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Critiques de Salman Rushdie (454)
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Les versets sataniques

En commandant les Versets sataniques, vous n'êtes jamais perdant : si le livre est bon, vous aurez passé un bon moment ; sinon, il vous reste toujours la possibilité d'assassiner l'auteur, et d'empocher les 3,3 millions de dollars de prime promis par l'Iran, ce qui devraient largement compenser les frais d'achat du livre.



De quoi parle ce livre exactement ? C'est assez difficile à définir. L'histoire tourne autour de deux hommes, Gibreel, acteur indien célèbre, et Saladin, doubleur de voix expatrié en Angleterre. Seuls survivants d'un accident d'avion, le premier s'identifie à l'archange Gabriel, tandis que le second subit quelques transformations désagréables, comme la pousse de cornes, de queue, ou des sabots à la place des pieds. Leur opposition prolongera le combat éternel entre le Bien et le Mal.



À partir de là, Rushdie laisse son imagination vagabonder, toujours à la frontière du réel et du merveilleux : problèmes familiaux, déchirement des émigrés, réécriture personnelle de la rencontre entre l'archange Gibreel et le prophète Mahound/Mahomet, péripéties d'une secte moderne qui pense pouvoir rejouer la séparation des eaux de Moïse, … Quand j'ai tenté de résumer le livre à quelques amis curieux, j'ai dû me contenter d'une succession de demi-phrases inachevées, à chaque fois convaincu que je n'avais pas choisi la bonne approche pour le décrire.



Peut-on comprendre la colère qu'a suscité ce livre (en admettant que ceux qui s'estiment offensés l'aient effectivement lu) ? Encore une fois, difficile de répondre de manière tranchée. D'un côté, Rushdie se place dans une « réalité parallèle » dans une bonne partie de son livre, notamment pour parler de la religion : le nom du prophète, ainsi que des éléments biographiques, sont modifiés et des passages sont clairement issus de sa seule imagination. D'un autre côté, ces petits changements n'empêchent pas de savoir de qui on parle. Toujours est-il que je serais curieux de savoir pour quelles raisons précises ce livre a été condamné, car elles ne me semblent pas évidentes du tout.



En ce qui me concerne, je laisserai la prime de côté pour l'instant, car j'ai passé un très bon moment avec ce livre. Son histoire mouvementée ne doit pas le réduire à un livre contre, ni même sur la religion. Rushdie nous entraîne dans un imaginaire très personnel, riche et complexe. De quoi donner envie d'en découvrir plus avec un second livre.
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Les versets sataniques

Oubliez tous les scandales liés à la connerie de quelques excités qui ne supportent pas qu'on évoque leur croyance autrement que comme une vérité immuable. Ne lisez pas "les versets sataniques" en espérant y trouver un texte polémique. Le roman de Rushdie n'est pas un pamphlet. Le roman de Rushdie, c'est de la grande et belle littérature.



Bien sûr, la religion est un des thèmes du livre. Mais c'est loin d'être le seul, une multitude de sujets sont abordés. "Les versets sataniques" m'apparait avant tout comme un roman sur le thème du déracinement, de l'identité. Les personnages qui peuplent le récit sont tiraillés entre leur identité d'origine et leur culture d'adoption. Cette dualité les enrichit, les inspire, les déchire, les transforme aussi. Ce sujet, intemporel, universel, est magnifiquement traité de façon originale.



Le roman fourmille de références culturelles, historiques. Le récit, touffu, dense, promène le lecteur d'une époque à une autre, d'un bout du monde à l'autre, du monde réel au monde des rêves des personnages. On s'y perd parfois un peu. "Les versets sataniques" est une lecture exigeante qui demande au lecteur une forte implication. Mes conditions de lecture ne sont pas vraiment optimales pour ce genre d’œuvres (je lis principalement dans les transports en commun) et j'avoue ne pas avoir tout saisi. Mais j'ai adoré me laisser porter par cette histoire riche et intense et par l'écriture de Rushdie. Je ne connais pas la littérature indienne, et même si Rushdie écrit en anglais, son récit et son écriture m'ont semblé correspondre à l'idée que je me fais de l'Inde : foisonnement, couleurs, poésie, chaleur, violence aussi...



"Les versets sataniques" est un roman envoutant et admirablement bien écrit qui m'a donné envie de découvrir d'autres œuvres de l'auteur.



Challenge Pavés 2016 - 8

Challenge Atout prix 2016 - 5 (prix Whitbread 1988)

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Les versets sataniques

Le Prix Nobel m'intéresse beaucoup et je suis les différents favoris au fil des années et notamment ceux qui sont souvent cités et jamais récompensés. L'hypothèse de voir Salman Rushdie l'obtenir me semblait pouvoir être un signal politique fort, mais je craignais que cela ne se fasse que pour cette raison et pas sur des critères littéraires qui restent pour moi les plus importants pour ce prix... Après l'avoir enfin lu pour me faire mon avis propre... je ne comprends maintenant pas comment l'Académie a pu passer à côté... à part si cela signifie une volonté politique, et là ce serait encore plus triste et dommageable.



En effet, l'écriture de Rushdie est foisonnante, son récit baroque, son style recherché, accouchant de formules fortes, de néologismes brillants. Il sait nous embarquer pour une épopée de plus de 700 pages sans jamais nous lasser, en menant de front un tableau brillant de son époque et un suspense haletant. Il est même terriblement actuel pour un livre publié en 1988, puisqu'on y retrouve toutes les problématiques de notre époque, presque 35 ans avant... ou alors est-ce notre monde qui stagne depuis 35 ans.



A la lecture, on ne peut évidemment s'empêcher de rechercher les raisons de la fatwa qui s'est abattu sur lui... et on ne peut aboutir à mon avis qu'à une seule justification : l'humour. En effet, Rushdie prend comme il l'a lui-même dit la précaution du récit indirect quand il s'agit de retranscrire (dans 100 pages sur les 750 que compte le livre) sa vision de l'histoire de Mahomet. Il décrit le rêve d'un de ses personnages principaux et concernant un certain Mahound, récit indirect donc et "anonymé". Quand on connait un peu la "vraie" histoire, on se rend compte qu'il y est vraiment fidèle... tout en maniant l'ironie. Et on découvre donc suite à sa condamnation que, au delà de la représentation iconique du Prophète, c'est la vision ironique et humoristique qui est interdite par les islamistes. C'est d'ailleurs le point commun avec la tristement célèbre affaire de Charlie Hebdo qui mènera à l'assassinat d'une grande partie de sa rédaction : l'humour. On meurt d'avoir fait rire.



Mais passé cette curiosité (malsaine ?) sur ce qui a fait de ce livre le phénomène médiatique qu'il est devenu, il ne faut définitivement pas l'y réduire. Ce livre est un pur bijou de littérature, un livre puissant et utile. L'histoire personnelle de Rushdie, musulman ayant grandi dans un pays où se confronte une religion monothéiste importée et une religion polythéiste traditionnelle le place dans la position idéale pour observer les questions religieuses actuelles. Et son émigration vers l'Angleterre lui apporte en plus la vision occidentale qui complète le tableau. Son choix de deux acteurs pour les personnages principaux, symboles des incarnations multiples, lui permet également d'aborder la question de la réincarnation, de la résurrection. Les différents concepts sont très intelligemment et finement évoqués, et la question religieuse n'est même pas la seule qui est discutée, les rapports homme-femme, les relations familiales, l'immigration et l'exil, la quête d'identité sont tour à tour mises sous le microscope, notamment par le biais d'une galerie foisonnante de personnage, hauts en couleurs mais qui parviennent à travers une certaine caricature à une vérité humaine profonde.



