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EAN : 9782344000205
72 pages
Glénat (15/01/2014)
3.93/5   66 notes
Résumé :
En 1975, Philippe Druillet perd sa femme Nicole, victime d'un cancer foudroyant. Il exorcise sa peine dans un album au pessimisme assumé, pointant l'absence totale d'échappatoire à l'issue finale. S'ouvrant sur une préface laissant éructer la rage de l'auteur, La Nuit nous décrit un monde en proie aux gangs de motards anarchiques ou autres barbares déglingués et accros à la dope, se dirigeant tous, au cours d'une bataille sanglante pour le « shoot » ultime, vers une... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
La nuit trouve sa source morbide et dégénérée d'un fléau qui ne l'est pas moins : le cancer. Les premières planches ont été réalisées par Philippe Druillet au cours des nuits passées dans la chambre d'hôpital dans laquelle sa femme se mourait. Sa colère déborde l'expression classique, sa rage s'exprime dans une violence des traits et des couleurs qui font oublier le gentil psychédélisme des années 70 pour laisser deviner la transe électro des années futures.


Contre la médecine du FRIC, contre la médecine des MECS qui se prennent pour DIEU, c'est avec toute sa violence que Philippe Druillet réinvente le monde et les mots dans l'objectif de prendre goût à la mort, puisqu'elle est invincible.


La nuit ne se comprend pas ni ne s'explique : elle appartient au domaine de l'adhésion, là où la beauté émotionnelle remplace toutes les démonstrations les plus solides.
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Pour le lecteur qui ouvrirait par hasard cette BD, le choc risque d'être rude. Premier constat, les dessins ne sont pas très jolis. Les contours des formes sont tremblés, il y a plein de petits traits non signifiants, et il faut faire preuve d'une attention soutenue pour déchiffrer certaines cases, bourrées à craquer de silhouettes entremêlées. Les couleurs ne débordent pas des traits, mais elles peuvent être agressives, criardes ou sales. Un rapide parcours des phylactères montre que les règles de syntaxe ne sont pas respectées et que certaines phrases laissent à désirer en termes de clarté.

À l'époque de sa parution, cette oeuvre était révolutionnaire, et beaucoup des lecteurs de l'époque hésitent à la relire, tellement elle a imprimé un souvenir indélébile et intense dans leur esprit. Pour un lecteur d'aujourd'hui il s'agit d'un témoignage d'une époque révolue, mais aussi d'un récit toujours aussi intense. Certes, Philippe Druillet fut le cofondateur de la revue Métal Hurlant avec Jean-Pierre Dionnet en 1975 (voir [[ASIN:2207255034 Métal Hurlant 1975-1987 : la machine à rêver]]), une revue historique dans le développement de la BD, mais il reste avant tout un auteur à la forte personnalité narrative. Toute personne qui a vu ne serait-ce qu'une fois un de ses dessins en garde le souvenir.

Le tome s'ouvre avec un incipit en deuxième de couverture : une citation des Fleurs du Mal de Baudelaire. Puis vient une photographie de l'épouse défunte de Druillet (morte d'un cancer foudroyant peu de temps auparavant), et enfin un texte rageur d'impuissance de Druillet quant aux médecins et au destin. C'est donc l'oeuvre d'un artiste en deuil, animé par la rage et la douleur. Mais c'est aussi une histoire.

Il peut falloir au lecteur, un temps pour s'adapter à la narration. D'un autre côté, il peut aussi être emporté par cette narration dès les 2 premières pages. La première comprend 6 cases superposées de la largeur de la page, comme dans un panoramique large de western spaghetti. La deuxième est un dessin pleine page des motards fonçant vers le lecteur sur des engins futuristes, sans roues, lévitant à quelques centimètres au dessus du sol. En haut de cette page, il y a 3 médaillons avec les têtes et les noms des personnages.

