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EAN : 9791095772378
192 pages
Anamosa (01/03/2018)
3.81/5   8 notes
Résumé :
La bourgeoise Adélaïde, épouse hypocondriaque d'un scientifique du Jardin des plantes s'ennuie à mourir. Épouvantée par le choléra et les insurrections, elle se délecte du chocolat de Marquis et dévore la Gazette des tribunaux. Émilie la saint-simonienne se bat du haut de Ménilmontant pour faire émerger la cause féministe. Louise, marchande ambulante du centre de Paris, atteinte du choléra et soupçonnée d'avoir participé à l'insurrection, est soumise à l'interrogato... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Tout d'abord, je remercie Babelio et les éditions anamosa de m'avoir permis de faire cette belle lecture.
Je voudrais vous parler d'un livre atypique, qui m'est tombé un peu par hasard dans les mains ; mais le hasard existe-t-il vraiment, surtout en lecture ?
Bref, de colère et d'ennui est un livre particulier, ne serait-ce déjà lorsqu'on le prend dans ses mains, qu'on commence à le feuilleter. C'est un objet au premier abord plutôt insolite, mais que j'ai trouvé fort séduisant. La quatrième de couverture se déplie depuis l'intérieur, servant à protéger les pages, un peu comme ces journaux intimes qui gardent leurs pages secrètes, presque sous un verrou. Le livre s'ouvre et des cartes se déplient, en amont comme en aval du texte, des reproductions d'anciennes cartes de Paris, datant du XIXème siècle. Et les cartes, issues des archives de la Ville de Paris et de la Bibliothèque nationale de France, offrent à la fois une vue générale de la capitale, mais aussi un plan cadastral de certains arrondissements ou quartiers, au plus près des lieux où se déploient le récit. Nous découvrons ainsi le quartier du jardin du Roi, le quartier du Temple, le quartier de la Cité ; des croquis aussi : la fontaine des Innocents, vue du Pont de Charenton, l'Eglise Saint-Ambroise, vue du Jardin des Plantes... Nous découvrons un peu après des esquisses de personnages, une lettre manuscrite aussi, raturée à certains endroits... le décor est planté, dès le sous-titre : Paris, chronique de 1832. Ne nous trompons pas, ce n'est pas un livre d'art, c'est un petit livre broché, presque de la taille d'un livre de poche, qui est là, dans son écrin de papier, pour nous livrer un texte simple, ténu, parfois sensible. Ce texte, écrit par Thomas Bouchet, un enseignant-chercheur en histoire est le récit de quatre femmes. Ce n'est donc pas à proprement parler un roman. Récit fictif ou pas ? L'éditeur nous prévient en préambule comme pour nous guider dans ces rues du Paris de 1832 : «Toute ressemblance avec des personnes, des émotions ou des paysages ayant existé n'aurait rien de fortuit ».
Donc, tout se passe en 1832, à Paris, avec en toile de fond la rue qui gronde, qui vibre, qui monte des barricades, tandis que la capitale est balayée par une épidémie de choléra. Ici, Victor Hugo n'est guère loin, Gavroche non plus, mais point de lyrisme, façon Les Misérables. Qu'importe ! Ces voix qui s'expriment dans l'intimité ont, elles aussi, des choses à dire, parfois à crier et surtout à faire entendre, pas forcément sur le même registre et c'est là tout l'intérêt de convoquer ces quatre voix. Elles peuvent paraître bien dissonantes. Tout les oppose en effet. Quelque chose pourtant les relie : ces femmes sont toutes des recluses, à leur manière. C'est ici également une autre approche originale. Il n'est pas question de descendre dans la rue, nous regardons l'insurrection naître, s'accomplir, passer sous les voix repliées de ces femmes, ici dans un salon donnant sur le jardin des plantes, plus loin dans l'arrière-cour d'un cabaret de Ménilmontant, là-bas derrière les murs d'un couvent et enfin dans une prison...
Le procédé littéraire de convoquer plusieurs voix n'est pas nouveau. Mais ici, sans doute, le procédé colle au plus près de la réalité. L'auteur est un historien, il s'est tout d'abord appuyé sur un premier matériau issu de ses recherches auprès des archives dont il a eu accès. Ensuite, il a laissé la fiction prendre le pas, donner vie à ces quatre personnages. le résultat est plutôt convaincant. Et ces voix m'ont pris la main.
Ici, il ne faut pas craindre que la forme de l'objet l'emporte sur le texte ; la manière et la matière font corps et le contenant donne vraiment un sens au propos du contenu. Mais il ne suffit pas de le décréter. C'est comme en amour, il faut des preuves d'amour, comme dirait notre ami Oscar Wilde. Ici les preuves de la sincérité du texte viennent par le ton donné, la crédibilité historique de l'auteur.
Ainsi, nous découvrons tout d'abord Adélaïde, bourgeoise hypocondriaque, épouse d'un scientifique, qui dans ses lettres destinées à une amie éloignée de Paris, donne son regard très subjectif sur les événements sociaux du moment, elle nous dit son amour pour le chocolat de luxe, la girafe du jardin des plantes, l'homme d'origine africaine qui s'occupe de l'animal, évoque son mari scientifique, c'est un regard qui nous paraît forcément choquant par la voix superficielle, raciste dans son innocence, décalé par rapport à la situation sociale, la misère qui vient crier presque jusqu'à la fenêtre de son salon, qu'elle quitte si peu. A sa manière elle est recluse non seulement dans son espace physique confiné, sa chambre, son salon, ses lectures de la Gazette du tribunal, les lettres à son amie, mais surtout elle est recluse dans son univers de femme bourgeoise, son mode de pensée, son regard sur la société qui vacille autour d'elle. Émilie, saint-simonienne, sorte de Louise Michel presque quarante ans avant l'heure, quant à elle, arrangue la foule, ses proches, dans des lieux malgré tout confinés, arrière-salles de bars de Ménilmontant. L'amour, le sexe, sont présents. Cette femme est également recluse non pas tant dans les lieux où elle exprime sa voix, mais dans cet espace où ses proches l'enferment. C'est presque plus étouffant en termes d'espace... Plus loin, une autre femme recluse, Lucie, car toutes ces femmes sont recluses à leur manière, mais celle-ci vous en conviendrez, le terme est bien choisi, est enfermée dans une condition moniale, mystique en extase. Ici, recluse autant dans l'enfermement du lieu que de son amour, que dis-je, son extase, pour le corps de Jésus. Enfin, Louise, marchande ambulante du centre de Paris, atteinte du choléra et soupçonnée d'avoir participé à l'insurrection. Elle est recluse dans des espaces d'interrogatoire successifs (commissariat, prison, médecin...).
Ces femmes ne parlent pas entre elles. Elles s'adressent à nous et ce sont nous, lecteurs, qui avons la tâche ultime de faire le lien entre elles.
Du reste, l'auteur a eu la gentillesse de nous localiser ces quatre personnages, par l'attribution de couleurs, sur la carte de Paris qu'il nous livre en annexe du livre.
J'ai aimé ce texte, j'ai été séduit par l'objet que représente ce très beau livre. Les deux vont bien ensemble. Ce n'est pas forcément un coup de cœur, mais j'ai prêté une attention à ces voix et j'ai apprécié la recherche historique de l'auteur et sa capacité à faire parler ces femmes. Il reste maintenant à leur donner une écoute.
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Thomas Bouchet va nous plonger dans le quotidien de Paris en cette difficile année 1832. Pour cela, il met en scène quatre personnages féminins, qui chacun va donner une vision et un ressenti des évènements qui bousculent la ville et un aperçu de la vie qui est la leur selon leur condition sociale. Comme le dit Thomas Bouchet: « aussi vraisemblables soient-ils, les mots d'elles quatre sont à la fois les miens, les leurs, ceux de leur époque. Elles sont inextricablement le fruit de mon imagination et quatre êtres de chair et de sang qu'une enquête attentive peut extirper des textes d'autrefois. » Ces quatre protagonistes sont fictifs donc, mais construits sur des personnes bien réelles, dont il a croisé le chemin au fil de ses recherches. D'une certaine façon, ces femmes ont existé; elles sont le parfait reflet de leurs consoeurs de l'époque. Toutes quatre sont différentes par leur âge, leur condition ou leur engagement, mais elles ont un point commun: ce sont des recluses.

