pas, le temps devient le maître du récit et marque tous ceux qui y passent. C'est le temps lui-même qui fait de Conan ce qu'il est dans La Sonde et la Taille, c'est aussi le temps qui pourchasse l'humain et étonne dès son premier chapitre longtemps énigmatique.
C'est le temps que l'on voit venir, ce futur qui effraie, qui terrifie quand on se rend compte des possibles, de ce que les actes et les morts vont entraîner. le temps devient un leitmotiv pour le récit et s'incarne même dans un élément surnaturel dont on vous laisse la surprise, l'autre antagoniste qu'on oublie trop facilement avant de comprendre sa puissance une fois les murs laissés vides derrière soi.
Laurent Mantese maîtrise l'intime et l'épique mais se paye aussi le luxe de flirter avec le fantastique, l'horreur ou…même… le survival-horror.
De façon complètement inattendue, on passe par de vraies moments de terreurs dans La Sonde et la Taille, de vrais instants glacées qui ne sont pas le fait que de l'humain vicié. Ainsi l'auteur respecte le mythe à la lettre, du Conan jusqu'au bout de la hache pourrait-on dire.
Pour autant, vous n'avez aucun besoin de connaître les textes originaux de Robert E. Howard pour aborder cette dernière aventure du Cimmérien.
C'est peut-être là ce qui achève de convaincre de la grandeur de celui qui écrit, être capable de ne perdre ni le connaisseur ni le novice et d'offrir simplement un texte de fantasy monumental qui ne demande rien d'autre au lecteur que son propre courage.

Chef d'oeuvre fou, baroque et violent, cruel et éreintant, voici la Sonde et la Taille, l'entrée fracassante de Laurent Mantese sur la scène de l'imaginaire francophone.
Un sommet de fantasy barbare, un miracle brutal qui laisse hagard.
Lien : https://justaword.fr/la-sond..
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Un grand roman de fantasy, qui va rester dans mon top 10 de fantasy francophone et aussi comme l'une de mes meilleures lectures de l'année. Un chant épique à l'écriture percutante, poétique et ciselée, au rythme à la fois contemplatif et effréné qui commence et finit dans les vastes forêts enneigées de Cimmérie. Un bouquin qui frappe fort dès les premières pages, et qui une fois commencé nous emmène au bout de chaque trajectoire sans jamais nous lasser, au détour de longues descriptions qui obligent à lire chaque mot finement choisi avec un plaisir gourmand. Chaque scène est soigneusement installée, chaque acte est pesé, détaillé à l'extrême, avec toutes ses implications. Chaque confrontation nous laisse entrevoir le fond de l'âme du personnage et aucun n'est laissé de côté, qu'il soit vil maraudeur, servant de château, chef de guerre, noble ou colporteur. Ce roman ne couvre qu'une semaine de la vie de Conan et des gens qui vont croiser sa route, et pourtant, on sort de là halluciné, comme si on avait vécu mille vies et parcourut des milliards de kilomètres dans le temps et l'espace.

J'y ai retrouvé tout ce que j'aime dans la fantasy : la noirceur et les merveilles, les mystères et les horreurs, la mort, la vie, le souffle à la fois sanglant et héroïque des épopées guerrières. Mais aussi – et c'est ce qui pour moi a donné une dimension supplémentaire à cette lecture – une réflexion sous-jacente sur la finitude et la vanité des hommes, sur leur cruauté mais aussi leur rédemption. J'ai été subjuguée par l'opposition entre la beauté des paysages immuables (les descriptions de la forêt cimmérienne sont magnifiques) et l'horreur du coeur des hommes, le chaos qu'il créent. Ce roman est très noir et violent, et m'a rappelé à certains moments la célèbre saga de GRR Martin - notamment l'occupation de Harrenhal par les Bolton. Comme dans le Trône de Fer, on a très envie de voir certains personnages punis durement mais finalement, lorsque le retour de karma arrive enfin – parce que tout le monde en prend pour son grade, vous vous doutez bien qu'on n'est pas chez les bisounours ici –on est presque triste pour eux (bon, pas pour tous, je l'avoue). le fait que certains parcours se terminent vainement, sans gloire ni pardon ni vengeance, participe à l'ambiance de noirceur désespérée qui se dégage du roman.

Les personnages sont admirablement caractérisés et ont chacun une voix propre : les dialogues sont un véritable régal, émaillés de mots oubliés, de vieilles graphies, de sabirs divers, de patois paysans et de jurons de trouffion. La fausse douceur glaçante d'un Tranche-Gueule, chef d'une horde de va-nu-pieds ultra-violente (j'ai adoré ce personnage), l'archaïsme étrange dans les interventions du personnage le plus effrayant du roman (vous comprendrez à la lecture), l'autorité toute de rage contenue dans les rares paroles du roi : tout cela contribue à rendre la lecture très savoureuse. Conan surnage au milieu de tout ça comme la légende qu'il est : on le voit peu, finalement, avant les chapitres finaux. Il apparait fort, mystérieux, insaisissable mais aussi redoutablement intelligent, et, sous cette façade de glace et d'indifférence qu'il nous livre, comme le plus humain de tous. C'est un personnage extrêmement charismatique, qui inspire le respect à chaque apparition, et auquel on parvient tout de même à s'identifier et à s'attacher. Pourtant, il est mis à rude épreuve et c'est un tour de force de l'auteur d'avoir réussi à faire garder à ce vieillard malade et éprouvé toute sa dignité. La scène d'opération qui donne son nom au roman va rester longtemps dans vos esprits…

