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EAN : 9791041414673
216 pages
Points (12/01/2024)
4.5/5   14 notes
Résumé :
Un recueil regroupant les 56 poèmes de Missak Manouchian, figure de la résistance et héros de l`Affiche Rouge, mort pour la France en février 1944. Des poèmes inédits pour la première fois traduits en France dans une magnifique édition bilingue.Il me semble que dans la rue les gensLuttent terriblement avec le temps,Et à chaque instant, de victoire en victoire,Pour l’avenir s’élève une armée…Il était l’un des « vingt-et-trois » chantés par Léo Ferré. Missak Manouchia... >Voir plus
Que lire après Ivre d'un grand rêve de liberté: Poésies. Édition bilingueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je connaissais l'histoire, le destin de Missak Manouchian, mais j'ignorais que cet immigré apatride, arrivé en France en 1915, fuyant le génocide arménien, engagé dans la Résistance dans le mouvement des FTP-MOI* et fusillé par l'occupant allemand au Mont Valérien, était l'auteur d'une oeuvre poétique.

« Ivre d'un grand rêve de liberté » contient des poèmes écrits entre 1924 et 1935. Missak Manouchian évoque dans une écriture pleine de sensibilité son exil, son arrivée en France et avec lui, tous les idéaux de la jeunesse. Il décrit aussi ce qui connaîtra plus tard de désillusion et de la nostalgie grandissante de l'Arménie, c'est le moment des tourments et de l'affliction. À Paris, il fait la connaissance des membres de la communauté arménienne, certains influents, suit des cours en auditeur libre à la Sorbonne. Dans ses poèmes, il parle aussi de ses amours et de plus en plus du sentiment de classe qui domine l'époque. de là va naître son engagement politique et son adhésion au Parti communiste. C'est naturellement plus tard qu'il rejoindra les mouvements de la Résistance.

Ce recueil des poèmes de Missak Manouchian est en tout point remarquable. L'introduction de Didier Daeninckx et le propos du traducteur Stéphane Cermakian se complètent et disent tout de la personnalité de Missak Manouchian, du contexte de l'époque, de ses influences (Baudelaire, Rimbaud et les symbolistes) et de ses références en poésie. Avec ce double propos, se confirme l'image d'un jeune homme tourmenté, en proie au doute, mais aussi épris d'idéal, dévoué jusqu'à l'engagement.


« Combat -

Comme d'exquises liqueurs dans une coupe fermée
Au contact de l'air libre deviennent peu à peu amères,
Les désirs et amours de mon âme dans le combat de la vie
Se changent en haine à la lumière de ma conscience...

Quand mes pensées sont sans cesse frappées rudement
Sur l'enclume de la privation et de la misère quotidienne,
L'incendie de la colère et de la mûre vengeance, porteur
D'espoir, s'enflamme vivement d'une fougue enragée...

Une allégresse illimitée me comble tout à coup,
Avec les baisers de mon amour je désire donner en tout lieu
Ce feu brûlant de haine, de vengeance, de rancune,
Nourrir abondamment de ce feu ranimé les âmes souffrantes.

Pour que meurent en elles les patiences endolories par l'esclavage
Et tous les dieux aveugles nourrissant un sombre espoir...
Pour qu'elles aussi aiguisent leurs épées, plantées fermement
Dans le creuset de l'amertume, avec l'exigence d'une vie libre ! »**


Bien qu'il ait cessé d'écrire des poèmes dès 1935, Missak Manouchian fait partie, avec René Char, Robert Desnos, Louis Aragon, Paul Éluard et beaucoup d'autres, de ces poètes qui sont entrés en résistance contre l'occupant, avec la liberté et son pays accrochés au coeur.

Les poèmes de Missak Manouchian, s'ils apparaissent comme le récit de la vie d'un homme au destin incomparable, d'une époque sombre de notre histoire, ils sont aussi l'autoportrait d'un idéaliste porté vers l'engagement, d'une conscience libre, d'un résistant à part entière (le portrait d'un homme que met en lumière " Strophes pour se souvenir", le magnifique poème de Louis Aragon mis en exergue du livre).
Idéal, liberté, engagement, résistance, des notions devenues quelque peu étrangères à notre temps, à notre monde en perte de sens et d'unité.

Missak Manouchian n'a alors que 15 ans lorsqu'il commence l'écriture du poème Vers la France. Il le terminera l'année suivante, juste avant d'arriver ce qui sera son pays d'adoption. Si ce poème a tout d'une confession intime, il a aussi les accents d'une ode à la vie :


« Les voiles de la nuit partout éparpillée sont tombées en silence
Du corps découvert de la Méditerranée gorgée de soleil ;
Telle la coupole arrondie du temple, le ciel constellé
Est descendu sur la mer dans l'horizon illimité.

