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Citations sur Le Prince des Marées (249)

Je me mis à aimer le silence des petits matins. C'est dans le calme que je commençai à tenir un journal où je consignais de solennelles remarques dans la calligraphie convenue de l'enseignement public, les caractères s'étant rétréci au fil des ans en écho à mon propre déclin.
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Pour décrire notre enfance dans les basses terres de Caroline du Sud, il me faudrait vous emmener dans les marais un jour de printemps, arracher le grand héron bleu à ses occupations silencieuses, disperser les poules d'eau en pataugeant dans la boue jusqu'aux genoux, vous ouvrir une huître de mon canif et vous la faire gober directement à la coquille en disant : "Tenez. Ce goût-là, c'est toute la saveur de mon enfance." Je dirais : " Inspirez fort", et vous avaleriez cet air dont la saveur serait inscrite dans votre mémoire pour le restant de vos jours, arôme exquis et sensuel, impudent et fécond des marais, parfum du Sud caniculaire, du lait frais, du sperme et du vin répandu, avec, toujours un relent d'eau de mer. (...) J'ai le patriotisme d'une géographie singulière; je parle de mon pays religieusement; je suis fier de ses paysages.
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J'aimerais ne pas avoir d'histoire à raconter. Pendant de longues années, j'ai fait comme si mon enfance n'avait pas existé. Il me fallait la tenir bridée, bien haut serrée contre ma poitrine. Je ne pouvais pas la laisser s'exprimer. (...) Avoir ou ne pas avoir de mémoire relève d'un choix personnel, et j'avais choisi (...). Parce que j'avais besoin d'aimer mon père et ma mère dans toute leur monstrueuse et imparfaite humanité, je ne pouvais me permettre de les interpeller directement pour les crimes qu'ils avaient commis contre nous trois. Je ne pouvais les tenir responsables ni les accuser de forfaits commis involontairement. Eux aussi, ils avaient leur histoire - une histoire dont je me souvenais avec tendresse et douleur à la fois, une histoire qui me faisait leur pardonner leurs fautes envers leurs propres enfants. A l'intérieur d'une famille, il n'y a pas de crime inaccessible au pardon.
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Quand un enfant subit la réprobation de ses parents, surtout si les parents joue de cette réprobation, il n'y aura jamais pour lui d'aube nouvelle lui permettant de se convaincre de sa propre valeur. Une enfance saccagée ne se répare pas.
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A l'intérieur d'une famille, il n'est pas de crime inaccessible au pardon.
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Puis Savannah sortit de la maison. Et il se passa alors quelque chose que je suis incapable d'expliquer, une chose que je ressentis au moment où ils coururent l'un vers l'autre, que je ressentis au plus profond de moi, en un lieu intouché qui vibra d'un mystère instinctuel, enraciné dans l'origine des espèces - indicible, encore que je fusse conscient que ce qui s'éprouve peut être nommé. Ce ne furent ni les larmes de Savannah, ni celles de mon père qui déclenchèrent cette résonance, cette farouche musique intérieure, faite de sang, de ferveur, d'identité. C'était la beauté et la peur de la parenté, des liens ineffables de la famille, qui faisaient chanter une flamboyante terreur et un amour paralysé à l'intérieur de moi. Mon père était là, source de toutes ces vies, source de toutes ces larmes, mon père qui pleurait maintenant, qui sanglotait, sans honte. Les larmes étaient de l'eau, de l'eau salée, et derrière lui je voyais l'océan, j'en sentais l'odeur, avec le goût de mes propres larmes, la mer et la douleur en moi, fuyant dans le soleil, et mes enfants qui pleuraient de me voir pleurer. L'histoire de ma famille était une histoire d'eau salée, de bateaux et de crevettes, de larmes et de tempêtes.
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Ce fut ma mère qui m'inculqua l'esprit sudiste dans ce qu'il a de plus intime et de plus délicat. Elle croyait que les fleurs et les animaux faisaient des rêves. Lorsque nous étions petits, le soir, avant de nous coucher, de sa voix de conteuse ma mère nous révélait que, dans leurs rêves, les saumons voient des cols de montagne et des museaux d'ours bruns penchés sur l'onde claire des torrents. Les vipères, disait-elle, rêvent de planter leurs crochets dans les tibias des chasseurs. Dans leur sommeil, les orfraies sentent crier et voient leur double plonger lentement, au profond, pour attraper les harengs. Les cauchemars de l'hermine sont peuplés des rudes battements d'ailes des chouettes, et l'immobilité nocturne de l'orignal subit le souffle qui annonce l'approche des loups gris.
