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Citations sur Clochemerle (24)

Face : elle entrait au couvent ; pile : elle épousait Poilphard.
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Et tenir compte du privilège viril de faire ça debout, ostensiblement, gaillardement, ce qui ne va pas sans prestige auprès des femmes, auxquelles il est bon de rappeler fréquemment leurs infériorités, pour leur apprendre à tenir leurs langues ravageuses, à modérer leurs criailleries qui cassent la tête.
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Arriva la fameuse peste de 1431, dont les progrès foudroyants terrifiaient villes et campagnes. De partout alentour accouraient des malheureux qui venaient chercher refuge au bourg de Clochemerle, alors peuplé de treize cents habitants, On les accueillait, mais tout le monde était en grande crainte que l’un de ces réfugiés apportât le germe de l’affreuse maladie. C’est alors que le prieur rassembla toute la population. Les Clochemerlins firent vœu de se consacrer à saint Roch, le saint qui protège des épidémies, si le bourg de Clochemerle était épargné (...). En quelques mois, il y eut neuf cent quatre-vingt-six victimes (plus de mille, d’après certains chroniqueurs), au nombre desquelles se trouvait le prieur, ce qui ramena la population à six cent trente habitants, réfugiés compris. Puis le fléau disparut. Alors le nouveau prieur rassembla les six cent trente rescapés, pour débattre s’il y avait bien eu miracle de la part de saint Roch (...).
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Une chronique satirique de la vie d'un petit village du beaujolais à l'heure où l'anticléricalisme est de mise. La fermentation donne lieu à un certain nombre de poncifs et autres préjugés ainsi qu'à des scènes au comique vitriolé. Bref un fort bon moment de franche rigolade!
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Le désarmement
peut attendre : ça fait cinquante mille ans qu’il attend. Mais Clochemerle n’attendra pas, et
ses abrutis, là-bas, vont me flanquer une interpellation dans les quarante-huit heures, tels que
je les connais !
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[...] ... Justine Putet entre en scène : parlons d'elle. Qu'on se représente une noiraude bilieuse, desséchée et vipérine, ayant mauvais teint, mauvais oeil, mauvaise langue, mauvais circuit intestinal, et tout cela recouvert d'agressive piété et de douceur sifflante. Un parangon de consternante vertu, car la vertu incarnée sous de pareils traits, est détestable à voir, et cette vertu d'ailleurs paraissait s'inspirer d'un esprit de vengeance et de misanthropie, plus que d'une naturelle aménité. Exaltée, brandisseuse de chapelets, fervente diseuse de litanies, mais aussi semeuse effrénée de calomnies et de paniques clandestines. En un mot, le scorpion de Clochemerle, mais un un scorpion camouflé en bête à Bon Dieu. La question de son âge ne se posait pas, ne s'était jamais posée.On peut lui donner un peu plus de quarante ans mais personne ne s'en souciait. Tout prestige physique lui avait été retiré dès l'enfance. Pas plus qu'elle n'avait d'âge, Justine Putet n'avait d'histoire. Morts ses parents, de qui elle tenait onze cents francs de rente, à vingt-sept ans elle avait entamé sa carrière de vieille fille solitaire, au fond de l'impasse des Moines, à l'ombre de l'église. De là, elle veillait jour et nuit sur le bourg, dont elle dénonçait les infamies et les concupiscences au nom d'une vertu que les hommes de Clochemerle avaient soigneusement laissée de côté.

Durant deux mois, Justine Putet observa les allées et venues autour de l'édifice et sa fureur chaque jour augmentait. Tout ce qui était viril ne lui inspirait que haine et ressentiment. Elle voyait les garçons agacer gauchement les filles, les filles provoquer hypocritement les garçons et l'entente peu à peu se faire entre les petites saintes-nitouches et les bons rustauds, spectacle qui lui donnait à penser que ces jeux acheminaient la jeunesse vers d'effroyables abominations. Plus que jamais, elle voyait les moeurs en grand péril, par la faute de l'urinoir. Enfin, l'impasse des Monies, avec les chaleurs, commençait à sentir fortement.

