Poppy Z. Brite aime Rickey et G-Man depuis très longtemps : ils étaient déjà dans
Petite cuisine du diable, et c'est tout naturellement qu'elle leur offre une trilogie culinaire débutée avec le truculent
Alcool, qui raconte la création d'un restaurant à la Nouvelle-Orléans où chaque ingrédient contient un spiritueux. Vient la suite, cette Belle Rouge, qui tout en gardant sa verve, se situe dans la moyenne qui veuille que le tome du milieu dans une trilogie soit souvent le plus en demi-teinte.
Rickey la grande-gueule et G-Man le cool guy ont donc ouvert leur restaurant
Alcool grâce aux largesses de Lenny Duvetaux, une ex-star du rock qui fait fructifier son argent dans le domaine culinaire. Les sales histoires qui ont failli leur coûter la vie dans le premier volume semblent loin et le couple jouit d'une bonne réputation et d'une clientèle toujours grandissante... Rien de mieux pour attiser les jalousies et exciter la plume de critiques pointilleux. Mais quand le critique se trouve être le fils du Gouverneur qui tente de faire tomber Lenny Duvetaux par tous les moyens, et ce, depuis de nombreuses années, quand l'avocat de ce même Lenny Duveteaux brigue ce même poste de Gouverneur, il n'est plus certain que cela soit le fruit du hasard.
Dans le même temps, Rickey reçoit une proposition difficile à refuser : aller redresser un restau à Dallas dans lequel le commanditaire a investi beaucoup d'argent, mais qui ne décolle pas. Problème qu'ignore le commanditaire : le Chef de cuisine n'est autre que l'unique tromperie de jeunesse de Rickey alors qu'il était déjà avec G-Man. Alors, y aller quand même pour empocher la somme rondelette promise et revoir le maudit souvenir tentateur ? Laisser G-Man se dépêtrer avec l'inculpation de Lenny ?
Dans
La Belle Rouge, l'intrigue politique pour le moins bancale ne cache pas longtemps le véritable enjeu du deuxième volet de la trilogie culinaire de
Poppy Z. Brite : la cuisine (en mettant la dimension spiritueux en sourdine) et la relation de couple de Rickey et G-Man. Ce couple uni par l'amour de la bouffe et l'amour tout court depuis des années, fidèle, ne pouvant vivre l'un sans l'autre, affronte sa première séparation imposée depuis le début de leur vie ensemble et se retrouve soudain exposé à des tentations aussi réelles que déroutantes. G-Man séparé de son acolyte, s'il ne drague pas, se retrouve dans la position du dragué en la personne d'une taupe bossant pour le Gouverneur de la Nouvelle-Orléans...
Poppy Z. Brite toujours aussi excellente pour les dialogues et la peinture de personnages hauts en couleur n'a cependant pas comblé ses lacunes de structure narrative dans ce volume. Ainsi quand elle répète plus de cinq fois que G-Man ne peut joindre Rickey à Dallas parce qu'il a jeté son portable à la mer alors que c'est ce qui ouvre le premier chapitre, on se demande si elle s'est relu (et son éditeur l'a relue !). Inutile non plus de chercher chez elle le goût de la phrase bien construite... Elle fait dans l'efficace. Parfois trop efficace.
Malgré tout, sa trilogie culinaire fonctionne à plein régime et parvient à faire oublier que longtemps, elle s'est cantonnée au roman horrifique avec plus ou moins de qualités. Incapable de délaisser ses deux cuisiniers chéris, suivront la conclusion de la trilogie (
Soul Kitchen) et son prequel (
La valeur de X), tous publiés
Au Diable Vauvert.