Depuis plusieurs années, le catalogue du Lézard noir prend vraiment une direction qui me plaît de plus en plus. Avec ses ouvrages de société, ses ouvrages écrits par des femmes, ils tapent pile dans ce que j'aime et
La Boîte lumineuse qu'ils viennent de sortir s'inscrit dans cette veine là.
Ce oneshot de 192 pages, nous le devons à
Seiko Erisawa que nous découvrons ici alors qu'elle fait carrière depuis plus de 20 ans au Japon après avoir été dans une école d'art londonienne. Elle y a une carrière assez solide entre publications d'histoires fantastico-réaliste, notamment dans les Comic H et Comic Cue, écriture aussi des critiques de films et illustrations de couvertures de romans. On peut la retrouver sur : erisawa.com. Ses histoires, comme ici, sont souvent courtes et appartiennent au genre "josei" que j'aime énormément.
Dans le volume unique que le Lézard noir a choisi de sortir pour commencer, nous sommes face à 6 chapitres d'histoires courtes sous forme de tranche de vie se déroulant dans un konbini situé entre le monde des vivants et des morts, où un peu en mode Cantine de minuit chacun vient faire découvrir les déboires de son existence. Un mélange singulier mais séduisant.
J'ai beaucoup aimé suivre des histoires globalement indépendantes mais se déroulant dans le même univers avec quelques personnages récurrents en fond : les employés de cet étrange konbini. C'est mystérieux et singulier à la fois, dans une temporalité suspendue, coupée du reste du monde ou presque. Ce presque, c'est parce que chacune des personnes qu'on vient à rencontrer est en fait là pour une bonne raison. Chacun est sur le point de mourir et on lui propose alors un marché pour rester "en vie". Chacun a aussi, bien entendu, des soucis dans sa vie qui sont brièvement soulevés ou sous-entendus et ils ne sont donc pas là pour rien.
L'autrice profite donc de leur passage dans ce konbini d'un autre monde pour dénoncer la pression au travail et son invasion dans notre quotidien, et donc pour prôner un droit à la déconnexion. Elle prône aussi l'importance de garder des liens avec les membres de sa famille qui le mérite, mais le droit de couper les ponts avec ceux qui sont toxiques. Tout est toujours question de relations sociales et de choix mais aussi d'acceptation et de droit à la différence. Ça fait un bien fou.
Alors bien sûr, c'est raconté de manière totalement détournée au cours de petites histoires fantastiques faites de créatures, d'ombres, d'être fantastiques et de sociétés manipulatrices, ce qui est assez cocasse. C'est amusant d'ailleurs de voir cette vision moderne du Grand Roi Enma, divinité chargée de trier les âmes en quelques sortes pour décider de qui va en enfer, qui va au Paradis. Ici, c'est qui meurt, qui a une seconde chance, qui vit, le tout dans un lieu emblématique, par excellence, de leur quotidien : le konbini, la fameuse supérette où ils vont faire leurs achats de dernières minutes. L'autrice a l'art de la formule et de la mise en scène.
Elle reprend énormément d'éléments du folklore japonais rappelant d'autres oeuvres connues ayant parlé de la mort comme le Voyage de Chihiro et son lieu de passage, ses créatures et ombres, mais aussi des oeuvres justes fantastiques comme le Pacte du Yokai avec la relation d'un des personnages avec un drôle de chat. J'aime ce sentiment de familiarité que ça donne. On a l'impression d'enfiler des chaussons avant d'entrer dans l'histoire et on n'a pas envie d'en sortir quand ça s'arrête tant c'est confortable.
Alors que son format de oneshot m'avait fait hésité, j'ai beaucoup aimé la richesse, les thèmes et les histoires de
la Boîte lumineuse qui m'a rappelé plein d'autres oeuvres et univers que j'aime. L'autrice a un style très agréable qui capte notre attention même avec des récits qui ont l'air très simples et sans relief. Elle ma rappelle un peu l'aura de
Kiyomi Sugishita dans Deep sea aquarium Magmell, avec laquelle elle partage certains traits communs dans les visages de ses personnages. C'est un fantastique et un tranche de vie qui me parlent.
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