Après avoir longuement médité et prié, la vieille fille décida d'entreprendre une croisade et de porter son premier effort sur la citadelle la plus éhontée du péché. Bien garnie dans ses dessous de scapulaires et de médailles saintes, ayant mêlé le miel de l'onction à son venin, elle se rendit un matin chez la possédée du Diable, l'infâme, la chienne, Judith Toumignon, sa voisine, à qiui, depuis six ans, elle n'avait pas desserré les dents. ... [...]
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C'est rare que les gens méchants soient heureux, vous ne croyez pas ? Ils s'empoisonnent eux-mêmes.
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Enfin l'urinoir étant à deux places, on s'y rendait généralement par paire, ce qui provoquait l'agrément de tenir un bout de conversation tout en faisant la chose, ce qui rendait plus agréable tant la conversation que la chose, du fait qu'on éprouvait à la fois deux satisfactions.
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Lorsqu’il affirmait, l’instituteur Ernest Tafardel appuyait son index à son nez, avec une force qui en déviait la pointe. Rien d’étonnant donc, qu’après trente ans d’un métier qui exige constamment l’affirmation, son nez fût un peu tordu à gauche. Ajoutons, afin que ce portrait soit complet, que l’haleine de l’instituteur gâtait ses belles maximes, ce qui faisait qu’on se méfiait à Clochemerle de sa sagesse, qu’il aimait à insuffler aux gens de trop près. Comme il était la seule personne du pays à ne pas connaître son inconvénient, il attribuait à l’ignorance et au bas matérialisme des Clochemerlins l’empressement qu’ils apportaient à le fuir, et surtout à écourter toute conversation confidentielle, toute discussion passionnée. Les gens reculaient et lui donnaient raison, sans opposer d’arguments. Tafardel voyait là du mépris. Sa conviction d’être persécuté reposait donc sur un malentendu. Il en souffrait pourtant, car, naturellement prolixe, il eût aimé, étant instruit, à faire étalage d’érudition. Il concluait de son isolement que cette race de vignerons montagnards avait été abrutie par quinze siècles d’oppression religieuse et féodale. Il s’en vengeait en portant au curé Ponosse une haine vive – d’ailleurs platonique et purement doctrinale – et que tout le bourg connaissait.
Lorsqu’il devait avoir une conversation sérieuse avec l’instituteur, le maire l’entraînait à la promenade : de cette façon, il l’avait toujours de profil. Il faut dire aussi que la distance qui sépare un instituteur d’un gros propriétaire creusait entre eux un fossé de déférence qui mettait le maire à l’abri des émanations que Tafardel prodiguait face à face aux petites gens. Enfin Piéchut, en bon politique, utilisait à son profit la virulence buccale de son secrétaire. S’il désirait obtenir pour une affaire difficile le consentement de certains conseillers municipaux de l’opposition, le notaire Girodot, les viticulteurs Lamolire et Maniguant, il prétextait un malaise et leur dépêchait à domicile Tafardel, avec ses dossiers et son éloquence empestée. Les conseillers donnaient leur consentement, pour fermer la bouche à l’instituteur. Le malheureux Tafardel se croyait une force d’argumentation peu commune. Conviction qui le consolait de ses déboires en société, qu’il attribuait à l’envie que la supériorité inspire aux médiocres. Il revenait très fier de ses missions. Barthélemy Piéchut souriait silencieusement et frottait sa nuque rouge, ce qui était indice chez lui de profonde réflexion ou de grande joie. Il disait à l’instituteur :
- Vous auriez fait un fameux diplomate, Tafardel ! Dès que vous ouvrez la bouche, on se trouve d’accord.
- Monsieur le maire, répondait Tafardel, c’est l’avantage de l’instruction. Il y a une façon de présenter les choses qui échappe aux ignorants mais finit toujours par persuader.

De ce sourire nourri de réussites palpables, il enveloppait le fébrile Tafardel - un malheureux qui ne possédait pas un lopin de bonne terre, pas un pied de vigne -, avec cette pitié que les hommes d’action ressentent pour les écrivailleurs et les falots, qui s’attardent en billevesées fumeuses. Heureusement, l’instituteur était protégé de l’ironie par sa vertueuse ferveur et sa croyance aux missions émancipatrices. Rien ne pouvait l’atteindre ni le blesser que l’inexplicable recul d’un interlocuteur devant ses aphorismes corrosifs.

