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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
A travers l'exemple de la Bretagne, une étude des plus complètes du système agro-industriel qui nous a mené à l'impasse actuelle où la pauvreté des idées qui s'affrontent pour prétendre en sortir ne peuvent nourrir que la violence. Ce constat désastreux appelle une ouverture crée par une remise en question totale de ce qui a nourri notre imaginaire pastoral depuis des siècles, appelle à une autre lecture : « Nourrir le monde… sans dévorer la planète » de George Monbiot.
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C'est en regardant « Planète info » sur France Info (émission toujours très instructive), que j'ai découvert Nicolas Legendre et son livre/enquête « Silence dans les champs ». le titre faisant référence à une certaine omerta dans ce milieu. Son interview m'avait intéressé et je m'étais dit qu'il serait bien de lire son ouvrage. Ce qui est fait. Je ne pense pas être particulièrement naïve, mais je ne m'attendais absolument pas à ce que j'étais sur le point de découvrir à travers ces pages. Cette lecture m'a véritablement atterrée, surprise, révoltée. Oui elle m'a vraiment horrifiée et consternée. L'enquête et les témoignages recueillis par le journaliste couvrent une période allant des années 1950 à nos jours. En France. En Bretagne. On ne parle pas d'une république bananière ! Non. La Bretagne ! Je ne suis pas une spécialiste du milieu agricole et je suis une vraie citadine. Mais j'aime me mettre au vert en vacances, en particulier en Bretagne. Malheureusement, je crois que je ne vais plus jamais voir les départements bretons avec le même regard. Je pense sincèrement être marquée à vie par la découverte de ce système agro-industriel productiviste qui a brisé des vies (physiquement, moralement… faillites, intimidations, menaces, suicides, mensonges, cynisme…), dénaturé des paysages ancestraux (arrachage des haies, destruction des talus, remembrement, pesticides, pollution des rivières avec le lisier etc.), brutalisé des animaux (installation hors-sol, production intensive…). Je ne me remets pas d'avoir compris la cruauté et l'inhumanité de nombreuses personnalités qui sous couvert de moderniser la Bretagne, avec l'appui des institutions et de l'Etat, sont responsables de ce désastre. Désastre pas pour tout le monde, car pour ces mêmes personnes, le pouvoir et l'argent ont été les seules motivations, et ils y ont bien réussi. Cette enquête s'appuie sur un très gros travail qui aura duré sept ans. Journaliste pour le Monde, Nicolas Legendre, lui-même fils de paysans bretons, a rencontré de très nombreux acteurs du milieu agricole breton (près de 300 entretiens et 29 fermes visitées) que ce soit des paysans, chefs d'entreprises, salariés et cadres de coopératives, techniciens, syndicalistes, fonctionnaires, élus locaux, régionaux et nationaux, ministres et anciens ministres, militants environnementalistes, etc. Cet ouvrage est très instructif, un peu voire beaucoup déprimant tout de même et par moment très émouvant. Pour comprendre le système et ce qui se passe dans l'agriculture en Bretagne mais aussi en France, je ne peux que vous conseiller cette lecture. Je vous conseille néanmoins d'être « en forme » pour le lire.
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Avec « Silence dans les champs », Nicolas Legendre rassemble sept années de recherches sur la situation de l'agriculture et des paysans en Bretagne. La succession des témoignages et leur mise en perspective dressent un tableau implacable d'une évolution rapide et autodestructrice de l ‘agriculture bretonne. Après 1945, la volonté de modernisation pousse les paysans à s'unir dans des coopératives et des syndicats. Ce système s'appuie sur le secteur bancaire, relayé par la volonté politique et la concentration des décisions entre quelques responsables. Les agriculteurs sont soumis aux pressions multiples, chantages, représailles. Les productions de volailles, porcs … battent les records, les exportations sont un formidable ressort pour confirmer la réussite d'une méthode qui est vite incontournable. Les limites sont repoussées : investissements, endettement, concentration des exploitations, cadences infernales.. écrasent les agriculteurs, écartelés entre le secteur agro-industriel, les injonctions de coopératives hyper-puissantes. La logique du profit écrase les agriculteurs, broie et pollue les milieux naturels. Quelques-uns se tournent vers des pratiques plus « respectueuses », ils rencontrent alors de nombreuses difficultés (menaces, problème de vente…). Nicolas Legendre multiplie les sources, témoignages qui tissent un bilan implacable de la situation. le système mis en place détruit les outils de travail, écarte les jeunes du métier. En sortir paraît indispensable mais les résistances sont nombreuses et puissantes. La conclusion de l'auteur se veut modérée, teintée de pessimisme mais non dénuée d'optimisme… Une lecture instructive, à conseiller.
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Silence dans les champs propose une rétrospective passionnante qui permet de comprendre les ressorts et rouages complexes et paradoxaux du puissant système agroalimentaire breton né dans les années 60.

