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Critiques de Maren Uthaug (98)
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Une fin heureuse

Curieux sujet,

À la lecture des premières pages on n’est pas sûr si le narrateur est sérieux ou s’amuse avec nous.

Il est nécrophile, sa maman lesbienne exerce la profession de croque-mort , son père taré, enfermé dans sa chambre passe ses journées à parler aux plantes , la maîtresse de sa mère super nana habite avec eux et à l’étage au-dessus vit le grand-père maternel, croque-mort également mais parti à la retraite pour ne plus croiser sa fille au boulot. Bref une famille qui respire la joie 😁 !



Quand à notre narrateur, Nicolas, il va faire son baptême de feu dans le métier avec l’enterrement de son père, vu que sa mère occupée le même jour avec trois autres enterrements n’en a cure, et soit disant pas le temps 😵‍💫, et gueule « Manquait plus que ça…..Trois autres enterrements viennent de tomber. Ça, c’est le mois de janvier. Les gens crèvent comme des mouches à cette saison. Fais venir un médecin pour qu’il déclare le décès, descends le corps dans la chambre froide, et puis cercueil, église, crématorium, cimetière, et que ça saute ! Tu n’auras qu’à t’envoyer la facture. » Elle s’appelle « Nana », et quelle nana, se plaint des morts, n’aime ni les hommes , ni les animaux , « Si ce clébard débarque chez moi, je le fous dans le hachoir. »



Ce livre au premier abord macabre, devient très vite addictif

et même jouissif, le narrateur remontant à ses aïeules pour raconter d’où partit cette histoire de famille de croque-morts. Des îles polynésiennes au Copenhague puant de la fin du dix-neuvième siècle on suit l’histoire palpitante de sept générations de Christian, I, II, III, IV… un plus excentrique que l’autre, surtout le V qui mesure tout avec une règle . À force de fréquenter les morts certains développeront aussi un sixième sens qui les aidera à communiquer avec eux , facilitant leurs tâches, et l’un ira même plus loin avec des relations peu orthodoxes 😇!

En parallèle l’écrivaine donne la parole à Nicolas , (dont la mère assure la sixième génération), dernier de la lignée, qui sera le seul à ne pas porter le nom Christian Christiansen, à cause de sa spéciale de mère. On y découvre le passé d’un Copenhague très sale où les épidémies se suivront sans relâche, on suit l’évolution des mœurs, des rites funéraires et celle du deuil, et on y apprend la culture nécrophile ( la mienne étant jusqu’à aujourd’hui inexistante 😁), qui s’avère d’une diversité incroyable !





Un bouquin amoral dont les scènes nécrophiles pourront choquer plus d’un (âmes sensibles s’abstenir), d’un humour corrosif où la présence du diable se manifeste temporairement dans les yeux des protagonistes avec contour des iris rouge comme le feu 😈. Aucun de ces soi-disant bémols apparents n’arrivent à ombrager cet excellent livre , une curiosité’où la gravité du sujet est contrebalancé très habilement par l’humour jusqu’au titre 😁!

Conseille absolument 😈!



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Là où sont les oiseaux

Une fois n’est pas coutume, les éditions Gallmeister nous amènent avec ce roman au large de la Norvège, dans le phare d’une bourgade côtière. Une destination rafraîchissante pour l’été, qui met dans l’ambiance des plages battues par les vents !

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En tant qu’élu de cette maison d’édition, Là où sont les oiseaux peut se revendiquer d’un nature writing maritime qui nous fait prendre une grande bouffée d’embruns de plein fouet. En fait de grands espaces, l’océan à perte de vue soumis aux aléas du temps : beau l’été, tempêtueux l’hiver, un peu à l’image des personnages de ce livre sur lesquels il déteint forcément, tout isolés qu’ils sont, et entièrement dépendants de son bon gré. Ces personnages sont au nombre de trois principaux, qui nous prêteront tour à tour leur point de vue sur leur histoire. Glauque.

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Johan, né dans ce petit village de la côte très chrétien où les rumeurs vont bon train va, pour préserver du besoin et du qu’en dira-t-on sa mère, veuve et trop âgée pour travailler, renoncer à épouser la femme impopulaire qu’il aime, le temps de se faire une situation et de pouvoir s’enfuir avec elle en Amérique. Ca, c’était le plan d’une jeunesse fougueuse, que la vie se chargera de leur faire revoir car, en les séparant, elle créera une souffrance si indicible qu’elle s’immiscera dans les moindres failles de l’existence de Johan, le faisant basculer lentement mais sûrement dans l’alcool mais, plus encore, jusque dans les tabous sociétaux les plus obscurs…

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Marie, la fille du pasteur, acceptera d’épouser Johan pour accéder ensemble à la situation honorable de gardien de phare, qui ne peut être confiée qu’à une famille tant un homme seul deviendrait vite fou et alcoolique dans cet isolement forcé. Contre toute attente, elle acceptera très vite ce mariage, avec autant d’empressement qu’elle aura à le quitter l’été pour d’étranges « vacances » sur la terre ferme… Une absence qui, malheureusement, arrangera bien Johan.