A l'heure où une ancienne membre de la rédaction de Charlie Hebdo est nommée pour le prochain prix Nobel de la paix, on peut y voir un signe intéressant que l'Académie semble disposée à des signes forts face à une menace destinée à nous empêcher de rire de tout, et Rushdie pourrait enfin accéder à une récompense qu'il mérite tant. Dépêchez-vous car on sait que le Prix Nobel est réservé aux vivants...et qu'il vit en sursis depuis tant d'années.
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La Cité de la victoire

S’inspirant du véritable Vijayanagar, dernier grand royaume hindou, qui, de sa fondation au XIVe siècle jusqu’à sa disparition quelque deux cent trente ans plus tard, s’efforça de résister à l’expansion musulmane dans tout le sud du sous-continent indien, Salman Rushdie feint de nous présenter la toute première traduction, par ses soins et « dans une langue simplifiée », d’un chef-d’œuvre fictif, intitulé le Jayaparajaya – « Victoire et Défaite » en sanskrit –, récemment retrouvé dans une vieille jarre et qui, avec ses vingt-quatre mille vers, pourrait se comparer au Mahabharata et au Ramayana, les deux grands poèmes épiques de l’Inde, fondateurs de l’hindouisme.





Au XIVe siècle dans le sud de l’Inde donc, Pampa Kampana, une fillette de neuf ans, se retrouve seule survivante de son village, les hommes ayant été tués à la guerre et les femmes dans les bûchers allumés selon la tradition du sacrifice des veuves. Une déesse intervient alors et la dote de pouvoirs magiques : elle vivra deux siècles et demi, le temps pour elle de fonder et de gouverner, jusqu’à son effondrement, la ville de Bisnaga, capitale d’un empire où, pour une fois, les femmes seront les égales des hommes. Ainsi commence une épopée dont les périodes et les vicissitudes s’enchaîneront au gré d’une temporalité narrative choisissant de s’attarder ou d’accélérer à volonté.





Sous le règne de Pampa Kampana, la ville de Bisnaga, menant la guerre pour s’assurer la paix, devient l’invincible et prospère capitale d’un empire où les femmes sont libres de leur sexualité et exercent des tâches jusqu’ici dévolues aux hommes. Mais une Protestation prenant le forme d’une secte finit par se former et contester le pouvoir en place. Cette reine qui a fondé son royaume sur la force des mots, « chuchotés » à l’oreille de ses sujets, découvre, comme tout créateur, « y compris Dieu », qu’« une fois que vous avez créé vos personnages, vous êtes lié par leurs choix. Vous ne pouvez plus les refaire en fonction de vos désirs. Ils sont ce qu’ils sont et ils feront ce qu’ils voudront. Cela s’appelle le “libre arbitre”. » Au pouvoir de la magie succède donc celui de la religion, des intégrismes et des fanatismes. « Les idées qu’elle avait implantées n’avaient pas pris racine ou alors ces racines n’allaient pas assez profond et se laissaient facilement arracher. » A leur place, « avait [été] créé un nous qui n’était pas eux, un nous qui (...) soutenait en secret l’intrusion de la religion dans tous les recoins de la vie politique aussi bien que spirituelle. » « Leur sentiment religieux [étant] pesant, simplet et banal, les considérations mystiques les plus élevées leur échappaient complètement et la religion devint pour eux un simple outil destiné à maintenir l’ordre social. » Un ordre ne tenant bientôt plus qu’au rapport de forces entre factions et partisans, au rythme des conspirations, des coups d’état et des assassinats. Y-a-t-il seulement une issue à la folie des hommes ?





Flamboyante pseudo-légende subtilement teintée d’humour, le récit laisse d’autant mieux deviner sa portée métaphorique que l’on connaît les combats de l’auteur contre le sectarisme et l’obscurantisme. Ce dernier livre, tout juste achevé avant l’attaque islamiste au couteau qui, en 2022, après trente-trois ans d’une fatwa exigeant la mise à mort de l’écrivain, a bien failli lui coûter la vie, est une nouvelle croisade, pour la place des femmes, en Inde en particulier mais pas seulement, et aussi, plus que jamais, pour la création littéraire et la liberté d’expression. Dans une réalité irrémédiablement vouée au crime et à l’injustice, aux guerres et aux complots, à la torture et à l’oppression, ne reste, en ultime protestation et pour porter la vision d’un monde meilleur, que le seul poids des mots sur le papier. « Les mots sont les seuls vainqueurs », conclut Salman Rushdie. Lui-même en paye le prix fort avec les séquelles de l’attentat à son encontre. Les lire et les colporter sont le moins que l’on puisse faire.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Quichotte

Mon avatar a la mine des mauvais jours. Une triste figure.

Comme un enfant trahi par les goûts parfois douteux du Père Noel, j’ai refermé le « Quichotte » de Rushdie en me disant que les descendants de Cervantes devraient déposer une demande d’AOC à l’Union Européenne pour protéger l’héritage et le prestige de l’ingénieux hidalgo.

Pourtant la promesse était belle et je m’alléchais les doigts avant de tourner les pages. Une version moderne de l’aventure du chevalier mythique à l’ère post moderne par Salman Rushdie avait de quoi faire saliver et mes marque-pages se battaient pour jalonner ma lecture.

Ici, les romans de chevalerie sont remplacés par des émissions de télé abrutissantes. Comme échappatoire au monde de réel, le niveau baisse. Côté promise, Dulcinée, le mirage de la princesse charmante cède la place à une muse moderne, Salma R., vedette du petit écran de fumée et accro aux opiacés. Rossinante, le fidèle destrier, est restée à l’étable et la traversée de l’Amérique se fera au volant d’une vieille Chevrolet. Nous sommes aux States.

Représentant errant de commerce en produits pharmaceutiques douteux, Quichotte quitte le monde réel et prend la route à la recherche de sa belle. Pour avoir quelqu’un à qui parler, Quichotte s’invente un fils imaginaire sur le siège passager. Il fera office de Sancho, un être virtuel qui prendra chair peu à peu et dont le nez s’allonge quand il ment. Cela me rappelle quelque chose…

Si l’auteur en était resté au cette aventure picaresque, si les moulins à vent avaient pu être remplacé par des éoliennes, il aurait pu réussir une satire du monde moderne et de ses bonheurs virtuels et artificiels. Ses talents de conteur n’ont pas disparu et sa plume ne fuit pas pour imager les fléaux de l’époque (le racisme du quotidien, les agressions sexuelles dans son pays de naissance, la drogue, le tribunal de l’opinion via les réseaux sociaux…).

Hélas, Salman Rushdie noie le lecteur d’histoires parallèles mêlant le réel et la fiction qui transforment son récit en rame de métro surchargée, fourre-tout d’individus interchangeables auquel il est impossible de s’attacher, embouteillage navrant de gugusses et de mémères au rayon PQ d’un supermarché la veille d’un reconfinement. Les personnages manquent de consistance, de limaille pour devenir aimants. D’ailleurs, certains changent de noms en cours de récit, d’autres collectionnent les identités.

Le Don Quichotte originel et la copie de la copie de Rushdie souffrent tout deux d’hallucinations. J'ai partagé les rêves du premier. J'ai observé de loin les délires du second.

On comprend bien l’intention de l’auteur derrière ce récit et cette volonté de s'inspirer de Cervantès: différencier la fiction du mensonge. La première est un art, le second une tromperie ou trumperie. Pour fuir les traumatismes et les épreuves, la fiction est thérapeutique, le mensonge est un placebo. Il faut lire des histoires, pas se les raconter. Salman Rushdie semble douter de notre capacité à mener une vie réelle.

Au final, Quichotte est un repas où il y a trop d’invités et trop de plats au menu. Une exubérance qui égare l’histoire, qui nous fait parfois passer à côté de passages virtuoses et drôles par indigestion, qui atrophient notre capacité à se saisir de toutes les réflexions fort pertinentes de l'auteur sur nos société et nos moeurs.

