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Critiques de Pierre Assouline (684)
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Le Nageur

Evidemment la grande force du Nageur, c’est son histoire, l’histoire exceptionnelle d’Alfred Nakache ( 1915-1983 ), tellement romanesque qu’aucun écrivain n’aurait osé imaginer un scénario aussi tragiquement débridé : un garçon juif né à Constantine devenu champion d’exception ( recordman du monde du 200 m brasse, quintuple champion de France entre autres ), représentant la France aux Jeux olympiques berlinois de 1936 puis ceux de Londres en 1948 après avoir résisté, été dénoncé et finalement déporté plus de seize mois à Auschwitz puis Buchenwald, décédé suite à un malaise alors qu’il nageait au large de Cerbère à 67 ans.



Le talent de biographe de Pierre Assouline n’est plus à prouver. Il excelle à raconter le parcours inouï d’Alfred Nakache avec un foisonnement de détails tous plus passionnants les uns que les autres : sur l’entrainement natatoire ( n’y connaissant rien au départ, j’ai eu l’impression de tout comprendre ), sur la France de l’Occupation et notamment la place du sport avec le ministre pétainiste Jean Borotra, sur la Résistance dans la région toulousaine. Y compris sur Auschwitz où je n’avais jamais lu certains faits relatés comme les combats de boxe qui y étaient organisés, déportés vs kapos voire soldats de la Wehrmacht auxquels participa le champion du monde Young Perez; ou encore le fonctionnement du Revier ( « l’hôpital » où Nakache fit office d’infirmier.



Pour autant, même si rien n’est romancé - cela aurait été indécent - tout est véridique. Le Nageur n’est pas une biographie classique, c’est le récit biographique proposé par un écrivain, une mise en scène littéraire de l’Histoire absolument remarquable. A la rigueur biographique répond une intimité, une osmose, une empathie que Pierre Assouline crée pour totalement emporter le lecteur aux côtés de ce nageur.



Il lui imagine pensées et émotions aux différentes étapes de sa vie, comblant ainsi les trous laissés par les silences d’un homme qui a toujours été pudique et s’est toujours refusé à raconter les épreuves de sa vie. Il y a des scènes inoubliables dans ce livre. Si je devais en choisir une, ce serait celle où Alfred Nakache parvient à nager clandestinement dans un des bassins-réservoirs d’Auschwitz-Monowitz ( prévus initialement pour pomper l’eau en cas d’incendie, pleins d’une eau sale et stagnante ), un projet fou pour se prouver qu’il est encore un homme car « pour un nageur, c’est un moyen de survie que de retrouver l’eau, même cette eau-là », et oublier qu’il n’est ici que le matricule 172763.



Et puis il y a ce fil conducteur parfait pour donner une vraie dynamique romanesque au récit : « si je le revois, je le tue », première phrase du livre, leitmotiv que scande le Nakache d’Assouline à maintes reprises après son expérience concentrationnaire. Ce «le », c’est Jacques Cartonnet soupçonné d’être celui qui a dénoncé Nakache, sa femme et sa fille ( toutes deux décédé ), un rival jaloux devenu ennemi. Son opposé polaire. Autant Nakache apparait comme un homme exemplaire, modeste, travailleur dont l'intégrité force l’admiration, autant Cartonnet dégoute, se vautrant dans la Collaboration, intégrant la Milice et participant au journal antisémite Je suis partout.



La natation comme sport de combat. En offrant à Alfred Nakache une vie éternelle littéraire, ce magnifique récit biographique résonne comme un appel à se dépasser et à résister en toutes circonstances.

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Tu seras un homme, mon fils

Louis Lambert est un jeune professeur de lettres au prestigieux lycée Janson-De-Sailly à Paris. Il voue à Rudyard Kipling, cet écrivain rendu célèbre outre-Atlantique et au-delà, grâce au Livre de la jungle et qui a reçu le Prix Nobel de Littérature en 1907, une admiration sans borne. Il est notamment fasciné par son poème « If », dont il rêve depuis des années d'en donner lui-même une traduction idéale. Il dit à son propos : « Outre sa forme, sa cadence, son message, sa puissance d'évocation, je dois reconnaître que son efficacité m'impressionnait ». le poème se termine par ce vers devenu le titre de ce roman « Tu seras un homme, mon fils »...

Son voeu est exaucé peu avant la Première Guerre mondiale, lorsque, par hasard, il rencontre le poète dans le Sud de la France, à Vernet-les-Bains. Une amitié va naître entre les deux hommes, Kipling, commençant par inviter le jeune homme à venir passer une semaine en Angleterre pour perfectionner le français de son fils John.

Malheureusement, cette amitié sera assombrie par la disparition de John à la bataille de Loos en 1915 à l'âge de 18 ans, disparition que son père n'admettra jamais.

Ainsi, c'est la vie De Rudyard Kipling que, par le biais de Louis Lambert et de ce fameux poème « If » « Si » en français, Pierre Assouline va nous conter.

Le récit se déroule en trois parties : la première s'intitulant Avant-guerre, la deuxième : Guerre et la dernière : Après-guerre.

Ce livre mi-biographie, mi-roman de psychologie dresse un portrait passionnant de ce génie britannique de la nouvelle et de la poésie, né à Bombay, en Inde britannique en 1835 et mort à Londres en 1936.

L'auteur nous apprend beaucoup, grâce à un énorme travail de recherche, sur sa jeunesse, sa vie familiale, son caractère colérique, sa francophilie et sa germanophobie, sa passion pour les voitures et notamment les Rolls-Royce. Il fait référence aux ouvrages publiés par celui-ci et aux effets que peut avoir la gloire sur un individu.

Il nous offre également une réflexion profonde sur les relations père-fils, ce qu'il en est de la transmission et de la responsabilité paternelles et jusqu'où un père est-il responsable de son fils ?

La guerre est bien sûr au coeur de l'ouvrage. La disparition de John au cours de celle-ci engendrera pour son père un fort sentiment de culpabilité de même que le déni de cette disparition jusqu'à la fin de sa vie. Il y aura un avant et un après la mort de John.

Ce drame raconté de façon très subtile et précise, avec une écriture sensible m'a beaucoup appris sur un écrivain que je ne connaissais quasiment que par le livre de la jungle, même si j'ai dû parfois faire quelques efforts de concentration, le texte devenant exigeant.

J'ai été très émue par ce sublime poème, enfin traduit par Louis Lambert, dans les toutes dernières pages, et offert à son propre fils partant en mission, ce poème, clé de toute une vie !


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Le dernier des Camondo

En lisant la biographie de Robert de Bonnières et les pages consacrées à son roman « Les Monach » (1884) où il observe l’aristocratie redorant son blason en s'alliant aux fortunes israélites, je me suis souvenu que ces unions sont détaillées dans « Le dernier des Camondo » que je viens de relire.



Pierre Assouline compose sa tragédie en cinq actes :

1) Dans la plaine Monceau, au printemps de 1914

2) On les appelait les Rothschild de l’Orient

3) Des Levantins dans la France de l’Affaire

4) Un aristocrate juif dans son monde

5) Splendeurs et misères des Camondo



Expulsé d’Espagne en 1492, les Camondo s’installent à Constantinople et constituent en quelques siècles une immense fortune en négociant, en finançant de grands projets ferroviaires, en contribuant à l’unité italienne. Ils s’installent en France au XIX siècle et Moise bâtit un hotel particulier en bordure du Parc Monceau et le meuble en reconstituant une demeure du XVIII siècle.



Le comte Moïse de Camondo arrive à Paris en 1869, à la fin du Second Empire, et se retrouve rapidement dans un pays vaincu par la Prusse et dans une capitale en proie aux troubles de la Commune. La III République s’instaure progressivement et trois aristocraties cohabitent alors : celle du Faubourg Saint Germain dont les familles revendiquent souvent des ancêtres ayant participé aux croisades, celle du Faubourg Saint-Honoré (à proximité de l’Elysée) datant de l’Empire, de la Restauration et de l’industrialisation, celle du Parc Monceau que les frères Pereyre aménagent et que l’aristocratie israélite investit.



