AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de evergreen13


Enfer et paradis
2014. Marie vient de fêter ses 18 ans. Avec l'argent que lui donne son père pour son anniversaire, elle prend un billet d'avion pour Ankara. Destination finale, la Syrie, Raqqa où l'attend son mari, Fabien. Marie est une jeune fille ordinaire, bonne élève, élevée par des parents aimants bien que séparés. Marie et Fabien se sont rencontrés l'année précédente, il jouait de la guitare…une amourette de vacances. Puis Fabien a commencé à s'interesser à l'islam, lui qui avait perdu la foi après la mort de son grand-père. Converti, Fabien est devenu Abou Mehdi al-Faransi et est parti pour le califat de Daesh.
2017. Raqqa. Alors qu'il est en reportage avec les combattants kurdes, Pierre Dejean fait une photo qui fera le tour du monde : un très jeune enfant se tient sur les décombres d'un immeuble, une grosse sucette arc-en-ciel dans la main droite. le cliché est pris une seconde avant qu'un missile ne s'abatte sur la Place du Paradis, et que l'enfer se déchaîne. Pierre n'a jamais su ce que cet enfant était devenu… Sans doute est-il mort, enseveli comme tant d'autres victimes innocentes de cette guerre cruelle. le même jour, Pierre est témoin de l'arrestation par les kurdes, d'une jeune femme, une française : Marie. Là aussi, un bon reportage en perspective.
2022. Marie est emprisonnée à Nîmes. Accusée de complicité dans les actes terroristes commis par les djihadistes, elle est interrogée par une juge d'instruction mais elle demande à voir Pierre Dejean : c'est à lui qu'elle veut parler.
A travers ces trois temporalités, nous suivons plus particulièrement Marie, devenue « Um Adam », dépouillée de sa personnalité, réduite à sa condition d'épouse et de mère ; ses désillusions aussi, son quotidien de femme de djihadiste à Raqqa, Place du Paradis.
Ce roman est éprouvant mais essentiel pour tenter de comprendre. Comprendre le terrorisme ? Non, mais comment une jeune fille a pu se radicaliser au point qu'elle soit partie dans un Etat en guerre… L'auteur ne juge pas Marie, mais il met à nu les ressorts qui ont amené cette dérive, laissant le lecteur faire son opinion. Pour autant, Marie n'est pas qu'une « simple » victime. Les victimes, ce sont celles des attentats du 13 novembre 2015 dont le procès s'ouvre tandis que Marie cherche à parler à Pierre. Très habilement, Xavier-Marie Bonnot a glissé des extraits des minutes de ce procès dans les pages du roman, des témoignages (dont l'un, poignant, de l'épouse d'une des victimes du Bataclan) qui permettent de prendre toute la mesure du vaste sujet abordé par le biais de la fiction.
Le personnage de Marie est très complexe, en remontant son parcours, en interrogeant ses racines, l'auteur nous en donne une perspective qui à la fois peut nous émouvoir et nous horrifier. le personnage de Pierre Dejean n'est pas en reste et est particulièrement intéressant. Grand reporter de guerre, il a, après Raqqa, pris ses distances et est quasi retraité. Lui se questionne sur la responsabilité d'un journaliste dont les images ont plus de force que les mots, en convoquant le souvenir d'un père et d'un grand-père. A noter également une très belle figure féminine, celui de Kaziwar, la combattante kurde.
Enfin, le roman pose la question du devenir de ces djihadistes français (dont la plupart est détenue par les Kurdes) et surtout des femmes et des enfants qui vivent dans des conditions épouvantables dans des camps. La question de leur rapatriement (qui semble aller de soi pour des raisons humanitaires) est éminemment politique et relativement peu présente dans les débats. Difficile de trancher.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de Xavier-Marie Bonnot, la construction très habile du roman dont l'intensité m'a bouleversée.
Je me réjouis de rencontrer l'auteur prochainement grâce à Babelio (que je remercie vivement, ainsi que les éditions Récamier).
Commenter  J’apprécie          200



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}