Déception.
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La maison Golden

Un froid jour de janvier 2009, débarque à Greenwich Village, quartier bohème de NewYork, un septuagénaire étranger, répondant au nom de Nero Julius Golden (Nero=Néron en français, nom +prénom = Néron Doré, illustre bien ce qui va suivre )flanqué de trois “garçons” adultes, et sans aucun signe de femmes à l'horizon. Il arrive d'Orient, il est milliardaire, et avant de descendre de sa Daimler, annonce sa devise à ses trois garçons: " Dans mon domicile américain, la moralité sera au standard or"("In my American house, morality will go by the golden standard."), petit jeu de mots de Rushdie, qui laisse planer une ambigüité qui va aller de paire avec ce personnage sorti de nul part. Accent british impec, teint mate....., leur origine ? le narrateur nous dit, quelle importance !....pourtant....et là Rushdie, le malin, nous lance à nouveau comme appâts, des petits indices qui sentent le roussi....

Le narrateur, René, est un réalisateur, de parents d'origine belge, et l'histoire des Golden est son histoire, histoire inventée ou vécue ?......Rushdie brouille les pistes, le realisateur dit “cut...cut....cut”.....'ma fiction sur ces hommes qui ont fait d'eux-mêmes, des personnages de fiction',(« my fiction about these men who made fictions of themselves »).





A travers l'histoire de cette famille riche et bizarre, dont les origines ne plairaient sûrement pas aux membres du Tea Party et à Trumpy (bien que ses propres origines ne soient pas “meilleur “), c'est un portrait au vitriol d'une Amérique «  puritaine et politically correct », des «success stories” 🤑, et des émigrés, que nous esquisse Rushdie. de ce pays « parfait » qui se déclame gendarme du monde, qui se permet de donner des leçons à l'univers, le temps d'un roman, il en fait un pays virtuel, comme ceux des jeux vidéos, glacé et superficiel, n'omettant aucun détail véridique. Son style d'écriture détaché, qu'on qualifierait en anglais de “cool”, renforce cette atmosphère de personnages antipathiques, coincés dans un environnement stérile, où leur plus grande préoccupation est leur quête d'identité, culturelle, religieuse ou sexuelle. de nombreuses références philosophiques, littéraires, mythologiques, des locutions en latin, énoncées ici et là de leurs bouches, y rajoutent une dimension de sophistication, à mes yeux presque grotesque s'accordant mal avec un pays où l'argent est roi, la télévision, la bible, le port d'armes à feu, libre, l'assurance maladie, inexistante et le fossé entre riches et pauvres abyssal. Faire l'érudit y passe mal, surtout pour ces personnages de Rushdie, qui n'ont pas grand chose à faire que contempler leur nombril. D'autant plus qu'on parle ici précisément de l'ère Obama, beaucoup de scintillements en apparence et presque rien derrière. Bien qu'aujourd'hui, même les scintillements ont disparus avec le Joker ( de Gotham ) 😡 ce caractère de BD qui a sauté de la page sur la scène (« this cartoon character who had crossed the line between the page and the stage »).

En passant, toutes les protagonistes féminines sont d'origine étrangère, jeunes, belles et irrésistibles, ayant des occupations et préoccupations “particulières”, dont la primadonna russe (“Fendigucciprada” et sa tactique de l'araignée.....), à l'image de leur First Lady, que je vous laisse choisir, la jeune ou la vieille 😄. Dans un chick-lit , elles font parties du décor naturel, ici chez Rushdie, c'est du kitch embaumé.

Bref, le livre comme parodie de l'Amérique actuelle est excellent, et ferait un super film hollywoodien ,'a financial and political thriller', comme il le dit si bien lui même.

Et bravo au réalisateur René , le Zelig de fonction, partout présent, de la chambre à coucher jusque dans les pensées des protagonistes.

Mais je n'ai pas vraiment aimé ni l'histoire ni le style, qui y va comme un gant. le tout un gros beau paquet de Noel, attrayant, dont le contenu n'est pas vraiment à la hauteur de l'emballage, un produit très américain. Peut-être était-ce le but ?

L'érudition de Rushdie, qui en sort une à chaque deux ou trois pages, des citations et références de tout bord, un peu / beaucoup clichés , de Nietzsche , Kafka, Godard, Rembrandt........du fourre tout, à tout bout de champs, m'a lassée. Et franchement vu le niveau intellectuel du milieu ( ex.Le Nero ne lit pas de livres ), je n'en ai pas toujours compris la place et l'intérêt. Se poser des questions existentielles, quand on est bourré de fric et sans responsabilités, ou critiquer la philosophie à deux sous collectée sur internet, font sans doute, aussi parti du cirque. Ses références sur le monde intrinsèque du business clandestin de haut volet n'en sont pas aussi des meilleurs, des clichés qu'on retrouve un peu partout, et certaines expressions en général ne volent pas haut , ‘Choosing an identity,' Ivy Manuel says, ‘is not like choosing cereal at the supermarket.'( Choisir une identité.....ce n'est pas comme choisir une marque de céréale au supermarché ) et que dire du juste dosage du bien et du mal chez un être humain comparé à un Manhattan Cocktail (« rightness and wrongness were combined in the right proportions, just so, like whiskey and sweet vermouth, that was what constructed the classic Manhattan cocktail of the human animal »), ou de l'autisme, qui à ce qu'il parait, possède la propriété de générer des milliards de dollars, où de l'analyse clinique de la transidentité.....

Au final, même les références cinématographiques intéressantes n'arrivent pas à sauver le texte. C'est tellement surchargé, cliché et superficiel, que tout ça perd un peu de son intérêt. Rushdie est un Wikipedia ambulant, qui à mon avis, est une qualité qui s'accorde mal avec la littérature. Pourtant la question d'identité, qui est au coeur du livre, un issu problématique qui gagne de plus en plus d'importance, non seulement aux Etats-Unis mais aussi en Europe est intéressant, et il a bien ficelé son histoire. Mais ça n'a pas été suffisant pour maintenir mon enthousiasme du début qui s'est peu à peu estompé, pour complètement s'éteindre déjà à la moitié du livre, et un peu se raviver vers la fin. Vu la polémique autour de son oeuvre, j'attendais mieux de lui.

Ce n'est pas de la grande littérature, mais peut intéresser qui aime les best-sellers, à connotation thriller politico-financier, surtout qu'il n'épargne pas Trump.



“Identity –specifically, gender identity theory –is a narrowing of humanity....”

( L'identité - spécialement l'indentité sexuelle- est une limitation de l'espèce humaine).





















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Les versets sataniques

Pris en otage par des terroristes, le jumbo jet Bostan, vol Bombay-Londres AI-420, explose en plein vol ne laissant aucun espoir aux voyageurs. Pourtant, deux hommes survivent : Gibreel Farishta et Saladin Chamcha. le premier est un célèbre acteur de Bollywood, une star adulée par le public indien, le second est un comédien lui aussi, installé en Angleterre où il vit du doublage de voix, la peau sans doute trop sombre pour obtenir un vrai rôle. C'est en chantant que les deux hommes atterrissent sur une plage anglaise, sauvés de l'explosion, mais transformés pour toujours. Gibreel devient l'ange Gabriel tandis que Saladin, affublé de cornes, de sabots et d'une queue, devient Cheytan, l'incarnation du diable sur terre.