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Et puis il y a Darling, leur fille. Ceux qui ont précédemment lu le roman intitulé My Absolute Darling ne voudront plus jamais lire un livre dont c’est le prénom de l’héroïne. Darling, jolie sirène qui ne cesse de hurler intérieurement à chaque intrusion dans son intimité, a un plan pour se sortir de cet enfer : Rejoindre sa gouvernante partie en Amérique visiter une certaine Hanna. Hanna, un prénom qui suffit étrangement à rendre son père complètement fou, désespérément fou…

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Chaque point de vue va successivement venir boucher les trous du récit du précédent, offrir un autre éclairage sur les faits, puis poursuivre le récit un peu plus loin. Loin de lire trois fois la même histoire, chacune se complète pour reconstituer celle qui les lie et celles qui les séparent en secret, et en tresser les tenants et aboutissants. Un roman sur les drames silencieux d’habitants dont la vie rude et isolée de tout les soumet aux caprices du temps et du mauvais sort qui semble, cependant, particulièrement s’acharner sur eux dans cette histoire.

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Entre observation d’une nature où il faut se montrer humble pour survivre, et questionnements autobiographiques, Là où sont les oiseaux ne dépareille pas dans la très belle collection Gallmeister, qui prouve une nouvelle fois qu’elle sait se renouveler sans décevoir. Âmes sensibles aux enfants, s’abstenir peut-être. Quant à moi, et sous cette réserve, je rajoute avec entrain ce livre à ma liste de propositions de lectures estivales ! Une histoire et des personnages qui sont restés imprégnés sur mes rétines après fermeture du livre.
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Là où sont les oiseaux

Encore une somptueuse couverture qui ne pouvait que m'attirer... Pour découvrir que, bien évidemment, il s'agissait d'une publication des éditions Gallmeister!



Sorties en 2021 de leur cadre américain habituel avec "L'Île des âmes" de P. Pulixi, polar sombre en terres sardes, ce roman "Là où sont les oiseaux" appartient lui aussi à un registre noir, mais nous isole à Ørland, sur la côte ouest norvégienne, qui s'émousse en presqu'île et cheptel d'îlots. Sur l'un d'eux, trône le phare de Kjeungskjær, où se déroule une grande partie du récit.



Dans ce petit village côtier, les vies sont dures en 1920; paysans et marins sont rudes à la tâche, mais le malheur peut frapper sans hésitation, laissant les familles dans le désarroi.

L'auteure dresse donc un panorama social de ces jours anciens, inspirée par les histoires du cru et celles de sa propre famille, leguée par sa mère et sa tante, originaires d'Ørland. Maren Uthaug a aussi nourri son récit de ses recherches sur cette période, détaillant la vie au quotidien et conférant ainsi un réel ancrage des personnages dans une réalité âpre, à la façon des écrivains naturalistes.



L'auteure nous raconte Johan, son père emporté par les affres de la vie, sa vieille mère affligée et acariâtre. Son amour pour Hannah, ses rêves d'Amérique, ses espoirs d'échapper à la même vie de malheur que ses parents... Mais rien ne se passera comme espéré. C'est finalement Marie que Johan épousera, tout en devenant gardien du phare de Kjeungskjær. Ils bâtiront leurs vies sur cet éperon rocheux, battus par les vents, avec leurs deux enfants, Darling et Valdemar.

Un phare, l'isolement, une vie de couple aride et beaucoup de désillusions.

Mais au phare comme à terre, l'isolement est plutôt dans le coeur des personnages. Qu'ils sont seuls ces gens qui se croisent sans s'aimer vraiment, qu'il est étriqué leur monde qui confine au vase clos, qu'ils sont ternes tous ces personnages et que la vie est triste dans cette communauté, où personne n'utilise vraiment sa liberté, mais où tous semblent subir leurs vies, contraints à des non-choix.

Mais au delà de la tristesse, c'est le glauque qui l'emporte. Tous les évènements s'enchaînent effroyablement pour aboutir à cette vie qui se révélera sordide.



Le seul personnage qui promène sa lumière sur les autres est Gùdrun, la préceptrice des enfants du phare, qui a refusé les diktats du patriarcat et a troqué un "avenir-avec-mari" contre un projet de voyage autour du monde. Sa bonne humeur, son audace et sa courageuse ambition d'être une femme qui se suffit à elle-même contraste grandement avec l'attitude des autres protagonistes qui s'embourbent dans leur passivité et subissent l'existence sans jamais oser bousculer l'ordre établi et la poisseuse destinée qu'ils ont contribué à tisser, comme une toile d'araignée.

