Je rêvais depuis plusieurs semaines de me lancer dans l'ascension de ce beau roman. Comme cela tournait à l'obsession, j'ai enfilé mes vieilles chaussures de montagne, fossiles qui pourraient intéresser certains muséums, tartiné mes lèvres de baume de graisse de Mammouth et revêtu une combinaison de ski qui avait dû être un jour à la mode, il y a environ cent millions d'années.
Ainsi attifé, je me suis lancé sur ce sentier déjà très emprunté dans les bibliothèques et balisé par de nombreux lecteurs depuis sa parution, pourtant datée de notre ère. Inutile donc d'espérer planter mon drapeau d'explorateur littéraire au sommet de ma pile de livres. Dernier de cordée, Mister Président !
- T'aurais pas vu un fossile ? ai-je demandé à mon sherpa après quelques pages.
Elle me toisa dans ma tenue d'un air dépité et me répondit par l'affirmative…
Stan, le personnage central de ce roman en découvrit aussi un dans sa jeunesse, un tribolite. Une rencontre qui bouscula son destin. L'exploration du passé lui permit d'échapper à une jeunesse malheureuse et solitaire placée dans l'ombre menaçante d'un père brutal. le jeune garçon devint paléontologue mais sa carrière universitaire le priva d'aventures. Indiana Jones cloîtré dans un amphithéâtre.
Sur la base d'une anecdote contée par une fillette dans une soirée mondaine, Stan convie son ancien assistant Umberto à une ultime campagne sur un glacier perdu entre la France et l'Italie, à la recherche de la postérité scientifique et d'un monstre préhistorique qui serait prisonnier des glaces depuis des millions d'années. Un sorbet au dinosaure s'il vous plait ?
Accompagnée d'un vieux guide taiseux et de Peter, jeune scientifique allemand bavard un peu ventriloque, la cordée part à l'assaut du glacier.
Place au vertige des mots en haute altitude.
Jean Baptiste Andréa donne vie à la montagne et entraîne le lecteur dans une randonnée qui chemine du rêve vers l'obsession. Sa prose fut pour moi comme une plume offerte au vent du récit, tantôt effleurant avec douceur l'âme des personnages, tantôt un tourbillon qui faisait voleter les pages au gré des caprices de la nature et des hommes.
Il est de coutume de dire que dans un voyage, ce n'est pas la destination qui compte mais le chemin parcouru. Bon, dans la vraie vie, je préfère quand même bouquiner sur une plage paradisiaque que pendant quinze heures dans l'avion qui m'y transporte. Mais dans le récit, si je fus tenu en haleine (de brontosaure ou de dragon) par la perspective d'une découverte extraordinaire au côté des personnages, je pense que je garderai surtout le souvenir de la prose de l'auteur.
Je fus impressionné par l'élégance avec laquelle il alterne le récit de l'expédition avec celui de la jeunesse de Stan, profitant du sommeil des héros dans leur refuge pour remonter le temps. Un poète de la transition.
Petits « Poucetons », inutile de prendre des cailloux dans vos poches pour ne pas vous perdre dans ce beau roman. Aucun cairn ne peut suivre la folie des hommes.
Comme dirait un certain Jean Jacques, « j'irai au bout de mes rêves, où la raison s'achève ».
Jean- Baptiste Andrea connait l'adresse.
Billet un peu sinueux, je le concède, mais très admiratif de ce roman.