« J'emportais ma vie dans les prétoires. Ma vie et toute ma colère. Changer le monde en plaidant...Quel programme! »
Une farouche liberté est le dernier plaidoyer de
Gisèle Halimi qui nous a quitté le 28 juillet 2020, propos recueillis par son amie, la journaliste
Annick Cojean.
Avocate Humaniste héroïne de combats,
Gisèle HALIMI nait fille en Tunisie le 27 juillet 1927, dans une famille juive pratiquante, au grand désespoir de son père qui n'annonça point sa naissance durant près de trois semaines tant sa déception était grande. C'est à l'âge de 10 ans qu'elle gagne son premier combat féministe : alors que sa mère fille de rabbin sépharade, la contraignait à servir ses frères et son père parce qu'ils étaient des hommes et elles de simples femmes, elle fit la grève de la faim et de l'école, pour que ses parents affolés cèdent : « je ne servirais plus mes frères ni à table ni dans la chambre ni jamais! » avait elle exigé.
De même, brillante à l'école elle ne dut la poursuite de ses études qu'à sa pugnacité et sa maturité en étant reçue première au concours des bourses pour les élèves pauvres, ses parents ne souhaitant « gâcher » le moindre sou pour envoyer leur fille au lycée préférant le conserver pour son trousseau de mariée. le destin que lui réservaient ses parents et auquel elle ne se soumit pas, était de la marier à l'âge de 16 ans avec un riche marchand d'huile qui acceptait de l'épouser sans dot !
Que de combats qui forgèrent sa personnalité emplie de rage. Elle conquis sa liberté en s'éloignant des superstitions religieuses et grâce à cette soif d'apprendre, cet appétit démesuré de connaissance qui lui firent embrasser des études de droit en double cursus avec celles de philosophie à La Sorbonne et c'est ainsi que de retour en Tunisie qu'elle devint cette avocate humaniste rebelle citant Camus et
Victor Hugo elle remporta le concours d'éloquence du stage clamant l'abolition de la peine de mort, le droit au suicide et à l'euthanasie.
Elle fut de tous les combats défendant les indépendantistes algériens, ce qui lui valu d'être un temps l'objet de menaces de mort de la part de l'OAS. Elle obtiendra la grâce du général
De Gaulle pour plusieurs condamnés à mort Algériens. Elle mis sa vie en danger pour assurer La Défense de
Djamila BOUPACHA torturée par l'armée française pour lui faire dénoncer ses complices alors qu'elle reconnût être agent de liaison du FLN et avoir déposé un obus piégé dans un café d'Alger qui fut désamorcé à temps. Elle dénonçât avec l'aide de Simone de Beauvoir, les méthodes de l'armée française en Algérie dans un article publié à la une du monde le 2 juin 1960 et intitulé « pour Djamila » qui fit l'effet d'une bombe dans l'opinion et chez les intellectuels, Djamila fut finalement amnistiée avec les accords d'Evian.
Gisèle Halimi fera parti des Signataires du manifeste des 343 publié par le Nouvel Observateur le 5 avril 1971 dans lequel des femmes célèbres déclaraient avoir avorté en enfreignant la loi. Puis en 1972 est arrivé le procès de BOBIGNY, l'histoire de Marie-Claire Chevalier violée à l'âge de 16 ans dénoncée par son violeur pour s'être fait avortée avec l'aide sa mère, affaire révoltante qui lui permit de soulever l'opinion publique, appelant à témoigner nombre de personnalités de tous horizons et plus particulièrement un professeur en médecine, catholique fervent, contre l'avortement qui vint lui apporter son soutien et témoigner, n'hésitant pas elle-même à défendre sa condition de femme et avouer avoir avorté ! Elle l'avocate et non l'avocat, qui avait prêté le serment de respecter la loi ! Serment dont la formule finira par être dépoussiérée à son initiative.
Son engagement en politique pour tenter de faire évoluer les droits des femmes, ne fut pas un succès, elle si attachée à son indépendance et à sa liberté elle revint rapidement à l'avocature tout en restant active au sein du mouvement associatif Choisir, crée pour dépénaliser l'avortement et qui après 1974 restera un mouvement luttant en faveur des droits des femmes.
Son combat fut ensuite celui de faire évoluer les textes relatifs à la qualification du le viol dans le cadre du procès, en 1974, des deux jeunes touristes belges agressées et violées dans une calanque de Marseille alors qu'elles y campaient. Elle en dit un procès-débat pour choquer les consciences d'une société patriarcale qui souhaitait correctionnaliser le dossier en ne retenant que des coups et blessures.
Elle fit entrer la culture dans le prétoire pour changer les mentalités avec les témoignages du professeur Minkowski, de l'académicien Pierre Emmanuel et de femmes députés de tous horizons. C'est ainsi qu'au lendemain du verdict la loi du 23 décembre 1980 fut votée, son objet étant de redéfinir le viol afin d'y inclure des agressions sexuelles autrefois minimisées.
Influencée par
Simone de Beauvoir elle partageât avec elle la grande aventure du féminisme.
La conquête permanente de la dignité d'être une femme, l'égalité Homme Femme était un idéal de complémentarité qu'elle a défendu toute sa vie soutenu dans ses combats par son compagnon et avec ceux qu'elle appelait « la famille choisie » réunis autour de cette phrase de
René CHAR « ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience »
"On ne nait pas féministe, on le devient", c'est sur ces mots que se referme ce petit ouvrage de 150 pages qui se dévore en quelques heures tant l'expression est fluide, belle et captivante !