Tout au long du récit, Druillet adapte sa mise en page, à la nature de la séquence. Il n'y a pas de découpage bien propre et régulier qui se répète d'une page à l'autre. Il n'hésite pas à réaliser des dessins s'étalant sur 2 pages et requérant de tourner physiquement l'album d'un quart de tour. Les bordures même peuvent se gauchir sous l'effet de la violence des actions dépeintes, s'incliner, se briser, prendre la forme du contour d'un personnage, et même disparaître.

Philippe Druillet plie de la même manière le langage à son dessein. La syntaxe des protagonistes laisse clairement à désirer, mais l'objectif n'est pas de respecter la grammaire. L'objectif est de faire passer leur état d'esprit, leur idée fixe de dope. le résultat parle de lui-même : une étrange poésie brutale et évocatrice.

De la même manière, Druillet n'explique pas tout de manière pédagogique et détaillée. Peu importe le contexte politique ou historique, ou même géographique de la situation. Il s'agit d'une histoire viscérale qui relaie une rage existentielle violente et désespérée. L'état de la situation ne laisse planer aucun doute. Ces motards cherchent la dope qui leur permettra de supporter la réalité. Ils défoncent l'ordre établi, rebelles sans cause, refusant un ordre contraignant, sans alternative à proposer, juste une soif de liberté, et la conscience de leur propre servitude à la drogue. Dès le départ, l'issue de cette quête ne fait aucun doute, dans cette ambiance nihiliste.

Au final, peu importe la nature des innovations narratives, leur intelligence ou leur pertinence, le récit emmène tout sur son passage. Une fois son réglage de lecture effectué, le lecteur s'embarque pour cette équipée sauvage et éprouve avec ses tripes cette absurdité existentielle, cette quête impérieuse d'un divertissement permettant de supporter l'existence, cette violence des rapports sociaux, ce carcan des règles diverses et variées, cette brutalité nécessaire pour garder le cap.

Paradoxalement, Druillet laisse le lecteur libre de lire à sa guise : de lire à toute berzingue jusqu'au choc final, ou de lire en prenant le temps de savourer ces visions lyriques, baroques et outrancières, de se perdre dans le luxe de détails de ces pleines pages, après avoir pris en pleine face la force de leur composition. Certains lecteurs pourront être rebutés par ces doubles pages, compositions mêlant bande dessinée et éléments figuratifs, éléments géométriques abstraits et conceptuels. Il s'agit de l'un des attraits de l'art de Druillet ; ces images démesurées, hors norme, dont l'échelle monumentale écrase les individus, et les symboles évoquent un inconscient collectif primal, des courants de force sous-jacents, un destin et une condition humaine inéluctables et inflexibles.

Peu importe l'intelligence de la déstructuration des conventions de la BD, peu importe la flamboyance des scènes, ou la pauvreté culturelle des personnages, le lecteur fait l'expérience de plusieurs des aspects les plus noirs de la condition humaine. Dans cette équipée fatale, il y a encore moins d'espoir que dans le film "Thelma & Louise", une conscience plus aigüe que tout est vain.
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La Nuit de Druillet … Encore aujourd'hui, quand je le relis, j'ai ce petit frisson d'exaltation, ce sentiment qui nous prend au ventre quand on sait qu'on va assister à quelque chose de grandiose.

Car grandiose, je pense encore qu'elle l'est cette oeuvre, même après plus de vingt relectures espacées dans le temps tout autant que dans les conditions de lecture. Et pourtant j'ai le même effet à chaque fois. Un mélange d'excitation par l'aventure qui m'attends, mais en même temps d'appréhension avec le côté grave et curieusement défaitiste qui se dégage de l'oeuvre. Mais dépressive, elle ne l'est pas, même si elle est noire. C'est une oeuvre forte, une oeuvre belle, mais pas dépressive. Ça c'est sur.

En commençant, l'ouverture est grave, pesante, lourde. Druillet fait son introduction. Déjà la beauté du texte se voit, l'émotion se ressent, la douleur transparaît. Druillet nous invite à le suivre dans son exorcisation de la douleur, à voir la perte d'un être cher et ce qu'il en à tiré comme oeuvre. L'introduction est funèbre, pesante, mais en même temps on sent une colère forte derrière la douleur, et cette colère est dirigée contre un peu tout le monde. Lui-même semble notamment se détester. Mais cette colère, au contraire de l'aveugler, ne le rends que plus lucide, et l'introduction en est d'autant plus impressionnante. Elle est la raison pour laquelle j'ai acheté cette BD, et encore aujourd'hui je la relis en pesant bien les mots qu'elle contient.

