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Terje Sinding (Traducteur)
EAN : 9782381980263
240 pages
L'Arche (03/12/2021)
4.42/5   6 notes
Résumé :
Au centre de Et la nuit chante, un couple : lui passe son temps à lire, allongé sur un canapé et voit passer sa carrière d’écrivain qui s’effiloche ; elle désire une autre vie et cherche à s'évader de cette médiocrité du quotidien. Ils ont un bébé et les parents du jeune homme viennent voir leur petit-fils, mais disparaissent aussitôt arrivés. Une nuit, alors qu’elle est sortie en ville, le jeune homme regarde par la fenêtre et attend son retour. L’aurait-elle quitt... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le dernier Prix Nobel de littérature est norvégien et il est un des dramaturges contemporains les plus joués. Cela ne pouvait qu'aiguiser ma curiosité, une lecture dans une perspective de passage sur scène était programmée. En furetant un peu, je découvre la référence à laquelle il et comparé : Beckett. Je n'ai jamais vu d'adaptation sur scène, mais la lecture d'En attendant Godot ne m'avait pas transporté et j'avais eu du mal à me projeter en acteur de ce type de pièces.

A la lecture d'Et la nuit chante, je ne peux que trouver le parallèle avec Beckett erroné. Il y a certes une certaine absurdité dans le propos, mais elle est plus celle d'un quotidien retranscrit de façon excessivement réaliste que des dialogues sans queue ni tête. Il semble ne pas se passer grand-chose entre les personnages, la banalité est surlignée par la répétition des propos. Mais confronté à cette banalité, nous ne pouvons nous empêcher de penser « C'est tellement nous ! Sommes-nous si ridicules ? Oui sans doute » La préface au recueil de 4 pièces dans lequel j'ai lu celle-ci est rédigée par Isabelle Carré, actrice que j'adore, tellement juste et simple dans son jeu que je ne m'étonne pas que ce genre de texte l'ait tenté. Elle évoque de façon intéressante les réactions du publics, amusés devant des textes pourtant tragiques ou choqués par les propositions, quittant pour certains la salle avant la fin. Face à la banalité apparente du texte, on peut soupçonner voire comprendre que certains n'aient pas vu d'intérêt… mais n'est-ce pas aussi la difficulté à se confronter à des personnages stéréotypes, criants de vérité dans leur banale absurdité, coincés dans un quotidien répétitif et aliénant ?

Combien de temps pourrions-nous tenir en face d'un miroir en cherchant réellement à nous regarder tels que nous sommes et pas en cherchant à nous recouvrir des artifices de l'esthétisme ? Dans un monde d'applications qui multiplient les filtres chargés de nous cacher notre apparence réelle, comment peut réagir l'humain confronté à son insignifiance crasse ? Certains spectateurs de Fosse ont semble-t-il déjà répondus, la fuite est le plus court chemin vers le déni.

Je complète avec un mot sur la deuxième pièce lue, Un jour d'été. On a envie de la rapprocher de la première par des thématiques redondantes : les différences dans le couple qui rendent complexes la vie commune, la difficulté à réellement se comprendre entre humains, ce qui amène finalement au thème de la solitude annoncé en quatrième de couverture comme celui qui marque le théâtre de Fosse. Une solitude originale car les personnages sont finalement rarement physiquement seuls, notamment ici où certains personnages se refusent à en laisser d'autres seuls... mais chacun reste enfermé dans son canevas de représentation du monde, et donc assez seul à deux ou trois. Dans la construction narrative, on retrouve aussi le drame qui couve, la montée de l'angoisse jusqu'au dénouement tragique. J'ai beaucoup apprécié le choix de représenter certains personnages à des moments différents de leur vie et de les faire coexister sur scène, le dispositif est original et permet la profondeur du propos, l'analyse des motivations et des états intérieurs. Une pièce qui me confirme que Fosse fait partie des dramaturges qui m'intéresseront, malgré un premier abord dépouillé qui pourrait faire craindre une superficialité. Il atteint la profondeur par le banal, ce qui est un vrai tour de force.

Pour ce qui est de Hiver, je vois beaucoup plus la parenté avec Beckett. J'ai eu du mal à comprendre le sens profond de la pièce si ce n'est encore dans l'incommunicabilité de certaines choses, dans le rapport entre désir à soi et désir de l'autre qui se nourrissent mutuellement. Même si la fin est bien moins tragique que les autres, il reste une tristesse généralisée dont on a du mal à se départir. Et l'absence totale de personnages avec un nom, la distribution résumée à "Un homme - Une femme" rend le désespoir de cette peinture de la nature humaine plus présent. j'y vois beaucoup moins d'intérêt en lecteur et je pense aussi en acteur.