Un léger zéphyr recueille les parfums de l'eau au goût de sel
Et en imprègne mes cheveux et mon visage à toute heure...
Avec ses flancs de fer échoués dans les replis des eaux tièdes,
Le bateau illuminé fend les couches d'obscurité en leur milieu.

Et comme l'élan du bateau toujours propulsé vers l'avant
Dans les profondeurs de la nuit marine, les eaux écumantes
Captives d'un mystère disséminé et qui vont de l'avant de
leur course folle,
Ainsi vient mon esprit et va mon âme en un reflux enfiévré.

J'ai laissé derrière moi mon enfance au soleil nourrie de nature,
Et ma noire condition d'orphelin tissée de misère et de privation ;
Je suis encore adolescent ivre d'un rêve de livre et de papier,
Je m'en vais mûrir par le labeur de la conscience et de la vie.

Le désir est infini et semblable à cette mer illimitée ;
Inexplicable, comme le mystère insondable des ténèbres...
Je désire jouir de la lumière de la sagesse et de l'art, et du vin
Et arracher dans le grand combat de la vie de précieux lauriers...»



(*) FTP-MOI : Francs-tireurs et partisans – Main-d'oeuvre immigrée.
(**) poème écrit à Paris, le 29 mai 1934.

.
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Cher Missak Manouchian,

Apatride, orphelin, fusillé avec ton groupe communiste le 21 fevrier 1944, te voilà au Panthéon avec ta femme Mélinée. L'aurais-tu cru? Tu peux être fier de ton parcours: de l'Arménie à Marseille, en passant par le Liban, tu as toujours voulu la liberté, la justice. Malgré les petits boulots fatigants, comme tu l'écris de nombreuses fois dans tes poèmes, tu es ivre:

" Mes yeux ivres, fixés sur l'infini,
Et le gouvernail de mon bateau résolument brisé,
Je vais vers des lointains inconnus"

Missak, sais-tu comme j'ai les yeux embués chaque fois que je lis les " Strophes pour se souvenir" d'Aragon? Combien tes mots retranscrits sont magnifiques et si poignants?

" Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent..."

Sais-tu qu'un jeune groupe français, après Leo Ferré, chante le texte d'Aragon?

Ce recueil de tes poémes, une édition bilingue, en arménien et français, avec un portrait de toi en première de couverture, je l'ai lu avec émotion. Je le garde précieusement. Il témoigne de ta fougue, de ton esprit passionné, de ton amour des mots et de la vie, si vite partie. Nous ne t'oublions pas.

Commenter  J’apprécie          3010
Ce petit recueil de poèmes de Missak Manouchian est une merveille, une pépite.

Ces poésies toutes simples se lisent facilement et pourtant, au-delà de la langue, elles imposent le respect et pour tout dire l'admiration.

Voilà un homme à qui le passage sur Terre aura imposé avec une constance impitoyable toutes les souffrances qu'une vie peut endurer :
Tout jeune, il perd ses parents dans le génocide des Arméniens,
Il se retrouve après la Guerre de 14 dans un orphelinat libanais,
Il part pour la France où il occupera des postes sans qualification,
Il sera plusieurs fois licencié pendant la grande crise des années Trente,
Et pour finir, arriveront la Guerre et l'Occupation.
Il passera dès les premières heures dans la Résistance,
Luttera de toutes ses forces et sera dénoncé
Puis fusillé au Mont Valérien en février 1944
A quelques mois seulement de la Libération de Paris.

Et pourtant, il trouvera le temps, l'énergie, la candeur, l'insouciance de composer des poèmes dédiés à l'amour, à l'espoir, à la beauté de la vie !

Ses textes sont des miracles. Des petits chefs-d'oeuvre qui font du bien.

La panthéonisation des époux Manouchian nous aura donné la chance de découvrir ces merveilleuses créations littéraires. A lire et à relire.
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C'est la première fois, qu'est traduite en francais l'intégralité de l'oeuvre poétique de Missak Manouchian dans une édition bilingue (arménien- français).
La traduction fine et en vers de Stéphane Cermakian, maître de conférences à l'université d'Aix-Marseille, permet de prendre toute la mesure de la beauté de ces poèmes. Ils sont marqués par la nostalgie du pays perdu, la souffrance de l'enfance brisée mais également par l'espoir et la nécessité de la révolte. A leur lecture, l'émotion vous saisit.

La préface d'André Manoukian, l'introduction de Didier Daeninckx (sur le parcours de Missak et Mélinée) et la note du traducteur enrichissent utilement l'édition.