Ainsi commencent Les versets sataniques qui avant même la parution officielle auront fait couler beaucoup d'encre et de sang. Inutile de revenir sur la fatwa, les autodafés, les exécutions, les attentats qui furent le fait d'extrémistes illuminés s'étant sentis humiliés et méprisés, par cette oeuvre, selon eux, anti-islamique et blasphématoire. Pour le profane, le livre se présente comme un conte, à caractère religieux certes, mais qui évoque aussi des sujets universels comme la lutte entre le Bien et le Mal, l'exil, le déracinement, la famille, le racisme, l'amour, la vie, la mort, la foi, etc.

Teintée d'onirisme et de réalisme magique, l'oeuvre, complexe, tourbillonnante, difficile d'accès, puise aussi ses sources dans la réalité. Salman Rushdie s'est inspiré de faits réels pour nourrir son roman, à commencer par l'attentat contre un avion d'Air India en 1985. On y croise aussi l'ayatollah Khomeini sous les traits d'un religieux dévorant son peuple, ou encore des fanatiques chiites persuadés que la mer s'ouvrirait devant eux comme devant Moïse et morts noyés en 1983. Mais bien sûr, le coeur du sujet est la vie et l'oeuvre du prophète Mahomet et l'épisode controversé des versets sataniques. Rebaptisé Mahound, le prophète est à Jahiliya (La Mecque) où il tente d'imposer le monothéisme quand Satan, sous les traits de l'ange Gabriel, le convainc d'accepter au côté de Dieu, les trois déesses vénérées dans la ville. L'épisode de cette concession au polythéisme qui met en cause un Dieu unique est vivement controversé par les musulmans et c'est ce qui a mis le feu aux poudres, plongeant l'écrivain dans le chaos d'une vie sous la menace d'une fatwa décrétée par un ayatollah iranien. Pourtant, Rushdie a bel et bien écrit un ROMAN qui laisse la place à son imagination foisonnante, certes inspirée par les mythes et légendes propres à sa religion, mais qui doit avant tout être lu comme une histoire inventée et non un pamphlet ou une exégèse.

Si l'on se détache des polémiques, il reste une vraie aventure littéraire, une montagne difficile à gravir qui nécessite une attention constante et qu'on referme avec la satisfaction, voire la fierté, d'en avoir atteint le sommet.
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Les versets sataniques

Chronique à ne pas lire si vous souhaitez lire ce livre en le découvrant pleinement car j’y évoque dans les grandes lignes quelques points de l’intrigue.



Décidément, je semble avoir un sérieux penchant pour les romans riches et complexes. Les Versets Sataniques, c’est le genre de roman dont on peut être certain qu’on ne s’ennuiera pas à la relecture, bien au contraire, on risque probablement d’y découvrir de nouveaux détails, de nouveaux clins d’œil, de nouvelles pistes de réflexion.

Lire ce roman nécessite de gros efforts intellectuels tant sur le plan de la concentration que de la réflexion.

Comprendre, voilà le défi qu’on se lance en se plongeant dans les pages de l’œuvre de Rushdie, comprendre ce qu’il a voulu dire, comprendre en quoi ça a pu choquer et provoquer les évènements que l’on connaît, cette fatwa lancée par l’ayatollah Khomeini, ces assassinats ( les traducteurs italiens et japonais, le recteur de la mosquée de Bruxelles), émeutes et manifestations, autodafés, sans parler de l’impact sur la vie de Rushdie et sa famille.



Un avion à destination de Londres explose en plein vol à la suite d’une attaque terroriste. Deux hommes survivent : Gibreel Farishta et Saladin Chamcha. Le premier est un acteur très célèbre en Inde, une véritable icône de Bollywood. Le second, indien également, vit en Angleterre et travaille dans le doublage de voix. Tous deux survivent à l’explosion mais non sans conséquences. Saladin voit son corps se métamorphoser : cornes, poils drus sur tout le corps, queue, sabots. Face à cette incarnation du Cheytan ( le Diable), Gibreel, qui avait perdu la foi, est victime de rêves curieux et d’hallucinations, le voilà dans la peau de l’Ange Gibreel, l’Ange de la révélation des versets coraniques au prophète Mahound.



Non, je ne me suis pas trompée, c’est bien ainsi que le nomme Salman Rushdie. Car entre les chapitres relatifs aux aventures des deux personnages principaux, Rushdie nous emmène, à travers les rêves de Gibreel, au temps des débuts de l’Islam et nous transmet donc de façon romancée la légende, rapportée par Tabari, des versets sataniques, épisode très controversé et non authentifié de l’histoire de la Révélation.



Du fait qu’il s’agisse d’une légende, Salman Rushdie a modifié certains points comme le nom du prophète, ici Mahound, le nom de la ville de La Mecque, ici Jahiliya ( qui désigne en réalité la période préislamique, celle où , à La Mecque, on vénérait les idoles), le nom du principal adversaire du prophète Abou Sofiane, ici nommé Abou Simbel en référence aux temples égyptiens dédiés au culte du pharaon Ramsès II ( le pharaon supposé avoir chassé Moïse et les Juifs d’Egypte).

Il est donc indispensable pour comprendre pleinement ces chapitres de bien connaître l’histoire du prophète et de l’Islam à ses débuts. D’autant plus qu’il y a certaines choses qui sont erronées, je ne sais pas du tout si c’est intentionnel ou non. Mais je le précise afin que les futurs lecteurs ne prennent pas tout pour argent comptant. Il s’agit d’une version fictionnelle et modifiée pour les besoins du roman de la vie du prophète Muhammad.



Londres, La Mecque mais aussi la pampa argentine, Bombay et l’Inde, l’Himalaya et l’Everest, autant dire que l’auteur nous fait voyager. On est trimballé dans le temps, dans l’espace sans ménagement. Ce roman foisonne donc de lieux, mais aussi de personnages, de thèmes, de réflexions, d’évènements, de références culturelles aussi bien historiques que religieuses, mythologiques et littéraires ( les Mille et une nuits en particulier mais bien d’autres également). La construction et le style n’aident pas le lecteur à s’y retrouver. Salman Rushdie semble s’amuser à nous désorienter, passe d’un sujet à l’autre sans crier gare, nous ressort un détail évoqué quelques 300 pages auparavant ( et on se casse la tête à le retrouver parce que, bon, mince, ça nous dit quelque chose ça, c’était où, qui, comment ? zut quoi !) Comment ça je n’étais pas assez concentrée ?? Je vous mets au défi de lire ce roman sans vous y perdre ne serait-ce qu’une fois ! Mais, heureusement, j’aime ça, ça m’amuse autant que l’auteur qui a su me surprendre plus d’une fois et qui a l’art et la manière de nous faire devenir chèvre (ou bouc ?) en ménageant ses effets tel un magicien.



Un magicien qui sait ce qu’il fait ( Rushdie a travaillé 4 ans sur ce livre), tout est réfléchi, rien n’est anodin. A l’exemple de cet épisode où Gibreel rêve d’un petit village indien dont les habitants sont envoûtés par une jeune femme – prophétesse qui les convainc de partir en pèlerinage à La Mecque à pied et que pour cela, Dieu fera s’ouvrir la mer devant eux. Vous riez ? Eh bien, sachez que Rushdie s’est inspiré d’un fait réel ( daté de 1983 et les pauvres bougres sont tous morts noyés). De nombreux éléments du roman trouvent leur origine dans la réalité, le personnage de Gibreel Farishta fait référence à un célèbre acteur indien en vogue à l’époque, l’une de ses hallucinations mettant en scène un imam exilé opposé à une impératrice dont il prend la place au lendemain d’une révolution est une allusion évidente à Khomeini et la révolution iranienne de 1979. Le contexte politique et social de l’Angleterre est également très présent, notamment la question de l’immigration.