Ce grand monde, ou ce petit milieu familier de Marcel Proust et de Robert de Bonnières, cohabite tant bien que mal et conclut des alliances matrimoniales, dont Pierre Assouline énumère la liste dans son quatrième acte, à une époque ou l’Affaire Dreyfus divise l’opinion. Un contexte qui incite certains couples à se convertir pour mieux s’intégrer, ce que Moïse de Camondo, qui n’était guère pratiquant, refuse catégoriquement.



Les tragédies du XX siècle achèvent la famille devenue française par le sang versé : le lieutenant Nissim de Camondo est abattu en combat aérien le 5 septembre 1917 ; sa soeur Béatrice disparait à Auschwitz en 1945 avec son mari Léon Reinach et leurs enfants Bertrand et Fanny.



Pierre Assouline écrit donc, en 1997, un essai qui, en l’absence de sources documentaires sur la famille Camondo, élargit le point de vue en racontant l’histoire et l’influence de la communauté juive de 1840 à 1940 et en disséquant l’antisémitisme sous ses divers visages. Une oeuvre assez différente de la biographie « Le Portrait » consacrée aux Rothschild en 2007, mais très complémentaire.



« Le dernier des Camondo » est, à mes yeux, le chef d’oeuvre de Pierre Assouline et il donne des codes d’accès aux romans de Proust en dévoilant les modèles de ses héros dont Nissim Bertrand. Quel dommage qu’un index des noms cités manque à cette étude !



PS : Robert de Bonnières : Vie et tourments d'un homme de lettres 'fin de siècle'
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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La Cliente

Durant l'occupation, toutes les lettres de dénonciation n'étaient pas anonymes, loin s'en faut, et c'est ainsi qu'un biographe plongé dans les archives découvre l'une d'elles signée par Cécile Armand Cavelli signalant que le fourreur Fechner ne respecte pas le « confinement ».



Cinquante ans plus tard, l'atelier Fechner est toujours installé face au fleuriste Cavelli et ces voisins cohabitent paisiblement.



Le biographe cherche à comprendre ce paradoxe, enquête, retrouve le policier Chiflet qui a traité le courrier de dénonciation et arrêté la famille Fechner.



La vérité apparait alors et ses conséquences seront mortelles !



Ce roman démarre lentement, trop lentement, et l'intrigue ne débute réellement qu'à la page 100, mais la seconde moitié est haletante et surprenante.



Pierre Assouline revient une fois encore sur cette période de l'occupation qu'il étudie depuis toujours, mais cet ouvrage prend une dimension singulière dans le contexte actuel de « sécurité sanitaire » et le portrait de ces fonctionnaires, droit dans leurs bottes, le doigt sur la couture du pantalon, appliquant les directives de l'état, sans aucun scrupule, sans moralité, sans réflexion et sens critique, est terrifiant.



Un livre d'une saisissante actualité donc.
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Tu seras un homme, mon fils

Appréciant les contes De Rudyard Kipling et les ouvrages de Pierre Assouline, je me régalai par avance de découvrir son appréciation du grand écrivain britannique, mais je dois avouer une relative déception.



Déception de constater que cet ouvrage n'a pas été relu avant d'être imprimé, ce qui nous vaut cette énormité (dans le troisième chapitre « John ») « la bibliothèque exposant les reliques du duc de Wellington, y compris le manteau qu'il portait à Trafalgar ». L'amiral Nelson a du apprécier ;-)



Déception de constater un dénigrement insidieux d'André Maurois et de Robert d'Humières, le traducteur de Kipling, mort pour la France le 26 avril 1915 en combattant à la tête de son unité de zouaves et cité à l'Ordre de l'Armée pour son héroïsme. Proposer une nouvelle traduction d'un poème n'impose pas de dénigrer ses prédécesseurs.



Rudyard Kipling ne s'est jamais remis de la mort de sa fille Joséphine en 1899 à New York et s'en est voulu d'avoir poussé son fils John à s'engager dès le début de la guerre … le lieutenant disparait à 18 ans en septembre 1915 lors de la bataille de Loos. L'écrivain se consacre alors à l'Impérial War Graves Commission et publie l'histoire du régiment d'Irish Guards de son fils.



Pierre Assouline est réputé pour ses biographies (Simenon, Jean Jardin) et ses romans historiques (Le portrait, Lutetia). « Tu seras un homme, mon fils » s'inscrit à mi distance en se limitant aux trente dernières années de Kipling (1906/1936), à son fils et au narrateur Louis Lambert dont le nom évoque un personnage de la Comédie humaine d'Honoré de Balzac, et qui semble ici un alias de l'auteur.



Méditation sur la tache et la responsabilité d'un traducteur, ce livre offre une interprétation, très réussie, du poème « If » et s'achève en un émouvant dialogue, dans l'abbaye de Westminster, en 1941, entre Louis et son fils Jean-John Lambert, engagé dans les forces française libres, à la veille de son envol vers la France … 'Tu seras un homme, mon fils, si … »



Mais Kipling n'a pas publié que ce poème … et je viens d'en profiter pour relire « Mary Postgate » … superbe portrait d'une anglaise confrontée aux bombardements allemands en 1915.
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Lutetia

« Si les murs pouvaient parler …. Ils suintent, murmurent, hurlent parfois mais ne parlent pas. A Lutetia, la musique de fond est faite de chuchotements, ceux de leur colloque ininterrompu depuis un demi-siècle. Car si tout grand hôtel est un lieu hanté, celui-ci l’est plus que d’autres. »



Pierre Assouline a choisi de nous convier à un huis-clos prestigieux, mi-historique, mi-romancé, d’un des plus grands palaces parisiens, Lutetia, nom dérivé de Lutèce dont les armes et la devise figurent aux quatre coins du palace. Lutetia, hôtel de légende dont l’histoire se confond avec la Grande Histoire de la seconde guerre mondiale. Mais il est évident que c’est le patrimoine immatériel de ce grand palace, son âme que le temps qui passe retient. Pour tout passionné d’Histoire, le Lutetia est synonyme de « retour des déportés », une période mal connue, peu racontée même dans les familles concernées ce qui est mon cas.



J’apprécie beaucoup l’auteur, ses livres sont, pour moi, toujours un excellent moment de lecture détente tout en restant instructif. C’est ce qui m’a incitée à suivre Edouard Kieffer, notre chroniqueur, Alsacien, germanophone, ancien flic des Renseignements Généraux, reconverti en responsable de la sécurité d’un des plus beaux palaces parisiens, le seul de la rive gauche « Lutetia ». De sa position privilégiée, cherchant à rester en accord avec lui-même dans une posture neutre – quoique - Edouard nous entraîne avec lui dans l’Histoire douloureuse de Paris de 1938 à 1945. Nous découvrons le Palace dès 1938 qui devient un concentré de l’ambiance du quotidien et des drames qui se jouent à Paris. On ressent à la fois la fébrilité des clients et l’atmosphère tendue entre son cortège d’interrogations, d’angoisses devant l’inéluctable qui s’annonce. On y rencontre d’illustres personnages tels que James Joyce ou Albert Cohen. C’est toute cette première partie bien qu’intéressante, qui m’a parue la moins captivante, hormis le passage dédié au Général de Gaulle.



La deuxième partie du livre évoque l’Exode pour se consacrer surtout à la réquisition du Palace par l’Abwehr (services secrets de l’état major allemand), aux rafles, aux déportations. Après la culture, l’élégance, le savoir-vivre, nous passons à l’Occupation. C’est toujours sous le regard d’Edouard Kiefer que nous participons au quotidien d’un grand hôtel mobilisé pour héberger, nourrir et divertir les troupes d’occupation. Les couloirs du Palace résonnent dorénavant des pas des dignitaires allemands. Nous y retrouvons du « beau monde » tels que Bonny et Lafont, bien connu pour leur grand humanisme et leur moralité irréprochable, les collabos, les lâches. Le récit agissant, on se transforme vite en petite souris curieuse d’en découvrir un peu plus. A aucun moment, le récit ne devient indigeste, c’est toujours extrêmement fluide et vivant.



