C`est plutôt l`écriture qui est venue à moi et s`est imposée, jusqu`à devenir vitale.
C`est une famille déchirée et la première phrase de Marthe acte cette fêlure originelle : il y a, d`un côté, les enfants et, d`un autre côté, les parents. Ces quatre-là forment bel et bien une famille, à ce détail près que cette famille est doublement clivée : non seulement les parents, Andrée et Paul, ne s`entendent pas, mais ils obligent les enfants, Marthe et Léonce, à quitter le monde rassurant de l`enfance.
Oui, à la condition de rappeler que les ogres représentent habituellement, dans les contes, la figure d`un mal dont on peut toujours se défaire, un mal qui n`est pas si mauvais que cela, en somme... Or, la trajectoire de Marthe interroge cette possibilité, un peu naïve puisque héritée des contes, de se défaire définitivement du mal.
le prince charmant ne suffit pas parce que l`amour ne suffit pas ; c`est aussi simple que cela ! Pourtant, Marthe et Florent vont vivre un amour d`une pureté et d`une intensité exceptionnelles, un amour qui tient du miracle, en effet. Mais voilà, il y a l`ogre... D`où cette passion de Marthe pour Eschyle, puisque l`oeuvre d`Eschyle rappelle à Marthe que le mal peut aussi être une tentation, un recours, une réponse qui passe par la vengeance. Marthe le sait mieux que quiconque et si elle parvient à se construire, son passé reste vivant, qui couve et gronde.
Marthe a grandi dans un univers taraudé par la violence. Chaque coup reçu a privé cette jeune fille de certains mots et l`a jetée dans un monde de silence. Pourtant, Marthe ne se résout pas au silence ; elle est même très courageuse. Dans ce carnet qu`elle destine à son frère, elle va donc écrire, coûte que coûte, pour faire échec au temps qui passe. D`où cette voix particulière, une voix qui doit composer avec un nombre restreint de mots. Marthe ose alors des associations et des raccourcis qui m`ont moi-même étonné, j`en conviens. Aucune inspiration, sauf un souffle, celui de Marthe happée par le silence, un silence qui m`a guidé durant toute l`écriture du livre.
Marthe a compris que les mots sont encore là quand tout le reste a disparu. Ce sont des fleurs séchées qui témoignent de la beauté des êtres, de la fragilité des choses, de l`éternité de certaines rencontres. Grâce à l`école, Marthe a découvert aussi des mots plus lointains, ceux des Anciens, des mots que Marthe, devenue adulte, ne cessera de traduire pour dire sa gratitude à l`égard des livres. Ces livres nous ont été transmis comme ils ont été transmis à Marthe et nous devons veiller sur eux comme ils veillent sur nous. Car nous avons besoin d`eux pour inventer nos propres paroles, bâtir nos propres livres.
Je ne vous dirai pas si j`ai écrit ce que j`ai vécu, mais je vous dirais simplement que j`ai vécu ce que j`ai écrit.
Quand j`écris ce que j`ai projeté d`écrire, je ne me sens pas bien dans mon écriture, j`écris à côté de la plaque. Au fond, les projets d`écriture m`éloignent de l`écriture. Peu à peu, j`apprends donc à ne plus me projeter et à suivre ce que j`écris, avec l`espoir que cela soit juste.
Le livre de cuisine de mon arrière grand-mère, qu`elle consultait religieusement et qui me fascinait.
Aucun.
Molloy de Samuel Beckett.
Les Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle, dans la belle traduction de Mario Meunier.
Heureusement, les livres nous préservent encore de la honte ! Un livre que je n’ai pas encore lu est comme un ami que je n’ai pas encore rencontré : tôt ou tard, nous nous reconnaîtrons - ou alors nous n’étions vraiment pas faits l’un pour l’autre.
Le dernier bateau de Siegfried Lenz.
J’essaie toujours de lire un livre comme si j’étais son seul lecteur. Cela me détourne de sa réputation et me guérit des préjugés.
Oui, la phrase qui clôt Martin Eden de Jack London : « Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir. »
Le château de Frank Kafka.
— Il s’en est fallu d’un cheveu ! Sans son regard rapide, sans ses yeux de lynx, XXX XXXX, en ce moment, ne serait peut-être plus de ce monde ! Quel désastre pour l’humanité ! Sans parler de vous, Hastings ! Qu’auriez-vous fait sans moi dans la vie, mon pauvre ami ? Je vous félicite de m’avoir encore à vos côtés ! Vous-même d’ailleurs, auriez pu être tué. Mais cela, au moins, ce ne serait pas un deuil national ! Héros de Agatha Christie