« Alors c’est comme ça que vous accueillez les nouveaux venus. Pas comme des égaux, mais comme des gens qui doivent faire ce qu’on leur dit. »



Les Versets Sataniques, c’est le roman de l’adversité, de la lutte : les musulmans contre les incroyants, le fils contre le père, le mari contre sa femme, le blanc contre le noir, le Bien contre le Mal …Roman de la lutte et de tout ce qui s’y rattache : la vengeance, la trahison, la jalousie, le pardon. Et Salman Rushdie de nous montrer que rien n’est tout blanc ou tout noir, il détruit des préjugés à travers l’exemple de cette famille indienne musulmane établie en Angleterre dont le père est un croyant fervent. On pourrait supposer son épouse soumise ( gros cliché très courant concernant les musulmanes) mais bien au contraire, c’est une vraie matrone ! Ses filles sont la parfaite illustration de l’intégration aux mœurs occidentales.

Salman Rushdie dénonce l’intolérance, le racisme, le fanatisme religieux. Mais à travers Saladin, celui qui se voulait plus britannique que les britanniques, il montre le conflit intérieur dû à la confrontation entre deux cultures.



Je m’arrête là car je pourrais en parler encore pendant des pages et des pages. Et pourtant, j’avais effectué une première tentative de lecture, soldée par un abandon au bout du premier chapitre. Un chapitre plutôt farfelu, qui, associé au style très libre de Rushdie, m’avait effrayé.

Cette fois-ci, je suis allée au bout et j’ai véritablement adoré ma lecture. On oscille entre rêve et réalité, on se sent parfois perdu mais Salman Rushdie nous ramène toujours vers le chemin. On sent qu’il a mis de lui dans ce roman ( dans lequel il s’est attribué un rôle bien précis), sa propre expérience nourrissant son propos.



Etant musulmane reconvertie et confrontée moi aussi à deux cultures, ce roman a pris pour moi beaucoup de sens. Oui, c’est vrai, Salman Rushdie malmène le prophète et la religion musulmane mais je n’ai pas senti de haine ni de volonté clairement affichée de l’attaquer de la part de l’auteur. C’est surtout le fanatisme et l’extrémisme qu’il pointe du doigt.

Premièrement, il s’agit d’un roman, d’une fiction et deuxièmement, il évoque des points sur lesquels n’importe quel croyant a pu se poser des questions. D’ailleurs, le Coran invite très souvent le croyant à raisonner et réfléchir. Comment réfléchir sans se poser de questions et donc douter ?

Et puis très sincèrement, je vois des commentaires dans les médias bien plus irrespectueux et insultants envers l’Islam que ce qu’a écrit Salman Rushdie dans ce livre. Mais je pense qu’il est tout de même primordial de bien connaître les bases de l’Islam et de son histoire avant de commencer la lecture de ce roman.



Les Versets Sataniques restera assurément pour moi un roman inoubliable, une grande expérience littéraire à renouveler.
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Shalimar le clown

Je découvre avec délice Salman Rushdie et son réalisme magique.

Dans un récit inclassable l'auteur talentueux mêle légendes, fables anciennes et histoire d'amour dans une langue pleine de modernité. La guerre du Cachemire en fond de toile lui permet d'émettre ses opinions sur la situation du monde dans les années 60.



C'est une brillantissime dissection d'un monde globalisé au bord des troubles politiques, moraux et religieux. L'ensemble est parsemé d'humour noir, toujours un peu provocant et à la fois grave et narrativement audacieux.



Ce roman choral dense est composé avec intelligence, même s'il raconte une histoire d'amour tragique et de vengeance, il se veut poétique, volontiers surréaliste, s'appuyant sur le désenchantement d'un monde disparu.



L'écriture de Salman Rushdie est l'un de ces envoûtements d'une humanité absolue,

qui repousse la naïveté et élargit toujours notre vision des choses.





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Les enfants de minuit

J’ai fini. J’ai fini, et trouvé que la lecture suivante manquait un peu.. d’épices?



Alors, il était une fois..

Non, je ne crois pas que ce soit un roman que l’on puisse résumer brièvement.

Sinon, il faudrait parler de quoi? D’un garçon de 30 ans, plein de fissures qui se creusent de plus en plus, Saleem SinaÏ dit Morve au nez (il a bien d’autres qualificatifs). Qui , s’efforçant de conter plus vite que Shéhérazade , va raconter son histoire, celle de sa famille, celle de ses pays, l’Inde et le Pakistan.



Il faudrait parler des trous, trous dans les draps, trous dans les estomacs, de fragments, fragments de corps aimés successivement ou représentatifs d’un individu, nez, oreilles, genoux. Du mercurochrome et du sang. Des crachoirs incrustés de lapis -lazulis. Des mères qui ne sont pas les vraies mères mais qui seront les vraies grands-mères. Et bien, oui. C'est comme cela.

Bien sûr de ce qui s’est passé le 15 août 1947 à minuit et dans l’heure qui a suivi. Des tétrapodes, de la lettre du Premier ministre, des serpents ( il y en a beaucoup) , du Singe de cuivre (qui après avoir chanté mange du pain au couvent mais..chut! ), de l’importance des coffres à linge et des chutes de vélo dans le parcours d’une existence,



Des mille et un enfants de minuit, de leurs congrès et de leurs pouvoirs. Dont deux en particulier, Shiva, bien sûr et Parvati la Sorcière. De la Veuve dont les cheveux sont séparés par une raie au milieu, verts sur la gauche, noirs sur la droite. De la Veuve qui stérilise.. D’une confession , de cinéma indien, de cors aux pieds, de caves et de tapis.

De guerres qui détruisent les familles, de soldats de religion différentes ( à certains on promet au ciel quatre houris magnifiques , à d’autres d’être réincarnés en blattes ou en scorpions, ça change la donne, quand même) . De jungle et du bouddha qui tient le rôle du chien …Et du fameux chutney vert, le seul, l’unique, mais la recette, alors là..



Compliqué? Pas vraiment, qui est donc ce Saleem?:

"Ma réponse: je suis la somme totale de tout ce qui m’a précédé, de tout ce que j’ai été, de tout ce qu’on m’a fait. Je suis tout le monde toutes les choses dont la venue au monde fut affectée par la mienne. Je suis tout ce qui arrivera quand je ne serai plus et qui ne serait pas arrivé si je n’étais pas venu. Et je ne suis pas particulièrement exceptionnnel dans ce domaine; chaque « moi » , chacun des plus des six cent millions que nous sommes maintenant contient une multitude semblable. Je le répète pour la dernière fois: pour me comprendre, vous devez avaler tout un monde."



Saleem, en racontant son histoire , nous raconte l’histoire de l’Inde et du Pakistan, ses gouvernements successifs, ses guerres, ses classes sociales, ses modes de vie.



Tout cela semble un peu confus? Raconté par moi, je ne le conteste pas! Mais je ne suis pas Salman Rushdie , qui parvient ,dans la construction de cette épopée,de ce fleuve littéraire très agité, non seulement à nous tenir constamment en haleine, mais aussi à régulièrement faire des rappels, mises au point, répétitions des thèmes récurrents métaphoriques principaux.

Ce n’est pas compliqué, c’est dense, burlesque, très drôle, vif, coloré, épicé, la langue est un régal( excellente traduction de Jean Guiloineau) le rythme est assez infernal, et je n’ai pas ressenti un moment d’ennui.



Par contre, difficile de nier que pour mieux comprendre de quoi il parlait , j’ai dû consulter régulièrement l’histoire plus officielle car les principaux évènements historiques sont dévoilés, distillés, et mêlés à toutes les histoires familiales et digressions de tous ordres.



Mais je ne me fais pas de souci quant à la conservation de cette histoire , prête à être transmise, car c'est à cela que sert la littérature. Elle tient dans " trente bocaux rangés sur une étagère, attendant d’être lâchés dans la nation amnésique ".



