Il y a bien longtemps que je n'avais pas lu de roman de science-fiction ou d'anticipation, un genre que j'ai beaucoup apprécié dans ma jeunesse, d'
Asimov à
Van Vogt, en passant par Bradbury, Clarke, Huxley, Orwell....
Et je ne connaissais pas cette auteure, qui a écrit plusieurs cycles de romans de SF.
J'ai été bien intrigué par un roman où ce qui se passe est suggéré plutôt qu'explicité, et finalement séduit, après une deuxième lecture, par ce roman assez court, publié en 1971, qui pose notamment la question de l'emprise et de la capacité qu'ont les "coeurs purs" d'y résister.
George Orr (un clin d'oeil à
George Orwell?) dans un futur qui pourrait se situer à notre époque, est obligé de suivre un TTV (traitement thérapeutique volontaire!), car il est drogué aux médicaments qu'il se procure en empruntant les cartes médicales d'autres personnes, et ceci pour prendre des cocktails d'excitants et de somnifères dans le seul but de ne pas rêver.
Ce traitement est conduit par le Docteur Haber, un médecin spécialiste du sommeil, sorte de grand excité ambitieux qui développe une machine capable d'analyser, mais aussi,selon lui, de modifier le cours des rêves.
George explique au Dr Haber qu'il ne veut plus rêver, car certains de ses rêves changent la réalité, qui passe alors dans un autre "continuum", mais que lui seul s'en rend compte, et personne d'autre, car tout le monde pense que la réalité nouvelle produite par George a toujours existé. D'où sa demande au thérapeute de se débarrasser de ce fardeau insupportable.
Le Docteur Haber, en soumettant George à une machine de son invention et fondée sur le principe de l'électroencéphalogramme lui promet de le guérir.
En fait, George s'aperçoit vite que le Dr Haber comprend le pouvoir qu'il possède, et va essayer d'orienter ses rêves, avec des résultats conformes à ses attentes (Haber devient le grand Directeur d'un Institut d'Onirologie), et d'autres totalement inattendus, tels la réduction de la population mondiale de 7 à un milliard, la transformation de la couleur de peau de tous les humains en une couleur uniforme et grise, ou l'arrivée sur Terre d'extra-terrestres! George qui est un homme doux, tranquille et docile, a toutes les peines à échapper à l'emprise d'Haber et trouve une alliée en Heather, une inspectrice qui vient vérifier la conformité des expériences d'Haber. Mais, à la fin, on comprend que le but d'Haber est de se passer de George et de lui même acquérir, via sa machine, le pouvoir de changer le monde. Ce qui amène à une fin surprenante et ambiguë, et un espoir d'une nouvelle vie pour George et Heather...
Ce roman est fort subtil, je trouve. On ne comprend qu'après lecture, qu'en fait le moteur principal de l'intrigue est la volonté de puissance d'un thérapeute qui va prendre en main son patient et laisser se dérouler des effets qu'il ne peut maîtriser (et qui devraient le pousser à arrêter ses expériences), dans le seul d'arriver à s'accaparer cette capacité extraordinaire à changer le monde que possède son patient. Et donc, une allégorie de ce que peuvent être les emprises des thérapeutes, gourous, sectaires, qui manipulent les humains en leur promettant, par exemple, le paradis, en échange de tuer les gens.
J'ai aussi trouvé que c'est une fable originale sur l'importance qu'ont toujours eu les rêves pour les humains. "Nous sommes faits de l'étoffe dont sont faits nos rêves" à écrit
Shakespeare