Adélaïde est une bourgeoise de son temps, épouse bienheureuse d'un scientifique officiant auprès du Jardin des Plantes, où ils vivent. C'est là le cocon qui abrite Adélaïde et ses petits maux quotidiens. C'est là tout son univers. Elle prend plaisir à arpenter le Jardin, à y admirer les animaux qui le peuplent (particulièrement les oiseaux) et à y observer soigneurs et promeneurs. Adélaïde est hypocondriaque, apprécie le luxe dans lequel elle vit, se délecte de friandises chic que va lui chercher sa domestique. Bientôt, elle ne quittera plus son salon. Elle s'exprime au travers d'une correspondance qu'elle entretient avec une amie partie de Paris du fait des obligations professionnelles de son mari. Elle donne son point de vue (en grande partie dicté par son époux et par sa précieuse Gazette des tribunaux qu'elle lit consciencieusement) sur les évènements qui secouent Paris, fait part de ses inquiétudes quant à l'épidémie de choléra qui prend de l'ampleur. Adélaïde m'agace. Elle m'est antipathique, tant par sa superficialité, sa naïveté que par ses geignements incessants, alors que les Parisiens qui vivent à quelques pas d'elle se meurent décimés par le choléra ou fustigés à cause de l'insurrection. Elle est recluse dans son univers, par son étroitesse d'esprit, par la futilité de ses préoccupations.

