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Critiques de Pierre Lemaitre (7945)
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Alex

Lemaitre s'affirme décidément comme un bon , un grand , un surprenant écrivain !

Sa patte distinctive ? L'art de vous balader au gré de sa volonté ! Rien ne semble plus amuser ce gars que de faire voler en éclat vos certitudes !C'est exactement ça Lemaitre , une boule de flipper rendue folle à force de rebonds puissants sur les bumpers , targets et autres cibles fixes vous permettant de multiplier par 5 votre capital poyyynts et ainsi viser l'extra-ball vous habilitant logiquement à claquer un Spécial , signe d'une nouvelle partie gratos...clac...mais je m'égare...

Autre particularité notoire , il ne fait jamais tilt ! Boule neuve...



Suite directe de Travail Soigné , l'on retrouve tous ses protagonistes avec grand plaisir . Camille Verhoeven , toujours hanté par la disparition brutale de sa douce alors enceinte , se voit dépéché sur une nouvelle affaire d'enlèvement ! La victime ? Alex , jeune femme apparemment sans histoire qu'un malade s'est juré de faire disparaître à petit feu pour des raisons encore obscures . Le compte à rebours létal est lancé , le commissaire Verhoeven et sa fine équipe sont de retour ! Et là , vous vous dites , oh le vieux scénar tout moisi , éculé jusqu'à l'os , lu et relu à l'envi ! Oui...mais non ! Si vous avez pris le temps de lire l'intro – ce dont je vous remercie – il y est finement observé que le gars Lemaitre ne fait pas dans la redite lassante , dans le comique de répétition ! Sorte de Skippy du thriller , de commode d'apothicaire du polar , les rebonds et les histoires à tiroirs , il maitrise plutot pas mal le filou !! Avec lui , rien n'est jamais tout noir ou tout blanc - phrase préférée de feu Michael Jackson me souffle-t-on dans l'oreillette - , hi hi !!

Prétexte de départ à un thriller de tres haut vol , cet enlèvement n'est que le prélude jubilatoire à une véritable chasse au tueur en série ! Le conseil à suivre en dévorant ce récit , ne jamais rien prendre pour acquis ! Des personnages riches , fouillés , qui ont le don d'évoluer au gré de l'histoire et votre jugement porté à leur égard tout autant ! Enervant , irritant de se rendre compte qu'une fois de plus , Lemaitre vous aura perdu dans son labyrinthe fictionnel avec une facilité déconcertante tout en livrant un roman tenu de bout en bout ! Haletant , nerveux , déroutant , renversant , il y a effectivement du Hitchcock chez cet auteur ! Laissez-vous tenter , vous adorerez vous faire blouser...



Pour conclure , je paraphraserai cet éminent philosophe qu'était Thierry Rolland : Dans quel état j'étais en refermant Alex ? Fauché comme un lapin en plein vol !!!
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Couleurs de l'incendie

♫La vengeance est un plat qui n'a plus nul goût tiède

Que certains mangent froid, comme Stirbois s'est mangé son cèdre

La vengeance est un met au goût de presque rien

Au goût de longtemps après, dont ne veulent même pas les chiens

La vengeance est un pensum, raccourcir les sous-hommes

Le ver qui rogne la pomme, sous le ciel d'aluminium

Nappé par le vide

Une ravine rapide

Des phares qui ne répondent plus

Moi ce sera ça, et pas plus♫

-Vengeance- Benjamin Bioley-2012-



Nulle évanescence mais Vengeance et Rancoeur

Cri du coeur, moitié surprise, moitié frayeur

Un non-dit, un SI Dense, Un sans dit

Colère, évidence ressentie

On soigne le nervosisme par le fouet

Vingt mille livres brûlés sur le bûcher

Vénalité éditoriale, corruption, fraude fiscale

Explosion de vérités, technocratie, égo légal

"Monsieur le Président, droit dans les yeux"

Parlementarisme décadent, je ne vois que du feu...

Retourner sa veste, stratégie à la Napoléon

Gabegie républicaine, parallèle à Macron !

Pour que les dieux s'amusent beaucoup, selon Cocteau,

Il faut que le héros tombe de Haut

Sortir les tuyaux, gravir la grande Echelle

Au feu les pompiers, Au-revoir là-haut, Albert Dupontel

Voilà Madeleine avec Léonce, elles minaudent

une couleur : le Bleu est une couleur chaude !

Lutte anti-fascisme, ou Offrande passive

Autodafé, antidathé et contre-offensive

Trilogie incendiaire, propos sincères et honnêtes

Voir par le petit bout de la lorgnette

Tout feu tout flamme, Femmes Allumettes.



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Couleurs de l'incendie

Février 1927. Le Tout-Paris s'est déplacé pour assister aux obsèques de Marcel Péricourt. Encore ébranlée par la mort de son père, Madeleine, l'héritière légitime du banquier, reste malgré tout forte et digne, attentive aux moindres détails, soutenue par Léonce, sa dame de compagnie, et André, le précepteur de son fils, Paul, âgé de 7 ans. Ce dernier ayant échappé à la vigilance de l'assemblée, c'est grimpé au second étage de l'immeuble, debout sur l'appui de la fenêtre, qu'il apparaît. Avant de venir s'écraser sur le cercueil de son grand-père. Une chute qui laissera le jeune garçon handicapé. Un premier drame pour Madeleine qui, en tant que riche héritière, sera l'objet de convoitises, notamment de la part de Gustave Joubert, le fondé de pouvoir de la banque Péricourt, ou encore de Charles Péricourt, le frère de Marcel, lésé lors du partage de l'héritage...



