Marie Le Vaillant

L’espace d’un instant, il crut qu’il n’en serait pas capable. Il faillit faire demi-tour, le visage figé dans un masque insondable. Quelqu’un le frôla et son estomac se tordit. Mais ce n’était pas la faim, ou plutôt la soif, cette soif de sang qui le taraudait inlassablement lorsqu’il ne s’était pas nourri depuis trop longtemps. Non. Pas cette fois. Il aurait préféré, pourtant. La faim était bien plus contrôlable que la peur. Cette peur dévorante qui lui retournait l’estomac, qui le mettait aux aguets et augmentait chacun de ses sens. Il entendait son propre cœur battre à ses oreilles et pulser dans ses tempes. Mais, surtout, il sentait chaque pulsation que le sang émettait dans les veines de ceux qui passaient près de lui. Leur cœur qui battait bien plus lentement que le sien. Il inspira profondément. Mauvaise idée. L’odeur du sang qui courait dans chaque veine s’imprima dans ses narines et il tituba. Tenir bon. Ne pas céder. Si contrôler la faim était parfois difficile, maîtriser la peur s’avérait encore plus ardu. Chaque être devenait un ennemi potentiel.
Le seul danger ici, c’est toi, se morigéna-t-il.

Les livres sont des mondes à eux seuls, dit-elle. Ils contiennent des vies par dizaines, des émotions d'une pureté incomparables, ils sont les témoin de nos rires et de nos larmes, les compagnons des soirée solitaire, du froid de l'hiver ou des grillons d'été.

— C’est ça, votre info ? s’agaça Scott. Donc notre meurtrier serait une bête sauvage qui se nourrit de sang ? À moitié humaine et avec des mains d’hommes ?
— Un vampire, souffla Jeremy, comprenant aussitôt où voulait en venir William.
— Évidemment, railla Scott. Bella a été tuée et Edward Cullen laisse libre cours à sa passion vengeresse. Tous aux abris, les buveurs de sang nous envahissent !
William lui jeta un regard perdu. De qui parlait-il ? L’air railleur de l’Écossais ne lui disait rien qui vaille.
— C’est un film de vampire, expliqua vaguement Jeremy, l’air soudain très las.
— Oh. Non. Ce n’est pas ça.
— Sans blague, soupira Magaly.

— J’espère pour vous que c’est vraiment important, continua sa chef sans décolérer. Sinon, je vous jure que vous allez vous retrouver au fin fond de l’Arizona pour les dix prochaines années  !
Il battit des paupières, déstabilisé.
— Qu’est-ce qu’il y a, au fin fond de l’Arizona  ? questionna-t-il, perplexe.
— Des villages où les habitants utilisent toujours des mules pour distribuer le courrier. Et devinez quoi  ? Ils vous embaucheraient sans l’ombre d’une hésitation  !

— Je n’en peux plus de tout ça, souffla-t-il, le regard éteint. Je n’en peux plus d’être un monstre aux yeux du monde, je n’en peux plus de mentir et d’être détesté. Mais je ne peux rien y faire. Jeremy disait qu’un de mes défauts était de vouloir être apprécié de trop de gens. De tout le monde, en fait. Si c’est vrai, le moins qu’on puisse dire, c’est que j’ai lamentablement échoué.

— Quoi que vous ayez découvert, Jeremy, n’oubliez pas que tout le monde a ses secrets. Personne ne se dévoile entièrement, et les erreurs du passé ne cessent de nous hanter. Mais il vient un jour où il nous faut les oublier pour continuer à avancer, avec ce que l’on sait des autres, ce que l’on découvre, et ce qu’ils nous cachent.

Les liens du sang sont importants, mais ceux du cœur peuvent se révéler plus puissants encore.

Les défunts sont ceux qui font le plus de bruit, Elea le sait bien.

Certains prétendent que le temps guérit tout. C'est faux. Le temps de guérit rien. On apprend seulement à éviter de trop penser, à tenir à distance nos émotions les plus sombres

On trouve toujours le temps pour ce qui est important à nos yeux.