Emilie est une saint-simonienne. Elle s'exprime au travers des discours dont elle admoneste la foule et surtout les partisans qui veulent bien l'écouter. Elle milite férocement, et tente de mener ses soeurs sympathisantes vers une participation active au sein du mouvement. Emilie est féministe et entend jouer un rôle prépondérant dans le combat qu'elle mène. Elle est confinée dans des arrières-salles ou des chambres pour discourir. Elle est recluse par son idéologie.

Lucie est une jeune femme de bonne famille, instruite. Lucie a fait le choix d'adorer Dieu. On l'entend à peine, elle murmure. Elle s'exprime au travers d'un journal intime. Elle y livre ses convictions, l'extase qu'elle vit au contact de la religion, détaille ses sensations. Elle perçoit les troubles qui envahissent les rues et sera confrontée directement au choléra. Elle est recluse, au sens propre du terme, au couvent de la Rue Neuve-Sainte-Geneviève, mais aussi dans son mysticisme, dans son amour de Jésus.

Louise, enfin, est une femme du peuple. Elle est marchande ambulante. Elle a survécu au choléra et est soupçonnée d'avoir participé à l'insurrection. Elle s'exprime par les comptes-rendu de ses interrogatoires. C'est elle qui connaît la situation la plus précaire. Sa liberté est compromise et soumise aux juges. Son avenir immédiat est incertain. Elle est recluse d'abord au commissariat puis en prison.

Ce livre est un vrai plaisir. C'est d'une part une belle édition, agrémentée de gravures d'époque et de plans nous permettant de situer chacune des narratrices. L'écriture est belle, agréable, fluide. le récit est très documenté, par conséquent très réaliste. J'ai détesté Adélaïde et son insoutenable frivolité. J'ai détesté sa légèreté face aux évènements dramatiques qui surviennent tout autour d'elle, sa puérilité dans sa façon de s'émerveiller des animaux exotiques logés au Jardin, ses mondanités par lesquelles elle s'inquiète du petit chien de son amie sans se préoccuper des morts qui jonchent les rues de Paris…

J'ai adoré la passion qui habite Emilie, même si elle est utopique. J'ai adoré le franc-parler de Louise, son bagout de femme des rues, sa loquacité naturelle, sa vivacité. Son côté roublard aussi. J'ai aimé la candeur de Lucie, sa ferveur malgré mon athéisme.

