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Il est pas jouasse, le Bob.
Le problème c'est qu'il se lève pas content, va au taf pas content et semble avoir adopté cette humeur comme composante unique et durable de tout son être.

Faut dire qu'être noir en Amérique, en 1943, (même si la date importe peu au regard de certains esprits, voir dirigeants chagrins essaimant encore et toujours cette petite planète) n'est pas franchement gage de plénitude absolue.

Alors oui, Bob a un travail.
Alors oui, Bob semble être à la colle avec une régulière même si le doute reste permis.
Alors oui, de par son boulot, Bob est un heureux sursitaire en ces temps guerriers.
Seulement voilà, tout ces petits bonheurs du quotidien ne suffisent pas à lui voiler la face : il est un moins que rien pour les blancs, tout au plus un fantasme finalement repoussant pour les blanches et ça, ça commence sérieusement à entamer son quota de patience à la jauge frôlant dangereusement la panne sèche. Il s'fait d'la bile, Bob, un truc vraiment pas fait pour réaligner tous ses chakras.

Photographie d'une époque pas si lointaine et toujours lamentablement d'actualité, ce Chester Himes détonne de par son phrasé argotique et la justesse de ton usité pour souligner les affres sans fond d'un être miné au dernier stade, rongé jusqu'à l'os par une rancoeur tenace et inaltérable.

Difficile, pour ce sanguin, de courber l'échine journalièrement.
Compliqué d'encaisser la servilité de ses proches.
Inimaginable de se laisser salir, insulter, avilir sans piper mot.
Bob est une cocotte minute qui n'attend qu'une seule chose, l'ultime persiflage pour laisser exploser toute sa rage.

S'il braille, chantez-lui une berceuse, on sait jamais, sur un malentendu...
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1943, Californie. Deux ans après Pearl Harbor, les Etats-Unis sont pleinement engagés dans la seconde Guerre-Mondiale. C'est pourtant le cadet des soucis de Bob. Lui il a sa propre guerre à mener. Son problème à Bob c'est qu'il est noir. Traduisez toujours sur le qui-vive, ravalant sa fierté à longueur de journée et constamment soumis à la soi-disante supériorité des blancs. L'esclavage a été aboli, oui, la connerie, non. La ségrégation bat son plein et les affronts des petits blancs prétentieux sont le quotidien quand on est noir.
A bien y réfléchir, le problème de Bob ce ne serait pas plutôt les blancs ?

Le tour de force de ce livre c'est l'immersion. Chester HIMES ne vous raconte pas l'histoire de Bob il fait de vous un homme noir aux Etats-Unis dans les années 40. le lecteur est malmené, bousculé, persécuté, dans sa vie, dans ses rêves. Partout, tout le temps. L'ambiance est anxiogène, inconfortable. La peur, le stress omniprésents. Quand on est noir c'est 24h/24 et les persécutions aussi. Pas de répit, pas d'issue de secours.
N'espérez pas vivre, au mieux vous pourrez survivre. Comment ? En vous aplatissant jusqu'à ne plus pouvoir vous regarder dans une glace sans que la honte ne vous étreigne. Ne comptez pas être accepté, au mieux vous serez toléré tant que vous saurez rester à votre place. Bob sait que les blancs gagnent toujours alors il a essayé de rentrer dans le moule. Mais on ne va pas contre sa nature et celle de Bob c'est d'être un homme à part entière quoi qu'il en coûte.

Ce livre est un cri d'indignation, de rage et de fierté. Il n'est pas question de combat idéologique, de théorie, ou de réflexion sur le manque de fondement de tout ceci. Rien n'est intellectualisé, l'injustice on la ressent dans les tripes, dans les mâchoires contractées, dans les poings serrés, dans la gorge nouée et dans l'envie de hurler qui fait battre les tempes.
Quand les choses en arrivent à ce degré d'absurdité, de cruauté et de non-sens il n'est même pas besoin d'en appeler à la raison et aux arguments. L'évidence créée le malaise jusque dans nos veines. Essayez et vous verrez.