Depuis quelques années, l’instituteur attendait vainement les palmes académiques, qui lui auraient donné à Clochemerle un grand prestige. Cette récompense ne venant toujours pas, il se croyait des ennemis en haut lieu. En réalité, personne ne tenait les yeux fixés sur Tafardel, et c’était la raison simple de l’oubli. Les inspecteurs passaient rarement dans la région, et les ridicules du bonhomme ne le désignaient guère pour une distinction honorifique. Impression injuste, il faut le dire, car Tafardel faisait preuve d’un absolu dévouement professionnel. Il enseignait plutôt mal, étant en tout ennuyeux et doctrinaire, mais il enseignait avec application et conviction, sans ménager sa peine. Malheureusement, il mêlait à ses leçons des tirades civiques trop compactes, qui encombraient le cerveau des enfants, où elles se mélangeaient fâcheusement aux matières du programme.
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C'est donc vous ma bonne? Mais dites-moi donc, ma pauvre Madame Nicolas, est-ce vrai tout ce qu'on m'a raconté? Il vous arrive une chose bien affreuse...
-Affreuse, vous pouvez le dire, Madame Fouache !
-Votre pauvre Monsieur Nicolas, on m'a dit... Il a pris un mauvais coup... dans un endroit bien délicat...
-Pensez Madame Fouache ! Je suis bien inquiète...
Penchée sur le comptoir, et la main devant la bouche, Mme Nicolas donna des renseignements complets :
-Il les a toutes bleues dit-elle à mi-voix. Toutes bleues de la violence du coup ! C'est vous dire si le misérable à frappé...
-Toutes bleues ! Juste ciel, qu'est-ce que vous m'apprenez-là, Madame Nicolas ! Il y a du mauvais monde, quand même ! Toutes bleues, mon Dieu...
-Et c'est l'enflure...
-L'enflure dites-vous ?
Les deux poings fermés de Madame Nicolas vinrent s'appliquer l'un contre l'autre, figurant des dimensions jumelles très affligeantes.
-Comme ça...
A son tour Madame Fouache pressa ses poings fermés pour évaluer cette difformité qui passait les bornes de l'imagination.
-Comme ça ! Gémit la respectable receveuse-buraliste, avec une infinie détresse. C'est horrible, ce que vous me dites, Madame Nicolas !... le docteur les a vues ? Qu'en pense-t-il ?... il ne restera estropié, au moins, votre cher Monsieur Nicolas ? Quelle perte se serait pour la paroisse si un bel homme comme lui ne pouvait retourner à l'église en uniforme ! C'est bien de sa prestance qu'est venue la jalousie, il faut vous dire : le dimanche, on ne se lassait pas de l'admirer... Une fois - je vous parle d'il y a longtemps - mon Adrien aussi avait eu de l'enflure à cet endroit, à la suite d'un effort, Mais c'était bien moins conséquent : comme des œufs de poule de la petite espèce... Tandis que vous... Comme ça, vous dites ? Ce n'est pas croyable, ma pauvre chère dame ! Et le voilà bien abattu de ce coup là, votre Monsieur Nicolas ? Tout impotent, on dit ?
-Il faut qu'il reste sans bouger. Pensez, les hommes. Tout se tient là chez eux. Ça leur correspond dans tout le corps comme dit le docteur.
-Bien sûr, n'est-ce pas ? C'est curieux, forts comme ils sont qu'ils puissent être si fragiles d'un endroit ! Et c'est exposé quand on y pense !... Comment le soignez-vous
-C'est le grand repos, tout du long, et des compresses, des sortes de drogues qu'on étend dessus - et les tenir dans le coton, sans secousses. Ça me met en souci et ça me remue toute.
-C'est bien compréhensible. Allez, je vous plains bien !
-J'avais déjà ma large part d'ennuis, avec mes varices et ma hernie, Et Nicolas avec son air de santé, est bien sujet aux dérangements du ventre et aux tour de reins.
-Chacun a bien ses misères, allez ! Mais vous n'allez pas rester debout ? Venez donc vous assoir, ma bonne. Vous prendrez bien une tasse de café avec moi, pour vous remonter un peu. J'en ai justement du tout frais fait. Vous êtes dans l'ennui avec cette enflure je comprends bien. Et toutes bleues, vous dites ? Il ne faut pas vous laisser aller ma pauvre chère dame ! Passez donc de ce côté Madame Nicolas. En laissant la porte ouverte, je verrai entrer le monde. Je suis toujours dérangée, mais ça n'empêchera de causer...
Gabriel Chevallier - Clochemerle (1934)
Chapitre XIII, page 175 - Edition Gérard Delforge 1944
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