La page se tourne. Il fait noir, mais un portrait, à mi-chemin entre la photo et le dessin nous sert d'ouverture. La femme nous regarde en nous attendant, nous invitant à ouvrir la porte de l'univers de la nuit.

Et maintenant, voilà que s'ouvre la BD proprement dite. Une BD qui semble curieuse. Les dessins sont fouillés (ou fouillis ?), plein de détails, colorés à en faire mal à la tête, et en même temps ils collent à l'atmosphère, ils sont un style à part entière, l'émotion suinte par lui. Dans ce dessin, nous voyons les lions qui volent. le décor se plante, la ville où tout vit la nuit seulement, les êtres en noirs, les crânes qu'ils les appellent, et le combat prend forme. La violence règne. Même dans les termes. Peu de phrases, des expressions, beaucoup de vulgaire.

Tout s'emballe tout à coup, on ne comprend pas. Des cataclysmes se déclenchent, il faut se réfugier sous terre, et retrouver les autres. Et la nouvelle tombe : la dope a été prise par quelque chose. Nous ne saurons pas ce que c'est, mais c'est fini pour les tribus de la cité si elles ne parviennent pas à reprendre le dépôt. Toutes se réunissent, s'arrangent, dansent. le tableau de ces hommes dansant sur Brown Sugar à quelque chose d'étrange, comme s'il ne devait pas être là. C'est la dernière scène de paix. Nous voilà au milieu de l'oeuvre, et la plongée en enfer commence.

Une plongée dans un enfer dont on en ressent tout de suite les effets : doubles pages magnifiques qui nous invitent à nous plonger dans une myriade de dessins, des planches sublimes aux couleurs toujours plus folles, des découpages de cases fous. Et pourtant, Heintz sent le doute poindre. Il a peur de la mort. Elle semble se rapprocher.

Et le combat se lance. Tous contre tous, dans un combat final. Ce sera le dernier, l'un disparaitra totalement. Et pourquoi pas les deux ? Qui a dit qu'il y aura un vainqueur au final. Mais les crânes sont vaincus, la lutte a servi. Et pourtant Heintz a encore peur. Il est seul au milieu, il hurle. Il regarde la mort en face. C'est fini, mais pourquoi ne pas tenter une dernière course à la mort ? Ils foncent en chantant, et voilà que les doubles pages prennent toute leur ampleur. Les photos d'un calme apparent se mêlent au chaos des dessins, les deux mondes se mélangent. Et voilà que le dépôt bleu est là ! Il semble carrément transpercer les pages, il explose par tous ses orifices et la foule se presse pour y rentrer. Et la danse recommence, tandis que le shoot fait effet.

Dernier chapitre : les pâles arrivent. Ce qu'elles sont ? Nul n'en sait rien. Mais elles tuent, tout. Absolument tout. Et l'apocalypse se déchaîne. Tout le monde meurt, les corps s'entassent, explosent sous les rayons de ces pâles. Tout se disloque, tout disparaît. Mais Heintz est encore là. Il est debout, attendant l'aube. Il sait qu'elle tuera les pâles et lui avec. de toutes façons, c'est déjà fini.

Et l'aube nait. Tout disparaît, et Heintz se désagrège lentement, disparaissant de la page. Celle-ci est vide de tout le reste à part lui. Et tout est fini.

Les métaphores du cancer, de la mort, du pourrissement d'un corps sont encore floues, qui est qui ? Mais au final, peut importe de savoir exactement. La force des émotions est là, sans qu'il faille l'expliquer.

Alors, respirant fortement avec la montée de tension qui a traversé les pages, encore sous le choc de ce que je viens de lire, je vois les derniers mots de la BD, tracé délicatement par Druillet au bas de la dernière planche, et un sourire me monte aux lèvres.

