AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,97

sur 870 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je n'ai jamais été très généreux envers Franck Bouysse au niveau des étoiles octroyées, mais je reviens quand même vers lui car, au-delà des imperfections de ses textes, il a du style et je le trouve particulièrement bien déployé dans cette glaise cantalaise.

Alors quatre étoiles -- j'ai failli succomber à la cinquième -- car ce roman noir est incontestablement très beau, structuré, empli d'images de la nature, des odeurs des fermes, du travail de la terre, avec en toile de fond la Grande Guerre qui fauche les vies, écrivant déjà sur de futurs monuments aux morts tant de noms d'êtres arrachés à leur terre, à leur vie pour succomber dans des combats dont ils ne pouvaient comprendre l'absence de sens.

Les personnages sont très travaillés par Franck Bouysse, avec, du côté des hommes, le jeune héros, Joseph, intègre, docile, amoureux, très attachant, mais aussi les autres tels que Léonard, père de remplacement plein de connaissances et de compréhension, et enfin le "méchant", Valette dont les traits dessinés par Bouysse me rappellent certains fermiers intransigeants que j'ai pu connaître encore qu'ils n'aient pas sombré dans l'ignominie de Valette.

Les femmes sont aussi de grandes figures de ce roman, depuis la grand-mère, Marie, prête à affronter le grand passage qu'elle sent venir et qu'elle accepte malgré la peur de mourir dans la nuit, Mathilde, la mère que Bouysse a voulu peut-être insignifiante pour compenser avec l'épouse de Valette, Irène, pas gentille, mais brisée par les malheurs et par son mari, jusqu'à Anna, la jeune fleur arrivée de la ville avec laquelle Joseph partagera des émois que j'ai trouvés très beaux. Certains pensent qu'en 1914 les jeunes ne franchissaient pas aussi abruptement les pas qui vont de l'amour naissant au plaisir délirant des corps. Ceux-là n'ont pas bien regardé ce qu'étaient la vie et l'amour de tous temps, même si morale civique, religion ou quelque autre contrainte condamnaient par principe ou concupiscence.

Dieu est un autre grand présent de ce roman vécu dans les campagnes du Cantal où la foi se partageait entre crainte, sincérité ou tout simplement évidence. J'ai bien aimé le commentaire à propos de la grand-mère qui "continuait de croire au bon Dieu mais plus beaucoup aux curés".

Alors, il faut évoquer la fin, toute dans le style de Bouysse, je ne dirais pas qu'elle est bâclée comme je l'ai ressenti dans d'autres de ses romans, et s'il lui manque certaines précisions, l'interprétation est offerte au lecteur et les trois dernières pages évoquant un berger restant auprès de ses "bêtes impassibles" plutôt qu'aller annoncer une ultime découverte m'ont vraiment séduit.

Donc, un beau roman, torturé, travaillé, très abouti.
Commenter  J’apprécie          1022
Décidément, j'aime beaucoup l'écriture imagée, si magnétique de cet auteur. Il parvient véritablement à créer une atmosphère à la beauté sauvage et un climat d'attente à partir de rien (ou à partir de tout, c'est selon)... comme un orage qui sourd. "Les roulements du tonnerre devinrent de plus en plus distincts, faisant comme des mots se carambolant dans une même phrase dénuée de ponctuation, répétée à l'infini."

Bien que je n'aie pas été aussi subjuguée qu'avec « Grossir le ciel » du même auteur, ce livre-ci m'a paru étrangement plus abouti. Il y a par certains aspects un petit air de déjà-vu qui a certainement joué en sa défaveur. Mais bon sang, quel talent ! Là encore, il s'agit d'un roman noir qui met en scène le monde paysan avec des personnages rugueux, fiers, aigris parfois, touchants d'autres fois, des personnages disséqués au scalpel qui se moulent à leur environnement. Les personnages et la nature sont à mon sens la beauté brute qui forgent l'histoire. « faut jamais montrer tes faiblesses, ni donner l'occasion aux gens de les fouiller. » La fin m'a toutefois laissé perplexe. Elle est certes surprenante mais elle m'a fait l'effet d'un coup de bluff et m'a laissé bien interrogative.