Comment la Bretagne a pu devenir la championne nationale de l'agriculture intensive « capable de nourrir l'équivalent de 22 millions de personnes, alors qu'elle ne compte que 3,3 millions d'habitants » ? Nicolas Legendre pointe du doigt l'amalgame encore bien ancré dans les moeurs entre l'image d'une France bien nourrie et celle d'un pays nourri à pas cher.

Comment sont nés de véritables empires industriels, tandis qu'une majorité de paysans et travailleurs à qui l'on promettait l'émancipation ont été complètement broyés par ce système productiviste ? Loin du mirage progressiste, le journaliste brosse le portrait d'une population que le lobby agro-industriel a réussi à asservir, à aliéner, voire à déshumaniser.

Comment ce système qui se définit comme l'incarnation du progrès, a pu, à grand renfort de remembrement, et de produits phytosanitaires, contribuer à « la défiguration de paysages séculaires et à l'effondrement des écosystèmes » ? Où est le progrès quand l'humain se sépare de la nature considérée comme une ennemie qu'il faut « dompter » et « nettoyer » ? A l'opposé des cartes postales idylliques d'une « Bretagne sauvage », l'auteur nous met face à ces paysages « littéralement industriels » que je connais si bien, ces « paysages façonnés par des machines issues de l'industrie pour produire des denrées destinées à l'industrie ».

L'essai, mêlant témoignages et analyses, permet de comprendre pourquoi le lobby agroalimentaire a pu naître en Bretagne, région au substrat religieux fertile, et pourquoi il semble devenu pérenne grâce à la puissance de l'intrication des pouvoirs étatique, économique et judiciaire.

Au fil de la lecture, se dessinent les contours d'un véritable état totalitaire breton, avec « sa ligne » imposée par le parti, son idéologie productiviste intimement liée aux progrès, son contrôle sociétal et étatique, sa violence inhérente - tantôt visible, tantôt sournoise - infligée de manière omniprésente. Dans ces conditions, toute voix dissonante se voit tue, muselée ou dénigrée, à l'image de ces paysans et travailleurs qui ont tenté de proposer une autre voie et de ces écologistes constamment ridiculisés.

Même si j'ai eu parfois le sentiment que l'auteur se répétait, Silence dans les champs n'en demeure pas moins un essai nécessaire : en ces temps de bouleversement climatique, de modifications lentes mais progressives des habitudes alimentaires, de grèves d'agriculteurs, on ne peut qu'espérer que le lauréat du prix Albert Londres contribuera à mettre du plomb dans l'aile à la « mythologie bretonne » capitaliste et à amorcer enfin une réflexion étatique courageuse sur d'autres modèles agricoles efficaces, humains et reconnectés à la nature. le parallèle établi à la fin du livre entre ce « bouleversement conceptuel » attendu et « le crépuscule du patriarcat », surprenant au premier abord, m'a paru très pertinent. A ce titre, je ne peux que vous conseiller les deux épisodes du podcast « Une Vie à soi », consacrés aux « Paysannes en lutte » (#arteradio).
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