La troisième partie est la plus émouvante bien qu’elle soit écrite avec beaucoup de délicatesse mais émotionnellement intense. Elle est consacrée à la Libération de Paris et au retour des déportés.



Sous la plume érudite de Pierre Assouline, nous assistons au retour des rapatriés qui sont pris en charge par des bénévoles dévoués, des cuisinières, des assistantes sociales, du personnel soignant et des médecins généreux, des militaires, des scouts, mais aussi parfois, des individus plus ou moins à l’écoute de la détresse humaine. Toutes ces personnes vont résider à Lutetia, pendant cinq mois, 24/24 h. Cette impressionnante organisation se fera sous l’égide d’Elizabeth Bidault, Dirigeante du COSOR, le Comité des œuvres sociales de la Résistance et de Sabine Zlatine, Responsable de la Maison des Enfants d’Izieu avec l’accord du Général de Gaulle. On imagine aisément les barrières extérieures qui forment un étrange couloir, l’arrivée des bus avec toute cette misère humaine qui en descend, les personnes stationnées sur le trottoir, maintenant au-dessus de leur tête, leur panneau indiquant le nom de la personne attendue désespérément, tous les drames et les joies qui vont se jouer entre ces murs mais aussi l’action de tous ces bénévoles qui permettra à ces « matricules » de redevenir des êtres humains.



Il y a comme un mouvement de balancier entre l’Abwher et le retour des déportés, ce dernier épisode redonnant ses lettres de noblesse à Lutetia.



L’auteur possède une très belle plume dont la qualité lui a permis d’obtenir Le Prix de la langue française. A la fois journaliste et historien, les exigences de ses métiers transparaissent dans son écriture. Lutetia est un roman historique précis doublé d’une fiction romanesque. Les trois quarts des personnages sont historiques, les lieux sont d’une description minutieuse et authentique, le couple Edouard et son amour de jeunesse Nathalie sont fictifs. L’auteur s’est appuyé sur un long travail de recherches dans les Archives du Lutetia, sur l’étendue de ses acquits sur la seconde guerre mondiale, sur le témoignage de plusieurs rescapés afin de nous offrir ce récit percutant, addictif. La citation que j’ai mise sur la cache destinée aux grands millésimes est authentique.



« Tout en avalant leur repas de midi, les enfants (de retour des camps) écoutaient Maximilien dans une quiétude monacale lire à voix haute « Le trésor de Rackham le Rouge » - en allemand – Quand je pense que neuf mois avant, ces mêmes voûtes résonnaient de ces intonations et que neuf mois après cela continuait au même endroit. Les traqués avaient succédé aux traqueurs. Mais dans la même langue. De l’entendre articulée dans la bouche de cet enfant-là et d’en mesurer l’effet immédiat, dans le regard de ces enfants-là, me donnait le frisson. Rarement la langue allemande m’avait paru aussi remarquablement appropriée à ce qu’elle exprimait. Ce qu’il peut y avoir de raideur en elle avait disparu au profit de sa sensibilité ».

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Le paquebot

Considéré à son lancement comme un fleuron de la navigation moderne, le paquebot Georges Philippar n’en coula pas moins après un incendie survenu au large d’Eden, alors qu’en mai 1932, il s’en retournait de sa croisière inaugurale à destination du Japon. Quarante-neuf passagers y laissèrent la vie, dont le journaliste Albert Londres. Pierre Assouline nous embarque dans ce tragique voyage, aux côtés d’un personnage fictif, Jacques-Marie Bauer, libraire spécialisé en livres anciens, toutefois très discret sur le véritable motif de son déplacement.





Dès l’embarquement à Marseille, commence une série d’incidents techniques qui font gloser les passagers, chacun ayant clairement à l’esprit la série noire du Titanic, du Lusitania, du Britannic et du Fontainebleau. Mais, de même que l’Europe vogue alors au-devant d’une catastrophe dont on pressent de plus en plus sûrement les inquiétants contours en refusant d’y croire encore, la petite société enfermée dans son huis clos flottant choisit de se rasséréner en n’écoutant que les ronronnantes réassurances du personnel de bord et en se pelotonnant dans le confortable raffinement d’une première classe qu’elle voudrait croire à l’abri de toute menace.





Tuant le temps à « bastinguer » face à la mer, à s’observer les uns les autres et à débattre sans fin dans un entre-soi, certes cosmopolite, mondain et cultivé, mais si replié sur lui-même et ses privilèges qu’il n’a même aucune idée des invisibles deuxième et troisième classes, ne parlons donc pas des réalités du monde, cette élite qui se veut éclairée vit suspendue dans ce faux calme qui précède la tempête, sans savoir comment réagir. Et pendant qu’elle étouffe ses pressentiments dans le déni ou s’enflamme sporadiquement dans de stériles prises de bec, elle s’achemine inexorablement vers un double naufrage annoncé, celui d’un paquebot dont on préfère ignorer les évidentes malfaçons, et celui d’une Europe incapable de se positionner face à la montée d’un nationalisme prêt à la jeter dans la barbarie.





Récit historique, Le paquebot est surtout un remarquable roman d’atmosphère, peuplé d’une galerie de portraits magnifiques, et merveilleusement rédigé dans la langue soignée d’un érudit un peu plus lucide que ses congénères parce ses lectures de La Montagne magique de Thomas Mann lui font entrevoir le gouffre qui les guette tous dans leur attente confinée. Il est aussi une puissante métaphore, questionnant nos réactions face à la montée des nationalismes, d’hier comme d’aujourd’hui.


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Le Nageur

La rivalité sportive mène parfois au pire, surtout en période de guerre et d’Occupation ! Le nageur juif Alfred Nakache, arrivé en France de Constantine en 1933 pour s’imposer multiple champion, en fait la terrible expérience lorsque, engagé dans la Résistance et dénoncé par Jacques Cartonnet – un autre membre de l’équipe française de natation, lui aussi recordman confirmé mais enrôlé dans la Milice et ardent propagandiste antisémite –, il est déporté à Auschwitz avec sa femme et sa fille âgée de deux ans, aussitôt gazées. Il survit, réussit à se remettre à niveau malgré les séquelles, et, même si un autre homme depuis sa participation aux Jeux Olympiques de Berlin, revient tel un phénix défendre les couleurs françaises à ceux de Londres. Quant à lui condamné à mort par contumace pour collaboration, Cartonnet est arrêté à deux reprises en Italie, mais chaque fois évadé, n’est plus jamais retrouvé.





Ecrivain confirmé en même temps que biographe émérite, Pierre Assouline excelle à faire palpiter la vie sur l’ossature d’une parfaite rigueur biographique. Aussi, quelle figure de roman que cet Alfred Nakache ! Phobique de l’eau, on lui apprend à nager parce que prescrit dans le Talmud. L’enfant vainc sa peur lorsque, pour s’épargner une raclée de son grand-père, il réussit à plonger pour récupérer ses chaussures jetées à l’eau par des galopins. A défaut de style à ses débuts – lors de sa première compétition, il finit même dans le couloir de nage du voisin –, sa force et son entraînement acharné dans les bassins lui valent bientôt le surnom d’Artem : le poisson en hébreu.