Commenter  J’apprécie          104
Il y avait tout ce que je souhaitais, une courte biographie, la remise dans le contexte historique, l'explication lors de la traduction de l'arménien au français, et même le poème d'Aragon inspiré de la dernière lettre de Missak à Mélinée. Celle-ci est d'ailleurs également comprise avec une photo d'époque. C'est vraiment parfait.
Sinon, les vers sont très cousins de ceux de Rimbaud. Pour autant, on en apprend plus lors des notes sur l'Arménie soviétique par exemple.
Bref, un très bel objet pour ceux qui veulent en savoir plus sur ce résistant qui vient de rentrer en ce début d'année 2024 au Panthéon.
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critiques presse (1)
Culturebox
22 mars 2024
On suit tout un cheminement intime qui mènera Manouchian à ses engagements politiques, puis militaires...
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Les voiles de la nuit partout éparpillées sont tombées en silence
Du corps découvert de la Méditerranée gorgée de soleil
Telle la coupole arrondie du temple, le ciel constellé
Est descendu sur la mer dans l'horizon illimité.
Un léger zéphyr recueille les parfums de l'eau au goût de sel
Et en imprègne mes cheveux et mon visage à toute heure...
Avec ses flancs de fer échoués dans les replis des eaux tièdes,
Le bateau illuminé fend les couches d'obscurité en leur milieu.
Et comme l'élan du bateau toujours propulsé vers l'avant
Dans les profondeurs de la nuit marine, les eaux écumantes
Captives d'un mystère disséminé et qui vont de l'avant
de leur course folle
Ainsi vient mon esprit et va mon âme en un reflux enfiévré.
J'ai laissé derrière moi mon enfance au soleil nourrie de nature,
Et ma noire condition d'orphelin tissée de misère et de privation.
Je suis encore adolescent ivre d'un rêve de livre et de papier,
Je m'en vais mûrir par le labeur de la conscience et de la vie.
Le désir est infini et semblable à cette mer illimitée
Inexplicable, comme le mystère insondable des ténèbres...
Je désire jouir de la lumière de la sagesse et de l'art, et du vin
Et arracher dans le grand combat de la vie les précieux lauriers...
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Elévation

Quand le visage de la vanité se rit
De l'élan de mes pensées et de mon coeur,
Quand le vil ennui m'encercle de sa danse,
Je.prends.le chemin de ma rêverie.

Ma vie ainsi dormante est mer à l'infini,
Mon idéal, un phare illuminant les lointains ;
Les vents me soufflent mille secrets
Et me portent des ténèbres à la lumière...

Ma barque, docile au caprice des vents,
Va tantôt vers le sud, tantôt vers le.nord ;
Je me déleste du désir de la matière
Et je vais librement pour vivre le rêve...

En vain rugit le souffle de la vanité,
Dès lors, mon perfide ennui n'est qu'étreinte de ténèbres
Tandis que moi, ami des étoiles et de la lune,
Je tombe dans l'infini abîme des lumières...

J'observe de haut le monde entier,
Et je prends sans le vouloir l'enfer, hélas,
Sur la sombre étoffe de ce qu'on appelle vie ;
- Les hommes sans rêve sont esclaves solitaires.



p. 39-40
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Mon âme, telle une enfant, est plongée dans l'enchantement
En voyant les étoiles s'allumer, ivres et tremblantes d'amour;
L'inépuisable délicatesse du printemps fait passer
Au coeur des arbres, des herbes et des fleurs la sève du soleil...
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Être prophète des nuages du ciel,
Parler à la fleur la langue de la source,
Apprendre de l'oiseau le secret de l'amour
Et le chuchoter chaudement à ma bien-aimée,
De la bouche des étoiles à l'étreinte du rêve...
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À la joie

Ô joie, souffle enthousiaste,
Quand tu jaillis des coeurs gros de chagrins,
De détresse et de souffrance,
Doux et fécond est ton torrent de volupté !

Sur tes visages, tel un baiser de lumière,
Tantôt tu répands une ineffable rêverie,
Tantôt tu allumes de multiples appels lancinants
Dans les yeux, comme un inextinguible feu.
Tu es semblable à ces sources limpides
Venues du plus profond des montagnes...
Et qui comme les abondants ruisseaux printaniers
Donnent la vie à tous dans leur course.

Fertilisée par les ardeurs de l'hiver,
Aimée par le baiser ivre du soleil.
Tu es parfois une oasis née du sable,
Où d'innombrables lassitudes viennent te bénir.
O joie, lumière débordante,
Toi, fontaine enchantée, feu sacré,
Telle la clarté vivifiante du soleil,
Sois inépuisable pour les cœurs obscurs ..
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