Quelle fresque romanesque au coeur de laquelle Pierre Lemaitre nous plonge ! Dans cette entre-deux guerres, période foisonnante, aussi bien politiquement qu'économiquement, où l'Europe change peu à peu de visage, l'auteur décrit avec force et bourrasque le déclin puis la renaissance d'une femme forte, rusée et trahie par les siens. Une vengeance orchestrée aussi sournoisement et malignement que ces hommes perfides, vénaux et corrompus. L'auteur donne ainsi vie à des personnages truculents et résolus. Que ce soient ces hommes imbus d'eux-mêmes ou ces femmes telles que la courageuse Madeleine, la rusée et arriviste Léonce ou l'insaisissable et joyeuse Vladi. Au contexte historique passionnant, ce deuxième volet, aussi vif que profond, aussi sombre que lumineux, se révèle haletant et captivant de bout en bout. D'autant que l'écriture est riche, foisonnante et sagace, et les dialogues truculents.
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Le serpent majuscule

J'ai bien du mal à démarrer ce billet car je suis vraiment mitigée. Cette lecture n'a pas été difficile, ni non plus époustouflante... Juste distrayante.



Je me suis souvent demandée ou voulait en venir l'auteur... Et au final je ne sais toujours pas vraiment.



On ne peut pas critiquer la plume de Pierre Lemaitre, c'est toujours un plaisir de le lire. Maintenant le contenu est assez basique, pas assez poussé à mon goût. Il me reste pas mal de zones d'ombre , pas exploitées.



C'est un bon roman noir, qui tient la route dans son ensemble, mais pas assez abouti.

Si Pierre Lemaitre voulait abordé la sénilité où il en fait de trop où pas assez.



Je me suis penchée sur ce roman pour l'auteur, un roman sorti d'un vieux tiroir. Je ne suis pas si sûre qu'il fallait le sortir car comme l'annonce l'auteur c'était pour clore sa carrière dans le roman noir.... J'aurais préféré terminer ce tournant de sa carrière avec quelques choses de plus travaillé, de plus abouti, de plus prenant.



Une lecture en demi teinte.







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Miroir de nos peines

Passionnant roman, ce Miroir de nos peines nous emmène du 6 avril au 13 juin 1940, en quatre couloirs narratifs, sur les pas de Louise, institutrice aussi coureuse que courageuse, Raoul, gaulois téméraire, débrouillard et insoumis, Fernand, garde mobile, chiffonnier à ses heures et Désiré, génial acteur polymorphe.



Pierre Lemaitre est toujours aussi talentueux pour mettre en scène des héros attachants et les projeter dans des épisodes décrits avec un art cinématographique qui les rend inoubliables.



Il sait parfaitement conjuguer la tragédie et la comédie et son scénario présente, hélas, bien des points d'analogie avec l'actualité ... j'imagine fort bien Alexandre Benalla incarner Raoul et Benjamin Griveaux jouer Désiré au ministère de l'information ;-)



Jusqu'à la page 534, j'ai cru avoir le premier chef d'oeuvre de l'année entre les mains. Mais j'ai déchanté en page 535 en découvrant une bibliographie « comme il se doit » misogyne dans laquelle notre auteur oublie, par exemple, Valerie Tong-Cuong et son mémorable « par amour » et surtout omet « suite française ».



Comment peut on évoquer l'exode sans penser à Irène Némirovsky qui a écrit les plus belles pages sur ces tragiques semaines du printemps 1940 avant d'entrer dans l'éternité en août 1942 à Auschwitz ?



Comme Pascal décidément , « Je ne crois que les témoins qui sont prêts à se faire égorger » et je cours relire « suite française ».
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Le Grand Monde

Roman attendu, comme à chaque fois pour cet auteur que je lis depuis de nombreuses années, séduite, dès le départ par les polars.



La nouvelle mouture s’inscrit dans le cadre de ces récits initiés avec Au-revoir là-haut. Le récit s’alimente des destins à la fois banals et remarquables d’une poignée de personnages, inscrits dans les tourments que leur font subir la grande histoire.



En 1948, la France se remet lentement de ses blessures de guerre, les vivres sont encore rationnés, le confort est plus que sommaire et la vie quotidienne n’est aisée que pour les débrouillards.

Mais la famille Pelletier voit de loin ces tracas, puisque l’usine fondée par Louis est prospère et que la relève devrait être assurée par le fils ainé. Mais Jean n’a pas la fibre pour gérer une telle entreprise, et poursuivre le développement de la fabrique de savon installée à Beyrouth. Hélène est encore bien jeune et c’est une fille, François qui est bon élève est appelé à suivre une voie plus royale en France. Quant à Etienne, sa délicatesse le fait écarter d’emblée de la succession. D’autant que son ami Raymond est parti en Indochine et que rapidement, Jean n’en a plus de nouvelles. Il décide de se rendre sur place.



Puis c’est la débandade, l’effondrement des espoirs parentaux, et cerise sur le gâteau un meurtrier impulsif sème les cadavres sur sa route…



C’est dire si la matière est dense et justifie les cinq cents pages, que l’on dévore avec avidité.



On aime aussi beaucoup les pages consacrées à la guerre d’Indochine, aux enjeux économiques complexes , qui a laissé la presse et l’opinion quasi mutique pendant des années. Certains passages sont particulièrement violents.





Pierre Lemaitre a créé un genre, petite histoire plongée dans la grande histoire, illustrée par des personnages qui donnent l’envie de les suivre. Et on se réjouit de savoir que trois tomes suivront.