Cette fois, nous sommes en 1914, au pied du puy Violent dans le Cantal. Joseph a 15 ans quand son père est contraint de partir pour cette guerre incompréhensible, le laissant avec sa mère et sa grand-mère pour gérer la ferme. J'ai suivi avec plaisir ce jeune garçon faire son apprentissage de la vie. J'ai été happée par le quotidien et les relations de cette famille avec les deux fermes voisines. Il y a comme une violence contenue qui gronde quelque part dans l'obscurité. Si la guerre semble bien loin des préoccupations nos fermiers, c'est pourtant une guerre de tranchées qui s'installe insidieusement dans ce hameau, celles creusées par les absents, les silences et les rancoeurs, mais aussi par l'amour. Point de secrets déterrés dans ce récit, mais plutôt de ceux qu'on enterre. Vraiment superbe.
Commenter  J’apprécie          727
Un dur été de guerre qui bouleverse les vies
Joseph à quinze ans voit soudain son père partir
Le vide emplit la ferme il faut pourtant tenir
La montagne est si rude mais l'amour qui jaillit
Prenant un éclat fou dans les beaux yeux d'Anna
L'amour le révèle , tout semble si différent
Le monstre est pourtant là, avide de ses proies
Valette attend bestialement, Anna en tremble
Le drame s'accomplit, Joseph sculptera
Dans la glaise de son âme le visage d'Anna...

Après " Grossir le ciel " et "Né d'aucune femme ", je retrouve l'auteur et son univers paysan, fait de silences pesants, de secrets enfouis, de violence prête à exploser, cette fois sur fond de première guerre mondiale. Joseph grandi trop vite et Mathias, qui apparaît à la fin,m'ont beaucoup touchée.

Cette histoire âpre et magnifiquement racontée emporte l'âme. A lire!
Commenter  J’apprécie          5610
Août 1914, il y a ceux qui partent la fleur au fusil, qui disent qu'ils reviendront pour les moissons. Et puis il y a celles et ceux qui restent. Franck Bouysse veut nous parler de ceux-là. Glaise n'est pas qu'un roman rural. Ce roman nous dit la grande guerre telle qu'elle s'est vécue, loin des tranchées et du bruit des canons. Il y a ceux qui vont mourir et ceux qui restent à l'arrière.
Pourtant la guerre semble tout près, Franck Bouysse nous la pose à sa façon dans ce petit village du Cantal, au pied du Puy Violent. Tous les hommes valides sont mobilisés. Seuls restent les femmes, les enfants, les vieux, ceux qui sont invalides... C'est une micro-société désorganisée par le départ des hommes à la guerre et qui va apprendre à trouver ses marques, s'approprier une nouvelle vie, puisque cette guerre est appelée à durer.
En retrait du village, un peu plus sur les hauteurs, il y a ce hameau. Il reste trois familles démembrées par le départ des hommes. Ce sont trois générations de femmes qui vont organiser la vie sociale du village, en s'émancipant par la force des choses puisque les hommes ne sont plus là et parce que certains ne reviendront jamais. Elles s'appellent Marie, Mathilde, Irène, Hélène, Anne... C'est une question de survie. Il faut bien faire tourner la ferme et continuer les travaux durs des champs, elles sont une multitude, ici, là-bas, ailleurs à faire vivre des tas de villages de la France rurale d'août 1914, vidés de leurs hommes. C'est l'arrière-pays de la guerre...
Quelques hommes sont là, malgré tout. Joseph a quinze ans. Et aussi Léonard, son ami avec lequel il pêche parmi les cours d'eau des rochers. Léonard est bien trop vieux à présent pour partir à la guerre. Il est presque trop vieux pour les travaux des champs. Et puis il y a Valette, méchant comme une teigne. Lui aurait bien voulu la faire, cette putain de guerre, mais voilà il a un bras atrophié, conséquence d'un accident de travail. Il a de la haine envers tous ceux qui l'entourent de près ou de loin...
Glaise n'est pas qu'un roman rural. C'est un roman sombre, lourd comme l'été pesant, comme l'orage qui vient plier les blés. Dans la grandeur des paysages, Franck Bouysse nous plante un décor qui m'a fait penser à celui d'un western ; il y a des taiseux, il y a des non-dits, les gens s'observent, s'épient, se regardent en chiens de faïence. Les grands espaces sont là et pourtant les personnages sont comme emmurés dans leur solitude antique.
Il y a des rivalités, des jalousies d'antan. Il y a de vieux secrets de famille. Les tensions s'installent, comme si le départ des hommes valides avait soulevé un couvercle... On entend la respiration des bêtes dans les granges. On sent leur souffle chaud... Il y a comme une tragédie qui vient, qui monte peu à peu...
Pourtant, dans le voile sombre de ce récit viennent des pépites de lumière. Anna adolescente est arrivée avec sa mère Hélène. Elles ont fui une ville tout près du front pour se réfugier provisoirement chez les Valette, la famille. Anna ne tarde pas à sympathiser avec Joseph, et même plus... Ils tombent éperdument amoureux l'un de l'autre. C'est un sentiment délicieusement coupable de vouloir que la guerre continue encore un peu, que la paix attendue ne les sépare pas...
Et puis il y a l'amitié de Joseph et de Léonard. C'est une magnifique amitié, celle de l'apprentissage, de l'émancipation. Celle de la transgression aussi...
La guerre est hors champ. Pourtant elle n'est jamais loin. Des lettres arrivent, au compte-goutte. Avec de l'espoir, des promesses de revenir très vite au village, à la première permission. Puis les saisons passent, d'autres lettres viennent, des mauvaises nouvelles...
A ses instants perdus, Joseph crée de petits personnages avec de la glaise. C'est son secret qu'il partage avec Anna et Léonard. C'est avec cette même glaise et ces mêmes gestes que Franck Bouysse façonne les personnages de ce roman, que j'ai trouvé d'une justesse incroyable.
La glaise, c'est aussi celle des tranchées que l'on ne verra jamais dans le roman, mais qu'on sent présente à chaque page, comme si elle nous collait aux souliers.
Commenter  J’apprécie          538
Le tocsin de 1914 a sonné, tel le glas pour des troupeaux d'hommes en partance vers la grande boucherie. En début de siècle où la France est encore un grand pays rural aux campagnes laborieuses, les fermes et les champs ne voient plus au travail que femmes, enfants, vieillards et inadaptés physiques.

