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EAN : 9782362802096
128 pages
MARCHAISSE (06/09/2018)
3.63/5   15 notes
Résumé :
Anne Dufourmantelle a péri le 21 juillet 2017 pour sauver des enfants de la noyade en Méditerranée, dont le propre fils de l'auteur. Elle était psychanalyste, philosophe, romancière, auteure d’une œuvre reconnue de par le monde. Sa notoriété culturelle ne suffit pourtant pas à expliquer l’émotion considérable qui s’est répandue à l’annonce de sa mort, en France et au-delà, jusqu’auprès de gens qui ne l’avaient jamais lue ni entendue. Ce récit de chagrin livre le por... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
A Claire.


Ce n'est pas le livre que j'attendais, pas une biographie, c'est mieux, le titre est on ne peut plus explicite, bien choisi, pesé comme le seront les mots tout au long de ce dit. Il m'arrive alors que je suis traversé par une vague de tristesse. Enfin je lis. L'écriture est pure. Elle parle de la mort, de son incompréhension, de l'effet sur les proches, de ce moment où l'on perd pied, cette sensation d'étouffement, ce besoin de se raccrocher, comme l'on peut. La présence d'Anne Dufourmantelle habite chacune de ces pages tout comme je ressens qu'elle habite chacune de ces personnes, inconnues au point que je les confonds à des personnages.


Sensation d'être un intrus, là par hasard où je ne suis pas légitime, impression de m'immiscer dans un cercle d'intimes dont je ne fais pas partie, d'usurper l'écoute d'un récit beau et sensible au demeurant, la question n'est pas là. Par la pudeur du message, je ne regrette pas mon choix incongru. C'est seulement ces derniers mois par l'intermédiaire de Piatka que j'ai appris à la fois l'existence et la mort d'Anne Dufourmantelle. Par ses citations, commentaires et sa seule chronique (que n'a-t-elle pas écrit un billet sur celui-ci, elle aurait mieux...) elle m'avait donné l'envie de l'approcher, je sais reconnaître une belle personne même de très loin, c'est ainsi qu'à la première occasion j'ai plongé sans hésiter. Il n'empêche, je reste au bord du chemin, extérieur. C'est pourquoi mes mots me semblent vides, vains, loin de ceux du bouquin.


Ainsi pour moi la vie et la mort d'Anne Dufourmantelle s'entrechoquent. J'ai toujours pensé qu'une belle mort venait couronner une belle vie, je rejoins même les Pharaons pour qui la vie servait à préparer la mort, plus qu'une vérité c'est une de mes croyances. Et il n'y a pas beaucoup de plus belle mort à mes yeux que donner sa vie pour sauver ceux qu'on aime. Une déficience cardiaque, pour le même prix elle fauche une ou plusieurs personnes en voiture, mais toute sa vie l'a conduite vers une fin plus lumineuse. Une vie pleine comme la qualifiera si justement Guilhem le fils de l'auteur, dans ce rapprochement entre un père et un fils si tendrement raconté en cette perte ressentie de concert. Une vie pleine, j'avais envie d'ajouter et généreuse, c'eût été un pléonasme, l'une ne va pas sans l'autre. Pourquoi cela me paraît-il alors si difficile, quand mes grands-parents déjà me le montrait comme une évidence ?


J'en reviens à ce sentiment d'exclusion qui prédomine. Il vient de bien plus loin que la non connaissance des personnes. Peut-être mon rejet extrême de tout voyeurisme ? Je trouve indécents ces humains, et ils sont majoritaires, qui ralentissent fortement afin d'assouvir une curiosité, malsaine de mon point de vue, lorsqu'ils croisent un accident dans l'autre sens sur l'autoroute, et la colère mêlée au dégoût me monte si en plus mon regard en perçoit certains en train de photographier ou filmer. Ici ce n'est pas cela, aucune indécence car la pudeur du texte, un autre de ses mérites, gomme entièrement toute sensation de colère ou de dégoût. Il faut chercher probablement dans mon rapport singulier avec la mort que je considère comme un aboutissement, une porte que tout un chacun fini un jour inconnu par pousser, et qui se claque alors violemment derrière lui. Est-ce mon désir absolu de liberté qui me fait laisser les morts enterrer les morts, plutôt que de les vouloir retenir ne fût-ce que par pensée ?