PS : si vous voulez profitez pleinement de votre lecture zappez la quatrième de couverture beaucoup trop loquace…
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Les États-Unis, début des années 40 : la ségrégation, le racisme, la guerre, l'antisémitisme, la violence, l'injustice, tout y est. Tout pour préparer un bon cocktail bien explosif et c'est réussi.

C'est une histoire presque banale, celle d'un Noir, Robert Jones, chef d'équipe dans un chantier naval, qui vit dans un monde de Blancs, fait pour les Blancs, pensé pour les Blancs.
Le malaise de Bob, palpable à chaque page du roman, paraît au début presque démesuré. À l'instar de sa petite amie Alice, métisse à la peau très claire, on se dit qu'il devrait composer, faire avec, réussir à faire son chemin malgré tout ça, malgré les embûches semées volontairement ou pas un peu partout sur son chemin par tous les Blancs bien pensants et sûrs de leur bon droit. Et pourtant, comme on le comprend Bob, c'est incroyablement difficile ce qu'on lui demande, inhumain même. Pourquoi devrait-il composer après tout ? Pourquoi devrait-il se soumettre aux Blancs pour avoir le droit de vivre sa vie ? Pourquoi accepter de ne pas dîner dans un restaurant réservé aux Blancs ? Pourquoi accepter de ne pas pouvoir donner d'ordres à un subalterne blanc ? Pourquoi accepter d'être sans cesse rabroué, repoussé, évincé, surveillé, de devoir faire ses preuves, de montrer qu'on peut exister sans déranger, dans le respect des règles des Blancs et sans pouvoir attendre la moindre égalité de traitement ?

Alors quel choix Bob va-t-il faire ? Va-t-il ruer dans les brancards, tenter de renverser l'ordre établi, se rebeller ou va-t-il choisir d'écouter sa raisonnable et raisonnée petite amie pour rentrer dans le rang ? À vous de le découvrir mais avec Chester Himes on n'est pas dans un roman d'Enid Blyton, essayez seulement d'échapper cinq minutes à la réalité et vous verrez à quelle vitesse elle vous rattrape.
Un roman poignant à lire de toute urgence si ce n'est déjà fait ;-)

N.B. : Carton Rouge pour l'édition Folio que je détiens qui dévoile l'intégralité de l'histoire sur la quatrième de couverture.
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Robert Jones est jeune, il a un bon boulot, une petite amie dont il est fou et s'est enfin payé la voiture de ses rêves, bref tout irait pour le mieux si Robert Jones n'avait pas un gros problème. Un seul mais malheureusement, par l'entremise de celui-ci, c'est tous les problèmes du monde qui pèsent lourdement sur ses épaules. Son souci a Bob c'est qu'il est noir. Noir dans une Amérique où la ségrégation ne constituait pas un un problème moral et encore moins un délit, au contraire, aux yeux d'une majorité de blancs.
Malgré cela, Bob Jones peut être heureux d'une chose : il vit en Californie et pas sous la ligne Mason-Dixon mais ça, même s'il en a conscience, ça ne change pas grand chose pour lui, toutes ses rencontres avec les blancs se finissent immanquablement par un sentiment de haine exacerbée et des envies de meurtres qu'il n'est jamais loin de réaliser. Ça l'obsède d'ailleurs tellement que toute sa vie finit par ne plus tourner qu'autour de ça, être un homme noir qui veut garder sa dignité face à des blancs qui ne pensent qu'à l'asservir.
Arrive un moment où on pense fatalement que s'il a raison sur le fond, la paranoïa dont il semble faire preuve à chaque instant aggrave son sentiment d'être traqué, méjugé, rejeté et humilié. Mais la perte de son boulot, les passages à tabac et les "notre seule table libre est malheureusement celle située au fond de la salle entre la cuisine et les WC, voilà, fallait pas faire la réservation par téléphone, si on avait su tout de suite que vous étiez noir, on vous aurait refoulé direct" des restaurants un poil chics dans lesquels il tente d'impressionner celle dont il aimerait faire sa femme nous montre que finalement, tout grande gueule et plein de morgue qu'il est, Bob Jones n'est pas loin du compte quand il nous assure que l'Amérique entière le déteste pour une bête histoire de pigmentation cutanée. Dommage qu'en sachant cela, il n'ait pas su en tirer la leçon et ainsi éviter de se frotter à une blanche aguicheuse qui n'aura aucun mal à faire de sa vie un enfer, pire encore que ce qu'il croyait déjà vivre au quotidien.