Il est acclamé champion à une époque où la persécution contre les Juifs ne cesse de croître, et, le premier camp de concentration déjà ouvert depuis trois ans à Dachau, il porte haut les couleurs de la France aux Jeux Olympiques de Berlin. Interdit de souiller l’eau des piscines françaises par sa « youtrerie », « ce vil personnage » qui, selon une certaine presse, « relève pour le moins du camp de concentration », continue jusqu’en 1942 à battre les records et à maintenir sa popularité auprès de la majorité du public. Finalement « déporté politique » pour « propagande antiallemande », il doit sa survie à son exceptionnelle condition physique, à son mental de résistant – il devient le « nageur d’Auschwitz » parce qu’un jour contraint par ses gardiens de plonger dans le bassin de rétention du camp, il les défie ensuite en continuant à venir y nager à leur insu –, et aussi à son affectation à l’infirmerie plutôt qu’aux kommandos de travail. Comble du comble, cela lui vaudra après-guerre des soupçons de servilité envers les Allemands. Il se sera même jamais reconnu déporté-résistant comme ses camarades de combat.





Avec un sens du détail qui nous en apprend encore à chaque page sur ces terribles années trente et quarante, en particulier sur la France antisémite, sur les enjeux politiques des Jeux Olympiques de Berlin et sur l’inconcevable réalité des camps de concentration, Pierre Assouline rend un hommage aussi saisissant que bouleversant à cet homme hors du commun si injustement oublié, un homme-poisson qui vaut l’occasion à l’écrivain de passages magnifiques sur l’art de nager et de vivre.


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Le Nageur

« Rome : Si je le revois, je le tue ». Ainsi s’ouvre la première page de cette biographie qui est à la fois, une leçon de vie et un hommage au courage d’un grand nageur qui repose en paix dans le cimetière de Sète !



Comment ne pas être fasciné par le destin de ce nageur exceptionnel, Alfred Nakache.

Né dans une famille juive de Constantine en Algérie, en 1915, cet adolescent, contrairement à tous ses camarades, a une peur bleue de l’eau. Il guérit de cette phobie a treize ans, chez les scouts, lorsqu’après une partie de foot, ses camarades jettent sa paire de chaussures au fond de la piscine. Motivé par la peur d’une correction s’il rentre en chaussettes, il va plonger à plusieurs reprises, prenant ainsi conscience qu’il peut immerger sa tête hors de l’eau sans risque de se noyer.



Avec l’un de ses camarades, il assiste à un championnat de natation à Constantine où deux militaires y font l’admiration pour leurs performances. Enthousiasmé par l’ambiance qui règne autour de ces deux nageurs, Alfred Nakache plonge dans « le grand bain » du sport et choisit la natation. « Artem » est né. Il nage comme un sac mais son entraîneur à la Jeunesse nautique constantinoise remarque chez ce nageur foutraque « « un je ne sais quoi » de subtil, d’invincible. La légende est en marche !



Avec la rigueur d’un biographe, la curiosité du journaliste, la créativité, le style d’un écrivain accompli, des mots justes, Pierre Assouline rend un vibrant hommage à ce sportif de haut niveau, Alfred Nakache. Il s’intéresse à la destinée hors du commun de ce nageur plusieurs fois champion de natation dans les années de l’entre deux guerres. Ce récit passionnant met à la fois en exergue le talent d’Artem, son tempérament méditerranéen, sa jovialité, mais aussi cette période de l’entre deux guerres tant en Algérie qu’en France. Très tôt, devenu champion de France et d’Europe, recordman du monde du 200 mètres nage libre, il va participer aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, dans un climat d’antisémitisme, pour terminer sa carrière à Londres en 1948.



A Berlin, avec l’équipe de France, il termine quatrième du relais 4 x 100 m nage libre, devant l’équipe allemande. Pour signifier son opposition à Hitler, sur le podium, il baisse la tête pendant que les autres font le salut nazi. Fidèle à ses principes, en 1942, il refusera de porter l’étoile jaune.



Devant ses performances et l’admiration qu’il suscite, Artem ne sent pas le danger arriver. Professeur d’éducation physique, c’est en zone libre qu’il prend ses quartiers avec sa femme et sa fille, à Toulouse où il s’entraîne avec les Dauphins du TOEC. Son entraîneur, Alban Minville, devant sa puissance musculaire, le persuade de pratiquer la brasse papillon.



« Tu resteras une savate en nage libre avec ton battement de pieds toujours défectueux ! Par contre en papillon, tu seras recordman du monde ».



Jacques Cartonnet qui pratique la brasse papillon, prend ombrage des performances d’Artem. La rivalité s’installe entre les deux nageurs. Cartonnet, collaborateur en herbe, dénonce Alfred en tant que Juif et résistant. Arrêté par la Gestapo, il est déporté avec son épouse Paule et sa petite fille Annie dans le camp d’Auschwitz. La notoriété d’Artem dépasse les frontières. Reconnu par ses tortionnaires, il va subir leur sadisme tout au long de sa captivité. Doté d’un instinct de survie, forgé dans le métal du dépassement de soi, auquel vient s’ajouter l’espoir de retrouver celles dont il n’a plus aucune nouvelle, son matricule gravé sur son avant bras « 172763 », il n’aura de cesse de lutter contre sa mort. Transféré à Buchenwald, il sera libéré par les américains. Terriblement diminué, il ne pèsera plus que 40 kg.

Seul un entraîneur tel qu’Alban Minville peut l’aider à se reconstruire. Pour un nageur, la sensation de l’eau peut l’amener à ressentir de nouveau son corps, ses cinq sens vont petit à petit renaître à la vie et c’est cette endurance, cette volonté, ce combat prodigieux qui suscite l’admiration. La nage va lui permettre de se reconnecter à son propre moi intime, loin du bruit, de l’agitation du monde. Evidemment, ses fantômes vont l’accompagner, se cristalliser au fond de lui, il réapprend à vivre, il résiste à la mort, domine ses pulsions, le récit est intense sous la plume de Pierre Assouline.



J’ai beaucoup aimé ce livre qui permet, à la fois de découvrir cet homme exceptionnel de courage mais aussi d’en apprendre encore un peu plus sur cette période. J’y ai découvert Constantine et les manipulations politiques, pénétré les coulisses de l’assemblée Nationale avec les débats où seule la voix de Pierre Mendes France s’opposera à la participation de la France au Jeux Olympiques de Berlin, observé l’attitude des sportifs devant la montée du nazisme, assisté aux discriminations dans les clubs sportifs, les rivalités mais aussi la solidarité.



Je pratique la natation depuis toujours même si aujourd’hui, je suis beaucoup moins assidue, Pierre Assouline m’a parlé. En suscitant ma sensibilité, il a provoqué un lien à travers son œuvre par sa manière de décrire parfaitement la volonté et la force du travail qu’il faut pour parvenir à un objectif. J’y ai retrouvé les sensations de la natation et de l’entrainement. Ses profondes connaissances de l’histoire de l’occupation et du sport ont abouti à un récit passionnant de bout en bout. De nombreuses piscines portent aujourd’hui le nom d’Alfred Nakache et d’Alban Minville, nous leur devons bien cet hommage.



Pierre Assouline est un auteur que j’apprécie tout particulièrement. En séance de dédicace dans la librairie de mon quartier, je me suis offert ce livre sans hésitation et sans connaître le sujet de ce livre. Ce fut une très belle surprise !



Une autre surprise m’attendait. Un hommage à Léon Lehrer qui a été le compagnon d’infortune d’Alfred Nakache à Auschwitz mais qui est aussi le papa d’un ami très proche et dont j’ai le livre dans ma bibliothèque « Un poulbot à Pitchipoï ». Beaucoup d’émotions dans ce livre.



« Le nageur est capable d’avancer dans la direction de son choix, si nécessaire à contre courant. Un nageur est maître de son destin ».

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Le dernier des Camondo





Je remercie mon amie Joëlle de Laplanche, "Jolap" sur Babelio, pour avoir attiré mon attention sur la dynastie des Camondo avec un tel enthousiasme. La prochaine fois que je vais à Paris je compte certainement visiter le Musée Camondo et j'espère que Joëlle sera mon guide éclairé.