Voilà qui aurait pu être un bel échange avec Anne si j'avais été dans son monde, déjà je partage entièrement au travers d'interviews, dénichées sur le net, son éloge du risque et la force de la douceur. Je dois maintenant m'éloigner du livre pour partager quelques mots du domaine de l'intime, mais le livre aussi relève de ce domaine. Lorsque j'ai répondu à Babounette ce samedi 6, je n'ai probablement pas eu les mots qu'elle attendait. Ce qu'elle m'annonçait je l'avais déjà assimilé, je savais depuis plusieurs semaines le cancer, et je savais depuis plus longtemps encore la manière courageuse dont Claire avait décidé d'affronter sa phase ultime si elle venait à se déclencher, seule la date arrêté du mardi 9 m'était inconnue. J'étais à un repas d'amis ce soir-là et puis j'y suis resté sans plus y être, spectateur en retrait comme lors de cette lecture, tout en n'ayant pas été avec Babounette et sans être non plus avec Claire, dans un état proche de la sidération.


Un des invités que je rencontrais pour la deuxième fois, une de ces personnes douées d'une véritable attention (comme l'était Anne d'après ce que j'ai lu, comme l'était Claire d'après ce que j'ai vécu à plusieurs occasions) est venu me repêcher avec tact, il s'est d'abord adressé à mon vis-à-vis et puis m'a intégré dans leur conversation. Je suis totalement dépourvu de ce talent, ce n'est pas que je ne vois pas les choses ou ne les sens pas, c'est une incapacité à trouver spontanément le mot juste, le geste qui touche. Ainsi s'explique, Claire, sans l'excuser, ni encore moins le justifier, ce coup de fil que tu as peut-être espéré en vain, qui n'est pas arrivé parce que je ne voulais pas m'imposer, et mon absence aujourd'hui au crématorium où je serais au mieux passé inaperçu, ne connaissant aucun de tes proches. Il n'empêche ce n'est pas tant le nombre des rencontres que leur profondeur qui importe et tu avais toi aussi cet art de rendre ces moments précieux.

Merci à Babelio et aux éditions Thierry Marchaisse pour ce livre plein d'humanité reçu par la Masse critique de septembre.
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Jean-Philippe Domecq a presque vu mourir sous ses yeux, sur la plage de Ramatuelle dans le Var, son amie, la philosophe et psychanalyste Anne Dufourmantelle qui a fait un arrêt cardiaque en allant secourir deux enfants qui se noyaient, dont le propre fils de JP Domecq. Les deux enfants sont, eux, sains et saufs. L'auteur revient sur ce dramatique accident et sur les jours qui ont suivi pour nous parler de la façon dont lui et et son fils ont vécu ce drame et bien-sûr pour nous parler d'Anne, cette personne à la fois mélancolique et solaire, singulière et tellement attentionnée envers les autres.

Le pari est assez risqué tant "l'amie" en question est connue dans le milieu de la psychanalyse, auteure de plusieurs livres dont précisément un "Eloge du risque" qui fait étonnamment écho à sa disparition. Et je trouve que ce pari est presque gagné, et de belle manière : les 90 ou 100 premières pages m'ont touché et je trouve que JP Domecq a su trouver des mots justes et donner une structure intéressante à son récit.

Toutefois la fin du livre est moins convaincante, à mon avis. Car l'auteur en vient à parler de ses projets personnels : il entend (ou entendait ?) ouvrir à la fin de l'été un cabinet de "thanatothérapeute". Il s'agit « de nous "guérir", non pas de la peur de la mort [...] mais de la peur de cette peur ». « Cette cure, un peu nouvelle (sic), était une variante de psychanalyse et ne rejettait aucunement celle-ci, bien au contraire (re-sic)... ». Et l'auteur nous dit qu'à la fin du livre qu'il se proposait de publier sur le sujet, Anne et lui avaient « prévu » d'ajouter un « long dialogue écrit où nous pèserions et poserions les objections à l'hypothèse ».

Je ne peux m'empêcher d'entendre dans ces mots qu'Anne Dufourmentelle avait de fortes objections à cette idée de "thanatothérapie", objections dont JP Domecq se garde bien de nous faire part. Les a-t-il d'ailleurs entendues ? Rien n'est moins sûr, tant son assurance à ce sujet semble intacte. L'auteur évoque alors les Egyptiens, le Styx, Pascal... et il revient sur l'image de l'aura qu'il lui semble avoir perçu très physiquement lorsque le corps d'Anne gisait sur la plage : « Sur ce qui fut sa dernière plage, j'ai revécu par elle comment le sacré vint aux hommes. ».