Chester Himes qui rejetait l'étiquette d'écrivain noir nous livre pourtant avec S'il braille, lâche-le..., un récit pile dans la grande lignée des prestigieux "écrivains noirs" : Toni Cade Bambara, Iceberg Slim, Ralph Ellison, Richard Wright et autres magnifiques Gil Scott-Heron, et, derrière son personnage de sympathique effronté, c'est tout le racisme des années 40-50 qu'il dépeint (cette précision chronologique uniquement parce que Chester Himes publie ce livre en 1945, mais il aurait pu l'écrire aujourd'hui qu'il n'aurait sûrement pas eu grand chose à retoucher) avec une certaine virtuosité et beaucoup de désespoir, ne se targuant pas de trouver, ni même de proposer une solution à cette haïssable situation à laquelle il semble n'y voir qu'une impasse, il conclut au contraire sur une note encore un peu plus décourageante un livre déjà bien sombre mais si cruellement réel.
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L'un des livres parmi les plus puissants sur la discrimination . Un ouvrage coup de poing , que ceux qui votent le pen devraient lire pour comprendre ce que l'exclusion d'autrui fait comme mal . Himes est un auteur trés important , qu'il fautdécouvrir dans son intégralité . Sa prose est sans pitié et prend aux tripes le lecteur pour ne plus le lacher durant toute cette histoire que l'on devine trés réaliste . Un chef d'oeuvre .
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C'est en lisant City of Quartz de Mike Davis, classique de la sociologie urbaine que j'ai eu envie de lire "S'il braille, lâche le". Dans une note en bas de page, il est dit du livre de Chester Himes qu'il est une oeuvre littéraire majeure sur la question du racisme aux Etats-Unis. Et ce n'est rien de le dire.

Racontant la vie d'un ouvrier noir américain en Californie pendant la ségrégation, "S'il braille lâche-le" est remarquable de justesse dans son analyse du racisme. L'intériorisation de la domination et la dénigrement de soi y sont rendu sensibles, perceptibles dans toute leur violence. Pour qu'une idée se réalise il faut qu'elle soit accompagnée d'affects : Chester Himes montre ici qu'il est capable de nous faire ressentir (et non pas seulement comprendre) ce qu'est le racisme.

Brillant.
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A l'époque où le livre est écrit (1943), le lynchage, sans être monnaie courante comme au début du siècle dans certains états, est encore pratiqué régulièrement et ne finira par devenir exceptionnel qu'après les lois votées dans les années 60 et notamment en 1968 après le meurtre de Martin Luther King. Comme le souligne Chester Himes ici, la Californie – ce roman se déroule à Los Angeles – a toujours été une exception sur ce point (2 noirs lynchés entre 1882 et 1968) mais la ségrégation, le manque d'égalité réelle dans les droits civiques pour les noirs restent la règle.

La façon dont l'engrenage est inévitable pour Bob, jeune contremaitre noir sur un chantier naval, qui oscille entre compromis - que lui conseille sa fiancée Alice, métisse de famille aisée - et révolte contre les humiliations quotidiennes, est très intelligemment mise en rapport avec les terreurs, complexes et haine du descendant d'esclaves. Cet équilibre peut rendre fou et les cauchemars de Bob, sa vie réelle et ses réveils angoissés finissent par s'entremêler inexorablement vers la chute finale – un peu maladroite à mon sens - raccrochant au récit l'exploitation des noirs comme chair à canon pour la guerre en Europe.

Chester Himes a mis beaucoup de lui-même ici, comme dans tous ses écrits : il a travaillé dans des chantiers de construction navale pendant la guerre et le personnage d'Alice est inspirée par Jean, sa femme à cette époque. de plus, même si Bob est objectivement libre de ses agissements, la menace omniprésente (« vous avez de la chance d'être en Californie, au Texas, on vous aurait lynché »), l'arbitraire de l'autorité blanche et la violence gratuite donnent au roman une atmosphère lourde, oppressante qui tend à l'univers carcéral – que Chester Himes a connu de 19 à 25 ans.