Merci à Babelio et aux éditions Calmann-Lévy.
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Robe de marié

Avis à toutes les mères : attention à la façon d'aimer et d'éduquer votre fils...il pourrait en devenir psychopathe !

Ce thriller malsain nous mène en effet aux confins de la folie. Une stratégie de narration particulière nous plonge dans le quotidien d'une jeune femme, Sophie, saine et heureuse de vivre. Mais insidieusement, elle va sombrer dans la mésestime de soi pour tomber dans la dépression la plus profonde, à cause d'un certain Franck, obnubilé par le souvenir de sa mère.

Harcèlement, meurtres, suicide, maladie, rien ne nous est épargné.

Une sombre, profonde, malsaine histoire, qui ne m'a pas lâchée, en aurais-je eu l'envie... Pendant les quelques heures que dure la lecture de ce roman, j'ai été secouée, mal à l'aise, harcelée par un sentiment trouble. D'ailleurs, j'y pense encore...

Ah oui, une petite précision...J'ai adoré !!
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Le Silence et la Colère

Quel plaisir de retrouver Pierre Lemaitre et la famille Pelletier, en 1952, dans Le Silence et la Colère !

Si Étienne, le plus jeune, n’a pas survécu dans Le Grand Monde, restent bien sûr Louis et Angèle, les parents, ainsi que Jean, dit Bouboule, François et Hélène, leurs enfants.

Les parents sont restés à Beyrouth où leur savonnerie sera prétexte d’un nouveau pèlerinage annuel, un peu différent des précédents à cause de la fameuse Geneviève, l’épouse incroyable de Jean.

Ce second tome de la trilogie Les Années Glorieuses est concentré sur deux mois : février et mars 1952. Il va s’en passer durant cette soixantaine de jours !

Comme dans ses précédents livres, Pierre Lemaitre m’a captivé dès la première ligne. Il m’a fait trembler, espérer aussi, sourire enfin. J’ai été déçu par la tournure de certains événements, ému par les amours difficiles de plusieurs protagonistes, amours hésitants, conditionnés par un passé parfois lourd à assumer.

Les quatre grands thèmes autour desquels s’articule ce roman aux multiples surprises sont le projet de construction d’un barrage qui va noyer une vallée, la boxe à Beyrouth, l’avortement et le début des grands magasins vendant au plus juste prix.

Habilement, comme à son habitude, Pierre Lemaitre m’a fait passer d’un thème à l’autre tout en maintenant un suspense incroyable autour de la personnalité de Jean qui a déjà un lourd passif, sans oublier Geneviève son épouse…

Le Silence et la Colère, ce titre s’applique parfaitement aux habitants de Chevrigny qui tentent jusqu’au bout de sauver leur vallée. L’auteur le dit lui-même, il s’est inspiré du barrage de Tignes (Haute-Savoie) mais a changé de massif pour se rapprocher de Paris. Malgré cela, le ressenti, les divisions, les manœuvres, les tentatives désespérées de certains habitants sont les mêmes et Pierre Lemaitre sait parfaitement mettre tout cela en scène.

En fait, ce sont Hélène et François Pelletier, la sœur et le frère, journalistes dans un grand quotidien parisien du soir – Hélène étant d’abord photographe – qui se retrouvent au cœur des différentes intrigues. Leurs articles et leurs photos font mouche à chaque fois. D’autres personnages secondaires animent, influent sur l’histoire mais il serait trop long de les citer tous. Je vous laisse donc le plaisir de la rencontre.

Dans ce roman, avec délicatesse et tact, mais sans ménager responsables politiques, police et justice, Pierre Lemaitre met en relief la lutte des femmes pour la liberté de l’avortement. Les relents du régime collaborationniste de Vichy sont encore bien présents. Actions et témoignages montrant bien tous les drames causés par l’aveuglement d’une époque niant le droit des femmes à disposer de leur corps, sont bien amenés par l’auteur, ce qui rehausse encore la qualité de son roman.

Pierre Lemaitre, avec Le Silence et la Colère, m’a encore régalé et conquis et je crois savoir que je ne suis pas le seul dans ce cas…


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Miroir de nos peines

Lu passionnément en deux jours, voilà encore une réussite avec ce dernier volet de la trilogie des" Enfants du désastre "! Merci, Pierre, de me l'avoir trouvé dès le matin de sa parution, la libraire était en train de le mettre en rayon!



" Couleurs de l'incendie" nous présentait l'époque trouble de l'entre deux-guerres. L'auteur a choisi ici la seconde guerre mondiale, mais sur une période très précise, et courte, d'avril à juin 1940. Le lien, très ténu, avec les personnages précédents, est Louise, jeune femme qui a connu et aimé , enfant, Édouard Péricourt , la gueule cassée du premier tome, frère de Madeleine.



Je ne voudrais surtout pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs, ce serait dommage. Je vous dirai seulement que j'ai intensément vibré en lisant cette histoire, picaresque, poignante, intimiste, universelle, eh oui, tout cela à la fois! Que les personnages ont éveillé en moi toute une gamme variée de sentiments, d'émotions: empathie,compassion, dégoût, admiration, curiosité...



Ce début de guerre incertain, où bien vite, les allemands progressent en France, puis l'exode qui s'en suit, étaient pour l'auteur un terreau d'imagination fructueux, même s'il s'appuie aussi sur des faits véridiques.