Même si cette (brève) tentative de récupération post mortem me gêne un peu, je trouve que JP Domecq ne manque pas de talent.
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     Anne Dufourmontelle est cette psychanalyste tragiquement décédée à 53 ans en 2017 par noyade en tentant de sauver des enfants, dont celui de l'un de ses amis, l'auteur de ce livre.

    Quand la mort devient une mort, celle qui foudroie en pleine existence une amie proche dont tous s'accordent à dire que c'était une belle personne, une belle âme et que, de surcroît, cette amie a en quelque sorte donné sa vie pour sauver celle de votre fils, vous ne pouvez pas ne pas partager vos sentiments. Ce récit chronologique rétrospectif tente, avec une pudeur contenue, de rendre compte de la commotion ressentie par la mort d'une amie, disparition suivie de la lente et impossible accoutumance à son absence, paradoxalement accompagnée de l'omniprésence de cette même absence.

Pour décrire ce livre, on peut utiliser la métaphore imparfaite d'un vitrail que l'on contemple dans le silence et qui soudain explose sans aucun signe avertisseur. Dans un premier temps, l'éclatement en mille morceaux de la lumière et des couleurs est aussitôt suivi par le souffle et le fracas de l'explosion qui vous tétanisent et vous laissent un trop court instant incrédule. Puis, dans les minutes, les heures, jours et mois qui suivent, le film repasse au ralenti, on reconstitue le fil des événements et l'on réassemble dans sa mémoire, morceau par morceau, l'image approximative de ce qui était avant. Parce qu'il y a désormais un "avant" et un "depuis".

    Ce récit n'est pas morbide, il nous aide à regarder la mort bien en face, à approcher de "l'immense secret des êtres humains". Il nous aide aussi à comprendre en quoi ce que nous avons vécu et partagé avec nos proches est un cadeau. le passé est définitivement un présent.
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Anne Dufourmantelle est décédée tragiquement en juillet 2017 en portant secours à des enfants qui se noyaient, dont le fils de Jean-Philippe Domecq. Ce dernier raconte les derniers instants de son amie, puis son chagrin et celui des proches, tout en se remémorant les moments forts de leur amitié. Il dresse le portrait d'une femme charismatique, d'une intelligence et d'une générosité exceptionnelles. Un livre touchant et juste qui ne cherche pas à consoler ("Et s"il y a bien une obscénité désormais, ce serait de "faire le deuil" de mon amie ! Non, non, la fidélité ça existe, on a au moins ça.") mais restitue un peu de l'aura d'une personne dont l'oeuvre et la vie furent remarquables.
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Anne de Fourmentelle, psychanalyste, philosophe, écrivain, femme -phare de son cercle d'amis, est morte sur la plage, après avoir sauvé de la noyades les enfants-adolescents de ceux-ci. Jean-Philippe Domecq, lui-même écrivain, est de ceux là, son fils doit la vie à cette amie si chère.
Il n'a trouvé d'autre voix que d'écrire les instants, l'émotion, le chagrin qui ont marqué les quelques semaines allant du moment où il a été prévenu, où il a assisté avec les autres aux derniers instants sur la plage, puis intimement vécu ce choc après lequel rien ne sera plus jamais pareil.
Il y a les faits dont la précision rattachent à la vie, qui, implacable, continue, et une émotion, une pensée, un cri, face à ce cataclysme qui bouleverse un petit microcosme. Si le portrait d' Anne qui parcourt les pages n'est pas la meilleure partie, il y a une belle pudeur lyrique qui conduit cet homme sur un chemin où il fait le choix de refuser le deuil, l'apaisement, en tout cas pour un temps.