Darling pourtant essaiera, prête à tout pour échapper à ce chemin de malheur, mais le prix de ce que l'on croit être la liberté est exorbitant...



Le roman est très finement construit car il se focalise tour à tour sur un des trois personnages principaux : Johan, Marie et Darling. En alternant ces trois narrations, Maren Uthaug "rebat les cartes" et offre ainsi subrepticement un éclairage supplémentaire, parfois différent, mais qui renforce le récit, comme autant de petits points brodés avec des fils de couleur différentes viendraient composer une broderie de plus en plus fine et détaillée: ainsi le lecteur passe par une même scène, mais vécue par 3 personnes différentes.



La construction du récit est donc très intéressante mais parfois contraignante pour le lecteur qui doit faire appel à sa mémoire pour mettre constamment en correspondance ces différents points de vue et les faire coïncider, comme on superposerait plusieurs feuilles de calque, chacune représentant un motif parcellaire, pour au final constituer un seul et même dessin complet.



Les femmes subissent avec peine et résignation un sort quasi funeste. Les enfants paient pour les péchés de leurs parents. Et même lorsqu'on cherche à échapper à ce déterminisme et à un "fatalisme à la Thomas Hardy", aussi loin qu'elles puissent fuir Ørland, elles finissent toujours par revenir sans parvenir à éviter la tragédie. La vie à Ørland se referme comme un piège sur ses protagonistes, plus cruellement si elles sont femmes.



À la façon d'un conte, ou plutôt d'une fable réaliste, l'auteure enferme ses personnages dans un engrenage tragique, condamnant leur tentative d'envolée à une chute inévitable, accablant chaque protagoniste comme un lépidoptériste épingle ses papillons.



Maren Uthaug est une écrivaine surprenante. Elle aura réussi à me berner en me faisant d'abord croire, donnant la parole à Johan, à un roman naturaliste, m'immergeant dans un récit d'antan. Puis elle m'a malmenée en basculant dans une étude de mœurs acide où j'ai eu la sensation désagréable de "tourner en rond" dans ce microcosme gluant et vaseux. Enfin, elle a donné toute sa dimension au récit, en l'enrichissant des points de vue de Marie et Darling, et je n'ai plus pu lâcher le roman.

Quelle douloureuse radiographie d'une existence où l'on est rattrapé par ses fuites et par les errements de ses propres parents. Et où la vie n'est qu'un labyrinthe géant, alors que croyant enfin avoir échappé à son sort, on est en fait revenu au point de départ...

Au final ce phare n'aura pas tant été une lumière dans l'existence des habitants d'Ørland, qu'un moyen d'éclairer les drames silencieux qui s'y jouèrent.
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Et voilà tout (La petite fille et le monde se..

« Risten deviendrait Kirsten. Ça sonnait autrement plus danois.

J’imagine que ça ne devrait pas trop poser de problèmes, dit Knut.

Du moins tant que Risten n’a rien contre. Risten haussa les épaules en guise de réponse.

Et voilà tout. »



Non, voilà rien du tout ! C’est le roman d’un déracinement qui m’a collé les tripes à l’air, ce sont les minorités nationales norvégiennes qui trinquent. Les Sames et les Kvènes en général et l’histoire de la famille de Risten en particulier où tout est embrouillé par les disparités spirituelles et emmêlé par la hiérarchie des ethnies.



L’écriture de Maren Uthaug possède une telle acuité et une telle justesse dans les chagrins et les tourments de son héroïne qu’il me semble improbable qu’elle n’ait pas vécu elle-même les inégalités et les divisions de ce morceau d’Europe où les croyances shamaniques demeurent.



J’ai adoré ressentir l’affection que Risten porte à Ahkku sa grand-mère qui la protège des méchants sous-terriens qui te capturent et des aurores boréales qui dès qu’on les regarde t’ensorcellent.

J’ai gouté avec avidité à l’exotisme de ce roman aussi déroutant par le milieu glacial du grand nord que par les allures et les caractères aussi troublants que réconfortants des protagonistes.

J’ai savouré le langage leste et cru rendu nécessaire par des situations cocasses et grivoises si plausibles et tellement jubilatoires.



L’humour omniprésent apporte une fraicheur et une légèreté bénéfique à ce drame familial qui réserve aux lecteurs un lot d’imprévisibles rebondissements passionnants.



Risten, ta rébellion légitime m’a fait assimiler que la révélations des secrets bouleverse l’existence et illumine l’avenir mais que du coup : « c’est dur de rentrer chez soi quand ce foyer n’est plus le sien. »



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Et voilà tout (La petite fille et le monde se..