La lecture de l'excellente biographie de James Sallis parue en 2000 permet de mieux comprendre la thématique obsessionnelle des romans de Himes. Elle donne aussi des indications précieuses pour aborder l'oeuvre littéraire dans son ensemble qui promet d'être passionnante – sachant que c'est le premier roman que je lis de lui, en parallèle avec la biographie de Sallis.
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1943, Californie. Bob a tout pour être heureux. Chef d'équipe dans un chantier naval, il a une Buick et une jolie petite amie.

Malheureusement, nous sommes aux Etats-Unis, la ségrégation fait rage et notre héros est noir.

Le racisme est partout, permanent, dans son travail, dans la rue. Il suffit d'un rien pour que tout bascule. Hanté par des cauchemars la nuit, Bob vit avec une peur constante et considère que tuer un blanc est sa seule issue pour faire face à ces humiliations et ces injustices incessantes.

Le gros point fort de cette lecture est son langage brut, sans filtre, percutant à travers les yeux de Bob. On rentre dans la peau de notre protagoniste et on est confronté à toutes les émotions qui le traversent, entre colère et haine.

Juste un bémol concernant la 4ème de couverture qui dévoile toute l'intrigue jusqu'au dénouement. Quel dommage !

Un récit coup de poing sur la condition des Noirs.
Lien : https://mesechappeeslivresqu..
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Boum! Attention livre percutant!
Chester Himes offre une immersion totale dans la tête d'un afro-américain des années 40.
Sans filtre, Bob, notre personnage, évoque ses pulsions meurtrières vis-à-vis des blancs.
Sans filtre, il nous livre ses désirs d'être enfin reconnu comme un homme à part entière, égal à tous ceux qu'il côtoie.
Pourtant il pourrait se contenter de ce qu'il a : une belle copine, un poste à responsabilité. Alors pourquoi désirer plus? Parce qu'il en a tout simplement marre d'être considéré comme inférieur.

C'est un cri du coeur, une nécessité pour s'empêcher de franchir la ligne: celle d'abattre de sang-froid un blanc ou commettre tout autre acte abominable.
C'est une oeuvre forte sans langue de bois, elle secoue, elle perturbe.
Une oeuvre puissante comme j'en ai rarement lue. Chester Himes n'attendrit pas son lecteur, il veut lui proposer sa vision du Noir américain. Il n'épargne pas le lecteur de la tension qui habite Bob.

(Malheureusement, la quatrième de couverture en dévoilant tout le récit m'a fortement perturbée. J'attendais avidement ce dont le résumé parlait sans le voir arriver. En effet, ce sont les dernières pages qui sont totalement racontées!)
Lien : https://pagesversicolores.wo..
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1943, beaucoup d'hommes sont partis sur le front, et pour ceux qui restent l'heure est à l'effort de guerre. On manque de main d'oeuvre dans les chantiers navals de Los Angeles. On lève donc le pied sur la ségrégation et on accepte que les moricauds travaillent avec des blancs.
Bob, mécano et chef d'équipe, ne supporte plus les brimades, les injures, les humiliations quotidienne. Il voudrait ne plus constamment penser à sa race. Il ne rêve plus que d'une seule chose : casser du gros-bec, flinguer ce salopard du chantier ou p't-être même violer cette trainée de Madge, qui de toute façon n'attend que ça ! Cette crasseuse aux yeux bleus qui joue de sa blancheur et sa sensualité tout en promettant : “Je vais te faire lyncher sale nègre“.
Mais il y a Alice, l'oasis dans cette océan de ténèbres, il l'aime, elle a la peau clair. Son père est un homme important. Il pense qu'elle fréquente trop les gros-becs et qu'elle n'assume pas sa couleur.
Pour elle, il ne devrait pas prendre tout cela trop à coeur et c'est même la condition de sa survie, quoi qu'il fasse il ne pourra rien y changer. Il devrait se fixer des objectifs. Les blancs ne commandent pas à son coeur, il y a l'amour et le foyer, l'intégrité morale, la vertu et les enfants.
Il n'y avait pas pensé, peut être que tout n'est pas fichu . . .

Bon roman sur la ségrégation, ça se laisse lire tranquillement.
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