Merci à Babelio et aux éditions Thierry Marchaisse, dans le cadre de l'opération Masse Critique
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critiques presse (1)
Bibliobs
24 août 2018
Il y dresse un portrait magnifique d'Anne Dufourmantelle, gisante ensablée à la beauté paisible, souriante et suffocante que, s'agenouillant, Frédéric Boyer embrassa une dernière fois et sur le front de laquelle, ensuite, Jean-Philippe Domecq posa ses lèvres.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Ainsi, nous l’avions bien discernée, Anne ; ainsi il y a un magnétisme des êtres que notre rationalité occidentale ne peut certes appréhender mais qui constitue une autre dimension humaine, qui elle aussi crée de la valeur, les avancées, fait l’Histoire.
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On n’a aucune envie de guérir d’un chagrin - le chagrin est tout ce qu’il y a de fidèle.
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[...] on vient aux enterrements autant pour soi que pour le ou la morte. Qui n'en a cure et aurait préféré qu'on soit là avant. c'est ce qui m'avait toujours agacé jusque-là lorsque j'y allais. Ce constat que, parmi ceux qui sont présents alors que c'est fini, la plupart ont l'air de découvrir quelque chose. Ils auraient pu s'en inquiéter avant, de l'être qu'ils pleurent ; maintenant c'est trop tard pour les pensées affectueuses et compréhensives, trop tard, il/elle n'est plus là pour vous entendre et ne souffre même plus de vos absences ou mésententes, trahisons, intérêts, mesquineries, pièges ou lâchages, et tout ce mal petit et grand que nous nous faisons les uns les autres comme si nous ne sentions pas que l'autre aussi pleure et rit comme nous à la fin ! A la fin comme au début, car dès l'éveil de notre conscience d'enfant nous le savons, tous, qu'il y aura la mort. Alors comment pouvons nous vivre dans l'ignorance volontaire de cet élémentaire savoir commun ? Dans le "Aimez-vous les uns les autres", j'ai toujours entendu : "Ecoutez-vous les uns les autres, un peu, commencez donc par là. p.83
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Je la connais, Anne, l’ai souvent vue en vingt ans, dans des contextes différents et variés, je la connais. Eh bien, elle était dans sa beauté à elle, rien qu’à elle, mais « beauté » est trop vague ou lyrique, alors comment dire ? elle était au maximum d’elle – en fait je me suis dit : « telle qu’en elle-même », et j’en suis gêné parce que l’expression fait référence, mais là ce n’en était plus une : c’était exactement Anne, Anne au mieux d’elle-même – ses longues paupières closes qu’on trouvait légèrement orientales, ses pommettes galbées haut, sa bouche largement affinée qui forme comme un infime sourire je ne vais pas dire « énigmatique », mais quand même c’est cela. Elle était belle, oui, à sa façon, et puis c’est plus que ça, ce n’est pas « belle » qui compte, c’est beaucoup plus que ça, c’est autre chose, mais quoi, on l’a sous les yeux, là, en pleine lumière – j’en sens encore le frisson tout au long de mon corps –, c’est peut-être pour ça que je viens de me mettre à écrire, je ne peux pas laisser cela comme ça.
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La mort n’est rien à côté d’une mort.
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Videos de Jean-Philippe Domecq (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-Philippe Domecq
13e édition du Prix Psychologies-Fnac de l'Essai 2019. le Prix Spécial est décerné à Jean-Philippe Domecq pour son livre "L'amie, la mort, le fils" dédié à Anne Dufourmantelle (éd. Thierry Marchaisse). "Un texte d'une qualité extraordinaire, d'une sensibilité, d'une poésie, d'une profondeur et, j'ose le mot, d'une spiritualité – qui ne dit pas son nom – étonnante. Un livre absolument bouleversant, très difficile à qualifier, hors de tout, et je pense même hors de lui-même" (Christilla Pellé-Douël, Psychologies Magazine, extrait du discours de remise du Prix).
Présentation du livre : Anne Dufourmantelle a péri le 21 juillet 2017 pour sauver des enfants de la noyade en Méditerranée, dont le propre fils de l'auteur. Elle était psychanalyste, philosophe, romancière, auteure d'une oeuvre reconnue de par le monde. Sa notoriété culturelle ne suffit pourtant pas à expliquer l'émotion considérable qui s'est répandue à l'annonce de sa mort, en France et au-delà, jusqu'auprès de gens qui ne l'avaient jamais lue ni entendue. Ce récit de chagrin livre le portrait d'une femme exceptionnelle, en même temps qu'il médite sur les rapports père-fils, l'origine du sacré et l'aura d'un être qui avait « la passion de l'amitié »
En savoir plus : http://www.editions-marchaisse.fr/catalogue-lamie-la-mort-le-fils.html
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