Un autre aspect frappant de ce roman est l'insistance qui est faite sur la putrescence des corps, la souffrance charnelle et la déchéance physique. Les blessures sont toujours affreuses et personne ne meurt proprement (et il y a beaucoup, beaucoup de morts, à l'image des multitudes que Conan a tué dans sa soif de conquêtes). Des scènes de tortures et de viols à la précision chirurgicale, mais – et là c'est très très fort – sans jamais aucune complaisance ni voyeurisme. le ton est admirablement juste, et le don de funambule de l'auteur – qui arrive à nous rendre des descriptions de testicules presque poétiques - époustouflant… Attendez-vous tout de même à beaucoup de gore, de détails scato et de longs passages d'humeurs diverses, de suppurations et de poils malodorants. Et, je vous l'assure, ça apporte une vraie plus-value au roman !

Mais il reste une lueur d'espoir dans ce monde de brutes dégueulasses qui s'entredévorent sans pitié : l'amour qu'un vieux guerrier nihiliste peut ressentir pour un enfant handicapé qu'il a pris sous son aile, et qu'il considère comme son fils. Une très belle description de paternité, choisie, revendiquée, et qui défie les normes. La fin est très belle !

Autre bonus (je le précise pour les lectrices qui auraient peur de tomber sur un énième bouquin « male gaze ») : il n'y a absolument aucune sexualisation du corps des femmes dans ce roman. D'ailleurs, il n'y a pas de sexualisation tout court, en dépit de tous les viols (qui concernent autant les hommes que les femmes) et des aspirations très bas du front de certains personnages. Pas de réflexion miso de la part de l'auteur, pas de descriptions gratuites à coup de « seins pigeonnants » ou autres « lèvres invitant le baiser ». On est dans une dimension tout autre avec ce roman et en dépit de cette débauche de violence et de chair meurtrie, c'est de qui constitue l'âme profonde d'un individu dont il est question. Il n'y a pas beaucoup de femmes, mais trois d'entre elles se détachent de la multitude. J'ai apprécié que ce soit des femmes plutôt âgées aux rôles et aux fonctions diverses (la cuisinière en titre, une vieille servante et une cheffe de clan), comme la plupart des personnages du roman (qui compte son lot de vieux badass…) J'ai trouvé ce roman d'une violence rare, mais en même temps il ne m'a pas choquée, justement parce qu'on sent l'humanisme de l'auteur derrière les horreurs qu'il dépeint, son interrogation presque désespérée sur la fragilité et la vanité de la chair et de la vie humaines, qui ne peut être acceptée que si on choisit de se tourner vers quelque chose de plus grand que soi (et qui est recherché – ou du moins entraperçu – par pas mal de personnages, à commencer par Tranche-Gueule ou même le stupide Godric, à sa manière).

Pour conclure : si vous ne devez lire qu'une seule fantasy cette année, il faut que ce soit celle-là !
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Je tiens tout d'abord à remercier Albin Michel Imaginaire pour l'envoi de cet ouvrage en service presse.

Laurent Mantese, professeur de philosophie, fait une entrée époustouflante sur la scène de l'imaginaire francophone avec La sonde et la taille, dernière aventure de Conan le barbare, à l'apogée de son déclin.

/!\ Nombreux TW dans cet ouvrage et cette critique /!\

Alors que la Septaine de la réconciliation s'achève dans la citadelle de Kaldré, Conan, le Roi-Barbare, souverain des Sept Nations, du haut de ses 80 ans, n'est plus qu'une carcasse décharnée aux muscles fondu. Il est vieux et malade. Un caillou bloque sa vessie et un kyste au testicule le fait affreusement souffrir. Il sait que la fin approche pour lui, mais il s'accroche malgré l'orage qui gronde et qui va bientôt s'abattre sur son royaume. Dans une dernière tentative pour le guérir de son mal, une opération risquée, la sonde et la taille, est pratiquée à vif, causant une douleur extrême, inimaginable. Mais alors que le roi se remet à peine de son opération, le terrible orage annoncé arrive aux portes de la citadelle.

Pendant plus de 600 pages, Laurent Mantese nous emmène dans un monde vivant et poisseux, grâce à une plume maîtrisée et un formulation vertigineuse, dont les phrases à rallonge s'apprécient et se dégustent malgré le caractère souvent écoeurant des descriptions. le monde de Conan n'est pas fait pour tout le monde, il est d'une noirceur crasse, intransigeant, violent, brutal, sans concession. Un monde barbare peuplé d'hommes violeurs et tueurs, qui vivent pour piller et semer la souffrance. le style est astucieusement travaillé, si bien que j'ai eu la nausée à plusieurs reprises. Comme si les odeurs âcres et avinées des mercenaires montaient jusqu'à mes narines, que la senteur métallique et puissante du sang s'évaporait du livre pour venir me retourner l'estomac.