En couleur sépia, Franck Bouysse nous plante un décor au plus près du réel, sans aucun artifice romanesque. Ici ne se raconte pas la vie des poilus. On reste à l'arrière, dans les paysages vallonnés du Cantal, dans la fange, dans les chaumières noircies de fumées, dans le travail répétitif de la terre, dans la soue des cochons.
Les personnages sont taiseux, rugueux, incapables d'exprimer des sentiments si ce n'est les plus violents. Il y a pourtant de l'amour dans la rencontre de jeunes adolescents, de l'amitié et de l'entraide, de la passion et du respect dans ce travail agricole et cet attachement à la terre nourricière.

Mais impossible d'échapper aux haines recuites entre voisins, à la folie qui guette quand les douleurs du quotidien restent intimes. Le corps somatise ce que le cœur tait par pudeur . L'attente des nouvelles des soldats est un poison insidieux, la perte des enfants, à tout âge, un poids insurmontable pour les aînés.

Hommage aux sacrifiés, aux familles des combattants, à la ruralité disparue de notre pays.
Un livre d'une belle justesse picturale et narrative, capable de poésie dans un récit très noir où la bestialité des hommes se consomme brute.
Commenter  J’apprécie          505
« Glaise » de Franck Bouysse, c'est âpre comme un café noir corsé qui brûle sous la langue. Comme les vagues qui se fracassent contre les rochers un soir de tempête. Apre et poétique à la fois. On se laisse prendre rapidement par ces phrases qui semblent raisonner à l'esprit des secondes durant, telles une note sur une touche de piano qui vibre encore dans l'air.
Au pied du Puy-Violent, dans le Cantal, été 1914, alors que les hommes partent à la guerre, Bouysse choisit de raconter ceux qui restent, les femmes, les plus jeunes, les plus vieux. S'il nous relate l'attente, l'inquiétude, l'image de l'« absent », il nous parle aussi des autres et de cette vie qui continue.
Et ses histoires sont, à mes yeux, un retour au vrai, à la réalité première, primaire. Les premiers émois et désirs que va connaître le jeune Joseph âgé de 15 ans avec Anna, la violence du voisin Valette (en représentation du Mal), les jalousies entre les voisins fermiers mais aussi l'entraide et l'amitié (avec ce merveilleux Léonard, le sage), la valeur de la terre, de cette terre qu'on aime et qu'il faut posséder pour vivre ou survivre tant bien que mal, l'amour et la haine. Ce serait presque l'enfer et le paradis sur terre, agrémentés de quelques péchés capitaux.
Les mots de Bouysse sont une symphonie à l'état brut, comme mis à nu sous nos yeux, sans mauvais tralala, sans fioriture. Un travail d'orfèvre si soigné qu'il nous laisse un peu groggy, un peu chancelant. L'oeuvre d'un artisan des mots qui nait sous nos yeux. On se trouve tiraillé entre l'envie de lire lentement pour savourer, pour déguster chaque mot, comme un bon St Julien qu'on garde en bouche et l'envie de tourner les pages avec frénésie, désireux de connaître la suite de l'histoire, comme la chaleur entêtante d'un whisky pure malt.
C'est un roman noir qu'on ne veut pas lâcher. Un roman qui nous brûle les doigts, qui -de manière fulgurante- fait naître en nous un mélange d'émotions diverses. Ce roman c'est un bout de campagne, un bon goût de rustique, bien loin des fleurs des champs et des siestes sous un pommier. Ce roman, c'est la terre, c'est le bois dur, puissant et rassurant d'un sequoia ou celui d'un tilleul (Cantal oblige), c'est le bruit et la fureur, c'est le froid mordant de l'hiver en pleine montagne. Ce sont les rides et la peau rêche des travailleurs qui vivent de la terre, c'est le corps qui s'épuise sous le labeur, loin des sourires pincés des gens des villes, loin de la société de consommation parce que là on vit avec le peu qu'on récolte, le peu qu'on a.