Une découverte et un dépaysement complets avec ce premier roman d'une illustratrice danoise , de renom [mère norvégienne et père same] qui narre justement l'enfance d'une petite fille,née , elle, d'un père norvégien et d'une mère same. Cette communauté same , plus connue chez sous le terme de "lapone"...



Dans la note préliminaire du traducteur, Jean-Baptiste Coursaud, nous

apprenons que ce terme "Same" est péjoratif, issu du substantif "lapp" signifiant "haillons" , "lambeaux"; il désigne en réalité l'habit traditionnel porté par les Sames....





"Nomades à l'origine, les Sames ont de fait été victimes, par les nations sur lesquelles s'étendent leurs terres (tant par l'administration que par l'église d'état), d'une assimilation forcée qualifiée par eux-mêmes de

génocide culturel, un ostracisme qui prend fin après 1945. " (p. 7)



Risten passe sa petite enfance (jusqu'à ses 7 ans) chez les Sames, peuple autochtone, tout au nord de la Norvège, entre ses parents qui se déchirent, et une grand-mère ancrée dans les traditions les plus profondes des Sames,

et qui ne cache pas son rejet de son gendre, qui a le plus gros défaut à ses yeux: il est Norvégien, comme un ennemi avant tout !



Risten adore sa grand-mère comme elle aime ses parents, même si elle est plus proche de son papa et qu'elle ne saisit pas la froideur maternelle !



Un jour, le père, pour échapper à cette ambiance mortifère et protéger sa petite-fille de la folie de sa belle-famille, part vers le Sud du Danemark vivre avec sa nouvelle amie...Pour atténuer cette séparation brutale, le

père précise à son enfant que ce départ n'est que momentané, pour des vacances !



Risten ne reverra plus sa grand-mère vivante, et sa mère, elle la retrouvera 20 années plus tard, lorsqu'elle en fera elle-même la démarche... arrivant, pour ces retrouvailles tardives, avec son petit garçon...



Une très émouvante évocation d'une enfance déracinée, et une description passionnante d'une communauté méconnue, et singulièrement sacrifiée !



Une très intéressante lecture, qui semble posséder des échos nombreux dans la propre vie de l'écrivaine.

Je vais aller chercher le contenu des illustrations de cette illustratrice et auteur de BD....Là aussi peut-être l'univers de son enfance lapone a dû transparaître dans ses "oeuvres graphiques" ... Car au fil de ce roman, on

voit cette petite fille, le crayon et le papier à dessin, pour "croquer" en permanence son environnement, par passion, besoin instinctif et irrépressible, mais aussi pour amadouer et se faire pardonner, à l'occasion, des uns et les autres.





In-fine, un très court lexique de quelques termes "sames" spécifiques !!



A peine retrouvée, Risten revient à Copenhague et apprend le suicide de sa mère, condamnée par un cancer...

... après un suspens particulier, un secret de famille se dévoile... La véritable filiation de Risten... Je ne vous en dirai pas plus !...



Une auteure ... qui j'espère poursuivra, en dehors de sa carrière d'illustratrice, l'écriture....A suivre fort attentivement !



"Le premier hiver au Danemark, Kirsten se rendit compte qu'elle échappait ainsi à l'un de ses pires cauchemars: les auréoles boréales. Ici, les nuits étaient uniquement noires et constellées d'étoiles. Parfois éclairées par la lune, elle-même de temps en temps pleine. Autrement dit, des nuits supportables". (p. 103)









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Et voilà tout (La petite fille et le monde se..

Une fois n'est pas coutume, les éditions Gallmeister proposent à leurs lecteurs un voyage en Scandinavie, ça change des grands espaces américains. Mais les grands espaces sont quand même là, qu'on se rassure. Nous sommes en Norvège du Nord puis au Danemark.



La Norvège du Nord est une terre peu peuplée où l'on dénombre plus de rennes que d'humains. Mais des humains sont quand même là depuis des temps quasi immémoriaux : les Sames et les Kvènes, des peuples lapons nomades et éleveurs qui font figure de minorités sur un territoire où s'inscrit pourtant toute leur histoire.



Une histoire basée sur de belles légendes, gravées dans la mémoire des femmes du pays [tiens, ça me rappelle la magnifique chanson "Marie-Jeanne Gabrielle" de Louis Capart, fin du hors-sujet].



Kirsten, la jeune héroïne de ce roman initiatique a passé sa petite enfance au sein de sa famille same, sur les genoux de sa grand-mère qui lui a transmis oralement les traditions fantastiques et folkloriques du peuple de sa mère - qui a commis l'offense impardonnable de se marier à un Norvégien d'Oslo. Kirsten grandit donc avec la crainte incessante que des créatures non-humaines et souterraines viennent l'enlever pour l'entraîner de force dans les entrailles de la terre.