« Fin. Lente montée de la musique … »
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La Nuit, c'est le cri de désespoir de Druillet devant la mort qu'il n' accepte pas.
La Nuit, c'est un océan de terreur dans laquelle s'enfonce l' auteur avant de remonter à la surface.
La nuit, c'est le deuil sanglant et flamboyant que porte Druillet devant celle qu'il aimait et qui n'est plus.
Un long chant funèbre, d'une rare violence, pour un chagrin déchirant.
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Récit halluciné de la révolte pour la vie, révolte condamnée dès sa naissance à une mort certaine, La Nuit met en scène des bandes anarchiques en guerre et en révolte contre l'ordre. Ces bandes sont à la poursuite de la drogue nécessaire à la vie, stockée dans le dépôt bleu que ces bandes, réunies pour la seule et unique fois, essaieront de reconquérir avant que d'être surprises par la mort et l'aube.
Avec un dessin aux couleurs vives et choquantes, Druillet ne s'inquiète pas du découpage : sans case, sans limites donc, les lignes débordent de partout comme la vie et la mort qui s'insinuent dans chaque instant de nos existences. Oeuvre pessimiste, poétique aussi malgré ce langage à la fois imagé et simplifié, dans ce futur post apocalyptique qui laisse à la vie les espaces de liberté que les errements de la mort lui laissent, La Nuit est une oeuvre puissante comme un exutoire face à la mort de l'être aimé. Un album comme une baffe, comme un doigt d'honneur et une résignation face à la mort.
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critiques presse (1)
BDGest
18 février 2014
De toute évidence, les esprits cartésiens passeront leur chemin, rebutés par ce qui, à première vue, est un délire impénétrable. Les autres, curieux, se laisseront porter par un rythme qui ne faiblit pas, par un tourbillon d’événements qui convergent et précipitent les acteurs vers l’annihilation.
Lire la critique sur le site : BDGest
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Quelques mots, pour mon époque qui est moche, et je suis gentil !
[…]
…à la médecine pourvoyeuse de la mort, la médecine des MECS, la médecine du FRIC, celle de CURIE et d’ailleurs. CANCER, mal terrible, plus terrible encore entre leurs mains car on en meurt, STATISTIQUEMENT ! c’est la formule. Oui ! Je vous accuse, bouchers stupides, CONS à la blouse blanche et au verbe haut, jongleurs de vies qui vous prenez pour Dieu, alors que l’on vous demande d’être des hommes et de nous traiter comme tels !
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Un jour…moi aussi… je crèverai tripes au vent mais en attendant ombre shoote la mort je baise !!
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Siècles des « LUMIERES », si nous voulons vivre mieux, apprenons enfin la mort, moi qui l’ai tenue dans mes bras j’en tremble encore.
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Bites-con ! La queue qui pend entre vos jambes vous noircit les phares !!!
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La Lune flippe, l’aube n’est plus loin !
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Vidéo de Philippe Druillet
Rencontre avec Daniel et Félix Pérez, experts BD pour ARP, 174 rue du Faubourg Saint-Honoré 75008 Paris, pour la vente online d'albums du 13 au 25 février et la vente exceptionnelle en salle du samedi 17 février à 15h avec des originaux d'Hergé exceptionnels. Découvrez des originaux de Loisel, Moebius, Druillet et Hergé dont la formidable double planche du Sceptre d'Ottokar, huitième album de la série ! Une véritable pièce de musée. Exposition de 9h à 19h chez ARP du lundi 13 février au samedi 17 février (9h-12h) avec possibilité de rendez-vous privé ! Tous les renseignements sur https://www.arp-auction.com/ #GALERIE #BD #POPCULTURE #BANDEDESSINEE #COMICBOOKS #9EMEART#TINTIN#HERGE Retrouvez 1,2,3 BD ! Chez les libraires! sur : https://www.youtube.com/TraitpourtraitBD https://www.facebook.com/TraitpourTraitBD https://www.instagram.com/traitpourtraitbd/
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