L'amour entre Joseph et Anna, leur innocence et pureté nous fait respirer un peu entre toutes ses pages de tension et de noirceur. Alors, on prend conscience de ce paradoxe : celui de se dire qu'il y a de la beauté et de la poésie dans toute cette histoire sombre, de guerre et de sang. Parce que c'est peut-être cela, la nature humaine.
Bien entendu, cette boue dans la campagne du Cantal au début du siècle dernier est comme un parallèle à cette autre boue dans le Nord du pays, dans les Ardennes, la boue des tranchées, les hommes englués dans cette horreur de guerre qui n'allait pas durer, à ce qu'on disait. L'auteur ne décrit jamais les tranchées mais par ce simple parallèle, il nous fait garder en mémoire tout au long de la lecture les images que l'on connaît des poilus. Ceux qui reviendront cassés, écorchés à jamais, ceux qui ne reviendront jamais -comme mon arrière-grand-père mort et enterré dans cette région que je ne connais pas ou peu. Cela fera 100 ans cette année-.
Mais de la boue, de la glaise, on peut aussi faire naître de petits bijoux, des sculptures d'une beauté à l'état pur (celles que Joseph commençait à créer). Cela peut faire aussi un roman puissant. Alors, après « Grossir le ciel », ce roman me confirme que je vais continuer de suivre Franck Bouysse avec grand intérêt et plaisir.
Une lecture telle une bonne claque. Une claque qui nous réveille de notre léthargie de lecteurs, maugréant après des livres si insipides. Et bigre, cela fait rudement plaisir de commencer l'année par une critique d'un roman de cette trempe. Et je croise les doigts pour que ce soit de bon augure pour la suite. Alors je vous souhaite à tous pour cette année des lectures aussi fortes.
Commenter  J’apprécie          487
Ils habitent une terre âpre et belle au pied du Puy Violent dans le Cantal.
Ils ont le caractère rude et puissant de ceux et celles que les épreuves ont forgés, que les vieilles rancoeurs ont durcis.
Ils ont la méfiance des bêtes farouches qui défient l'étranger désarmé.
Ils ont tous et toutes un père, un frère ou un fils parti se battre à la guerre, des bras pourtant indispensables au labeur quotidien.

"Ils", ce sont les membres de trois familles dont les fermes isolées se voisinent dans les montagnes proches de Saint Paul de Salers.

Ce récit n'est qu'ombre et tonnerre sous la chaleur écrasante d'un été meurtrier où l'amour peine à se faire une place, où chacun se replie sur ses blessures secrètes.
Les femmes elles-mêmes sont amères, torturées dans leur chair d'épouses, de mère ou d'amante.
Sur cette portion de territoire pèse le poids de la guerre, monstre lointain qui tels les nuages noirs se charge d'alourdir l'atmosphère et d'assombrir les coeurs.

Franck Bouysse est une découverte pour moi.
Suite aux avis partagés sur "Né d'aucune femme", j'avais renoncé à lire cet auteur.
Et puis, je suis tombée par hasard sur "Glaise", livre voyageur qui s'était posé dans une boîte à lire.
J'y ai vu l'occasion de me faire une idée sur sa plume et, ma foi, je ne suis pas déçue.
Ce récit m'a tenue en haleine et par son atmosphère m'a un peu rappelé les récits sombres de Ron Rash.

Particulièrement violente et confuse, la fin m'a laissée perplexe quant à l'interprétaton qu'il faut en donner.
Il me semble en avoir saisi l'ultime révélation mais je n'en suis pas certaine...