Présenter cette famille de Juifs séfarades en moins de 300 pages avec une si riche multitude des données, relève de l'exploit. Si Pierre Assouline ajoute une dizaine de pages de sources, il n'a pas prévu de registre des noms, qui aurait pris le double sinon le triple du nombre des pages. La variété et la qualité des références sont tout bonnement impressionnant et cependant ne gênent nullement la lecture de cette oeuvre ambitieuse.



En 1492 les Camondo avec quelque 50.000 (estimation moyenne, en l'absence de chiffres exacts) autres Juifs furent expulsés d'Espagne. Après un bref séjour à Venise comme négociants et à Trieste (une escale), ils s'installèrent à Constantinople, où Abraham Salomon (1781-1873) devenait pour ainsi dire le patriarche des Camondo. Leur nom de famille vient de "Ca'Mondo", soit "maison du monde" en Vénitien. Un dialecte italien qui est aussi à l'origine du terme lugubre de "ghetto".



Dans l'Empire ottoman les Camondo sont devenus les banquiers des sultans et leurs affaires, commerce international et investissements immobiliers, ont pris une telle ampleur qu'au milieu du XIXe ils étaient déjà les plus riches des à peu près 200.000 Juifs qui résidaient dans cet empire, d'où leur surnom les "Rothschild de l'Orient".



Si l'on prend comme point de repère ce qui sera, un jour de décembre 1936, le Musée Nissim de Camondo, situé au 63, rue de Monceau, Paris XVIII, il faut commencer par l'arrivée en France d'Abraham de Camondo, en 1872, et l'achat par son neveu, Moïse de Camondo (1860-1935) de l'hôtel Violet en 1910. Celles et ceux qui ont lu le tome 2 des Rougon-Macquart, "La Curée" se souviendront de cet hôtel qu'Émile Zola avait baptisé l'hôtel Saccard.



À part la façade sur rue, ce bâtiment pas très vieux pourtant, car seulement de 1864, fût totalement reconstruit par l'architecte René Sergent, selon les voeux du 2e baron de Camondo de 1911 à 1914. Un bâtiment certes impressionnant mais pas tap à l'oeil comme celui de James de Rothschild que le grand Heinrich Heine avait poétiquement qualifié comme "le Versailles de la ploutocratie parisienne".



Moïse de Camondo a été avant tout un collectionneur rare au goût précis et judicieux qui avait coutume d'enrichir sa collection par des acquisitions lors des ventes ou chez les antiquaires réputés. Elle comportait des meubles, éléments de décoration et oeuvres d'art particulièrement recherchés et exclusifs. Sa bibliothèque recelait des rarissimes exemplaires de Voltaire, Cervantes, Lamartine, Molière, Rousseau etc. Sans oublier les 35 volumes reliés somptueusement de l'Encyclopédie d'Alembert et de Diderot.



Si sa collection allait bon train, sa vie personnelle, au contraire, n'avait rien de resplendissant. Moïse avait épousé la fille d'une autre famille juive richissime, Irène Cahen d'Anvers (1872-1963), qui après lui avoir donné 2 enfants, Nissim et Béatrice, a fui le domicile conjugal avec son amant. Le divorce fut prononcé en 1901, le grand argentier avait 41 ans et était un homme seul.

Cette Irène avait été peint, enfant, par le grand peintre Auguste Renoir et le tableau "La petite fille au ruban bleu" se trouve actuellement à la Fondation Bührle à Zurich.



Moïse adorait son fils et en était particulièrement fier, malheureusement, Nissim fût abattu dans son avion à Remoncourt dans les Vosges en septembre 1917, à l'âge de 25 ans. Le jeune homme était un casse-cou, qui photographiait pour l'armée les champs de bataille, tels Verdun et la Marne. Un héros récompensé par 5 citations, la croix de guerre et la Légion d'honneur à titre posthume.



La mort de son fils était pour Moïse une tragédie, car il n'y avait plus de successeur mâle pour continuer le nom. Après le mariage de sa fille avec Léon Reinach, Il se retirait petit à petit des affaires, pour s'occuper désormais quasi uniquement de l'enrichissement de sa collection. Comme, en plus, sa surdité s'empirait, il passa le plus clair de son temps dans sa magnifique bibliothèque.



C'est dans cet état d'esprit que le baron de Camondo, en janvier 1924, faisait un testament par lequel il offrait sa demeure et sa fabuleuse collection à la République française, à certaines conditions bien précises afin de la sauvegarder dans l'état qu'elle était, c-à-d de ne rien enlever, ajouter où prêter pour des expositions. Une certaine somme fût prévue pour couvrir les frais d'entretien.

Moïse de Camondo mourut le 14 novembre 1935, à l'âge de 75 ans.



La 2e guerre mondiale a signifié l'extermination des Camondo à Auschwitz, après un passage à Drancy. Y sont décédés la fille de Moïse. Béatrice, 50 ans, ainsi que son mari, Léon Reinach, tout comme ses petits-enfants Fanny, 23 ans, et Bertrand, 20 ans.



Le Musée avec sa superbe collection fût miraculeusement sauvé de la fureur nazie. L'auteur conclu par ce remarquable paragraphe : "Le dernier des Camondo avait échoué à perpétuer la dynastie. Mais en inventant sa maison... et en s'inscrivant avec force dans le patrimoine artistique de la France, il avait réussi à immortaliser le nom de tous les siens. " (page 263).



Avec ce "dernier des Camondo" Pierre Assouline a signé une oeuvre qui m'a émerveillé du début jusqu'au dernier alinéa et il a, en passant, parfaitement rappelé le monde de Marcel Proust, un voisin et relation de Moïse de Camondo.

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Albert Londres : Vie et mort d'un grand rep..

Le 21 septembre 1914, Le Matin titrait en une «Ils ont bombardé Reims et nous avons vu cela », les lecteurs voyaient tomber la première pierre de la cathédrale, Albert Londres signait son premier article.



Le 16 mai 1932, le paquebot Georges-Philipar sombrait et Albert Londres entrait dans la mythologie du journalisme.



La biographie que Pierre Assouline lui consacre raconte la carrière du journaliste qui vécut l’invasion allemande en 1914, accompagna le Général Sarrail lors de la Campagne d’Orient, dévoile les missions de l’agent de renseignements qui entra à Fiume sur les pas de d’Annunzio puis visita la Russie des soviets et l’Asie.



1923 est une année charnière ; le journaliste devient parallèlement écrivain et s’intéresse aux bagnards, au Tour de France, aux fous, à la traite des blanches et des noirs, puis aux juifs errants vers la Palestine. Albert Londres côtoie Henri Béraud, Francis Carco, Léon Daudet, Joseph Kessel, Pierre Mac Orlan, Paul Morand son épouse et celle d’Edouard Herriot, Francis Ambrière et c’est « La république des livres » (https://larepubliquedeslivres.com/) que décrit (fort bien) notre auteur.



Distinguée par le prix de l’Académie française en 1989, cette biographie m’a passionné et nous rappelle que de nombreux écrivains-journalistes comme Florence Aubenas, Jean-Paul Kaufmann, Georges Malbrunot, Daniel Pearl et Olivier Dubois risquent tout pour nous informer.



PS : ma lecture du Simenon de Pierre Assouline :
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Simenon

« Quel roman que sa vie » voici la phrase qui m'est venue à l'esprit en refermant la biographie que Pierre Assouline a consacré à Georges Simenon.



Fruit d'une impressionnante enquête, l'auteur suit le romancier en Belgique pendant sa formation, en France pendant son ascension et l'occupation, puis en Amérique après les procès de la libération et enfin en Suisse dans la dernière étape de sa vie.



Cette biographie m'a particulièrement intéressé en révélant le rôle de mentor tenu par André Gide et en montrant les rapports, parfois virils, entretenus avec les éditeurs Fayard, Gallimard et les Presses de la Cité. Assouline connaît très bien Gaston Gallimard, dont il a rédigé une biographie, mais il montre également le rôle important d'Arthème Fayard et de Sven Nielsen dans la réussite financière de l'écrivain.