Pour finir, la dernière pièce du recueil, Variations sur la mort, est un peu un mélange de toutes les autres. Des personnages stéréotypes (vieille femme, vieil homme, jeune femme, jeune homme, la fille, l'ami), une construction très intéressante puisque là encore on confronte des personnages à leur moi du passé, des réflexions sur le couple, sur un drame familial, sur la difficulté à comprendre l'autre quand on ne pense qu'à sa propre douleur. Toujours les mêmes répétitions lancinantes des mots, comme si les personnages s'enfermaient eux-même dans une mélopée, comme si leur cerveau sonnaient comme un disque rayé. J'y ai trouve plus d'intérêt qu'Hiver, avec notamment des possibilités d'incarnation très intéressantes offertes aux acteurs, qui sont forcément sollicités dans leur talent propre, puisque les mots répétitifs n'offrent pas un support bien solide à l'interprétation, mais qu'ils peuvent tout de même être le vecteur d'une émotion sincère et à portée universelle.

En conclusion et après la lecture espacée de ces 4 pièces, je me félicite d'avoir fait ce choix car une lecture continue m'aurait sans doute empêché de voir la richesse du propos car j'aurais trop subi le poids des similitudes entre les différents messages. Au-delà de la solitude, thématique pointée par Isabelle Carré, ou de la volonté revendiquée par Fosse de création d'un nouveau monde-refuge par l'écriture, j'ai trouvé dans ses pièces une autopsie du couple, incapable de communiquer, enfermé dans leurs propres rêves et vivant ensemble un même cauchemar qui ne se résout que dans le drame, le plus souvent celui de la mort. Pas réjouissant sans doute mais pas non plus à côté de la plaque quand on observe notre époque.
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Un jour de printemps mais avec des températures qui tendaient vers l'hiver, je devais attendre entre deux rendez-vous. Plutôt que de me rendre dans un café bruyant, je décide de m'arrêter à l'une des bibliothèques de Lyon 5 et de poursuivre mon défi Nobel.

Dans cette petite bibliothèque de quartier, difficile de trouver des Nobel mais le dernier Foss y est. Caché dans les 2 rayons théâtre. Je vais pouvoir lire 4 pièces de cet auteur. A noter une belle coquille sur la page interne "Et la nuitE chante" ça fait un peu tâche pour la maison d'édition.

Bref 4 pièces car les textes sont très courts. Moi qui vient de terminer Proust Sodome et Gomorrhe et ses phrases à rallonge, j'ai un choc...

Foss, ce sont des dialogues brefs, répétitifs et tragiques mais pas le sens Shakespearien ou Racinien... non on n'est pas dans le drame héroïque, on est dans la vie de Mr et Mme tout le monde.

Foss c'est l'incapacité à communiquer. C'est la solitude dans et du couple. C'est l'impact dramatique des choix.

Dans "Et la nuit chante", la pièce qui compte le plus de personnages 6, c'est un chant de désespoir.

Dans "l'hiver", on est dans un huis clos / malentendu avec des ricochets qui ne présagent rien de bon.

"Variation sur la mort" est la pièce qui m'a le plus émue. Sans doute parce qu'il s'agit du destin d'un enfant devenu adulte. Cette homme qui multiplie les mariages et qui renie son histoire. Cette femme qui vient annoncer à son ancien mari cet événement. Ce dialogue entre la jeune fille et l'ami, c'est vraiment puissant.

"un jour en été" est également une pièce qui m'a émue. On découvre une femme qui se souvient. On voit la femme se souvenir de ce jour où la tragédie est arrivée. Elle va la revivre toute da vie.

Dans ces 4 pièces la solitude est omni présente car même si il y des couples, des liens, la solitude règne...

C'est peut être cela qu'à voulu partager Foss.

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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
LA JEUNE FEMME
(...)
Non je ne peux pas partir maintenant
Je ne peux pas
Il
(bref silence)
a toujours été gentil avec moi
Il ne savait pas quoi inventer pour être gentil
Et puis il ne sait pas se débrouiller
n'ose pas sortir
il peut passer des journées entières sans oser sortir
même à la boutique du coin
il n'ose pas aller
Et puis il y a ce qu'il écrit
Ça ne va pas du tout
ce qu'il écrit
Je suis sûre que ça ne va pas du tout
C'est la seule chose dont il se sente capable
rester à la maison et écrire
Mais bien sûr personne ne veut publier
ce qu'il écrit
Il n'est pas assez doué
Il n'est pas doué du tout
Il était nul à l'école
Il avait zéro dans plein de matières au lycée
On était ensemble au lycée
Oui tu le sais
Je te l'ai
déjà dit
Je le connais depuis le lycée
On s'aime depuis le lycée
(elle regarde Baste)
et on s'est aimés
jusqu'à maintenant
ou presque

(extrait d'Et la nuit chante)
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LA JEUNE FEMME
Mais combien de temps est-ce que tu vas continuer
à écrire comme ça
Tu ne vas quand même pas rester là et écrire
années
après années
Tu ne vas quand même pas
(elle s'interrompt. Silence)
Peut-être que ce n'est pas écrire que tu devrais faire
Oui je le pense
Soit tu arrives à te faire publier
soit
il faut que tu trouves autre chose
à faire
Tu ne peux pas rester là
ne jamais sortir
et écrire des choses dont personne ne veut

(extrait d'Et la nuit chante)
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