Cette éducation peu commune aura sur son développement d'enfant puis d'adolescente des conséquences telles qu'elles rendront sa nouvelle vie au Danemark, où son père refait sa vie en l'emmenant avec lui, plutôt difficiles en termes d'intégration. Kirsten, en plus de devoir apprendre une nouvelle langue, se sentira toujours à part, tout comme "Niels", le jeune réfugié vietnamien hébergé par sa belle-mère. Une complicité intime et profonde unira les deux enfants déracinés et exilés, chacun en quête d'une figure maternelle perdue dans un passé flou ou fantasmagorique.



"Et voilà tout" est un premier roman ; on a du mal à le croire tant le roman est bien structuré, bien écrit (et bien traduit), tour à tour coloré et angoissant. Surprenant. C'est un récit qui explore beaucoup de thèmes intéressants comme l'identité, la nationalité, le rattachement culturel, la mutation des civilisations, les flux migratoires et surtout les rapports entre enfants et parents.



Une belle découverte qui change agréablement des polars scandinaves qui se vendent à la tonne, prouvant ainsi que quand un éditeur veut bien s'en donner la peine, il peut ne pas céder à la facilité et dénicher des pépites.





Challenge TOTEM

Challenge ENTRE DEUX 2023

Challenge PLUMES FEMININES 2023

Challenge MULTI-DEFIS 2023
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Et voilà tout (La petite fille et le monde se..

‌Le titre "Et voilà tout" , frôlant le patapouf, comme celui de la précédente édition "La petite fille et le monde secret", au niaiseux fatal, sont bien impotents pour porter le charme puissant de ce livre. Ces béquilles pour éléphant fraîchement plâtré sont bien loin de l’habileté d'un texte d'eau vive, aux tourbillons irrésistibles.





Après un début un peu faseyant, l'art d'écrire de Maren Uthaug s'ancre prestement et zoome avec brio sur des moments de vie formidablement bien vus, triviaux ou essentiels, toujours frappants de vérité. L'empathie s'impose rapidement pour ne plus nous lâcher et on finit bien calés au fond de ce boa au moelleux de première classe qui nous aura subrepticement dévorés à notre plus grande satisfaction.





Caméra à l'épaule, l'auteur ne loupe aucun personnage haut en couleur, aucun moment décisif, aucun sentiment habilement dissimulé sous des objets fétiches.

Un humour subtil huile de joie un lecteur déjà comblé.



Le thriller génétique est la bouchée de saumon sur la patate, nous faisant tambouriner sur la dernière page , refusant de croire que l'auteur nous a porté sans ménagement l'estocade de son point final .



Merveilleux livre donc, abordant la culture samie, dont on a des aperçus très vivants , transmis de sa grand-mère à Risten et cristallisant sur des êtres légendaires et des talismans caressés toute une vie.

Une vie ballotée entre Norvège et Danemark pour cette enfant aux adultes défaillants mais qui saura s'abreuver à des rivières souterraines.

Un grand plaisir de lecture !

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Une fin heureuse

Nicolas est nécrophile. Je ne divulgâche rien : il l’avoue lui-même dès la troisième page, et le lecteur mis dans la confidence comprend tout de suite à quel point c’est un secret lourd à porter. Les Christiansen (jusqu’à la mère de Nicolas et lui-même, tous les repreneurs de la prospère entreprise de pompes funèbres s’appelaient Christian), tous les Christiansen, donc, sont croque-morts de père en fils. Ça tombe bien, si j’ose dire. 😉 Nicolas reviendra plus tard sur son enfance. Pour le moment, il part en voyage avec ses deux enfants endormis sur la banquette-arrière de la voiture. Espérons que le somnifère qu’il leur a administré fasse effet assez longtemps ! Avant même de mettre à exécution son projet, il éprouve de la honte et des regrets anticipés : pourvu qu’il se dégonfle ! Est-ce que cela laisse présager une fin heureuse ?