Mais de ses rêves à elle nous n'avons jamais rien su, car ma mère nous tenait à l'écart de sa vie intérieure. Nous savions que les abeilles rêvaient de roses, les roses des pâles mains des fleuristes, tandis que les araignées rêvaient des sphinx qui se prendraient dans leurs toiles argentées. Enfants, nous étions les dépositaires de ses éblouissantes vêpres de l'imagination, mais nous ignorions que les mamans rêvent aussi.
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J’ai grandi en Caroline du Sud où je suis devenu un homme, un Blanc sudiste, et je vivais avec brio la haine que j’avais consciencieusement appris à nourrir contre les Noirs lorsque le mouvement en faveur des droits civiques m’est tombé dessus sans crier gare, au détour d’une barricade, me démontrant à la fois mon ignominie et mon erreur. Comme j’étais un garçon réfléchi, sensible et épris de justice, j’ai fait mon possible pour me réformer et jouer un petit rôle insignifiant dans ce mouvement, ce dont je me suis empressé de tirer un orgueil plus qu’excessif. Puis je me suis retrouvé à l’université où je suivais la préparation militaire des Officiers de Réserve composé exclusivement de jeunes mâles de race blanche, et je me suis fait craché dessus par des militants pacifistes que mon uniforme dérangeait. J’ai fini par rejoindre les rangs de ces manifestations, mais je n’ai jamais craché sur quiconque ne partageait pas mes opinions. Je pensais passer tranquillement le cap de la trentaine, en brave contemplatif à l’humanisme irréfutable, lorsque le mouvement de libération de la femme m’a coincé au détour d’une avenue et, une fois de plus, je me suis retrouvé du mauvais côté de la barricade. Apparemment, j’incarne tout ce que le XXe siècle compte de turpitudes.
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Notre vie dans la maison au bord du fleuve avait été dangereuse et nocive, pourtant, nous nous accordions à lui trouver des aspects merveilleux. Elle avait en tout cas donné des enfants extraordinaires et vaguement étranges.
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"Hé, où allez-vous ? demanda-t-il ?
- Je rentre chez moi", dis-je sans me retourner. Je l'entendis courir derrière moi.
"Pourquoi ?
- Parce que tu es trop nul, mon petit gars. Va donc faire du violon, ça fera plaisir à tes parents. En plus, je ne supporte pas ton attitude. Et si moi je ne la supporte pas, je vois mal comment tu pourrais un jour t'imposer comme meneur dans une équipe. Bouger un peu ton cul de pleurnichard pour devenir un quarterback."

"(...) Mais tu es un sale petit con et j'aimerais t'aider à comprendre pourquoi tu es comme ça."
Il respira un grand coup, tremblant, désemparé.
"Va te faire enculer, mon pote, dit-il d'une voix qui annonçait les larmes.
- C'est déjà fait. Je me suis fait enculer en acceptant de te rencontrer.
- Je n'ai rien à voir là-dedans, dit-il, contrôlant sa voix avec difficulté.
- C'est là que tu te trompes, Bernard, dis-je, prêt à porter le coup de grâce mais la mort dans l'âme tandis que ma voix se faisait plus froide et plus cinglante. J'ai rarement vu de gosse aussi mal dans sa peau de toute mon existence. Et je sais déjà une chose, à ton sujet, alors que je ne te connais que depuis cinq minutes. C'est que tu n'as aucun ami dans ce foutu monde. On doit se sentir seul pendant l'hiver, là-bas, à Phillips Exeter, non, Bernard ? Est-ce qu'ils te cherchent ? Je sais que tu es rejeté, mais est-ce qu'en plus tu leur sers de tête de Turc, Bernard ? Est-ce que ta vie là-bas ressemble à un cauchemar ? Est-ce qu'ils te molestent, Bernard ? Vois-tu, je connais bien les garçons et je sais comment ils traitent les inadaptés. Comment s'appelle ton copain, Bernard ? Dis-moi son nom."
Il se mit à pleurer, tenta de ravaler ses larmes, mais elles jaillirent de ses yeux comme le flot trop puissant par-dessus la digue.
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