Carte blanche à la revue Monde(s)
Avec Patrick BOUCHERON, Thomas DAVID, Sabine DULLIN, Dzovinar KEVONIAN, Yi-Tang LIN, Pierre SINGARAVÉLOU, Laurent WARLOUZET
Les événements récents - la pandémie de COVID-19 ; la guerre en Ukraine ont montré la nécessité d'adopter une approche historique globale pour comprendre le monde qui nous entoure.
Afin de célébrer son dixième anniversaire, le comité de rédaction de Monde(s) a organisé une rencontre entre des historiennes et des historiens des cinq continents autour de cinq enjeux majeurs de l'histoire globale : environnement, genre, histoire des techniques, défi numérique et inégalités.
La table ronde que la revue propose d'organiser à Blois a pour objectif de réfléchir à la diversité géographique et thématique des approches en histoire globale.
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La conquête de l'Est par les Russes est parallèle de la conquête de l'Ouest sur le sol états-unien. Elle lui fait écho jusqu'à un certain point. L'Amour est d'ailleurs comparé dans les discours officiels de l'époque au Mississippi. Les unités cosaques s'emparent des territoires des "Indiens" de Russie, les peuples autochtones souvent bouddhistes ou pratiquant le chamanisme, à qui ils tentent d'inculquer le russe. Les fleuves puis le chemin de fer constituent les axes de pénétration de ces régions encore inconnues. Les intellectuels célèbrent la destinée manifeste de leur Empire-continent et l'esprit pionnier.
La définition du koulak était suffisamment vague pour effrayer l'ensemble de la paysannerie. C'était un moyen de pression puissant pour que tout paysan qui ne voulait pas être assimilé à un koulak entre rapidement au kolkhoze.
La complexité de l'histoire impériale russe et soviétique tient beaucoup au fait que la Russie est multinationale. À l'échelle d'un continent, elle se compose de sociétés et de cultures très diverses. En 1914, l'Empire russe hébergeait plus de musulmans que l'Empire ottoman. Il englobait le royaume de Pologne et le grand-duché de Finlande. Il comportait la plus grande communauté juive du monde depuis les conquêtes de Catherine II.
Staline avait su recréer une atmosphère de danger permanent, de guerre civile. L'épouvantail d'une restauration du capitalisme par l'action concertée des impérialistes occidentaux et des koulaks et autres saboteurs en Russie était à même de vaincre toutes les réticences et de ressouder l'ensemble du Parti derrière son chef désormais incontesté.
L'objectif au printemps 1918 était de maintenir en Russie un front oriental durant la guerre contre l'Allemagne : avant Brest-Litovsk, on compta sur les bolcheviks ; après Brest-Litovsk, on compta sur un renversement rapide des bolcheviks par les blancs.
La Terreur rouge n'épargnait pas les classes populaires. La Tchéka s'en prenait à tous ceux qui enfreignaient la discipline de fer bolchévique : les milliers de citadins affamés accusés d'être des "spéculateurs", parce qu'ils tentaient, dans les villages, d'échanger quelques produits contre de la nourriture, les déserteurs de l'Armée rouge, les paysans rétifs aux réquisitions, les ouvriers qui se mettaient en grève.
Les idéologies viennent d'Europe comme l'idée de progrès et de modernité, l'impératif d'Etat-nation, la mission civilisatrice et coloniale, le communisme marxiste.
D'autres sont ancrées dans des spécificités et traditions russes et impériales : la communauté agraire du mir, le panslavisme et l'antioccidentalisme, mais aussi la discrimination négative et positive et la délégation du pouvoir.