1941 : Les japonais envahissent la Malaisie. Leur slogan résonne aux quatre coins du pays : nettoyer le territoire de la présence Britannique et rendre « l'Asie aux Asiatique ».
Sous la fausse allure d'un "sauvetage", l'armée japonaise transforme bientôt la Malaisie en une gigantesque prison à ciel ouvert. Couvre-feu, rations alimentaires, camps de travail pour jeunes hommes, bordels organisés bondés de (très jeunes) "femmes de réconfort"... La guerre éclate comme une colère noire et emporte avec elle les jeux des enfants et les rêves adolescents.
Dans ce chaos, une famille, microcosme d'une société broyée par la colonisation : Cécily, son époux, et ses trois enfants - Jujube, Abel et Jasmin. L'amour qui les unit semble indestructible. Et si... ?
Et si un secret, enfoui depuis longtemps, les mettait tous en danger ? Et si l'un d'entre eux avait commis l'irréparable ?
Saga familiale, roman choral, les chapitres s'ouvrent tour à tour sur le destin tragique de chaque membre de la famille, nous laissant tout juste le temps de reprendre une profonde inspiration. Les traumatismes individuels se recoupent en une peur universelle : non pas celle d'être tué mais de voir mourir ceux que l'on aime.
Bien que le roman soit profondément sombre, il y a de la lumière dans l'écriture de
Vanessa Chan, beaucoup de poésie, des personnages complexes, tourmentés, oscillant entre héroïsme et monstruosité. Une nouvelle porte de l'Histoire de la Seconde Guerre s'ouvre et dévoile un prisme encore trop méconnu - celui de l'Asie. Mais le réduire à un roman historique serait passer à côté de la toile créée par l'autrice. Dans « La t'empêche que nous avons déchaînée », on réfléchit aussi sur l'amour, la notion d'identité, la maternité, sur la frontière entre le bien et le mal, les choix que l'on fait et leurs conséquences sur nos vies individuelles et communes.
On s'indigne, se méfie, on pleure parfois, puis on déteste les personnages et on referme le livre en se demandant ce qui nous a pris d'ouvrir ça maintenant, comme si l'actualité n'était pas assez dégueulasse. Mais on y retourne, presque malgré nous - pour la mémoire, pour la boue et l'or, et parce que notre actualité est teintée d'un passé collectif que l'on doit essayer de saisir. Et lorsque la dernière page se tourne, on adresse le coeur lourd un dernier au revoir à Jujube, Abel et Jasmin, aux innocences volées, - à tous les enfants qui ont été et continuent d'être les premières victimes de la vanité des Hommes.