Simenon démarra sa carrière en écrivant sous dix-sept pseudonymes publiés chez Tallandier, Ferenczi, etc. Il reste aujourd'hui l'un des auteurs francophones les plus lus dans le monde et ses oeuvres inspirent encore nombre de cinéastes et de feuilletonistes télévisuels.



Simenon a une solide réputation d'homme à femmes et le biographe nous raconte sa liaison torride avec Joséphine Baker, son mariage avec Tigy dans les années françaises, avec Denyse dans ses années américaines et enfin aux côtés de Teresa ... nous assistons aux conflits et aux divorces avec ses épouses et nous découvrons le dramatique suicide de sa fille Marie-Jo.



Cette biographie est hyper analytique, très/trop détaillée, nous sommes loin du format préféré de Simenon huit chapitres en deux cent quarante pages, et le lecteur devra faire un effort double pour en venir à bout ... car la fin peut paraître lente et interminable. Défaut que je n'ai pas remarqué dans les oeuvres postérieures d'Assouline (son travail sur Jean Jardin est mémorable)



Mais ces pages ont l'immense mérite de valoriser l'oeuvre de Simenon, qui ne se réduit évidemment pas aux aventures du commissaire Maigret, et fait de l'écrivain belge le Balzac du XX siècle.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Les invités

J'ai été invitée, le temps de lire quelques 200 pages à un dîner de cons, dans un des quartiers les plus chics de la capitale. Je m'y suis terriblement ennuyée. J'en baille encore en écrivant ces propos !

Sophie du Vivier, la maitresse de maison, invite un homme d'affaire étranger de la plus haute importance. Pour lui tenir compagnie le temps de cette soirée, elle convie quelques amis triés sur le volet. Cette soirée doit être brillante, alors elle frotte toutes ses idées, sélectionne ses relations afin qu'il n'y ait pas de fausses notes. Tout le vernis doit reluire de mille éclats, la table sera tirée au cordeau. Sophie du Vivier, surnommée Madamedu, va jusqu'à mesurer la distance entre les verres et les assiettes, comme à l'Elysée (copieuse !)…..Assurément l'homme d'affaires va en avoir plein la vue.

Les invités arrivent : Marie-Do, esclave de la chirurgie esthétique, Joséphine, directrice d'un programme représentant les médias, Adrien, avocat de renom, un ambassadeur, un financier etc etc…….

Ils devaient être 14. A la dernière minute quelqu'un se désiste. 13 à table ? hors de question. Quelqu'un a une idée lumineuse. Invitons la « bonne » ;

Sonia d'origine marocaine, doctorante en histoire de l'art ôte son tablier et s'assoit le plus naturellement du monde. « Tellement intelligente qu'elle n'arrive pas à éprouver de rejet » !

Et les dialogues sont consignés un peu moins naturellement d'ailleurs, enchaînant clichés, banalités, convenances, idées reçues. Tout me semble cousu avec du fil blanc.

Quelqu'un demande à Sonia « Et vous vous plaisez chez nous ? Et à la question Quelle est votre religion ? Sonia répond : le savoir-vivre !

Je n'ai pas adhéré à cette comédie outrancière où le racisme fuse dans tous les sens. Racisme latent et primaire de la part des invités en direction de Sonia ; racisme méprisant et aux traits quelques peu grossiers vis-à-vis des « bourgeois », propos mordants à l'encontre de cet ambassadeur : « son excellence Alexandre »,qui s'agrippe à son marocain un peu terni « parce qu' il n'appartenait plus à aucun réseaux au coeur des hautes nominations : ni aristocrate, ni homosexuel, ni franc-maçon » et hop ! un coup de griffe au passage pour ces trois groupes catégoriés. Pierre Assouline évoque même le racisme des gens incultes confrontés aux gens cultivés. Et si quelqu'un habite Passy alors là !!!!

Même les femmes, choisies pour ce texte bien sûr, apparaissent comme des poupées refaites et tout juste capables de s'échanger le nom de leur coiffeur ou de leur couturier. L'une d'elle semble cependant assez maligne pour glisser à l'oreille de Sonia : « séparément, ce sont tous des gens de qualité… Oui presque tous, je vous l'accorde. Mais une fois ensemble, ils en deviennent parfois imbuvables. Allez expliquer çà ! Au-delà-de deux, la vie en société agit comme une compétition d'égo où la surenchère révèle ce que l'âme a de plus noir. »

Tous se plient bon gré mal gré « aux structures élémentaires de l'apparté » .

J'ai trouvé ce récit ampoulé, éxagéré et discriminatoire vis-à-vis de pas mal de monde.

Les caricatures sont nombreuses et leur sens devient lourd à mes yeux.

J'ai refermé ce livre, très heureuse de garder un peu d'espoir sur l'être humain qu'il soit avocat, journaliste, employé de maison, français, anglais, péruvien ou femme de !

Je ne retournerai jamais dîner avec ces personnes là! jamais, jamais, jamais.....

Demain je vais réveillonner. Nous serons douze très précisément, à moins qu'une personne s'annonce à la dernière minute………..



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Le Nageur

Alfred Nakache, né le 18 novembre 1915 à Constantine et mort le 4 août 1983 à Cerbère, est un nageur et joueur de water-polo français. Surnommé « Artem », il est aussi connu sous le surnom de « nageur d'Auschwitz », où il a été déporté durant la Seconde Guerre mondiale.



J'ai pêché cette petite intro sur Wikipedia mais il est clair qu'une fois lu la biographie que nous propose Pierre Assouline, on ne peut que la trouver beaucoup trop restreinte, tellement sa vie personnelle et sa carrière professionnelle ne se résument pas uniquement à ça. Sportif de haut niveau, juif, résistant, mari et père de famille, on fait ici la connaissance d'une personnalité rayonnante.



Alfred Nakache est ce qu'on peut appeler un homme simple, toujours souriant, qui nage avant tout parce qu'il aime ça. Il a remporté de nombreuses médailles et titres (et quand on sait qu'il était aquaphobe tout gamin, on comprend à quel point il cherche toujours à se surpasser). C'est un homme brisé qui est revenu des camps de concentration, et c'est l'eau qui l'aura aidé à se relever.



Sans doute faudrait-il que j'attende un peu pour exprimer mon ressenti sur cette lecture. Je peine en effet à trouver mes mots, je ne sais comment commencer...



Je connaissais dans les grandes lignes l'histoire d'Alfred Nakache, à savoir qu'il était un grand nageur et qu'il était un rescapé d'Auschwitz. Mais ça s'arrêtait là. Pierre Assouline en fait ici une biographie complète et dès les premières lignes, j'ai su que j'aimerais beaucoup la personnalité de ce nageur hors pair.



Pierre Assouline commence son récit par son aquaphobie, jusqu'à sa notoriété et ses résultats performants. Il nous parle de sa relation avec Jacques Cartonnet, nageur lui aussi avec qui le courant n'est jamais passé, milicien et collabo qui n'est sans doute pas pour rien dans l'arrestation d'Alfred et de sa famille, qui leur a valu d'être déportés à Auschwitz. Il nous parle ensuite de son retour de cet enfer, seul, sans sa femme et sa fille qui ont été gazées à peine arrivées dans ce camp de la mort.



Et c'est là que ça devient compliqué pour moi. Jusque-là, même alors qu'Alfred tente de survivre à Auschwitz, je trouvais la plume de l'auteur certes très belle et élaborée mais plutôt impersonnelle. Mais alors comment se fait-il que l'homme brisé au retour d'Auschwitz ait pu me toucher à ce point ? Finalement peut-être pas si impersonnelle que ça... Puissante en tous les cas.



Raconter le repli d'Alfred sur lui-même, son mutisme, sa colère, son sentiment de culpabilité d'être revenu sans sa femme et sa fille. Ses proches qui ne le reconnaissent pas et ne savent comment réagir... Tout ça m'en a mis les larmes aux yeux et voyez, rien que d'écrire ces quelques mots me les redonne à nouveau...



