Avant de choisir ce premier roman dû à
Ulf Kvensler, j'ignorais ce que pouvait bien signifier le titre, excusez mon ignorance.
Sarek... Un prénom ? Masculin ? Que nenni. le
Sarek est un parc national situé au nord de la Suède, merci ze-ouèbe. Réputé pour être l'un des endroits les plus sauvages du monde, son accès nécessite – comme le décrit ce roman-docu - l'utilisation polluante de train, bus, hélicoptère avant d'arriver au milieu de nulle part, largué dans un environnement aléatoire, modifié quotidiennement en fonction de la fonte des glaces, où seuls les rennes tracent des sentiers incertains. Pas de réseau – le drame indépassable:-) -, pas de repères à part l'horizon hostile fait de crêtes franchissables ou pas... Non, ce n'est pas l'horizon qui est hostile, je me reprends, c'est seulement que les citadins ne sont pas adaptés à ce milieu, il y a une nuance : la nature s'en tape, n'est jamais hostile, n'éprouve rien. Ici, il vaut mieux ne pas perdre sa carte ou ses rations de survie lyophilisées, ou sa cartouche de gaz... La montagne, elle, est impassible, n'exige rien, ne revendique rien, ne s'intéresse pas à ces quelques humains qui sortent de Decathlon ou du Vieux campeur.
Mais tout cela n'est rien, entrer dans le
Sarek est toujours possible, mais pour en sortir, c'est une autre affaire... Et
Ulf Kvensler ne ménage pas ses efforts pour nous en persuader.
Trois amis, un couple et une proche du couple, stockholmois jusqu'au bout des ongles et des neurones universitaires, réalisent chaque année une grande randonnée d'une semaine : leurs vacances, leur acte de bravoure, leur serment d'allégeance à la nature, leur certificat d'authenticité, attestant leurs origines préhistoriques. Exceptionnellement cette année, ils ont accepté, malgré quelques réticences, la participation du petit copain de l'amie du couple. Les voilà lâchés tous les quatre, et c'est là que je stoppe mon bavardage, non sans encourager les amateurs de thriller psychologique, de nature writing, de randonnée, de huis-clos en plein air, à découvrir de toute urgence ce roman exceptionnel...
Comment, avec comme seuls acteurs quatre randonneurs, comme seul décor le
Sarek, l'auteur parvient-il à entretenir un suspense qui ne cède pas avant la dernière ligne ? Comment dès les premières pages réussit-il à faire planer une menace blanche et indéfinissable ? Comment plonge-t-il ses protagonistes au sein d'un huis-clos asphyxiant à ciel ouvert ? Comment retourne-t-il ses lecteurs comme des crêpes un jour de Chandeleur ? C'est un mystère mais j'ai dévoré ce roman dont l'intensité ne faiblit jamais. le style est plaisant, simple, et à la fois précis, documentaire. L'auteur (voir son nom plus haut) adopte le ton d'un récit journalistique, factuel, sans jamais donner son avis.
Bravo ! Coup d'essai, coup de maître qui me réconcilie avec le filon noir-nordique qui au cours des dernières années a fourni autant à boire qu'à manger et a même fini par sa sur-représentation injustifiée par masquer l'ensemble de la littérature scandinave.