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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le prologue s'ouvre le 21 juillet 2022 lors des funérailles de Marie Rouart, jeune femme française radicalisée partie en Syrie aux côtés de son mari djihadiste combattant de l'Etat islamique. Emprisonnée en France quelques mois avant sa mort, sa seule condition pour collaborer avec la justice est de parler à un photographe de guerre, Pierre Déjean, rencontré en 2017 à Raqqa lors de sa première arrestation par des soldats kurdes.

« Le passé, l'histoire, le tintamarre des siècles et la fanfare des erreurs, ça pèse sur la vie de tout son poids. On met longtemps à le comprendre, mais on n'y échappe pas. Ça commence par un grand basculement. le moment où tout devient concret, la ligne de partage du temps qui sépare l'avant et l'après, et rien n'est plus pareil, dans la marche du siècle comme dans le coeur. Les destins, il leur faut toujours un prologue, quelque chose qui enclenche. Un déclic minuscule, un truc de trois fois rien, parfois un Big Bang, et ensuite le monde se dilate, loin, très loin. On plante le décor et on craque une allumette. Et toute l'existence prend feu. »

Grâce à une construction narrative très habile, posant au bon moment les analepses éclairant le passé, on va découvrir les parcours croisés de Marie et Pierre ainsi que leurs relations dans le chaos de Raqqa.

Xavier-Marie Bonnot convoque le sujet sensible de la radicalisation et du terrorisme. Il le fait avec beaucoup de doigté, trouvant la bonne distance pour ne pas asséner des explications tranchées mais laisser le lecteur se questionner intelligemment. Il ne juge pas Marie, ne l'absout pas non plus, mais permet factuellement de comprendre le processus qui l'a conduit à choisir Daesh, avec toutes les zones de gris qui entourent les responsabilités individuelle et collective à l'oeuvre dans tout acte.

Plus que Marie, c'est le personnage du photographe que j'ai trouvé passionnant. Pierre qui malgré tout ce qu'il a vu de l'horreur du monde lors de ses voyages en Syrie, chérit la complexité et les nuances. Dans cette bataille contre Daesh et le fondamentalisme religieux, il connaît son camp, mais pour autant, il veut continuer à montrer par ses photographies ce que le « camp du Bien » refuse de montrer, la part d'humanité du « camp du Mal », invisible au niveau collectif mais visible au niveau individuel. Il continue à avoir de l'empathie pour tout être en souffrance, quel que soit son camp.

Et c'est d'autant plus fort que derrière les portraits sensibles de Pierre et Marie, l'arrière-plan historico-géopolitique résonne puissamment en nous, tant on a encore en tête des images marquantes qui accompagnent, sans excès de pathos, les remarquables scènes décrivant le quotidien de Raqqa sous emprise de Daesh, la bataille de Raqqa ou encore le procès des attentats de 2015 avec Salah Abdeslam dont les retranscriptions accompagnent la deuxième moitié du récit.

