Il est très difficile d'écrire sur l'un des livres essentiels, fondateurs, de la culture européenne. Au-delà du livre lui-même, il y a tout ce qu'il a inspiré, nourri, tous ceux qui s'en sont emparé, diversement à différentes époques, juste comme une référence rapide, où comme un fondement à la base de leurs propres écrits. Il y a toutes les lectures qui en ont été faites, et qui n'en épuisent pas le sens, les sens. Toutes les images en lien avec ce livre auxquels nous avons été et sommes régulièrement confrontés. Une lecture d'un tel monument est forcément une tache de longue haleine, à recommencer régulièrement, pour saisir à chaque fois un autre aspect, un autre détail, ressentir autre chose, avoir l'illusion de comprendre un autre point. Ces notes de lectures vont donc être forcément parcellaires et provisoires.
L'oeuvre a connu une longue gestation : elle aurait été écrite entre 1303 et 1321. Il s'agit d'un poème composé de 100 chants, dans des tercets hendécasyllabes (de onze syllabes). le texte est rédigé dans ce que l'on appelait la langue vulgaire (l'italien, dans sa version florentine) et non pas le latin, la langue considérée comme noble à l'époque. le premier chant est une sorte d'introduction, avant que l'auteur ne commence véritablement son voyage qui le mènera successivement en Enfer, au Purgatoire puis enfin au Paradis. 33 chants sont dévolus pour décrire chacun des trois lieux.
Le début est très célèbre (j'utilise ici et par la suite, la traduction de
Jacqueline Risset) :
« Au milieu du chemin de notre vie
je me retrouvai par une forêt obscure
car la voie droite était perdue. »
« Au milieu du chemin de notre vie » c'est selon une indication biblique la moitié de 70 ans, donc 35 ans. Cette indication appliquée à
Dante place le récit qu'il va nous faire en 1300, et plus précisément au moment de Pâques. C'est une année très particulière pour les chrétiens : le pape Boniface a instauré cette année le jubilé. Au début de chaque siècle, les fidèles qui viendraient visiter les tombeaux des apôtres, après s'être confessé et avoir communié, gagneront une indulgence plénière. Rome a vécu un immense afflux de pèlerins cette année-là.
Dante place son étrange aventure avant le début de la rédaction de son poème (1303) ce qui lui permettra de faire quelques prédictions à son personnage, prédictions qui ne pourront que s'avérer vraies. Au moment de débuter l'écriture de son oeuvre essentielle,
Dante se trouve dans une situation difficile. Après une participation active à la vie politique de sa cité, Florence, il en a été banni, et une condamnation à mort a été prononcée à son encontre. Sans rentrer dans les détails de l'histoire politique de Florence, qui est d'une complexité folle, il a participé au priorat (sorte de gouvernement de la ville) pendant des luttes intestines très virulentes. Il s'est retrouvé dans le mauvais camps, celui des guelfes blancs, alors que les noirs prenaient le pouvoir, grâce notamment à l'intervention de Charles de Valois, frère du roi de France Philippe IV le Bel, intervention faite à la demande du pape Boniface VIII.
Dante se trouvait à ce moment en ambassade à Rome, et il a probablement été retenu dans la ville, ce dont il voudra amèrement au pape. Il ne rentrera plus jamais dans sa ville natale, connaîtra l'exil en divers endroits, et sera enterré à Ravenne.
Pour illustrer d'emblée la richesse et la complexité du poème, « le milieu de la vie » peut avoir un autre sens. Pour
Aristote, il s'agit en effet d'une métaphore du sommeil. Nous sommes donc d'une certaine manière dans le rêve, dans un monde onirique.
Dante annonce de prime abord qu'il va décrire une vision, quelque chose qui transcende le réel pragmatique et quotidien. Par ailleurs on peut noter que dès les premières lignes du poème, le monde chrétien s'entremêle au monde antique, païen.
Dante est donc perdu dans la forêt obscure, lieu des plus vagues, symbolique. Il y rencontre trois dangereuses créatures : une lonce (un félin, symbole de la luxure), un lion (l'orgueil) et une louve (avarice, convoitise).
Dante perd espoir, mais une figure surgit, qui lui propose un chemin, une sortie. Il s'agit de
Virgile, le grand poète latin, qui a été mandaté par Béatrice, le grand amour de
Dante. Cette dernière est morte, son âme est au Paradis, mais elle n'a pas oublié
Dante et lui tend une main secourable. le poète va donc entamer un voyage vers l'autre monde, une sorte d'épreuve initiatique.
Virgile va lui servir de guide, en Enfer et au Purgatoire, et Béatrice prendra le relais au Paradis, dans lequel
Virgile, en tant que païen ne peut pénétrer.
Virgile commence par amener
Dante devant la porte de l'Enfer :
« Par moi on va dans la cité dolente,
par moi on va dans l'éternelle douleur,
par moi on va parmi la gent perdue.
............................................................
Vous qui entrez laissez toute espérance».
(Suite : https://www.babelio.com/livres/Alighieri-
La-divine-comedie-tome-1Lenfer/1419374/critiques/3379931)