Pierre Lemaitre a l'art de faire vivre pour nous des êtres de papier aussi vrais que nature, Louise, Fernand, Jules, Raoul, Gabriel et tant d'autres. Et je vous laisse découvrir mon préféré, Désiré, l'homme-caméléon, vous verrez pourquoi je le surnomme ainsi...



Quant à l'épilogue, il est savoureux...



Alors, je n'ajouterai que quelques mots pour conclure: lisez ce livre, il vous transportera ! Miroir de nos peines, oui, mais aussi miroir de notre ravissement de lecteur!
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Le Silence et la Colère

Pierre Lemaitre poursuit sa trilogie des Années glorieuses et c'est avec grand plaisir que l'on retrouve la famille Pelletier, quatre ans après la jubilatoire présentation de ses membres dans le Grand Monde.



Nous sommes désormais en 1952. L'auteur excelle à saisir l'époque, ici le début des Trente Glorieuses, période de bascule entre les années difficiles de l'après Deuxième guerre mondiale et l'embellie économique, un pied dans le monde empesé de l'après-guerre, un pied dans une modernité annoncée. Au final une période emplie de paradoxes d'une France en plein essor qui entre dans l'ère de la consommation mais encore très régressive et répressive sous bien des aspects.



Aussi, cet opus joue une partition plus sociale avec trois intrigues aux accents à la Zola : luttes ouvrières des employées du fils aîné Jean qui a mis sur pied un magasin populaire type Tati ; combats féministes à une époque où l'avortement est un délit traqué par une brigade spécifique tout droit sortie de Vichy. Mais aussi confits liés à des aménagements du territoire, ici la construction d'un barrage hydroélectrique au prix de l'engloutissement d'un village entier, cimetière compris ( épisode inspiré de la tragédie du village de Tignes, fait divers qui émut et passionna les lecteurs de France Soir ).



Pour le reste, le talent de conteur de Pierre Lemaitre ainsi que son humour mordant parfaitement distillé fonctionnent à merveille, son énergique élan narratif emportant le lecteur dans un tourbillon de péripéties pétaradantes concoctées pour ses nombreux personnages. C'est celui de la soeur, Hélène, qui est le plus mis en lumière : jeune femme libre qui veut s'émanciper de sa famille et des hommes, journaliste envoyée suivre la résistance du village isérois face au barrage, après avoir écrit un article ( inspirée d'un vrai, incroyable de Françoise Giroud, retranscrit à la fin du livre ) qui fait scandale, « Les Françaises sont-elles sales ? ».



Beaucoup d'intrigues, donc, beaucoup de personnages, le lecteur n'a pas le temps de s'ennuyer. Mais j'ai trouvé que cette fois-ci, il manquait du liant entre tout cela. Les raccords entre les différents éléments narratifs sont plus poussifs. Je me suis lassée du personnage de l'épouvantable Geneviève, pourtant mon préférée du Grand monde, ne lui trouvant aucune évolution autre que linéaire ou poussant juste plus ( trop ) loin les curseurs de ses vices sans qu'on ne sente suffisamment l'ambiguïté suggérée : celle d'une femme frustrée de ne pouvoir être un homme avec le pouvoir qui va avec. De même, le dénouement est quelque peu balancé, même si on a bien compris qu'une suite nous attend pour réellement conclure.



PS : à mon avis, ce serait vraiment dommage de ne pas avoir lu le Grand monde avant, afin de profiter pleinement du récit car énormément d'actions arrivent dans le prolongement de celles du premier tome.

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Robe de marié

Comment empoisonner la vie de quelqu’un avec méthode et efficacité ?



L’auteur nous livre une collection de moyens, allant des plus simples (ajouter des produits dans un caddie, voler du courrier et notamment les lettres de relances pour impayés), aux classiques (dupliquer un trousseau de clé pour déplacer des véhicules ou des objets, emprunter des carnets de notes personnelles) puis aux numériques (accéder aux courriels, modifier les dates de réservations aux spectacles, modifier des fichiers).



Les conséquences sont garanties sur le plan conjugal et professionnel (une présentation power point enrichie de quelques photos X garantit une diffusion large et commentée) et Pierre Lemaitre modernise ainsi « Les Malheurs de Sophie ».



Mais pourquoi les femmes revendiquent elles l’égalité avec les hommes alors que personne n’a jamais contesté leur évidente supériorité ?



Sophie va révéler au fil des chapitres son talent et rhabiller le marié avec un goût incomparable …



Une fois encore Pierre Lemaitre démontre sa fine connaissance de la psychologie (sa formation universitaire) et la malice avec laquelle il manipule le lecteur … pour son plus grand plaisir !
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Cadres noirs

J'ai mauvais caractère. J'ai l'habitude de prendre une pause-déjeuner en mangeant léger devant Babelio : façon de dire à mon patron que je suis là tout en n'y étant pas, une torture pour lui. En plus, je lis sur ce que les gens lisent : terrible perte de temps qui le fait se tordre de souffrance. Je me délecte à le supplicier souvent comme ça, ce qui augmente mon plaisir gustatif et celui de mes lectures également.

Avec ce notoire mauvais caractère j'ai choisi, les yeux fatigués, parmi les titres restant de la Masse critique, un livre audio ; quel doux repos, qu'on me lise un bouquin pendant que je regagne de la force oculaire après une journée de boulot devant un écran, deux chats à mes côtés et un troisième aux pieds, au lit, pensais-je. Je l'ai choisi vite fait, sans aucune attention à l'auteur, uniquement par mauvaise foi : tout ce qui m'avait retenue était une mention sur son sujet lié, parait-il, au chômage ; je brûlais d'envie de massacrer un texte, encore un, qui ne pourrait être que profondément faux, au mieux d'une bien-pensance écoeurante sur cette réalité protéiforme que j'ai intimement explorée. Parce qu'un texte polémique est très facile à écrire, il se tricote tout seul, aucun effort à faire à part distiller sa bile noire.