Un roman grave et intense, équilibré, qui jamais ne caricature et toujours cherche à aller au-delà des clichés.
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Enfer et paradis
2014. Marie vient de fêter ses 18 ans. Avec l'argent que lui donne son père pour son anniversaire, elle prend un billet d'avion pour Ankara. Destination finale, la Syrie, Raqqa où l'attend son mari, Fabien. Marie est une jeune fille ordinaire, bonne élève, élevée par des parents aimants bien que séparés. Marie et Fabien se sont rencontrés l'année précédente, il jouait de la guitare…une amourette de vacances. Puis Fabien a commencé à s'interesser à l'islam, lui qui avait perdu la foi après la mort de son grand-père. Converti, Fabien est devenu Abou Mehdi al-Faransi et est parti pour le califat de Daesh.
2017. Raqqa. Alors qu'il est en reportage avec les combattants kurdes, Pierre Dejean fait une photo qui fera le tour du monde : un très jeune enfant se tient sur les décombres d'un immeuble, une grosse sucette arc-en-ciel dans la main droite. le cliché est pris une seconde avant qu'un missile ne s'abatte sur la Place du Paradis, et que l'enfer se déchaîne. Pierre n'a jamais su ce que cet enfant était devenu… Sans doute est-il mort, enseveli comme tant d'autres victimes innocentes de cette guerre cruelle. le même jour, Pierre est témoin de l'arrestation par les kurdes, d'une jeune femme, une française : Marie. Là aussi, un bon reportage en perspective.
2022. Marie est emprisonnée à Nîmes. Accusée de complicité dans les actes terroristes commis par les djihadistes, elle est interrogée par une juge d'instruction mais elle demande à voir Pierre Dejean : c'est à lui qu'elle veut parler.
A travers ces trois temporalités, nous suivons plus particulièrement Marie, devenue « Um Adam », dépouillée de sa personnalité, réduite à sa condition d'épouse et de mère ; ses désillusions aussi, son quotidien de femme de djihadiste à Raqqa, Place du Paradis.
Ce roman est éprouvant mais essentiel pour tenter de comprendre. Comprendre le terrorisme ? Non, mais comment une jeune fille a pu se radicaliser au point qu'elle soit partie dans un Etat en guerre… L'auteur ne juge pas Marie, mais il met à nu les ressorts qui ont amené cette dérive, laissant le lecteur faire son opinion. Pour autant, Marie n'est pas qu'une « simple » victime. Les victimes, ce sont celles des attentats du 13 novembre 2015 dont le procès s'ouvre tandis que Marie cherche à parler à Pierre. Très habilement, Xavier-Marie Bonnot a glissé des extraits des minutes de ce procès dans les pages du roman, des témoignages (dont l'un, poignant, de l'épouse d'une des victimes du Bataclan) qui permettent de prendre toute la mesure du vaste sujet abordé par le biais de la fiction.
Le personnage de Marie est très complexe, en remontant son parcours, en interrogeant ses racines, l'auteur nous en donne une perspective qui à la fois peut nous émouvoir et nous horrifier. le personnage de Pierre Dejean n'est pas en reste et est particulièrement intéressant. Grand reporter de guerre, il a, après Raqqa, pris ses distances et est quasi retraité. Lui se questionne sur la responsabilité d'un journaliste dont les images ont plus de force que les mots, en convoquant le souvenir d'un père et d'un grand-père. A noter également une très belle figure féminine, celui de Kaziwar, la combattante kurde.
Enfin, le roman pose la question du devenir de ces djihadistes français (dont la plupart est détenue par les Kurdes) et surtout des femmes et des enfants qui vivent dans des conditions épouvantables dans des camps. La question de leur rapatriement (qui semble aller de soi pour des raisons humanitaires) est éminemment politique et relativement peu présente dans les débats. Difficile de trancher.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de Xavier-Marie Bonnot, la construction très habile du roman dont l'intensité m'a bouleversée.
Je me réjouis de rencontrer l'auteur prochainement grâce à Babelio (que je remercie vivement, ainsi que les éditions Récamier).
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Marie Rouart était une adolescente plutôt fragile, qui avait du mal à trouver sa place dans ce « monde de brutes » … du mal à accepter la « frivolité » de sa mère. La distance de son père. Alors quand Fabien Marceau (qui a fait voeu d'allégeance à Daesh) entre dans sa vie, elle ne réalise pas – hélas – qu'elle n'a pas franchement rencontré « la bonne personne » ! … Tout va aller très vite à partir de ce moment-là. le bourrage de crâne, la Syrie, la naissance de son fils Adam … La détention dans un camp de l'YPG … Et finalement, la prison en France. Car entretemps, à Paris, ont eu lieu les épouvantables évènements du 13 novembre 2015.

Pierre Déjean, photographe populaire (qui a fugitivement croisé Marie au cours d'une mission, alors qu'elle était aux mains des YPG à Raqqa, en 2017) va – à la demande de cette dernière – accepter d'aller la « visiter » dans sa prison française. Avec l'accord de la juge d'instruction en charge du dossier, Hélène Conrad. Nous sommes en 2020, le procès de Salah Abdeslam est en cours.

