Les morts nous laissent bien plus que du vide.
Des questions.
Des doutes.
Des frissons.
On ne s’affranchit pas de ses parents, on se construit à côté, comme on peut.
Mon père est aussi hypocondriaque. J’ai trente-neuf ans. Il a déjà dû mourir trente-neuf fois depuis ma naissance. Et ressusciter autant de fois. Des crises cardiaques, des cancer du colon, du poumon, des attaques cérébrales, j’en passe et des meilleures. Quand le cancer de ma mère–un vrai–s’est déclenché, il était presque déçu que cela ne tombe pas sur lui, depuis le temps qu’il s’y préparait.
Avec le départ de ma mère, j’ai surtout compris la force du couple. Comment un être peut contenir l’autre. Comment une femme, un homme, peuvent aider l’autre à s’améliorer. J’ai compris à la mort de ma mère qu’elle l’avait aidé à grandir. Sans elle, il redevient la plante sans tuteur. Aujourd’hui, toutes ses branches partent dans tous les sens. Un chien fou a qui l’on a enlevé son collier. Il ne sait pas où il va.
Le décès d’un proche rend égoïste. Même six ans après. On ne peut pas partager sa douleur. Encore moins l’expliquer. Ce sont des mots, des sons, des odeurs qui nous ramènent à l’être aimé. Qui nous glissent dans une bulle, et nous écartent des vivants. La mort rend con, mais la mort renforce,
On passe à table comme on se lave les dents. Une corvée comme une autre.
On ne sait pas pourquoi on aime les gens, Gontran. Quand ils sont là, on agit, on fait, on vit. Ce n’est qu’après leur départ qu’on sait.
Les morts nous laissent plus que du vide.
Des questions.
Des doutes.
Des frissons.
Ma mère a eu la mauvaise idée de mourir un jour d’été. Depuis, c’est l’hiver toute l’année.
La vie n’est qu’un bouquet de fleurs. Des roses, des rouges, des vertes, des mauves. On resplendit. Et puis certaines fanent. Plus vite que d’autres. Parfois, c’est le bouquet tout entier. Et impossible de faire deux fois le même bouquet, vous êtes d’accord ? Eh bien, c’est comme la vie.