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Ressouvenances [corriger]


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Souvenirs d'un ours

Le nom de la maison d'éditions : « Ressouvenances » dit tout et aiguise la curiosité des amateurs d'histoire littéraire.



Car outre les éléments biographiques racontés par Lucien Descaves, c'est aussi un panorama de littérateurs, principalement autour de l'Académie Goncourt, qui est raconté.



Celui qu'Edmond de Goncourt surnommait « le bouledogue » et qui lui-même se désigne comme « ours » apparaît tout au long de la lecture comme un fort caractère, intransigeant mais d'une droiture absolue, point dupe des manigances et des manipulations humaines.



Aujourd'hui quelque peu oublié en tant que romancier et auteur dramatique, ce journal le ressuscite.



Il nous ramène et nous conte ses souvenirs de petit garçon (né en 1861) percevant les échos du Siège de Paris, de la Commune (il mourra en 1949 : imaginez les sociétés différentes qu'il a connues, du Second Empire à la 4ème République!!!).



Nous pénétrons la vie de caserne de l'époque et les démêlés jusqu'aux injures qu'il connut avec la publication de son livre « Sous-offs ».



Son entrée en littérature et en journalisme, les liens qui se tissent et les artistes croisés, appréciés, parfois critiqués sans jamais donner dans la vilenie, ce que d'ailleurs il revendique en homme probe.



Quelques noms dont il nous conte la rencontre, les échanges, le respect : Jules Renard, Alfred Capus, l'abbé Mugnier, Joris-Karl Huysmans et tant d'autres.



L'Aurore, l'Affaire Dreyfus, les remous, les haines, les prises de position extrêmes, malhabiles ou étonnantes (Rodin).



La création de l'Académie Goncourt, les reproches, l'éloignement du « déjeuner » après les refus de Courteline puis de Céline.

Les périodes des deux guerres mondiales, l'Affaire Guitry et comparses, l'homme intègre qu'il est en proie aux contradictions, à la déchéance de l'humanité.

Entré au Goncourt en 1903 jusqu'à sa mort en 1949, une longévité qui lui permit de voir l'évolution littéraire (esprit moderne : ouvert à l'élection des femmes et à la littérature française hors de France).



Souffrances personnelles, la mort d'un fils, la mort de Huysmans, de Courteline et tout ce qui rend la vie douloureuse et l'obligation de continuer malgré…



Un style parfois d'un autre temps, châtié, précis, recherché qui se lit aisément.

Un homme qui dit les choses et les faits, un homme qui ne se dissimule pas, un homme fidèle à ses convictions, un homme souvent de bon sens.



Un livre qui enseigne, un riche témoignage.

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Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux

"Il y avoit une fois un roi de Bohême qui avoit sept châteaux."

(Trimm)



Comme un invité enthousiaste au fabuleux festin chez Trimalcion, j'ai envie de sauter sur la table et de crier : "cette langue, cette langue !".

Il ne s'agit pas, bien sûr, de quelque langue de cerf au garum, ou encore de langues de rossignol servies dans l'aspic ou autre gélastique gélatine, mais celle de Charles Nodier dans "Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux".

Mais ne devrais-je pas plutôt parler d'élocuTION, de formulaTION, de la mise en page, de l'esprit général de cet ouvrage, ou, dans le cas extrême, de son CONTENU ?



Quand j'ai découvert l'existence de ce... hm, conte (?) chez l'ami babéliote connu pour sa consommaTION excessive d'un certain sombre breuvage oriental, je savais d'avance que je ne serai pas déçue. Et ceci malgré son avertissement indiquant qu'il vaut mieux rester sur ses gardes en approchant le quatrième château ! Après tout, je possède déjà une forte expérience de châteaux de Bohême, et ce n'est pas un académicien Gaulois entortillé dans une cravate romantique qui m'apprendra quelque chose de neuf sur le sujet !

Ceci dit, n'importe quel lecteur averti de Kafka sait déjà que certains châteaux restent inatteignables, et ceux de Nodier multiplient encore les tortueux détours qui y mènent par le nombre symbolique de sept. Sachant que la table des matières (que l'on ne trouve pas à la fin du livre) annonce 58 chapitres, que le livre en contient 60 en tout, et que leurs titres se finissent tous en "-tion" (très important !), la percepTION ordinaire & naturelle du lecteur sera forcément mise à rude épreuve.

Donc, attenTION !