Xavier-Marie Bonnot nous livre un roman douloureux, où rien n'est tout blanc ou tout noir. Une partie de la jeunesse européenne, qui se cherche constamment des raisons de vivre et d'espérer (en vénérant parfois l'obscurantisme, la violence et la mort) fait froid dans le dos. Mais qui est « responsable » de ce phénomène grandissant ? Les manipulateurs, pervers et malfaisants, de l'État Islamiste ? Nos sociétés (consuméristes) occidentales, qui aggravent les injustices sociales et fracturent les populations ? Nos sociétés « aveugles » qui ne sont plus vraiment capables de donner – à certains de leurs enfants – des repères humanistes ? Une éducation laxiste, qui part à vau-l'eau, en occultant l'importance des valeurs morales ?

Un monde qui fait peur, décrit avec une grande pertinence par l'auteur. Et tant pis si son intrigue est un peu dérangeante aux yeux de certains … Un roman qui se lit d'une traite.
Un grand merci à la Masse Critique Littérature de Babelio ainsi qu'aux Éditions Récamier.
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En tant que photographe reporter de guerre, Pierre s'est blindé : "la guerre c'est sale partout" dit-il.
En effet, dans le chaos, les explosions, les tirs, les victimes deviennent bourreaux et les bourreaux deviennent victimes à force de haine et de désir de vengeance.
Et la morale dans tout çà? La légitimé du combat? de l'agression et de l'horreur, du sacrifice des civils?
C'est tout çà que questionne l'auteur à travers les yeux de Pierre et de sa présence en Syrie sur l'ironique "place du paradis" à Raqqa au coeur du terrorisme.
Et Marie la djihadiste alors? Sa personnalité trouble sert de support à la réflexion ajoutant malgré nous une touche de tendresse et de désarroi.
Construit de façon adroite en alternant les points de vue, l'auteur ne respecte pas la chronologie des faits, il ne faut pas perdre le fil mais si on le tient on ne le lâche plus jusqu'à la fin.
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Lors du procès des attentats du 13 novembre, un photographe est convoqué à rendre visite à une jeune femme, brisée, dans le parloir d'une prison. Ils s'étaient rencontrés il y a 5 ans, à Raqqa, en Syrie. Lui est photographe de guerre, elle, a choisi l'état islamique.

La partie fictive de ce roman est très bien entremêlée à la réalité. Beaucoup de témoignages des victimes des attentats sont inclus dans ce roman.

Ce roman a été assez difficile à lire. On y retrouve une cruauté qui est difficile à imaginer et à la savoir vraie est encore plus compliquée. Ce livre nous permet d'essayer de comprendre comment certaines personnes peuvent se faire enrôler dans tout ce processus et comprendre certaines des dérives terroristes.
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Place du Paradis est un roman dans lequel on perçoit l'immense travail de l'auteur. En plus de la partie fiction ce dernier insère les témoignages réels des accusés et des victimes des attentats du 13 novembre cela donne une dimension différente à l'histoire. En se penchant sur le passé de Marie il nous parle de racines, de religion, d'éducation pour nous éclairer sur la décision de cette jeune femme de tout quitter pour rejoindre un pays en guerre. Notre rôle de lecteur n'est pas de lui donner raison ou tort mais celui de mieux comprendre sans juger. La rencontre de la prisonnière et du photographe est intense, les regards se croisent, les souvenirs affluent et ils sont nombreux. Ces deux personnes diamétralement opposées ont été réunis par la guerre, rencontre improbable sur la place du Paradis où tant d'événements tragiques ont eu lieu.

J'ai lu ce livre assez lentement car il ne se dévore pas. Il m'a fallut du temps pour m'imprégner de l'atmosphère et du sujet tragiques de ce roman. L'écriture de l'auteur est travaillée, détaillée et nous livre les moments forts d'une dérive et d'une rencontre au milieu des décombres. Ce fut pour moi une lecture qui m'a éclairée un peu sur les raisons de ceux qui décident de rejoindre l'Etat Islamique. Une lecture utile écrite par un auteur de talent.
Lien : https://pausepolars.wordpres..
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