Je suis faite comme une rate.

Je me suis trouvée dans une souricière d'émotions, d'intelligence et mélancolies.

Peu après la réception du CD-ROM, j'ai écouté jusque tard dans la nuit "Cadres noirs", en admirant la profondeur et la noirceur de la vie d'Alain Delambre, victime quoi qu'il fasse, et pour qui il sera toujours trop tard, dès qu'on l'aperçoit et jusqu'à ce qu'on le quitte - à regret.

Alain Delambre n'est pas un révolutionnaire et n'aurait pas envie de tout remettre en question. Il voudrait juste un boulot, si possible accommodant et en accord avec ses compétences et ses réflexes (plutôt d'exécutant consciencieux que de manager, encore moins d'innovateur ou de concepteur), pour qu'il ne déçoive pas sa bien-aimée et ses filles, à ses 57 ans. Et pour qu'il puisse continuer à payer sagement le crédit de l'appartement.

Mais à travers la rage tragique qui s'emparera de lui, rien ne lui sera épargné - ni l'éclat de la folie, ni la solitude -, et il fera le tour de toutes les relations de force et de domination qui composent la supercherie énormément grotesque de ce que l'on appelle aujourd'hui travail.

Le meurtrier - au propre et au figuré - monde du travail se trouve reflété dans les contorsions d'un thriller magistral.

Pierre Lemaître nous force à espérer naïvement, jusqu'à la fin, qu'Alain Delambre retrouve le goût du bonheur.

Ça serait ne pas assez prendre en compte l'une des phrases-clé du livre : "l'espoir... est une saloperie inventée par Lucifer pour que les hommes acceptent leur condition avec patience".



Après ce petit catharsis à portée de main, survenu tard dans la nuit, le matin je suis retournée au boulot.

Pour pouvoir continuer à payer sagement mon loyer.

En attendant la pause-déj, salade composée de légumes et d'errances sur Babelio...







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Le Silence et la Colère

Après le grand monde, premier tome de la trilogie sur les Trente Glorieuses, quel plaisir cela a été de me replonger dans la France des années 1950, avec le Silence et la Colère de Pierre Lemaitre et de retrouver cette inimitable famille Pelletier. On la rejoint donc quatre ans plus tard, en 1952.

Si les parents Louis et Angèle sont restés à Beyrouth pour gérer leur savonnerie, les enfants Jean, François et Hélène tentent de faire leur vie à Paris.

Jean, dit Bouboule, encore en proie à des pulsions meurtrières, vient de créer un grand magasin « Dixie » et l'ouverture approche... Quant à son abominable épouse Geneviève, elle est bien sûr toujours là, plus invivable que jamais, même vis-à-vis de leur fillette Colette, 3 ans.

François toujours fou amoureux de Nine, est reporter au « Journal du soir » et Hélène, la plus jeune, 23 ans, photographe, est passée au rédactionnel en rédigeant cinq articles sur « l'hygiène des femmes » (clin d'oeil à Françoise Giroud ), avant de se voir proposer une enquête-reportage sur la construction d'un barrage et un village appelé à disparaître.

« Il en était ainsi chez les Pelletier. Émotions, secrets, silences, aveux et déclarations se succédaient, il y aurait eu un roman à écrire sur les pensées des uns et et des autres. Une vie de famille. »

Belle manière d'annoncer dans les premières pages ce qui se révèle une magnifique saga familiale, mais pas que.

En effet, Pierre Lemaitre, avec tout le talent qu'on lui connaît en fait un vrai roman social.

Il restitue avec maestria et beaucoup de rythme cette France d'après-guerre.

Il nous fait vivre au plus près, la naissance de la société de consommation, l'arrivée de la grande distribution avec l'ouverture de ce grand magasin. La vente à prix coûtant au début pour appâter les clientes. La fascination de ces clientes devant les étalages et les petits prix. Les méthodes utilisées pour garder un personnel compétitif, promesses, menaces. le besoin vital de travailler pour beaucoup de femmes. Leur obéissance pour garder leur emploi. Mais leur révolte devant l'injustice… Conflit social, revendications…

Il raconte également la condition féminine au début des années 50 avec cette chasse à l'avortement tous azimuts, en mettant en scène le désarroi de ces femmes désarmées ne sachant à qui s'adresser et le risque encouru par les médecins désireux d'apporter leur aide, les unes et les autres pourchassés par un inspecteur plus que zélé aux méthodes plus que discutables, Vichy n'est pas si loin...

Avec les deux journalistes que sont François et sa soeur Hélène, nous assistons quasi en direct à la montée des médias et à la course endiablée pour avoir la primeur des infos.

Si François se retrouve sur une ancienne enquête concernant l'assassinat d'une actrice, sa soeur, elle, est dépêchée dans ce petit village de Chevrigny qui vit sa dernière semaine avant la mise en eau du barrage hydroélectrique, référence au barrage du Chevril construit cette année-là et au village de Tignes en Savoie. Cela n'a pas été sans me rappeler le beau roman de Joy Sorman et Maylis de Kerangal : Seyvoz.

C'est à l'agonie de tout un village qu'il nous est donné d'assister, à la colère des uns, au fatalisme des autres ...

Cet épisode est très évocateur des sacrifices faits pour les nécessités du progrès et pour accéder à la modernité et à l'amélioration des conditions de vie. Certains passages sont vraiment très émouvants.