Avant même d'ouvrir le livre, le titre me disait déjà quelque chose... mais oui ! On le croise dans "Tristram Shandy" de Sterne, où le bon Trimm veut raconter l'histoire du roi de Bohême, mais il se passe toujours quelque chose qui l'empêche de poursuivre. La quesTION légitime se pose : Nodier/Théodore et ses deux alter egos, le fidèle Breloque et le pédant Pic de Fanferluchio, vont-ils aller plus loin dans leur quête de ces châteaux ? Vont-ils rencontrer ne serait-ce que l'ombre du roi de Bohême ?

Patience ! Pour commencer (enfin, façon de parler), ils vont rencontrer Gervais et Eulalie, dont le vrai prénom est Caecilia. Triste histoire ! On aura aussi le roi de Tombouctou et sa pantoufle*, Polichinelle et ses secrets, Biscotin et Biscotine, d'interminables énuméraTIONS savantes et réjouissantes, mais pour ce qui est de ce roi de Bohême...

Vous savez, il n'est déjà pas aisé de suivre la fluide digression sternienne, alors j'ai mis quelques pages avant de percer l'intenTION de ce texte cérébrutal et ses mystificaTIONS.

EnsuitE

_______Ce Ne Fut

______________QUE de LA

______________________JUBILATION.



Pour emprunter une phrase au livre, Nodier transforme les vessies en lanternes, en mettant les bougies dedans. Il ne vous reste plus qu'à jeter au loin vos lunettes protectrices, et de vous laisser éblouir. Après tout, "c'est du soleil des digressions que vient la lumière", comme disait déjà Sterne.

Ce pastiche-hommage, qui se moque de son propre auteur, de son lecteur, et de la littérature en général, s'en inspire fortement, mais Nodier contourne habilement le sujet par l'observaTION que Sterne lui-même a puisé chez Swift, et ajoute à l'appui l'une de ses énumérations sine fine des imitateurs littéraires. N'oublions pas Erasme, Rabelais ou Cervantès, au passage !

Leur dada commun consiste en la propension à contourner leurs principaux sujets par des chemins imprévus et peu fréquentés. Je pensais naïvement que l'apothéose de ce procédé a été atteinte chez les surréalistes ou dans le "Manifeste Dada", mais l'hippodrome de Nodier était déjà en belle effervescence en 1830.

Rien que cette mise en page de l'édition originale, qui transforme l'ouvrage en livre-objet ! Certes, on a déjà vu cela chez Sterne (encore lui ! Ô imitatores, servum pecus !), mais Nodier va encore plus loin, en mélangeant au texte des illustrations et des jeux typographiques recherchés, comme l'ont fait plus tard Apollinaire et tant d'autres. de ce fait, si vous envisagez de vous rendre un jour à Koenigsgratz, ou mieux, à la FIN tracée en initiales ombrées de vingt-deux, je vous conseille le facsimilé moderne de ladite édition, le voyage sera plus simple !



L'ami Thé_Noir a déjà évoqué les attraits du quatrième château ; j'y ajouterais seulement ceci : "regardez bien autour de vous en franchissant le pont-levis du troisième !" (l'aimable lecteur est prié d'imaginer ici un rire diabolique venant d'un archaïque phonographe). 5/5



* Erratum : il s'agit, bien évidemment, d'une babouche.
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Le corsaire

Ce splendide livre est un hymne au romantisme triomphant des années 1815.

Proposé au public comme un poème en prose, il s'apparente plus à un roman d'amour poétique, possédant tous les ingrédients qu'affectionne l'auteur Byron : en premier lieu, un corsaire redoutable, héros malgré lui, adulé par les uns, détesté par les autres, sans illusion sur la nature humaine, se mettant en marge d'une société qu'il abhorre, mais s'en servant allégrement pour vivre. Cependant, là, ou bien souvent, on savourait les aventures classiques d'un hors-la-loi écumant la Méditerranée en nous offrant de mémorables duels de cape et d'épée, Byron nous surprend, en nous faisant voir l'autre face de cet homme désabusé. Au fil du livre, nous découvrons un personnage ambiguë, torturé, entre ses émotions et un code de l'honneur en matière amoureuse, portant le sentiment vers un idéal universel : la recherche du grand amour et pour que la flamme brille toujours au firmament des amants passionnés, ne pas céder à la tentation, aussi belle soit elle. Mais loin d'être moralisateur, l'auteur nous transfigure en montrant les mécanismes tragiques qui traversent notre héros corsaire. En refusant le cadeau du destin par adoration pour sa bien-aimée, il nous démontre que l'amour fou pour un être unique existe et que sans lui, plus rien ne compte.
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