***

Nicolas nous raconte l’histoire de sa famille en commençant par Christian I, premier du nom. Nous ferons la connaissance de tous les Christian, jusqu’à Christian V, père de Lone Helle (Nana), la mère de Nicolas. Quant à Christian VI, il dort sur la banquette-arrière… Chaque histoire est précédée d’un arbre généalogique, enrichi chaque fois d’une génération, et qui, en plus des liens de parenté, donne à lire une particularité frappante de chacun des personnages qui y figurent. Nicolas nous raconte les vies de ses ancêtres telles que son grand-père, Nicolas V, les lui a confiées. Avant chaque partie racontant la vie de ses prédécesseurs, le lecteur pourra prendre connaissance de la drôle vie de Nicolas : une enfance pour le moins bizarre, l’aveu de sa « particularité » (ils en ont tous une, 😱), la honte éprouvée, la lucidité portée sur les membres de la famille, les yeux bordés de rouge de certains, la diversité et l’intensité de leur folie, etc. Et pendant ce temps, les enfants sont toujours endormis sur la banquette arrière…

***

Il me manquait un U pour le challenge ABC, et voilà que je tombe sur la très tentante critique de @Bookycooky à propos du roman inclassable de Maren Uthaug ! Je n’allais pas laisser passer l’occasion et j’ai bien fait ! Disons-le tout de suite : âme sensibles s’abstenir… Outre les quelques scènes de nécrophilie, vous serez conviés à la douce mise à mort (obligatoire et consensuelle à tel endroit à telle époque) de quelques nouveau-nés, vous constaterez les progrès immenses de la thanatopraxie au grè des massacres et épidémies diverses à Copenhague, vous rencontrerez quelques fantômes, vus ou non par les originaux de la famille, j’en passe et des meilleures… L’humour noir, vraiment très noir, qui habite tout le roman nous place toujours sur le fil : la marge est vraiment mince pour ne pas basculer complètement dans l’horreur, mais une remarque, une forme de naïveté d’un des personnage, la réelle bonté de certains autres empêchent la chute dans l’ignoble. Parlons-en de la chute ? Vous plaisantez ! Je ne vais sûrement pas vous dire comment se termine une fin heureuse, ni si les enfants continuent à dormir sur la banquette-arrière…

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Là où sont les oiseaux

Coup de cœur



Cette autrice danoise nous emmène dans un phare au large des côtes norvégiennes entre les années 1920 - 1950.



Johan aime Hannah mais c'est avec Marie qu'il se marie et fonde une famille pour pouvoir devenir gardien de phare et subvenir ainsi aux besoins de sa famille mais aussi de sa mère, veuve. Durant 7 ans, Johan arrive à concilier ses 2 vies avec ses 2 femmes jusqu'au jour où Hannah disparaît, faisant voler en éclat le fragile équilibre qu'il avait trouvé.



Un prologue, un épilogue, et entre, 3 parties qui mettent en exergue 3 personnages, Johan, Darling sa fille et Marie son épouse. On revit à peu près la même histoire, les mêmes événements à travers le prisme de chacun d'entre eux. Ils se dévoilent au lecteur par petites touches. On les découvre ou les redécouvre. Il en est de même pour les personnages qu'ils croisent. On en arrive même parfois à se demander si ce sont bien les mêmes personnes, car vues à travers un autre regard, elles peuvent être profondément transformées.



Viols, incestes, handicap, solitude, pas grand chose ne leur est épargné. La vie est rude, âpre. La nature tient également un rôle important. Ce sont les éditions Gallmeister, spécialisée en "nature writing", qui publient ce roman, donc, ce n'est pas surprenant.

Les secrets, les mensonges, les faux-semblants font des ravages, induisant les gens en erreur, leur faisant parfois commettre l'impensable en toute bonne foi. Rien ne se passe comme voulu. Les espoirs sont balayés à grand coup de tempête. On peut vivre à côté de quelqu'un dans une proximité physique incontestable, et ne jamais avoir été aussi éloigné mentalement. Le corps et l'esprit sont dissociés.



Une habile, intéressante et belle construction, une écriture fluide, précise, percutante, beaucoup d'émotion, de sentiment, la désillusion à chaque coin de rues ou presque, c'est un beau roman, sombre avec parfois la percée de quelques lueurs. A peine commencé que je l'avais déjà fini sans m'en rendre compte. Quand on ne voit pas le temps passé, c'est plutôt bon signe, n'est-ce pas ?

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Là où sont les oiseaux

Aux confins du naturalisme, flirtant parfois avec la tragédie, ce roman aux pages poisseuses emporte au plus profond de l'homme, dans ses plus bas instincts alors qu'il est livré aux éléments déchaînés et face à lui-même. Drame familial empruntant à Zola autant qu'à Shakespeare, Là où sont les oiseaux est pourtant écrit dans un style qui n'a rien de l'aridité de ses personnages... Maren Uthaug transforme les rumeurs entendues dans son enfance, fait du phare rouge et du hangar à bateau les théâtres de toutes les turpitudes (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/10/14/la-ou-sont-les-oiseaux-maren-uthaug/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Et voilà tout (La petite fille et le monde se..