L'auteur nous entraîne également dans quelques incursions à Beyrouth pour le fameux « pèlerinage Pelletier » puis, en compagnie du jeune boxeur Lucien prêt à mettre sa vie en jeu pour conquérir son amour.

De belles histoires d'amour se tissent tout au long du roman mais de nombreux mystères demeurent pour notre plus grande curiosité !

Le Silence et la Colère, titre en parfaite adéquation avec le roman alterne et entremêle savamment les histoires de chacun avec la grande Histoire.

Roman totalement addictif, émouvant, haletant, qui peut parfois nous plonger au plus noir de l'âme humaine tout comme au meilleur, le deuxième volet de cette chronique familiale m'a absolument conquise et c'est avec une grande impatience que j'attends le troisième !
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Le serpent majuscule

« Vaste programme » s'exclamait le Général de Gaulle, en aout 1944, en découvrant la Jeep du Capitaine Raymond Dronne baptisée « mort aux cons », arrivée dans Paris libéré en tête de la Division Leclerc.



En 1985, le Commandant Henri et Mathilde, deux glorieux résistants, poursuivent ce « vaste programme », mais quarante années ont passé, et, si les réflexes sont toujours excellents, le respect des procédures s'est amoindri, pour le plus grand mécontentement du DRH, lorsqu'il constate que la même arme est utilisée pour deux contrats différents. Une mise à la retraite s'impose. Mais un tueur à gage est il à même de faire valoir ses droits à pension et que deviendront alors les « cons » ?



Pierre Lemaitre s'en donne à coeur joie et nous offre un roman noir, truculent et plein d'humour. Bonne occasion de visiter ou revisiter les années 80, une époque sans ADN, sans GPS, sans 4G et de parcourir la France au volant d'une AMI 6 en compagnie de personnages merveilleusement croqués en quelques phrases d'une cruelle finesse.



Mais sous un ton badin, sans avoir l'air, le romancier prend à bras le corps les sujets essentiels de la parité, de l'indispensable promotion des femmes parmi l'élite des tueurs, puis traite du droit à la vie de la race canine et de la situation des personnes âgées arrivées aux bornes de la dépendance.



Incontournable, ce premier roman (resté inédit) est un agréable divertissement qui ensoleille l'été et donne envie de découvrir les polars de l'auteur.
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Le serpent majuscule

Pierre Lemaitre a eu la bonne idée de remercier ses fans de polar en leur " offrant " son tout premier manuscrit en guise d'adieu à ce genre qui lui a permis de cheminer , d'évoluer et de devenir ce qu'il est , à savoir un lauréat du prix Goncourt ce qui , reconnaissons le , n'est tout de même pas donné à tout le monde . On pourrait croire l'exercice plutôt risqué mais c'est forcément un grand élan de sympathie qui s'est emparé de ses " fans " et l'accueil ne peut - être que très favorable ....

Après, il faut essayer d'être objectif : si ce roman , c'est bien du Lemaitre , c'est du Lemaitre " jeune " avec les qualités et les défauts propres à ces talents en " devenir " . Je ne pense pas , et cela me semble tout à fait normal et loin de " vouloir lui faire injure " , que ce soit son " meilleur roman " ni sur le plan de l'écriture ni sur le plan de l'intrigue . Alors , oui , on voit " poindre " tout ce qui fera le sel des ouvrages de Lemaitre qui , soit dit en passant , a bien fait de persévérer dans une voie qui est devenue " royale " .Peut être demande - t- on tout , tout de suite , à des jeunes qui , c'est certain , doivent mûrir pour acquérir l'expérience et la maturité.

Ce roman est facile à lire , bien écrit , porté par les " seules épaules " d'un curieux personnage, Mathilde , une vieille dame à qui on donnerait le bras pour traverser la rue en toute sécurité ( non , pas pour trouver du travail , ça a déjà été fait...) et ...le Bon Dieu en confession . Mathilde joue , non pas de son charme , mais de " l'arme à feu " et , vous le verrez , elle ne se laisse pas " abattre " face aux obstacles qui pourraient la priver de la satisfaction du " travail bien fait " . On suit avec intérêt des pérégrinations qui , sans être irrésistibles, n'en sont pas moins drôles , ironiques , loufoques , décalées. Pierre Lemaitre manie le second degré avec une certaine réussite sans toutefois nous placer face à un chef d'oeuvre du genre . Une sorte de " Mamie Luger " en moins original , en moins percutant .Bien entendu , cet avis n'engage que moi et n'a pas vocation à décourager les futurs lecteurs . Personnellement , j'aurais été bien incapable d'écrire un tel roman , il me faut donc rester humble et mesuré dans mes propos . La parution de cet ouvrage n'ajoutera rien aux grandes qualités de notre Goncourt si ce n'est le grand plaisir de saluer ses fidèles lecteurs .Je n'ose croire à un autre objectif , " marchand " , celui- ci , j'en serais fort déçu. Pierre Lemaitre est désormais " passé à autre chose " et a atteint un niveau qualitatif sans comparaison .Il me semble plus judicieux de suivre ses pas aujourd'hui et prendre son premier roman comme un bon petit moment de nostalgie .Les inconditionnels apprécieront , les autres pourront " passer leur tour " .L'essentiel est que chacun et chacune y trouve son compte .pour ma part , j'ai lu , sans ennui , sans grand enthousiasme non plus ......Pourtant , Lemaitre occupe toujours une grande place dans mes lectures .Ce n'est là , évidemment, que mon avis .