Lirai-je "Né d'aucune femme" après cette première expérience plutôt concluante ?
Je l'ignore encore mais j'irai sans aucun doute vers d'autres titres de Franck Bouysse.
Commenter  J’apprécie          416
Dernier roman de Franck BOUYSSE !!!
Une histoire comme on les aime, de la subtilité, du courage, de la force plongé dans la guerre de 14-18...
L'auteur nous balade en campagne profonde et conte une ritournelle adolescente sous fond de décors "tranchées"...
Je retrouve cette plume acide, simple et tragique... Des personnages fidèles à l'univers de l'auteur.
Adhérence massive comme toujours !
Cette glaise tient au corps et à la peau j'aime....
Commenter  J’apprécie          400
Cet auteur, est pour moi, le Cabrel du roman. Comme le chanteur, il est a contre-courant du ‘roman commercial'. C'est le mot authenticité qui jaillit. 3ème roman que je lis de lui. le titre me parle bien, ayant longtemps pratiqué la spéléologie. le cadre est toujours un hameau isolé habité par des gens authentiques et/ou bourrus. L'ambiance qui monte doucement et sûrement. Et on se laisse embarquer dans le tourbillon des mots et situations.Comme tout magicien, il est difficile d'expliquer le ‘truc' qui fait que le spectateur est conquis. Monsieur Franck Bouysse, surtout, ne changez pas….
Commenter  J’apprécie          382
Août 1914, dans le Cantal. A la ferme de Chantegril, Victor, chef de famille, s'apprête à partir à la guerre. Il laisse derrière lui sa mère, la vieille Marie, sa femme Mathilde et son fils Joseph, tout juste 15 ans. Dans la ferme voisine, la situation est la même pour Valette, un paysan rustre et violent, qui a vu son fils Eugène rejoindre le front. Lui, le père, a été épargné à cause d'une main invalide. Dans ce petit hameau, les femmes et les hommes qui restent à l'arrière vont devoir s'organiser pour mener à bien les travaux de la ferme. Léonard, un autre voisin trop vieux pour partir à la guerre, va apporter son aide à la famille de Joseph.
Au coeur de cet été qui n'en finit pas, l'arrivée d'Hélène, la belle-soeur de Valette, et de sa fille Anna, va bouleverser un rythme jusque-là immuable, éveillant des passions qui ne demandent qu'à jaillir dans ce temps devenu trop immobile.

Franck Bouysse, dans une écriture ciselée, n'a pas son pareil pour nous décrire des gens à la vie rude, dans un cadre où la nature toute entière – plantes et animaux - prend autant de place que les humains. Au coeur de la chaleur moite d'un été qui n'en finit pas, les femmes et les hommes de l'arrière sont dans l'attente du retour de ceux partis à la guerre. Une guerre qui ne devait pas durer mais les mois qui passent semblent contredire cette affirmation des premiers temps.
A la ferme de Chantegril, Joseph et sa mère vont tous deux s'adapter à cette situation, grandir l'un et l'autre face à au travail de la ferme qui n'attend pas. Eux et les autres sont occupés à trimer, à travailler sans arrêt, sans laisser de place au bonheur qui n'a plus cours. Seule compte cette nature à la fois hostile et belle qui rythme le temps des hommes. C'est une vie de labeur, âpre, que l'on doit accepter sans se plaindre car d'autres se battent pendant ce temps.
La rencontre avec Anna va pourtant transformer Joseph, lui le timide qui sculpte en cachette. Dans cette sécheresse des corps et des coeurs, le désir coule encore dans les veines. Désir amoureux de Joseph, désir violent de Valette dont la frustration et la rage ne sont jamais apaisées.
Au coeur de ce hameau, le lecteur sent qu'une tragédie humaine se joue, une tension monte au fil des mois où le moral des gens diminue. D'abord lent, le récit se précipite sur la fin – un peu trop tard ? - pour nous amener au point ultime où les passions se déchaînent.

Une nouvelle fois, Bouysse réussit cette alchimie subtile entre une nature rude et des personnages profonds où chacun, vraiment, tient sa place. le thème de la guerre demeure en contre-bas, nous frappant parfois à l'annonce d'un mort. Mais l'accent est principalement mis sur la vie de ceux restés à l'arrière. Petit regret sur le très beau personnage de Mathias, arrivé trop tard, qui nous laisse entrevoir une belle histoire que j'aurais aimé voir aller plus loin que les quelques pages en italique.
Mais sinon… un très beau roman.
Commenter  J’apprécie          340





Lecteurs (1733) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5287 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}