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Critique de cprevost


Andreas Malm dans son « Comment saboter un pipeline » interroge l'absence quasi totale de violence chez les écologistes. Une génération verte après la COP 1, le bilan pour le mouvement pacifiste est pourtant affligeant sans que rien dans ses analyses et les modalités de son action, ne semble jamais pouvoir être remis en question.


Toutes ces années, le mouvement pour le climat n'a pas entamé la progression inexorable de l'exploitation des combustibles fossiles. le sentiment de l'absolue impuissance écologiste soulève donc nécessairement chez l'auteur la question des moyens d'action et des cibles potentielles : pourquoi restons-nous si sages face au phénomène sans précédent, en termes d'étendue et de conséquences, que représente le réchauffement climatique ? Andreas Malm s'étonne : le pourcent le plus riche de la planète a une empreinte carbone 175 fois supérieure à celle des 10% les plus pauvres ; le demi pourcent le plus riches émet une fois et demie de plus que la moitié de la population mondiale la plus pauvre . Il prend comme exemple la consommation de luxe des SUV qui est le deuxième facteur le plus important d'augmentation d'émission de CO2 depuis 2010 . Andreas Malm questionne : « Quand commencerons-nous à nous en prendre physiquement aux choses qui consument cette planète et à les détruire de nos propres mains ? Y a-t-il une bonne raison d'avoir attendu si longtemps ? Alors pourquoi ce genre de chose n'arrive-t-il pas [rayer les SUV] ? Parce que les gens auxquels le changement climatique tient à coeur sont simplement trop gentils, trop éduqués, pour faire quoi que ce soit de cet ordre ? » (p.15) Dans ce questionnement faussement naïf de l'auteur, les hypothèses concurrentes de l'ignorance et du cynisme doivent pourtant encore se départager.


Ce que l'on peut reprocher à Andreas Malm, c'est de lier son bilan et sa critique à rien de fondamental, de ne pas apercevoir les conséquences politiques de son positionnement, de s'en tenir à un écologisme déclamatoire sans suite et à de simples postures. Comme l'affirme l'auteur, « Les combustibles fossiles et les technologies qu'ils alimentent sont des forces productives imbriquées dans les rapports de propriété capitalistes » (p. 70). Mais alors qui peut se figurer qu'un mode de production dont l'essence vitale même est la croissance peut se mettre un jour gentiment à la transition énergétique ? La compulsion propre des dirigeants, qu'il faudrait convaincre et moraliser, ne fait rien à l'affaire, n'en déplaise à l'auteur. le spectacle du capitalisme est aujourd'hui d'une grande obscénité. Certes, les catastrophes climatiques sont désormais visibles à l'oeil nu, l'empoisonnement de la planète généralisé mais les inégalités prodigieuses, la sécession de fait des classes possédantes, le contrôle policier total au-dedans des frontières, l'homicide des migrants au-dehors et le désastre existentiel partout ne sont pas moins discernables. Dans ces conditions, attendre, espérer encore des institutions électorales et de L'État colonisé par les puissances du capital ne semble simplement pas à la hauteur de la catastrophe. Malgré cela, Andreas Malm écrit : « Imaginons que les mobilisations de masse de la troisième vague deviennent impossibles à ignorer. Les classes dirigeantes ont-elles-mêmes tellement chaud – peut-être leurs coeurs se mettent-ils à fondre un peu à la vue de tous ces enfants avec leurs pancartes peintes à la main – que leur entêtement fléchit. (…) Il faut laisser au mouvement la chance de mener ce scénario à terme (…) quelques années (…) » (p. 31) « En fin de compte, ce sont les États qui imposeront la transition ou bien personne. » (p. 84-85) Concernant le capitalisme et son État, Andreas Malm oblige à faire des choix cornéliens. Il sait ce qu'il dit ou bien il ne le sait pas mais aucun de ces deux cas n'est malheureusement à son avantage. L'expérience désastreuse d'une génération entière de militants écologistes ne parait pas encore suffisamment l'affecter.


En matière d'écologie, nombreux essais paraissent se partager entre ceux qui ne voient pas ce qu'il y a à voir et ceux qui ne veulent surtout rien faire quand bien même ils ont un peu vu. Andreas Malm, qui ne propose en vérité peu de chose, appartient de façon troublante à cette deuxième catégorie. Pour Andreas Malm, qui fait essentiellement parler les autres lorsqu'il s'agit de destruction de biens, « Il semble qu'il faille l'éviter autant que possible. Même les marxistes révolutionnaires devraient la considérer comme à priori mauvaise, la propriété étant la forme sous laquelle le capitalisme prend au piège les forces productives qui pourvoient souvent à des besoins humains. » (p. 131) de plus, « (…) ce serait une catastrophe pour le mouvement (…) si ces action faisaient accidentellement des morts et des blessés. le capital moral accumulé par le mouvement pour le climat pourrait se voir dévalorisé ou effacé d'un coup.» (p. 139) Voilà qui rend caduque les appels au sabotage que semble suggérer le titre de l'ouvrage et sans doute aussi un peu vaine l'argumentation toute scolastique qui dans le livre compare terrorisme (rayer les SUV) et sabotage (dégonfler les pneus des SUV). Nous ne saurons pas ce qui fera reculer la destruction de la planète et disparaître l'utilisation des combustibles fossiles. Pour Andreas Malm, il est surtout urgent de ne rien changer. Peut-être, comme dans l'ouvrage, un peu d'histoire, de psychologie, quelques admonestations car le productivisme a des racines hélas beaucoup plus profondes que le simple effet de la mondialisation sur les populations ?
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