Que dire de ce livre ?
C'est un monument, il y a une grosse quantité de détails.
C'est une biographie très riche.
Jean Bérenger analyse la vie d'Henri de
Turenne ( 1611-1675 ) comme s'il décortiquait une crevette ; mieux, il épluche cette vie au microscope.
Napoléon, qui admira ce maréchal de France, dit de lui, à l'époque où il était général :
"
Turenne est le premier général français qui ait planté les couleurs nationales sur le bord de l'Inn, et ait parcouru l'Allemagne en tous sens avec une mobilité et une hardiesse qui contrastent avec la manière dont la guerre s'est faite depuis."
Cela résume très bien la vie militaire de notre héros, que Béranger parcourt dans les moindres détails, depuis son enfance de cadet de la principauté de Sedan, étroitement surveillé par sa mère, descendante de la dynastie d'Orange de Hollande, son choix cornélien entre les Orange et Richelieu, jusqu'à la "guerre indirecte" en Allemagne, associé à Bernard de Saxe Weimar, dont il récupère les robustes weimariens à sa mort, et qui a amené l'Empereur Frédéric III à signer la paix de Westphalie en 1648.
Après un intermède de paix, il reprend, de 1672 à 1675, les hostilités à l'est.
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Mais, ce que souligne Jean Bérenger, et qui est assez original par rapport aux autres biographes, c'est son implication dans la Fronde, sa vie politique à partir de 1652, et son but d'asseoir dignement la "Maison Bouillon", sa Maison.
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La Fronde.
L'autre grand capitaine français du siècle fut Condé. Ils s'entendaient bien tous les deux, ayant à peu près la même conception des "batailles".
Cependant, après avoir rejoint la Fronde en 1650, parce qu'injustement Mazarin avait emprisonné Condé, mais aussi parce qu'il voulait avec ténacité obtenir un échange contre Sedan, proposé par le fils aîné, Maurice de Bouillon pour avoir la vie sauve après ses deux cabales manquées avec Soissons puis Cinq Mars,
Turenne donc, n'obtenant rien ou si peu de Mazarin pour sa "Maison", se mit avec les Grands pendant une année.
Il revint du côté de Louis XIV, fut rapidement pardonné car on avait besoin de lui. En effet, Condé, libéré par Mazarin, s'était enrôlé chez les Espagnols qui le glorifiaient, et attaqua la Picardie.
Turenne dut se battre contre son ami.
Heureusement pour Anne d'Autriche et Louis XIV, l'intendance espagnole n'ayant pas l'habitude de la guerre de mouvements, ne suivait pas Condé, et
Turenne, bien soucieux de l'intendance ( pain, fourrage, munitions), sauva la Cour à Bléneau en 1652.
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La vie politique.
De 1652 à sa mort,
Turenne eut une grande influence politique, et fut de bon conseil pour Mazarin puis le Tellier et le roi, en ce qui concerne la guerre, la stratégie européenne des alliances, la diplomatie, et le renseignement. Il s'est, comme Mazarin, formé une "clientèle" qui l'informait des intentions des pays voisins.
Turenne a même été ministre.
A partir de 1668, il s'est heurté à Louvois, beaucoup moins timoré que son père Michel le Tellier, qui ne se contentait pas d'assurer l'intendance, mais voulait organiser une armée de siège, à l'opposé de
Turenne.
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La "Maison Bouillon".
Huguenottes ferventes, la princesse douairière, Elisabeth de Nassau, sa mère, et une de ses soeurs auraient fait de grandes difficultés à une conversion de
Turenne, religieux assidu mais modéré, qui souhaitait la réconciliation des deux religions. Il s'est converti après leurs morts, grâce à des discussions poussées avec Bénigne
Bossuet.
En ce qui concerne ses relations, il a utilisé, mais aussi favorisé ses amis, vous lirez comment dans le livre.
Par contre, n'ayant pas eu d'enfant avec se femme Charlotte de Caumont, il a poussé ses neveux et nièces.
Grâce à lui :
Godefroy fut chambellan du roi ;
Frédéric épousa une Hohenzollern ;
Fébronie, à défaut d'être reine du Portugal, fut princesse de Wittelsbach ;
Emmanuel-Théodore, duc d'Albret, fut cardinal à sa place ;
il prit sous son aile, dans ses régiments le petit
Duras, et son frère de Lorge, qui tous deux finirent maréchaux.
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La fortune de
Turenne, à sa mort, loin des millions de Richelieu, Mazarin et Colbert, ne le situe pas dans les pauvres aristocrates, mais même s'il faisait des "affaires", thésauriser ne l'intéressait pas.
Saint Simon ( un descendant ) et
Mme de Sévigné ont bien compris que, sous sa fausse modestie, l'orgueil qu'il avait de sa famille, et même sa convoitise de titres étaient ses motivations.
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Bon, désolé, j'ai divulgâché, comme on dit, mais il y a tellement de choses, d'évènements dans cet ouvrage, que je ne vous en livre que le centième !
Pfff... Moi qui lis lentement, j'ai mis trèèès longtemps à finir ce livre, ...mais quelle richesse :)