« Chacun de mes livres est associé à un amour de ma vie » a confié l'auteur de ce
Traité culinaire à l'usage des femmes tristes, et c'est Irène dont il s'est finalement séparé qui est l'inspiratrice première de cet ouvrage d'
Hector Abad Faciolince. Mais c'est dans un contexte plus profond que celui sentimental qu'a été construit ce
Traité culinaire à l'usage des femmes tristes : la douleur des femmes de sa famille (sa mère et ses soeurs), confrontées à l'assassinat du père de l'écrivain par des paramilitaires. Tristesse familiale et personnelle comme une allégorie de la tristesse historique et politique de la Colombie : l'auteur ne les sépare jamais dans son oeuvre littéraire.
Dans ce traité qui n'en est pas un, sauf avec une lecture littérale peu soucieuse de la dimension philosophique de l'oeuvre de cet écrivain (dans ce cas, lire d'urgence « dangers de la lecture et remèdes littéraires, 1883-1914 » pour comprendre les enjeux intellectuels d'une lecture enfin nuancée), la cuisine n'en est pas une et les femmes ne sont pas particulièrement visées mais bien tout le genre humain : la tristesse existentielle des femmes n'est qu'un prolongement de celle des hommes et vice-versa. C'est bien de tristesse humaine qu'il s'agit et cette affliction n'est pas coupable.
Traitant avec humour le principe du traité médico-culinaire déjà présent dans l'antiquité et surtout au Moyen Age, ce traité de cuisine d'
Héctor Abad Faciolince, comme pour
Mayra Santos Febres et son Traité de médecine naturelle pour hommes mélancoliques, reprend cette tradition historique médico-culinaire pour la détourner en genre fictionnel volontairement incertain, combinant antidotes et sortilèges à un vadémécum littéraire et à un journal intime sentimental.
Juxtaposant avec une prose mêlée de fantaisie et de poésie des recettes aux ingrédients improbables avec d'autres plus plausibles, sur un ton d'apothicaire frivole, l'auteur semble proposer à la psychologie féminine de traiter ses maux existentiels. "Semble" seulement. Car ces propositions culinaires ne sont remarquables que pour leur valeur littéraire.
Comme Abad Faciolince le déclare en évoquant le poète anglais qui réclame du musc à l'apothicaire pour parfumer son imagination, l'ambition de ce livre est de soigner la mélancolie du monde par un excès à la fois de raison et de fantaisie : suivre une cure salvatrice de mots, c'est-à-dire opter pour un revigorant excès de littérature.
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