La plume s'allie à l'histoire pour créer un récit effréné et démesuré, une épopée épique qui mêle dark fantasy et horreur. C'est un voyage cru, brutal et rude, dont les personnages sont travaillés et restitués dans toute la rudesse et l'abjection qui caractérise la race humaine. La violence et la mort sont omniprésentes, sans parler de scènes parfois terribles à lire. Je pense en particulier à celle de l'opération du roi, qui subit la fameuse sonde et taille, où cette scène qui décrit la façon dont Conan découvre Colin, celui deviendra son fils adoptif, dans une maison de l'horreur.

Colin, c'est le seul personnage qui égaie les pages du roman et qui illumine le récit. Enfant souffrant d'un retard mental, il est considéré par Conan comme son véritable fils. L'amour qui les lie est un espoir pour l'humanité. La naïveté et l'innocence de Colin le rendent attachant et on comprend pourquoi Conan veut à tout prix le sauver des mains poisseuses des mercenaires. Tout particulièrement de Tranche-Gueule, leur chef, un géant tout en muscles et en force, à l'image de ce qu'à été Conan quelques décennies auparavant.

La sonde et la taille, c'est un roman abrupte et féroce, qui ne laisse pas la place à l'empathie ou la bonté. C'est un monde barbare, peuplé d'hommes sanguinaires et sans pitié. Grâce à Laurent Mantese, qui fait revivre sous sa plume le plus grand héros de la fantasy épique, j'ai vécu une aventure sans équivoque qui m'a laissée une emprunte indélébile dans le coeur et l'esprit. Un chef d'oeuvre.
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Mais quel coup de coeur monumentale !!!!!! Ce roman est du pur génie !!!! Attention, il est d'une extrême violence, mais mon Dieu quelle claque !!! Je l'ai littéralement dévoré ! Ce roman est magistral! D'une intelligence rare, alternant scènes d'action épouvantables et incursion dans le psychisme des personnages, c'était bluffant !!! J'ai tremblé, j'ai eu la nausée, j'ai été révoltée, triste, une vague d'émotions impressionnante ! Je remercie du fond du coeur la maison d'édition Albin Michel Imaginaire pour ce service presse car ce fut une merveilleuse découverte 🙏 Et je félicite Laurent Mantese pour ce chef d'oeuvre redoutable! Si vous aimez la dark fantasy, que vous aimez les scènes des combat, les complots politiques, les trahisons, les preuves de loyauté, et que vous voulez redécouvrir un Conan le Barbare plus qu'impressionnant, foncez ! Ayez le coeur bien accroché et voyagez sur ces terres désolées!

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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Où qu'on tournât le regard, on ne voyait que le malheur le plus sinistre et la désolation la plus noire, ces deux éternelles mammelles de la tragédie humaine. Partout, c'était la grande Mort, l'implacable Fauchause, la Meneuse de pleurs qui avait étendu son empire sur toute chose et qui rampait en tous lieux et en toutes saisons, bête affolée et curieuse qui fouissait et reniflait chaque trou, chaque béance, chaque lieu où put se nicher la vie.
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C'était là chose naturelle et nécessaire, et il était vain d'espérer que la civilisation l'emportât un jour sur la barbarie, si ce n'était à l'état de phase temporaire.
Chaque existence individuelle, chaque cité, chaque règne, chaque empire, avait sa durée de vie propre, naissait, vivait puis retournait à la dislocation et à la ruine. Il en allait ainsi pour chaque être vivant, pour chaque réalité de ce monde, et, à la fin des fins, que l'on soit roi, manant, prêtre ou brigand, c'était toujours sur l'état de barbarie que la grande roue des évènements, propulsée par la main capricieuse des dieux, achevait de faire tourner ses gigantesques pales.
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Il portait dans sa chair cette terre dure à vivre, ces immensités grisâtres impossibles à cultiver, ce monde impossible à haïr, impossible à aimer, la sève de ces arbres noueux dont les troncs monstrueux abritaient le gîte du loup et la caverne de l'ours, les sentes perdues où le renard était le seul à passer, ces sous-bois hantés de noirceur végétale où jamais un pas humain, depuis les premiers temps du monde, n'avait dessiné son empreinte.
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Ce n'était qu'un flot fumant de cavaliers et d'hommes à pied portant des étendards aux motifs difficiles à caractériser, aux visages brûlés par les enfers, aux gueules mâles tordues par le pur désir de la violence, de la saoulerie et du coït, échappés de quelques cavernes souterraines où les démons du feu les avaient sans doute dévorés, vomis puis rassemblés avec les membres de cadavres putréfiés arrachés aux tombes des cimetières, une engeance de violeurs et d'assassins depuis longtemps désengagés de tout sentiment de pitié ou de honte, aptes seulement à se laisser porter par la folie de leur regard posé sur le néant.
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La vie n'existait plus.
Seuls existaient ceux qui tuaient, ceux qui allaient mourir, ceux qui mouraient, et ceux qui déjà étaient morts.
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