Risten est une petite fille Sames qui grandit auprès d'une mère un peu indifférente, d'un père norvégien qui ne semble pas à sa place parmi les sames et d'une grand-mère qui lui raconte comment se protéger des sous-terriens et des aurores boréales. Une drôle de famille, inquiétante par moment, d'autant que la tante et l'oncle semblent avoir perdus la tête. Knut emmène sa fille vivre à Copenhague où les histoires de la grand-mère la suivent et font d'elle une adolescente difficile à comprendre.

J'ai dévoré cette histoire, c'est vraiment prenant ! On découvre bien sûr la culture des Sames mais de nombreux thèmes sont abordés comme la découverte de la sexualité, le déracinement, l'impact que peuvent avoir les histoires que l'on racontent aux enfants. De plus s'ajoute un secret, que l'on ne voit pas forcement arriver ! Une lecture qui nous fait voyager auprès de personnages attachants.

Challenge Totem
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Là où sont les oiseaux

Je continue mon incursion hors des frontières de l’Amérique avec les éditions Gallmeister et ce très beau roman de la Danoise Maren Uthaug. Cap au large du village norvégien de Uthaug, au phare de Kjeungskjaer.



Johan, après avoir épousé Marie alors qu’il est encore l’amant d’Hannah, prend le poste de gardien du phare. Marie tombe très vite enceinte et Darling naît.



Leur vie s’organise à bord de ce phare, en pleine mer, dans la longueur et la froideur des hivers scandinaves. Tous les personnages se sentent seuls, sont frustrés et aimeraient être ailleurs, avec d’autres gens.



Le récit alterne les points de vue. Johan, Darling puis Marie viennent chacun donner leur éclairage aux différentes péripéties, nous livrant une pièce du puzzle de cette histoire familiale. J’aime beaucoup ce procédé, qui permet de rentrer dans les têtes des membres de cette famille, quand bien même le récit est à la troisième personne.



Le roman s’ouvre sur une scène de suicide qui laisse présager les nombreux drames à venir et l’atmosphère noire, presque poisseuse, qui se dégage de ces pages. Les secrets pèsent très lourd et on comprend vite que le phare est le théâtre d’une tragédie qui n’épargne personne. Les protagonistes subissent et sont l’instrument du destin. Les rares fois où ils tentent d’être libres, leur funeste sort les rappelle à l'ordre. Les hommes sont rustres et grossiers et les femmes expérimentent dans leur chair la violence et le contrôle des hommes… C’est d’une rare noirceur mais l’écriture de l’auteure et le personnage de la jeune gouvernante Gudrun apportent un peu de lumière à ce récit glauque.



Un roman choral sombre, vous l’aurez compris, mais qui nous emmène sans difficulté à une autre époque et dans un autre pays, grâce au travail de recherche de l’auteure sur sa propre famille et sur les lieux.



L’alternance de point de vue rend ce roman riche et distille du suspens au fur et à mesure de la lecture. Je l’ai lu en quelques jours avec impatience et plaisir, malgré l’âpreté des vies qu’on y croise.



J’ai frôlé le coup de cœur, vraiment ! Mais j’aurais aimé ressentir encore davantage les rudesses du climat et les forces de l'océan. Le titre, très évocateur, n’est pas assez développé. Une belle métaphore aurait pu être filée.

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Là où sont les oiseaux

Il y a du bon et du moins bon dans le catalogue de l'éditeur Gallmeister.





Ici à force de secrets dévoilés, de drames qui s'enchaînent et d'invraisemblances expliquées par la petitesse du territoire sur lesquels les protagonistes de cette saga familial vivent et meurent, j'ai fini par avoir le sentiment de lire un mauvais soap opéra, une sorte de "feux de l'amour"à la danoise.

Pourtant les ingrédients de départ me plaisaient bien : un phare au large de la Norvège, un homme Johan gardien de ce phare mais rêvant d'Amérique pour rejoindre son premier amour, Hannah. J'ai trouvé certains passages beaux même si plus j'avançais dans l'histoire, plus ce Johan me paraissait rustre et un peu "limité" intellectuellement.

Et puis l'auteur a changé de point de vue, nous racontant la même histoire de famille (celle de Johan, de sa femme Marie et de leurs deux enfants mais aussi de Gundrun, la gouvernante, du pasteur et des figures locales) du point de vue de sa fille Darling et de sa mère. Et que de révélations au passage !

J'ai été jusqu'au bout néanmoins de cette histoire où je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages qui semblent tous condamnés à un destin sordide !
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Une fin heureuse

Nicolas s’apprête à partir en voyage de son Danemark natal avec ses deux enfants, un voyage à Berlin qui ressemble plutôt à une fuite.



Que va-t-il se passer? Pourquoi ce départ précipité?…. Il faut dire que Nicolas, héritier d’une longue lignée de croque-morts est affublé d’une honteuse pathologie de nécrophile, et ce voyage sera aussi l'occasion de retracer l’histoire de tous les ancêtres de Nicolas pour comprendre le présent.