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Couleurs de l'incendie

Belle surprise que nous préparait Pierre Lemaitre en nous livrant la suite de son roman "Au-revoir là haut".

On retrouve Madeleine Péricourt qui doit assister aux funérailles de son père, le richissime banquier Marcel Péricourt en 1927.

Son escroc de mari croupit en prison. Elle a un petit garçon, Paul, 7 ans qui vient de perdre son grand protecteur et tombe de la fenêtre au moment où toute la foule est rassemblée pour l'enterrement.

Il en restera infirme, sur une chaise roulante. Au début, on se demande s'il va survivre...

Gustave Joubert continuera à gérer les affaires de Madeleine qui sera entourée d'escrocs prêts à sa perte mais à escroc, escroc et demi.

A ce petit jeu, Pierre Lemaitre nous avait déjà montré dans "Au-revoir là haut" qu'il était capable d'imaginer une escroquerie "monumentale".

Ici, nous le retrouvons en pleine possession de son imagination, de son style plus qu'agréable.

Il ne se passe pas un paragraphe sans qu'un fait nouveau survienne. Le Pierre Lemaitre des polars est présent également.

Tout cela dans un contexte historique qui semble bien vrai avec un fond de nazisme qui commence à poindre le bout du nez , un contexte économique vacillant et prompt aux tricheries de toutes sortes. Evidemment , on connaît l'étendue de l'imagination du romancier, heureusement pour notre plaisir de lecteur.

L'épilogue fait un énorme saut dans le temps pour nous présenter les personnages dans le futur.

Et pourtant, un troisième tome est prévu. De quoi sera-t-il fait?

Une chose est certaine, je ne le raterai pas et ce, dès sa sortie.



Challenge pavés 2018





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Le Grand Monde

Un énorme coup de coeur pour ce roman.

Pierre Lemaitre est sans doute a son plus grand niveau. J'ai dévoré les quelques 500 pages en moins de 24 heures.

Je pousserai même le bouchon à dire que je préfère ce roman ci au Goncourt qu'il a reçu en 2013.



J'ai adoré être spectatrice de la famille Pelletier.

L'auteur a su façonner des personnages d'une grande qualité.

Chacun sa personnalité propre et ils semblent si réels. On les voit ces personnages, on les sent vivre, trembler, paniquer, aimer,....



Les descriptions sont magistrales. Le Vietnam sous la plume de Lemaitre : on sent la moiteur de la ville, on voit les fumées d'opium, on entend le bruit. de la rue.

Tout est terriblement bien décrit, tout semble prendre vie aux yeux du lecteur.



Je ne vais pas décrire l'écriture de Pierre Lemaitre, elle est incroyable, prenante, et sans concession.

Moi, qui lit des thrillers assez sombres ( d'ailleurs je crois que certaines collègues m'ont traitée de psychopathe suite au prêt de certains romans), j'ai quand même eu du mal avec une scène de torture.



Enfin, on sent que le récit est tellement bien documenté. D'ailleurs j'ai aussi pas mal appris avec ce roman parce que mes connaissances de la guerre du Vietnam ne sont que scolaires... alors effectivement on apprend plein de choses. pas toujours reluisante .



Quant à l'histoire elle est envoûtante, c'est juste un page Turner de dingue.



Je suis sous le charme de cette intrigue, ou le suspens est très présent.

Je trouve incroyable d'avoir su donner vie à des lieux et a des personnages de cette façon.



Je n'attends plus qu'une chose ...le deuxième volet des aventures de la famille Pelletier.

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Au revoir là-haut

Que faire de ce mini-pavé Goncourt ?

Vous pouvez l'utiliser pour caler une table bancale avec; vous pouvez l'abattre avec un succès relatif sur la tête d'un proche qui vous importune... vous pouvez le remettre sans cesse en bas de votre pile de lectures, si vous êtes d'une nature méfiante envers les "livres qui font unanimité".

Ou vous pouvez tout simplement le lire enfin, pour constater par vous-mêmes que le roman est vraiment bien. Le lire pour attendre ce point de non-retour, quand vous êtes tellement absorbés dans l'histoire que tout ce que vous importe, c'est d'en connaître enfin le dénouement.

Jusqu'au bout je n'avais pas la moindre idée comment cette curieuse histoire pourrait bien se terminer... pourtant, j'aime faire des spéculations et chercher les puces, mais cette fois, je suis restée bredouille !



Imaginez que la guerre est presque finie, et vous avez non seulement réussi à rester en vie, mais aussi de la traverser sans blessure (une blessure physique, au moins, car pour ce qui est du reste...). Vous commencez déjà à savourer l'idée du retour, quand, lors de la dernière bataille, vous vous retrouvez enterré vivant. Et le camarade qui vous connait à peine et qui, malgré tout, vous sort de ce pétrin, finit avec la moitié du visage emportée par un éclat d'obus.

Eh bien, ça change la donne. Ca change beaucoup de choses, en fait. Vous faites tout pour qu'il s'en sorte, car vous vous sentez redevable. Et, à votre façon, vous aussi, vous lui sauvez la vie - alors, pas besoin d'en parler entre vous, mais vous êtes liés à tout jamais.

D'autant plus que cet être fantasque est tellement dégoûté par sa nouvelle apparence qu'il en perd toute envie de vivre; à quoi bon, la chirurgie esthétique ? Il ne veut pas non plus rentrer chez les siens - avec cette tête ? Et vers ce père qui lui a toujours montré que le plus profond dédain ?

Alors, vous vivotez ensemble, et ma foi, c'est dur !