"Conserver, après tout, c’est donner l’immortalité; poissons, légumes, fruits, sont embaumés dans le vinaigre et les épices; une certaine altération, une légère intensification du goût ne sont sans doute pas bien graves. L’art consiste à changer la saveur en degré et non en nature; et, par dessus-tout, lui donner forme- c’est à dire sens ( J’ai déjà parlé de ma peur de l’absurdité). Un jour, peut être, le monde goûtera mes conserves d’histoire. Elles pourront être trop fortes pour certains palais, leurs odeurs pourront être trop violentes, des larmes pourront en venir aux yeux; j’espère cependant qu’il sera possible de dire d’elles qu’elles ont le goût authentique de la vérité..qu’elles sont, en dépit de tout, des actes d’amour."



J’y ai goûté, les ai trouvées tout à fait à mon goût, et me demande pourquoi j’ai mis tant de temps à lire Salman Rushdie!
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Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d..

J'ai toujours pensé que la tentative d'assassinat du grand auteur d'origine indienne était dû "grâce" à la fatwa prononcée en 1989 par l'imam Khomeini, mécontent du co.ntinu du best-seller "Les versets sataniques" de la victime.

Or selon Salman Rushdie ce n'est pas le cas, car son agresseur de 24 ans en avait lu à peine 2 ou 3 paragraphes et avait regardé sur YouTube 2 ou 3 clips de fanatiques religieux.



Toujours est-il que ce fou de Hadi Matar, d'origine libanaise mais né aux États-Unis, a effectivement essayé, le 12 août 2022, de tuer Rushdie et a réussi à le blesser gravement et à lui faire perdre l'oeil droit et la main droite.



Étant a-religieux, je trouve l'existence d'une fatwa, ou ordre de tuer quelqu'un pour ses idées, totalement inadmissible et criminel. Qu'ils soient des hauts dignitaires religieux ne devrait pas être une raison de ne pas les traîner devant des cours de justice civile, comme tout et chacun responsable de la mort d'autrui. Surtout si le véritable responsable laisse faire la sale besogne par un tiers. Aucune religion n'a le monopole de la vérité et ne devrait résoudre des désaccords métaphysiques par l'élimination physique.

Et dire qu'en Iran et parmi les chiites enragés, ce sinistre spécimen est considéré comme un héros et un saint !

Je m'excuse de cet intermédiaire personnel, mais lorsque je me souviens de cet acte monstrueux, mon sang se met à bouillir. Si l'infaillibilité du Pape constitue déjà une aberration, la fatwa des vieux ayatollahs dans leur monde clos de Téhéran relève d'un tout autre ordre.



Salman Rushdie se pose la question pourquoi il n'a pas réagi et tenté de se défendre ?

Comment aurait-il pu ? Il a été surpris par un fana idiot armé de 51 ans plus jeune que lui, qui avait suivi des cours de boxe ! Il admire par contre le courage des gens autour de lui qui se sont attaqués à cet individu illuminé. Il a eu le sentiment de mourir lorsqu'il a vu l'énorme perte de sang et à pensé à sa jeune épouse bien-aimée, Eliza, marié même pas un an avant.



Avec beaucoup d'affection, l'auteur raconte sa rencontre lors d'un congrès, en 2017, avec la belle poétesse afro-américaine Rachel Eliza Griffiths, auteure de 6 oeuvres, parmi lequel son recueil de poèmes "Mule y Pear" (non traduit) de 2011, qui est tombé dans les prix littéraires. Malgré leur 31 ans de différence, le couple s'est marié le 24 septembre 2021.



L'auteur raconte son séjour à l'hôpital, son pénible programme de rééducation et son retour à la maison et termine par une réflexion comment il faut tourner la page.



L'ouvrage autobiographique compte un chapitre (le chapitre numéro 6) tout à fait remarquable, dans lequel Rushdie présente une conversation fictive entre lui et son agresseur, dont il ne mentionne jamais le nom, mais qu'il qualifie de la lettre "A".



L'auteur rappelle aussi qu'en 1994, le Nobel égyptien, Naguib Mahfouz, a été également, à l'âge de 82 ans, victime d'une agression similaire en pleine rue, parce qu'il avait osé accuser les fondamentalistes islamistes de "terrorisme culturel".



Entretemps, Hadi Matar, qui plaide non coupable, se trouve en taule et s'il est condamné au cours de son procès, qui aura lieu cette année, il risque 25 ans d'emprisonnement pour tentative d'assassinat et 7 ans pour attaque à main armée.



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Les versets sataniques

- Nath, tu as lu « Les versets sataniques » ? Mais je croyais qu’il y avait une rupture de stock de ce bouquin ?

- Heuh, comment dire…. Je l’avais dans ma Pal depuis….fort fort longtemps….

- Ah bon ?

- Bah oui. J’avais acheté ce livre en 1990, (oui, tu as bien entendu, en 90) lors de sa parution en livre de poche (chez Pocket). L’étiquette du prix est encore en francs. Je l’avais plus acheté par principe que pour le lire. D’ailleurs, je n’avais fait qu’une timide tentative de lecture à cette époque-là sans trop de conviction, je dois le reconnaitre.

- Et maintenant, ça y-est, tu l’as lu ?

- Oui, quand j’ai appris les derniers évènements, c’est devenu une évidence que posséder ce livre ne me suffisait plus. J’avais besoin de le lire.

- Et, que penses-tu de ce livre ?

- Difficile à dire, et surtout à restituer. Honnêtement, je ne possède pas toutes les références et l’érudition nécessaires permettant d’analyser pleinement ma lecture et d’en comprendre toutes les métaphores. Finalement, passé ce constat, ce n’est pas si frustrant que ça, car par moments, je me suis quand même bien laissé emportée par la plume de Salman Rushdie qui est clairement un sacré conteur d’histoires.

- C’est vrai que ce n’est pas le premier livre que tu as lu de cet auteur.

- Oui, j’avais lu il y a un an « Les enfants de minuit » et il faut dire que j’avais beaucoup aimé. Ce livre est aussi nettement plus accessible que « Les versets sataniques», enfin, selon mes critères.

- En conclusion, que pourrais-tu dire ?

- Non à l’intégrisme, obscurantisme, imbecilisme et surtout, oui à la liberté d’expression. Je lis ce que je veux quand je le veux ! Et puis c’est tout…





Challenge Pavés 2022

Challenge Mauvais Genres 2022

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Deux Ans, Huit Mois et Vingt-Huit Nuits

Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits - ça peut faire entre 1000 et 1004 nuits, d'après mes calculs - toutes passées sur l'oreiller, à écouter, non pas une princesse, mais le vieux Ibn Rushd, alias Averroès, chuchoter, non pas des histoires de magie et de djinns, mais des débats philosophiques sur la foi et la raison. Ah zut ! Un peu décevant peut-être ? Mais non, car les princesses et les djinns sont là, non pas dans les contes, mais dans le récit. Elles sont réelles, car bien sûr les contes sont réels.



J'imagine bien Salman Rushd-ie descendre d'Ibn Rushd, comme son personnage Geronimo, jardinier nostalgique né lui aussi à Bombay, et qui vit à New York, où évoluent une bonne partie des personnages de ce récit (l'autre vient du monde des djinns). Mais sur les photos, ses oreilles ont des lobes.



Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, qui font entre 1000 et 1004 nuits, d'après mes calculs (et mon côté pénible), c'est aussi la durée des événements apocalyptiques et burlesques racontés dans ce livre, où la réalité vacille et dont doit sortir ce monde meilleur, énigmatique, une utopie "positiviste" de science-fiction.