Pierre Assouline écrit les choses telles qu'elles se sont passées. Très minutieux, il use de mots bien plus forts qu'ils n'y paraissent et nous pond un récit aussi réaliste que poignant. Aujourd'hui, grâce cette biographie, j'ai fait la connaissance d'un homme bien, bon, simple, altruiste, dont la douleur et la détresse m'ont touchée en plein cœur.

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Retour à Séfarad

En 2015, l'Espagne fait voter une loi qui accorde la nationalité aux juifs expulsés du pays en 1492. La première question qui vient à l'esprit est « Pourquoi revenir? ». Le pays est en proie à une grave crise économique et ceux qui le peuvent ont déjà quitté le territoire pour aller gagner leur vie ailleurs. Et, surtout, depuis le XVème siècle, l'eau a coulé sous les ponts… Très vite pourtant des listes se mettent à fleurir sur le net, sorties dont ne sait où (sans doute de l'ouvrage de Pere Bonnin) dans le genre, « Si votre nom figure ici, vous pouvez prétendre à la nationalité espagnole ". Personnellement, je ne connais qu'une Cubaine qui ait tenté l'aventure.



C'est donc avec beaucoup de curiosité que j'ai lu le livre de Pierre Assouline, Retour à Sefarad, qui raconte comment un beau jour, il a décidé de franchir le pas et de redevenir Espagnol: « J'ignore ce qui fait qu'un individu renonce à étudier la vie tranquille des choses pour en examiner le cours étrange, ce qui fait qu'il éprouve à un moment particulier de son existence le désir confus, bientôt mué en impérieuse nécessité, de fouiller son écheveau inextricable, de démêler l'entrelacs de ses contradictions, d'interroger ses identités pour se déplier enfin. »



Retour à Sefarad pourrait répondre à la question "Comment peut-on être Espagnol? », quand nous sommes fait d'identités multiples. Assouline va parcourir le pays, s'entretenir avec une foule d'interlocuteurs, lire, s'interroger et parler, beaucoup, tout le temps… J'adore les digressions, les associations d'idées, les portes qui s'ouvrent sur d'autres portes… j'ai donc beaucoup apprécié cet ouvrage érudit, drôle aussi, jamais pesant. Il montre une nouvelle fois et sous une autre forme, ce que l'on a déjà noté chez des romanciers aussi différents que Jodorowski, ou Alberto Gerchunoff , ou depuis l'apparition d'internet sur des blogs uruguayens ou argentins, que les Séfarades de la diaspora ont toujours gardé le souvenir de l'Espagne malgré la tragédie de l'expulsion. L'attachement au pays d'avant la reconquête, via la langue, la nourriture, et de lointaines réminiscences a perduré à travers les siècles.



Préparez-vous donc à chausser vos bottes de sept lieues, à parcourir la Red des Juderias de España et les Caminos Sefarad, à rencontrer Javier Marias, Javier Cercas, Antonio Muñoz Molina , Cervantes, Lorca, les rois catholiques, Franco, les diplomates espagnols en poste dans les pays sous occupation allemande, les cinéastes, les poètes, les quidams, et les universitaires…. Retourner à Sefarad c'est comme faire le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle (enfin j'imagine), c'est fatigant mais exaltant. C'est drôle aussi, j'ai beaucoup aimé les lignes consacrées au film culte de Bigas Luna, Jambon, Jambon, ou le passage dans lequel l'auteur, à fond dans son trip espagnol, se lève une nuit pour regarder un documentaire sur Arte consacré au cheval andalou.

Je ne connais pas l'oeuvre de Pierre Assouline dont je n'ai lu que Lutetia et Le dernier des Camondo, mais j'ai bien l'intention de poursuivre ma lecture de ses ouvrages. Je souhaite bon courage aux obstinés qui iront jusqu'au bout de démarches administratives kafkaïennes. Retrouver la nationalité espagnole via la Loi sur la Mémoire Historique pour la diaspora républicaine était quand même bien plus simple.



Seul bémol, la bibliographie en fin d'ouvrage... une centaine d'ouvrages mentionnés à la queue leu leu... il faut presque être un spécialiste en épigraphie pour arriver à tout lire...
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Le paquebot

Alors que "l’entre deux guerres" semblait voir le monde reprendre sa vitesse de croisière, le narrateur monte à bord du « Georges Philippar », le paquebot de luxe assurant la ligne d’extrême-orient, pour son voyage inaugural en Chine et au Japon. Peut-être avez-vous déjà entendu parler de ce Paquebot ? Pour ma part, j’avais oublié ce naufrage, probablement éclipsé par celui de l’Europe qui a suivi…





Le début du périple a un petit air de la croisière s’amuse, et je me demandais si j’y retrouverai la profondeur maquillée de La femme fardée, sublime, de Françoise Sagan. Le Paquebot de Luxe, au moins en ses premières et deuxièmes classes, est en effet le théâtre d’une reproduction de la « bonne » société avec ses largesses, ses faux-semblants, son fast, ses rires et ses éclats ; ses silences, aussi, durant lesquels le narrateur nous livre sa passion pour les livres de collection… et son sentiment sur les nouvelles inquiétantes de la monté du nazisme en Allemagne, qu’il est impossible d’empêcher de parvenir jusqu’au écoutilles du paquebot.





Et pour cause, beaucoup de nationalités sont représentées dans cet échantillon d’humanité. Aussi lorsque les hommes se retrouvent au fumoir pour discuter politique, c’est une véritable guerre des idéologies qui enflamme le paquebot. Mais les idées ne seront pas les seules à prendre feu : les coeurs aussi s’enflammeront, de jolies idylles provoqueront des étincelles, des rencontres sensuelles les nuits en bord de piscine feront battre les coeurs, les repas dans la salle commune seront dignes d’un levé de rideau, et certains mettront le feu aux poudres, histoire de pimenter cette traversée.





Cela dit, ceux d’entre vous qui ont reconnu le nom du paquebot savent déjà que lui aussi va s’enflammer comme ses habitants, et sombrer avec l’Europe. Si vous connaissez l’histoire, vous savez aussi quelle célébrité disparaîtra en mer à cette occasion… C’est avec une plume juste et pertinente que Pierre Assouline nous plonge dans cette ambiance qui précède deux naufrages annoncés. D’agréables références littéraires agrémentent cette traversée dans laquelle l’auteur, caché derrière son narrateur, s’amuse à semer des citations que le lecteur devra repêcher comme dans la littérature japonaise traditionnelle ; beaucoup de sentiments humains traversent le lecteur via le narrateur. Un bel hommage, une parenthèse flottante, avant de reprendre le cours de nos vies actuelles et terrestres - parfois bateaux. Un intermède rafraîchissant entre deux pavés, malgré la tragédie qu’il raconte.





« La croisière, en comédie comme en tragédie, nous avait tous révélés en nous mettant à l’épreuve. »
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Le dernier des Camondo

Pierre Assouline, avec ce roman historique, rend un très bel hommage à la famille : les Camondo.

Son livre est passionnant car il nous permet de connaître ou découvrir l'histoire des juifs à travers les Camondo.

Ces juifs d'Orient , prenant comme terre d'asile toute une succession de lieux comme Venise qui nous permet de connaître comment le ghetto est né, d'autres villes comme TRIESTE, Vienne et Istambul. C'est un voyage passionnant qui s'accomplit à travers la lecture de ce roman.

Beaucoup d' informations nous sont données comme l'intéressante naissance des noms de famille. A l'instar du nom des Rotschill, " une vieille maison de famille dans la Judengasse de Francfort, bâtisse à l'enseigne rouge("rot" pour " rouge" et " schild" pour " enseigne".

