Citations sur Mercy, Mary, Patty (141)
... ce qui compte c’est ce qu’on fait, ce qu’on fabrique, même minuscule. Chercher à. Tenter de. Oh, ça n’est pas une incitation à l’engagement, d’ailleurs ce mot, vous ne l’aimez guère, qui s’applique aux choix des militaires et des bonnes sœurs. Mais qu’elle le sache, Violaine, la résignation coûte cher en amertumes tardives et en regrets.
Tu ne peux pas rester du côté de ce monde sans colère où tout s’arrange, où l’argent seul doit rester indivis, où le cœur se partage...
Paul Nizan
La Conspiration
Ce que certains appellent conversion ou qu’ils voient comme un changement brutal n’en est pas un mais un lent processus de développement, un peu à la manière des photos.
C’est au grand-père de Patricia [Hearst] qu’on doit cette presse de caniveau. Une anecdote édifiante circule à son sujet : à la fin du XIXe siècle, il envoie un reporter à La Havane alors en plein conflit entre l’Espagne et les États-Unis. Le reporter lui fait parvenir ce télégramme, “ rien ici / il n’y aura pas de guerre / veux rentrer ”. Papy Hearst rétorque “ fournis-moi les images / je te fournis la guerre ”.
Violaine vous explique ce “ dévorer des yeux ” qu’un jour vous lui rapportez, perplexe, employé par la directrice des Dunes amusée des regards masculins sur vous, un père d’élève, le jardinier. Vous soupirez, quelle horreur cette expression, le jour où les femmes arrêteront de confondre désir sexuel et masochisme, elles pourront enfin profiter du sexe sans craindre d’être dévorées et digérées.
[...] l'incapacité du FBI à retrouver l'héritière [retenue en otage] est une indication de l'humeur américaine en 1974 : ils ont beau frapper aux portes, les policiers, faire imprimer des flyers qu'ils distribuent aux étudiants de Berkeley, aux musiciens de Haight Ashbury, à ceux qui dérivent sur Valencia Street, ce mélange de vétérans estropiés de dix-huit ans et de gamins des beaux quartiers sur les traces de Kerouac, les portes, en 1974, on les claque au nez des agents. Personne ne veut aider la police. Aujourd'hui [...], la langue des forces de l'ordre a gagné jusqu'aux journalistes qui mentionnent sans qu'on s'en émeuve « une cible abattue, un suspect neutralisé ». Aujourd'hui, on la retrouverait [cette otage], par le biais d'une émission de téléréalité invitant les téléspectateurs à mener l'enquête eux-mêmes.
(p. 60-61)
Que disait-elle, Patricia, déjà, dans son dernier message avant sa conversion, je suis désolée d’en être arrivée à la conclusion que personne n’en a plus rien à faire de moi. Je semble n’avoir plus d’importance comme être humain. On peine à ne pas être d’accord avec elle.
... Hearst, il n’a jamais vendu autant de papier qu’en relatant l’enlèvement de sa propre fille…
Cet après-midi-là, ... des étudiants de Kent State University dans l’Ohio qui manifestaient le lundi 4 mai 1970 ... : on sortait de cours, on venait d’apprendre que Nixon avait annoncé à la télévision une “invasion nécessaire du Cambodge” mais les bombes seraient “propres”, ... Tout le monde chantait we shall overcome we won’t go, nobody goes, à la guerre nous n’irons pas et personne n’ira, les bras levés en signe de paix. ... Quatorze secondes, le temps pour la garde nationale de tirer soixante-sept fois. Vous dites que les premiers coups de feu, les gamins les ont pris pour des feux d’artifice, des pétards. Vous esquissez des silhouettes. Celle d’une jeune fille tombée à genoux comme si elle priait, stupéfaite d’être en train de mourir d’une balle dans la tête. Celle d’un adolescent retrouvé caché derrière sa Volkswagen rose garée sur le campus, des traînées de son sang maculent les autocollants bariolés qui ornent la portière. Vous dites les chaussures abandonnées parmi les débris d’os et de chair qui jonchent la pelouse, des chaussures de gamins, tongs, sabots, tennis. Les gémissements des vivants qui tendent la main pour qu’on les secoure.
• Bande 4, diffusée le 3 avril 1974.
J'aimerais commencer par préciser que c'est moi qui ai écrit ce que je vais dire. C'est ce que je ressens. On ne m'a jamais obligée à dire quoi que ce soit sur les bandes. Je n'ai pas subi de lavage de cerveau, n'ai été ni droguée, ni torturée ou hypnotisée. [...] J'ai appris que la classe dominante ne recule devant rien pour étendre son pouvoir sur les autres, même si cela inclut de sacrifier un des leurs. [...]
Papa, tu dis que tu t'inquiètes pour moi ainsi que pour les vies des opprimés de ce pays mais tu mens et, en tant que membre de la classe dominante, je sais que tes intérêts et ceux de maman n'ont jamais servi les intérêts du peuple. [...] Si tu as tant d'empathie pour le peuple, dis-leur ce qu'est réellement la crise énergétique, dis-leur que ce n'est qu'une stratégie habile qui permet de cacher les véritables intentions de l'industrie. Dis-leur que la crise pétrolière n'est rien d'autre qu'une façon de leur faire accepter la construction de centrales nucléaires dans tout le pays ; dis aux gens que le gouvernement s'apprête à automatiser l'ensemble de l'industrie et que bientôt, oh, dans cinq ans au plus tard, on n'aura plus besoin que de quelques presse-boutons. [...]
- Tania Hearst
(p. 110-112)