C'est le premier Salman Rushdie que je lis, foisonnant mais étonamment cohérent, bien qu'un peu décousu, conte des mille et une nuits, fantasy urbaine, roman sur l'amour et sur l'identité, conte philosophique, réflexions et sketches entremêlés, nombreux personnages hauts en couleur, innombrables références à la culture littéraire et populaire, riche, très riche avec des passages capiteux que je n'ai pu m'empêcher de relire.



L'auteur est célèbre, et pour de mauvaises raisons. Je crois qu'on peut lire ce roman comme la réponse, subtile (plus ou moins) et déçue, d'une personne qui a su garder son humour, à la stupidité maléfique qui s'est déchaînée contre lui (provoquant de nombreuses morts), comme la revanche d'Ibn Rushd contre Al Ghazali, parfaitement logique finalement, les pieds sur Terre.
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Les enfants de minuit

Autant j’avais appréhendé Les versets sataniques et en été sortie enchantée, autant j’attendais cette lecture et … comment dire. Je ne peux pas dire que j’ai été déçue car ce livre est un monument, il est totalement hors normes sur pas mal de plans, mais je n’y ai pas, ou seulement pendant de brefs instants, retrouvé ce qui m’avait fait accrocher aux personnages de Gibreel et de Saladin. Pourtant j’y retrouve l’extraordinaire talent de conteur de Rushdie. Indéniablement j’apprécie beaucoup plus Les versets satanique, mais cela n’enlève rien aux qualités des Enfants de minuit. C’est une incroyable fresque, qui par bien des aspects fait penser au Tambour et à Cent ans de solitude (les œuvres majeures de deux prix Nobel, rien que ça), parcourant l’histoire de l’Inde., et surtout la période après la décolonisation. La lecture n’est pas aisée, probablement (juste) un peu plus compliquée pour un lecteur occidental, mais ce n’est pas un gros problème, hormis les multiples changements de nom des personnages. C’est à la fois l’histoire de la famille Sinaï, celle de Saleem Sinaï né à minuit le jour de la déclaration d’indépendance de l’Inde (lui et tous les enfants d’Inde nés à ce moment-là ont des pouvoirs spéciaux) et l’histoire de l’Inde. J’ai adoré l’idée de ce roman qui tient en même temps de la saga familiale, du conte des Mille et une nuits, de la satire politique, de la farce ou du vaudeville. J’ai adoré aussi la posture de narrateur, très originale, puisqu’il écrit son récit à la troisième personne tout en reprenant la première personne avec sa femme Padma à qui il raconte ce qu’il écrit. Il joue de cette position avec jubilation, savourant sa toute puissance et lançant des clins d’oeil au lecteur. C’est un livre dense, complexe et foisonnant qui nous fait parcourir le sous-continent indien et où les personnages endossent les différentes cultures de l’Inde. La narration est brillante, mêlant sans cesse les trois plans, familial, personnel et politique, rendus indémêlables, mis en « trente bocaux rangés sur une étagère […] (Et, à côté, un bocal vide.) » La métaphore des bocaux de conserve pour les trente (et un) chapitres du roman est superbe. Un très grand roman.
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Les enfants de minuit

Salman Ruhsdie est avant tout pour moi l’auteur des Versets Sataniques, livre qui défraya les chroniques, mais pas que, à la fin des années 1980. Je me rappelle, jeune adolescente avoir été complètement abasourdie de découvrir que l’on pouvait tuer à cause d’un livre…

J’avoue que j’en étais restée là par rapport à sa bibliographie et c’est finalement grâce au Challenge BBC de Gwen que j’ai découvert « Les enfants de minuit », livre dont j’ignorais complètement l’existence….

Le titre est empreint de poésie et annonce tout de suite le thème du livre puisque « Les enfants de minuit « sont les enfants nés en Inde le 15 août 1947, date à laquelle ce pays accède enfin à l’indépendance et quitte la couronne britannique. Le narrateur, Saleem Sinai, est donc un de ces nombreux enfants de minuit. Il va nous raconter son histoire, et à travers elle, c’est un pan de l’histoire de l’Inde que nous allons découvrir.

Je pense sincèrement être absolument incapable de raconter ou de résumer ce livre tellement il est dense et riche …

Ce livre est comme l’Inde, avec une multitude de facettes, de couleurs vives, d’odeurs d’épices, grouillant de personnages, d’éclats de rires, d’histoires dramatiques qui sont reliées entre elles (même s’il est difficile de ne pas perdre le fil, je dois le dire). La guerre avec le Pakistan est évoquée et m’a permis d’en apprendre un peu plus à ce sujet, étant relativement ignare dans ce domaine, je dois le reconnaître…

Un livre inclassable donc, qui m’a permis de découvrir pour la première fois la plume de cet auteur…



Challenge ABC 2020/2021

Challenge BBC

Challenge Pavés 2021

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Les enfants de minuit

Saleem Sinai est le premier enfant de la nouvelle Inde. Il est né à minuit le 15 août 1947 le jour où l’Inde devient indépendante. Mais raconter seulement son histoire sans parler de son grand-père, de sa descendance, des autres enfants de minuit serait simplifier un peu trop les choses. Donc partons du moment où son grand-père n’avait pas encore rencontré celle qui allait être sa grand-mère…

Ça fait quelques temps que j’avais Les enfants de minuit sur mes étagères mais je me suis intimidée par le personnage d’auteur. Je penserai que ce serait complexe à lire alors que c’était un vrai délice. Difficile de résumer ce livre, ce n’est pas seulement une biographie fantastique étendue à avant sa naissance ainsi qu’à d’autres personnages, c’est aussi l’histoire de l’Inde qui est étroitement liée à celle du narrateur. Ça fourmille de personnages, tous plus impressionnants et originaux les uns que les autres. J’ai adoré le style de Salman Rushdie, plein d’humour, de réalisme magique un peu comme un roman de la littérature sud-américaine ( ?). Le livre est dense, raconte l’histoire de l’Inde à travers une saga familiale. J’ai été envoûtée par sa plume, complètement prise par le récit, même si légèrement déçue par le livre III. Un auteur que je veux relire absolument !

Merci Walktapus (si tu passes par là) pour cette pioche !

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La Cité de la victoire

J’avais bien envie de lire un livre du célèbre écrivain qui, le 12 août 2022, a été poignardé à plusieurs reprises alors qu’il allait donner une conférence, et qu’il a perdu un œil et l’usage de l’une de ses mains dans cet attentat.



J’ai donc emprunté « La Cité de la Victoire » à ma bibliothèque favorite.

C’est une fable. Elle pourrait se dérouler en Inde, comme elle pourrait se dérouler n’importe où et dans un espace intemporel.



L’héroïne de la fable, la petite Pampa Kampana, assiste au suicide de sa mère après une défaite de son peuple en guerre. Recluse comme un ermite auprès d’un homme profondément religieux, elle devient soudain la représentante d’une déesse qui lui confère des pouvoirs surnaturels, dont celui de pouvoir bâtir une ville complète ex nihilo : ce sera la ville de Bisnaga (ou « cité de la victoire » selon la traduction).



Commence alors 330 pages d’une épopée incroyable, où deux frères vont se disputer successivement la conduite de la ville, et Pampa Kampana sera leur reine successivement. Et vivra pendant deux siècles et demi mais sans jamais vieillir.



Caractéristique de cette ville : les femmes y sont les égales des hommes et les tâches sont également réparties entre chacun, la sexualité s’épanouissant sans tabou, y compris pour la Reine qui peut avoir des amants au grand dam de celui qui règne sur la ville en tant que Roi.

Il y est question aussi d’une secte qui va détourner les valeurs de bienveillance et de respect que la Reine avait imposé sur son territoire. Une fois les personnages créés, même un Dieu ne peut intervenir. Les sujets « sont ce qu'ils sont et ils feront ce qu'ils voudront. Cela s'appelle le “libre arbitre”.