Jusqu'au moment où votre ami se réveille de sa torpeur fataliste et essaie de vous convaincre de monter une arnaque si cynique envers cette société en deuil, que vous ne pouvez pas accepter ! Mais cette promesse d'avenir sans soucis, loin de tout cette folie... !



Pierre Lemaitre nous dresse un intéressant portrait de la société d'après la Grande Guerre - de ceux qui ont tout perdu, sauf la vie; de ceux qui s'accrochent aux anciennes valeurs familiales quoi qu'il arrive, tout en restant droit, comme le vieux monsieur Péricourt; des sangsues qui bâtissent leur fortune sur le chagrin et le malheur des autres, comme ce fumier d'Aulnay-Pradelle.

Tout ça raconté avec un cynisme presque débonnaire, si vous voulez bien me pardonner l'expression.



À sa façon, ce livre me rappelle beaucoup ma lecture précédente - "Ivresse de la métamorphose" de Zweig.

Les héros des deux histoires cherchent à faire leur propre justice, dans un monde tellement injuste envers ceux qui auraient mérité mieux.
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Trois jours et une vie

Original et misanthrope, ce roman noir aborde, sans avoir l'air, de graves problèmes existentiels et juridiques :

- à quel âge un enfant devient-il pénalement responsable ?

- quel délai de prescription pour un infanticide ?

- où s'arrête le secret médical ?

- différence entre avorter à treize semaines et tuer un enfant de six ans ?

- le mariage est il le châtiment judiciaire capital ?



Evoquant par la richesse des thèmes abordés, « Crime et châtiment », « Trois jours et une vie » plonge son lecteur dans les affres du remords éternel …



Un chef d'oeuvre malgré la noirceur et l'antipathie suscitée par ses personnages.
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Miroir de nos peines

La "drôle de guerre" a débouché sur une vraie guerre qui n'était pas drôle du tout.

Elle a commencé à  se lézarder en avril - mai 40 et , en juin , elle a pris fin dans la débâcle que l'on sait. 



Une vraie déculottée. 



Une fois la Belgique envahie, les troupes allemandes ont percé les défenses françaises par la Picardie et par les Ardennes,  contourné et pris à revers la ligne Maginot, réputée imprenable sauf  à la cosaque, il faut croire! le temps de permettre aux Anglais de s'embarquer en catastrophe à  Dunkerque et de se replier vite fait sur le bastion britannique, c'était plié. 



En quelques jours, les armées françaises se sont trouvées débandées, essorées, dispersées facon puzzle. On a tous en tête les images de ces convois de civils pathétiques, avec matelas sur le toit des voitures en panne d'essence, méticuleusement mitraillés  par la Luftwaffe , comme au tir au pigeon.



On a lu ça,  vu ça,  entendu ça.  Les Miroirs de nos peines n'ont pas manqué.  Les deux plus marquants restent, pour moi,  les premières images du film de Rene Clément, Jeux interdits et  toutes les pages,  terribles et cruelles, d'Irène Némirovsky dans Une suite française.



Alors il fallait avoir la pêche phénoménale et l'insolence joyeuse de Pierre Lemaitre pour  tirer de ces quelques mois de panique et de déconfiture  peu glorieuse une épopée alerte, presque allègre,  où rien ne se prend ni au sérieux, ni au tragique,  où les personnages sont tous éminemment sympathiques- il y a bien un  garde mobile   très-vilain-pas-beau mais on le découvre pas si fin salaud que ça, finalement, il y a aussi  un voleur du bien public qui utilisera son larcin à  de nobles ...faims  et aussi un horrible magouilleur qui s'avère être un sacré débrouillard,  dans la déroute. D'ailleurs, son enfance massacrée fait qu'on lui donnerait le bon Dieu sans confession.



Surtout quand le bon dieu et la confession sont administrés par le père Désiré,   un ecclésiastique  charismatique à la charité survoltée et au latin...byzantin!



Bref, ce Miroir de nos peines porte bien mal son nom car il a le talent de nous mettre en joie, et celui de nous tenir en haleine. Je défie quiconque de lire ce bon gros livre de près  de 500 pages en plus d'une semaine: on le dévore sans modération!



Pierre Lemaitre sait pourtant mêler humour et sens du tragique : Cadres noirs que j'ai adoré me serre encore le coeur.  Et, plus près de ce dernier livre, le premier de la trilogie, Au revoir là haut,  ne manque pas de moments graves, de notes amères,  voire tristes.



Rien de cela ici.



 La déroute imprime au récit sa débandade  parfois cocasse et son rythme de  fugue.  On est littéralement emporté,  et on se cramponne  plus encore qu'on ne s'identifie aux personnages si chaleureux,  si humains pour ne pas être emporté avec elle!   Je soupçonne l'auteur de s'y être attaché autant que nous, à ses personnages,  et de s'être échiné à les sauver tous du danger ou de l'opprobre, par amitié pour eux , par empathie. On n'allait pas quand même se quitter sur une note noire!



Même l'arrivée des sinistres  vainqueurs à la messe du père Désiré est une scène  pleine d'audace, de brio et d'insolence,  proprement réjouissante,  alors qu'elle devrait augurer de  cinq années de haine, de persécution et de malheur.



C'est aussi cette subversion du tragique de l'Histoire et d'une de ses pages les moins glorieuses, les plus lamentables, qui fait du livre une étonnante réussite ! 



Je recommande chaudement ce Miroir de nos peines  qui reussit si bien à  les alléger, les distraire et les transformer en épopée joyeuse! 
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