Nous sommes le trente-et-un décembre 1933 à Cologne. Ludwig Brodski arrive en retard au réveillon chez son oncle Alexander Mendel et sa tante Clara. Il doit y retrouver tous les membres de la famille, sa mère Martha, la soeur d'Alexander comme tous les ans. Mais cette année, l'ambiance n'est pas à la fête, même si Clara a mitonné un bon repas.
Hitler a été nommé chancelier, son parti étant arrivé en tête (42% des voix) et la propagande nazie bat son plein via son ministre Goebbels et l'antisémitisme aussi.
La discussion s'installe : doit-on rester en Allemagne et résister, ou se résoudre à l'exil, Paris, la Palestine, l'Amérique… une chose est sûre, chacun sent bien que c'est le dernier réveillon en famille.
Alexandre finit par vendre sa Librairie à son employé, Hans Schreiber, à qui il a enseigné depuis des années, la littérature : il lui a fait connaître toutes sortes de livres, et partagé son amour des auteurs de tous les pays, de l'Antiquité à ce jour. Dans sa Librairie, il avait installé une partie bibliothèque, une collection de livres anciens protégée sous clés. Tout avait été conçu pour que tout le monde puisse lire…
Il sait que Hans fera tout son possible pour préserver la Librairie. Celui-ci les accompagne jusqu'au train qui les emmène vers la France, le pays des droits de l'homme et de la liberté… Leur fille Liese va entretenir une relation épistolaire avec lui, afin de ne pas perdre le lien précieux qui les unit.
Mais, même si Hans n'est pas juif, la Librairie est vue d'un mauvais oeil par les nazis : pour eux, c'est un magasin juif et on lui n'épargnera rien : les descentes pour confisquer tous les livres qui ne plaisent pas au régime, pour saccager tout.
Ce roman nous livre le combat d'un homme pour sauver, au péril de sa vie, la Librairie, les livres, et à travers eux, la liberté de penser, dans un régime où la propagande lobotomise tout le monde (enfin beaucoup de personnes) et entretient la haine via la désinformation.
Il y a des passages très forts sur la nuit de cristal : comment Hitler a manipulé les gens pour qu'ils aillent tout briser. Hans a été un résistant aux nazis, comme son voisin de palier, Herr Becker, un vieux professeur de français, avec qui il pouvait parler, échanger en écoutant en douce la BBC, ou le vendeur de glaces. Des gens ont tenté de résister, tel Ludwig Brodski, par exemple, et malgré la clandestinité….
Catherine Ganz-Muller, s'adresse aux adolescents, et montre de très belle manière la désinformation, la réécriture de l'Histoire, car la perte de la guerre en 1918 a traumatisé beaucoup d'Allemands, ainsi que la crise économique. Elle a construit son récit de manière chronologique pour que les ados comprennent bien comment les faits se sont enchaînés, comment l'antisémitisme a gagné les cerveaux : c'est tellement plus simple de désigner un coupable et c'est toujours en vogue…
Elle évoque la vie des Colonais, dans toutes les périodes : l'euphorie des nazillons, les oriflammes qui tapissent la ville, mais aussi les retombées quand le régime commence à battre de l'aile, les bombardements de Cologne, le refuge dans les abris.
Catherine Ganz-Muller évoque aussi tous les auteurs chers au coeur du libraire et à celui du lecteur : Herman Hesse,
Thomas Mann, Tolstoï,
Balzac,
Stendhal,
Dostoïevski et bien d'autres… et les lettres échangées entre Liese et Hans sont des moments plus légers pour permettre au lecteur de reprendre son souffle et de continuer à espérer.
A la fin du roman, elle fait un récapitulatif de la chronologie de l'arrivée des nazis au pouvoir jusqu'à la fin de la guerre et elle propose un glossaire, où elle revient sur des thèmes qu'il faut hélas encore marteler de nos jours : autodafés, pogroms, Shoah, déportation, camps…
Cette Librairie a bien existé et le nom de Hans a été modifié, bien-sûr mais certains personnages ont existé, tel Herr Denker, le marchand de glaces qui aide Hans à transporter ses livres pour éviter leur destruction. Et côté français, la vie ne sera pas rose non plus pour Alexander…
Passionnée par cette période de l'Histoire, ce livre me tendait les bras. Bien-sûr, je n'ai rien appris de plus sur les évènements tragiques, mais j'ignorais l'existence de cette Librairie et j'ai eu beaucoup de plaisir à le lire.
Un immense merci à Babelio, et aux éditions Scrineo qui m'ont permis de découvrir ce roman lors qu'en opération masse critique spéciale, roman qui mérite d'être lu par un maximum d'ados pour ne jamais oublier…
Un petit mot sur les éditions Scrineo, que je découvre avec ce roman et qui propose des titres très intéressants parmi lesquels :
« Un ado nommé
Churchill », et «
Pour qui meurt Guernica de
Sophie Doudet, «
L'enfant d'Oradour » de
Régis Delpeuch ou encore «
Rosa Parks, elle a dit non au racisme » de
Florence Lamy par exemple pour expliquer l'Histoire et les personnalités qui l'ont marquée, aux ados. Une collection mythologie est en cours…
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