Pierre Assouline est littéralement passionnant dans la reconstitution de l'histoire de la famille des Camondo qu'il mène comme une enquête

Toujours balisée par la grande Histoire, nous expliquant les différences et les dissensions au sein du monde juif.

Les allusions et les emprunts à la Recherche du temps perdu nous montre à quel point Proust avait perçu tout ce Golgotha vivant entre le faubourg Saint-Germain, le quartier St-Honoré et la plaine Monceau.

La plaine Monceau, c'est précisément au 63 de la rue Monceau que Moïse de Camondo va faire construire un hôtel particulier, consacré par une collection d'objets, de mobilier du XVIII siècle qui était sa passion.

Cet homme va connaître une vie tragique malgré sa richesse, ses collections. Il se marie et aura deux enfants : Nissim et Béatrice.

Sa femme l'abandonne, son unique fils meurt pour la France en 1917, sa fille Béatrice et ses enfants, à peine vingt ans plus tard sont emportés dans la tourmente de l'Histoire seront déportés , et gazés à Auschwitz.

De cette famille, il ne reste plus qu'une maison au cœur de la plaine Monceau, dans le VIII arrondissement de Paris. C'est un musée qui a été décidé et offert par Moïse de Camondo.

Je ne peux que vous conseiller sa visite où le temps est suspendu, un temps retrouvé...
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Une question d'orgueil

Trahison et incompréhension ! Les mots-clés de la longue enquête dans le temps menée par Pierre Assouline pour découvrir les véritables motifs de la trahison du haut fonctionnaire français, Georges Pâques (1914-1993), qui pendant 2 décennies, de 1944 à 1963, a passé des informations et dossiers secrets dont certains importants au KGB, le service de renseignements soviétiques.



Par des lectures précédentes, entre autres "Le KGB en France" de Thierry Wolton de 1986 ainsi que mon ouvrage de référence "Encyclopedia of Cold War Espionage" de Richard Trahair et Robert L. Miller de 2009, je savais que le nom de Georges Pâques figure à côté de ceux plus célèbres comme Kim Philby, Donald Maclean, Guy Burgess, et (l'ex-sir) Anthony Blunt.



Si les raisons de ces messieurs britanniques pour être à la solde des renseignements soviétiques me paraissaient assez compréhensibles, en revanche, ceux de Georges Pâques m'échappaient. Après tout il ne faisait pas partie de la "Perfide Albion" ?

D'autant plus que Moscou a pu profiter de ses connaissances à peu de frais et que l'initiative d'une telle démarche était en plus la sienne.



Georges Pâques est né en 1914 à Chalon-sur-Saône dans une famille modeste, comme fils de coiffeur. Élève intelligent et ambitieux, il a été admis à l'École Normale Supérieure rue d'Ulm dans le même promotion que Georges Pompidou, en 1935 et a été reçu après à l'agrégation d'Italien. En Italie il s'est marié avec Viviana, une ethnologue italienne, avec qui il a eu une fille, Isabelle.



C'est en pleine guerre, en 1943 à Alger, que Pâques a pris contact avec l'attaché "culturel" de l'ambassade soviétique, en fait l'officier du KGB, Alexandre Gouzovsky, à qui il a offert ses services d'informateur, se disant écoeuré par l'impérialisme américain.



Des informations et documents confidentiels seront ainsi quasi systématiquement communiqués à l'URSS pendant presque 20 ans, jusqu'à son arrestation, le 10 août 1963 à la suite de la dénonciation du transfuge, le major du KGB Anatoli Golitsyne (1926-2008).



Un an plus tard aura lieu son procès spectaculaire et sa condamnation, le 7 juillet 1964, à perpète pour trahison.

En 1970, au bout de 7 ans de prison, il sera gracié par le Président Pompidou.

La taupe française du KGB mourra 23 ans plus tard, le 19 décembre 1993 à Paris.



Pourquoi un homme intelligent et instruit, époux et père modèle, a-t-il pu trahir la France, l'Europe occidentale et les alliés de son pays dans la guerre froide à notre pire ennemi ?



C'est avec le considérable talent qu'on lui connaît que Pierre Assouline répond à cette énigme, après des entrevues personnelles avec le traître et une analyse approfondie et pluriannuelle d'un dossier hautement complexe et délicat.



Personnellement, j'estime que la République française s'est montrée étonnamment clémente envers un citoyen qui, surtout comme haut gradé de l'OTAN, a passé des données vitales de sécurité directement à l'ennemi, notamment en matière de la question stratégiquement épineuse du statut de la ville de Berlin.



Sur internet, il existe un film documentaire russe, sous-titré en Français, qui porte le nom du bonhomme comme titre et qui relève de la pure propagande russe, une spécialité moscovite ! Dommage, car on y voit la fille Isabelle et même la petite-fille Tatiana de Georges Pâques. Voir : dailymotion.com/video/xwh86x.



L'exposé de Pierre Assouline est comme toujours instructif et un plaisir à lire, malgré le thème, avec maintes trouvailles historiques et/ ou littéraires, telle sa référence à la fameuse boutade de Talleyrand "qu'en politique la trahison est une question de date".



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Le paquebot

J'aime beaucoup l'écriture de Pierre Assouline toujours associée à des mondes perdus, des mondes d'avant.

Le Lutetia retrace l'histoire flamboyante et tragique d'un grand hôtel parisien.Les Camondo: une famille déchue..

Avec le paquebot, Pierre Assouline s'intéresse au sort d'un bateau : Le Georges Philippar dont l'histoire est une véritable tragédie. Après un voyage inaugural sur la ligne Chine, Japon .A son retour, un incendie tragique fera sombrer le paquebot au large du Yémen.

Pierre Assouline pour nous raconter ce voyage aller au départ de Marseille, se met dans la peau d'un personnage qui lui ressemble : un libraire bibliophile toujours à la recherche d'une perle rare.

Jacques Bauer voyage en première classe avec tous les aristocrates, diplomates, hommes d'affaires.

Sa sensibilité à fleur de peau lui permet de capter et de nous livrer toutes les défauts et passions de ce monde étrange, celui pour qui l'argent n'existe pas.

L'époque est déterminante, on est en 1932, et même si dans un paquebot on est coupé du monde, la peur et l'inexorable montée du nazisme nous plongent déjà dans les racines du mal. C'est au cours de conversations à bord d'un fumoir que chacun tente de faire prévaloir son avis ou de le dissimuler.

Mais l'amour est toujours présent dans les romans de Pierre Assouline, la scène de la piscine la nuit est teintée d'un certain érotisme.

Lire Pierre Assouline, c'est se plonger dans le monde d'avant, celui de l'Autriche avec Stefan Zweig, celui de Thomas Mann avec l'évocation de la Montagne magique, celui de cette vieille Europe entre les deux guerres et qui vacillera de façon tragique.



Un très beau moment de lecture qui sans conteste me poussera vers de nouveaux romans de cet auteur.

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Les invités

De cet auteur, j'avais particulièrement aimé le bouleversant "Hôtel Lutetia", d'autant plus que je sortais à peine de la lecture de "Suite française" d'Irène Nemirowsky qu'évoque Pierre Assouline dans son livre.

« Les invités » est d'un genre tout à fait différent. On a l’impression que l’auteur s’est beaucoup amusé à caricaturer cette grande bourgeoisie prétentieuse. Peut-être a-t-il profité de son récit fictif pour régler quelques comptes au passage. Toujours est-il qu’on sourit en écoutant pérorer ce petit monde infatué.

Le plus drôle, c’est la superstition qui, pour éviter les treize convives autour de la table, conduira la maitresse de maison à inviter l’employée de maison. Cette jeune femme d’origine maghrébine et dont l’esprit est bien supérieur à celui de ces grands intellectuels va bouleverser les rôles impartis.

On aurait pu tomber dans la caricature outrancière, mais Pierre Assouline sait manier la dérision avec de la légèreté et un humour grinçant.

Roman vite lu, pas du grand Assouline, mais c’est jubilatoire.





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