Pardonnez-moi mon père car j'ai péché.
J'ai péché par aveuglement, par excès d'enthousiasme, je me suis laissé séduire par les chants de louanges entendus ça et là sur ce premier roman et j'ai laissé mon esprit faible succomber à la tentation : je l'ai lu.
Et j'ai d'abord aimé ça, mon père.
J'ai aimé l'originalité du propos et le choc de l'immersion (relativement inédite pour moi qui n'ai pas souvenir d'avoir lu beaucoup de romans sur le sujet) au coeur de cette mouvance catholique-intégriste où abondent les Jean-Eudes et les Marie-Bertille, les Gonzague et les Paul-Enguerrand.
J'ai aimé pénétrer ce petit univers clos, en guerre permanente contre un monde apostat.
J'ai aimé m'immiscer dans ce cercle d'un autre âge où ne se croisent que des généalogies pompeuses bourrées de noms à particules, où les hommes se rêvent en croisés prêts à tout pour protéger la fille aînée de l'Église du vice et de l'aliénation, et où les femmes n'ont pour seule ambition que de donner le jour - ainsi que le préconise leur catéchisme archaïque - à un maximum de rejetons pour les élever dans le respect inconditionnel du dogme, les formatant à ne voir partout que des épreuves et des tentations du malin.
J'ai aimé être ainsi brutalement confronté à ce que l'Église peut produire de pire (fondamentalisme absolu, sectarisme et emprise psychologique, racisme et sexisme fièrement revendiqués, rupture totale avec concile
Vatican II...).
En bref j'ai aimé le coup de projecteur puissant braqué par
Maylis Adhémar sur cette frange ultra-radicale du catholicisme qui généralement aime à se faire discrète, et j'ai surtout aimé la force de caractère dont témoigne la fameuse Sixtine (bénie soit-elle !) pour ouvrir les yeux et se libérer d'un asservissement moral devenu trop pesant.
Et puis à la longue, j'ai un peu déchanté.
Des ficelles toujours plus grosses, une caricature de plus en plus grossière du milieu "cathos-hardcores" dans lequel évoluent le sinistre Pierre-Louis Sue de la Garde et les siens (tous les clichés y passent, des thèses "Manif Pour Tous" au rejet catégorique de l'homosexualité, des étrangers, de la musique rock et même du biberonnage des nouveaux-nés et de la péridurale), et voilà que je sature un peu. Même la pauvre Sixtine, dont le sort de jeune fille embrigadée dans un monde de pénitence perpétuelle et de foi quasi-contrainte, m'avait d'abord ému, a commencé à me taper sur le système.
Que dire enfin de ce scénario pour le moins capillotracté, et de la fuite rocambolesque qui nous est racontée dans la deuxième partie du roman ?
Qu'à la naissance de son fils et à la suite d'un drame notre héroïne décide subitement de plier bagage avec son enfant pour s'extraire du carcan familial passe encore, mais qu'en six mois elle bascule au point de s'acoquiner avec une bande de punks à chiens anarchistes dans une ferme abandonnée au fin fond de l'Aveyron (avec romance vaguement mielleuse en prime), ça commence à faire beaucoup.
Pour couronner le tout, Sixtine se découvre sur le tard et contre toute attente des ancêtres circassiens plutôt délurés, babas cool sur le retour, et de ce télescopage soudain de deux univers si radicalement incompatibles nait un vrai sentiment de "too much".
L'ensemble se lit quand même avec plaisir et l'écriture, sans être non plus exceptionnellement soignée, reste néanmoins tout à fait agréable !
Manifestement
Maylis Adhémar maîtrise bien son sujet, elle qui reçut une éducation religieuse des plus rigoristes ("Dans ma jeunesse, on me disait que
Jean-Paul II était l'Antéchrist", dit-elle en interview), et en dépit des quelques réserves énoncées plus haut, j'ai trouvé son livre intéressant.
Elle soulève des sujets sensibles (l'intégrisme religieux, la condition de la femme, la maternité, le poids de l'héritage familial), sans pour autant faire montre d'un quelconque mépris pour la foi, ce dont je lui sais gré ! Malgré tout ce qu'elle a traversé, Sixtine ne renie d'ailleurs pas ses intimes convictions, elle continue dans la tempête à s'accrocher à la "prière d'abandon" de Charles de Foucauld et j'avoue, mon père, que j'ai trouvé ça beau.
Mais je vois que d'autres ouailles patientent devant le confessionnal.
J'en ai donc fini, mon père. Me donnerez-vous l'absolution ?