Un grand merci donc à Babelio et aux Editions Anamosa de m'avoir permis de découvrir ce livre passionnant.

Lien : https://lyseelivres.wordpres..
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Tout d'abord je remercie Masse Critique Babelio et les éditions anamosa pour m'avoir permis de découvrir ce livre.
L'auteur, historien a recours à la fiction pour mettre en scène quatre femmes de conditions sociales différentes : la bourgeoise Adelaïde, la saint-simonienne Emilie, la marchande ambulante Louise et la mystique Lucie. Une approche originale, des personnages fictifs mais qui pour autant ont bien pu exister sous d'autres noms dans ce Paris des années 1832, tant tout semble si crédible.
C'est à travers leurs voix que nous partageons une histoire sociale et sensible, et en tout premier lieu la condition féminine durant le XIXe siècle.
4 femmes donc et 4 univers différents. Pour autant leur isolement est identique.
Adélaïde épouse d'un scientifique du Jardin des Plantes vivant dans un univers protégé s'ennuie. A travers sa correspondance épistolaire nous partageons son quotidien monotone, rythmé par ses promenades dans les allées du jardin, ses visites à la girafe, la lecture de la Gazette qui la tient informée des événements lointains (pour elle qui vit dans un lieu protégé ), et pourtant si proches, il n'y a qu'à pousser le portail, de l'avancée du choléra, des traitements et recommandations possibles et de l'insurrection républicaine. Nous la suivrons à travers ses lettres à son amie sur toute l'année 1832 et découvrirons ainsi les éléments majeurs de cette période. C'est instructif pour qui méconnaît ce contexte historique. le texte est typiquement écrit dans le style littéraire de l'époque, tenant compte de la condition sociale des intervenants.
En effet, celui de Louise notre vendeuse des 4 saisons est plus coloré et typique de son statut. Louise suspectée et condamnée, victime d'engagements passés sur un simple concours de circonstance, au mauvais endroit au mauvais moment, délit de faciès ? Ou doute raisonnable, Louise est-elle vraiment celle qu'elle veut laisser croire ?
A travers les actions d'Emilie, notre engagée saint simonienne, notre avant-gardiste, notre féministe qui se bat pour le droit des femmes, j'ai découvert une communauté et ses actions dont j'ignorais l'existence. Ainsi j'ai fait la connaissance du Père Enfantin réformateur social et créateur d'une sorte de mouvement religieux. Emilie est une jeune femme qui se bat pour son idéologie victime du mépris des femmes et manipulée par les hommes. Née trop tôt pour être entendue et soutenue.
Quant à Lucie la mystique, j'ai eu bien du mal à suivre ses pensées et ses sentiments dans son journal intime. Ces interventions sont courtes et peu fréquentes. C'est un personnage qui ne m'a rien fait éprouver ni rien appris, m'ennuyant même à la lecture de ses passages, malgré des textes courts et poétiques.
Portraits de femmes donc de milieux différents toutes liées cependant entre-elles, enchaînées de manière diverses dans ce statut de femme, consenti pour certaines, imposé pour d'autres et contre lequel certaines se rebellent entre colère et ennui.
De beaux portrait brossés par notre auteur historien, Thomas Bouchet qui nous offre ici de manière ludique un petit cours d'histoire et de moeurs, le tout dans un emballage original tout aussi ludique entre cartes de Paris de l'époque, situant nos personnages avec en appui un récapitulatif chronologique de l'année en cours, de dessins de lieux en rapport avec ces chroniques . Un livret éducatif et culturel pour les amoureux d'histoire et de volet social.

Lien : http://missneferlectures.ekl..
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critiques presse (1)
Liberation
21 juin 2018
Insurrection, choléra : Thomas Bouchet retrace les événements tragiques de 1832 en France à travers le point de vue de quatre héroïnes fictives issues d’archives bien réelles.
Lire la critique sur le site : Liberation

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