On comprend vite que Salman Rushdie profite de ce récit pour faire passer ses messages préférés : l’esprit de tolérance devrait régner partout. Défense de la liberté d’expression, éloge de la liberté tout court, lutte contre l’obscurantisme sous toutes ses formes : la saga est on ne peut plus d’actualité – évidemment.



L’homme qui a affronté la Fatwa qu’il a suscitée avec les fameux » Versets sataniques » plaide pour un changement profond de civilisation, non seulement dans son ex pays l’Inde, mais partout sur la planète et le moins qu’on puisse dire c’est que c’est loin d’être gagné !



Alors même si c’est un peu longuet, on n’en voudra pas au grand écrivain américain de s’essayer à l’écriture d’une épopée antique, pleine d’aventure, d’amour et de mythes, puisque le point d’orgue auquel nous autres Babeliotes ne pouvant que souscrire : « Les mots sont les seuls vainqueurs. »



Puisse-t-il seulement transformer la réalité d’aujourd’hui dans le monde de tolérance qu’il porte en lui et qu’il a inscrit dans sa chair, en dépit de tout ce qu’il a pu vivre par tous ceux qui ne veulent pas de ce monde-là …

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La maison Golden

Salman Rushdie est un grand écrivain. En lisant Les enfants de Minuit et Le dernier soupir du Maure, j’avais été enthousiasmé par son talent de conteur, à même de donner vie à des personnages insolites, d’imaginer des aventures fantasmagoriques, et de les dérouler sur un ton flamboyant et symbolique où l’humour ne manque jamais. Rushdie est aussi un intellectuel courageux, qui n’a pas sa plume dans sa poche quand il s’agit de prendre position, et on se souvient de l’infâme fatwa qui lui avait été assignée pour son roman Les versets sataniques. Né en Inde, élevé en Grande-Bretagne, anobli par la Reine, Rushdie est aujourd’hui citoyen américain et vit à New-York.



Il m’a semblé que son dernier roman, La Maison Golden, avait reçu un accueil mi-figue mi-raisin. Cela m’a étonné. La meilleure façon de me faire une opinion était de le lire.



Il est vrai que les soixante premières pages (sur un total de quatre cents) sont un peu indigestes. Elles sont consacrées à la présentation des lieux et des principaux personnages. Pour te simplifier la tâche, lectrice, lecteur, je vais essayer de te donner les clés, car la suite vaut vraiment la peine.



Tout se passe aux Macdougal Sullivan Gardens, qu’on nomme tout simplement les Jardins. C’est un îlot de verdure dans Greenwich Village, au sud de Manhattan, entouré d’une vingtaine de maisons, accessible aux seuls résidents de ces maisons, parmi lesquelles celle où la famille Golden s’est établie. Un petit univers clos privilégié, où René, le narrateur, vit depuis qu’il est né.



Les Golden sont originaires de Bombay, qu’ils ont quittée pour New-York après les attentats islamistes ayant endeuillé la grande ville indienne en 2008. Néron, le chef de famille, est un homme âgé à l’abord inquiétant. Il est accompagné de ses trois fils, affublés de prénoms étranges, emblématiques de leur personnalité et prémonitoires de leur destinée. Pas de femme !... Pour l’instant !



René est un jeune assistant réalisateur vidéo. Il se met en tête de faire un film sur ces Golden, qui viennent de s’installer en face de ses fenêtres et qui l’intriguent. Il subodore que le père, Néron, cache de lourds et noirs secrets.



Au fil du roman qui s’étend sur huit ans, les Golden seront rattrapés par le passé de Néron, dans des péripéties foisonnantes, dramatiques et burlesques imaginées par René. Des péripéties inspirées par quatre femmes d’exception, dont une bimbo russe férocement manipulatrice. Des péripéties dans lesquelles René lui-même se laissera entraîner à jouer un rôle décisif.



Voilà une structure de roman très originale, où René est à la fois témoin, scénariste et acteur. Sans oublier qu’il est aussi le narrateur. Pour reprendre ses mots, il écrit une fiction qui a parfois la forme d’un documentaire, une fiction sur des hommes qui sont une fiction d’eux-mêmes. Finalement, René ne s’y retrouve plus trop entre ce qui est réel et ce qui est inventé. Mais toi, lectrice, lecteur, tu planeras au-dessus de tout cela avec jubilation, comprenant bien que tout est fiction.



Il n’empêche que La maison Golden délivre une intense critique de la société américaine actuelle, et au-delà, des sociétés occidentales en général – particulièrement de la nôtre, si j’en juge par l’actualité : prolifération de fake-news sur Internet, dénonciation des élites par le « peuple » inquiet de perdre ses repères, élucubrations sur l’identité et le genre, contorsions imposées par la bien-pensance pour ne pas stigmatiser les minorités,… ni ensuite les minorités internes aux minorités...



Dans ce roman à la fois tragique et divertissant, émaillé un peu lourdement de citations érudites littéraires, philosophiques et cinématographiques, Salman Rushdie ne dissimule rien de ses opinions. Le roman commence en janvier 2009 lors de l’investiture de Barack Obama, pour exploser huit ans plus tard, dans un monde ayant pris l’apparence d’une BD. A Gotham, Batwoman a été battue. Le clownesque Joker à la chevelure verte prend le pouvoir.


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Les enfants de minuit

Le personnage m’a longtemps fait peur : rien que ses sourcils en accent circonflexes, ses yeux perçants, et cette fatwa qui lui est tombé dessus pour un livre qui s’appelle Versets sataniques, tout ça était bien inquiétant pour moi à l’époque !

Et puis finalement… quelles promesses dans un roman dont le titre est si scintillant, magique ! Finalement, plonger dans les Enfants de Minuit c’est plonger dans une Inde mythique, colorée, bigarrée, l’Inde des bas-fonds et de Bollywood, celle des charmeurs de serpents et des sacs d’épices.

Le bazar, quoi, celui des marchés orientaux, où l’on se perd, foisonnant, bondé. Bondé comme ce roman aux multitudes de personnages qui, ensemble, avancent dans l’Histoire d’un pays tout neuf, né le même jour que notre narrateur, le 15 août 1947 à minuit exactement. « Dans toute la nouvelle Inde, notre rêve commun, des enfants naissaient qui n’étaient que partiellement les descendants de leurs parents – les enfants de minuit étaient aussi les enfants du temps : engendrés, comprenez-vous, par l’histoire. Cela peut arriver. En particulier dans un pays qui est lui-même une sorte de rêve ».

Notre narrateur nous conte l’histoire de cette naissance hors du commun et son destin intimement lié à celui de son pays, entre grandeur et décadence jusque dans ses aspects les moins reluisants, agaçant au plus haut point sa première auditrice, Padma, penchée au-dessus de son épaule, par ses multiples digressions que j’ai personnellement savourées. Bref, Salman Rushdie s’amuse, c’est évident ; Je le vois dans ses yeux scintillants, à l’ombre de ses sourcils diaboliques.

Ce qu’il m’en reste, quelques jours après avoir tourné la dernière page ? Un peu de poussière magique, de l’admiration pour cette imagination foisonnante et cette technique maîtrisée du conte, le bonheur de l’avoir lu, et un intérêt nouveau pour la double histoire de l’Inde et du Pakistan contemporains. Et je n’ai plus peur de Salman Rushdie.

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Les enfants de minuit

C'est le récit fantastique de la vie d'un musulman d'Inde, né le même jour que son pays, ce qui lui confère des pouvoirs exceptionnels, comme pour 1001 de ses congénères compatriotes d'ailleurs.

Ici le mystérieux se mêle au réel.

Ce roman - trop - foisonnant m'a paru un peu long à lire pour qui n'est pas féru d'histoire de l'Inde et surtout de sa magie.
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