On pense forcément à Six feet under à la lecture de cette saga d'une famille dont la profession est croque-mort depuis sept générations mais ce roman danois est plus culotté, plus cru, plus loufoque aussi que la série culte d'Alan Balls qui a fait les grandes heures de HBO.A sa facon très personnelle de nous raconter une histoire, Maren Uthang dont on avait pourtant aimé que modérement le précédent roman, La ou vont les oiseaux nous offre un vrai régal de lecture, à l’humour complètement décalé et savoureux.



Sans doute un des meilleurs romans en littérature étrangère en 2023 , sorti au printemps dernier, et à rattraper en cette fin d'année si vous vous voulez une fin (d'année) heureuse et il n'est pas étonnant que cela soit les toujours épatants Gallmeister qui nous la propose.
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Une fin heureuse

Curieux, curieux ! Une drôle d’histoire. J’ai attendu quelques jours après avoir terminé ce livre (au titre assez mièvre mais avant la lecture) pour en faire un petit billet.

J’ai hélas beaucoup apprécié ce texte , simple d’écriture mais avec un tel naturel et un gros zeste d’humour noir que le plus horrible passe facilement.

Dès le début, on sent un drame sous-jacent ; un homme, danois , emmène ses enfants en voiture après avoir versé du somnifère dans leur chocolat...destination inconnue, histoire de marquer l’ambiance. Dans le silence de l’habitacle, le père , Nicolas reprend l’histoire de sa famille de croque-morts sur 6 générations. Ce qui permet en même temps au lecteur de voir l’évolution des rites de l’enterrement et du deuil jusqu’à l ‘incinération en Europe sur cette longue période.

Ce Nicolas donc, sixième du nom , est le descendant d’une famille venue du Pacifique et installée au Danemark. Toutes ces familles au fil des siècles n’ont pas été forcément hors norme, mais largement excentriques avec leurs vices, leurs vertus, et Nicolas sixième du nom est atteint de nécrophilie, il se soigne, mais il y revient…

D’où un certain malaise parfois à la lecture, les mots sont crus, devraient choquer.. Et pourtant je suis allée jusqu’à la fin « heureuse » de cette histoire  et qui résume bien le cynisme et l’humour noir du livre : heureuse j’en doute !

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Et voilà tout (La petite fille et le monde se..

La grand-mère d’une jeune fille lui met des idées délirantes dans la tête à propos de sous-terriens, espèces de monstres dont il faudrait à tout prix se prémunir. La fillette grandira avec cette obsession qu’elle partagera allègrement avec un compagnon de jeu vietnamien. On la verra grandir et éventuellement effectuer un retour aux sources. J’avoue qu’à part le caractère buté de l’héroïne, rien dans ce roman ne m’a accroché.



Les caractères des personnages secondaires m’ont paru plus stéréotypés que développés, l’espèce d’intrigue quant aux origines réelles de Risten arrive sur le tard, les discussions sur les croyances et religions ne sont qu’esquissées et la fin est en queue de poisson. L’écriture m’a semblé correcte, sans plus, l’aspect des Sames n’est pas vraiment exploité. Ça se lit facilement, mais s’oublie tout autant.
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Une fin heureuse

J'ai tout d'abord été attiré par la magnifique couverture de ce livre et puis j'ai vu sur Twitter que Baptiste Beaulieu le lisait, ce récit provenant des éditions Gallmeister.



Je savais que le récit allait être particulier de part son sujet et le fait que ce soit de la littérature nordique. Ici nous suivons une famille danoise mais dont le métier est un peu particulier croque mort.



Les personnages ont également souvent le même prénom dans leurs descendants ce qui rend la lecture un peu complexe mais nous avons un arbre généalogique à chaque changement de chapitre qui nous aide à ce niveau.



Cependant il est à noté que certains passage de ce livre sont vraiment très dérangeant car il est question de nécrophilie.



Toutefois dans l'ensemble j'ai trouvé cette famille intéressante à suivre et l'on peut voir également l'évolution de la société selon l'époque avec ce qui concerne les rites funéraires.



Cependant il est a noté pour les âmes sensibles que ce n'est pas un livre à mettre dans toutes les mains et que le sujet de fond peut-être dérangeant pour beaucoup, cela est une lecture cependant atypique dans ce que j'ai pu lire.



Mais cela se laisse lire très rapidement si l'on souhaite suivre cette famille.







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Une fin heureuse

Croque-mort à la tête des pompes funèbres qui ont bâti la renommée de sa famille, Nicolas est obsédé par des pulsions inavouables et de surcroit illégales. Tandis qu'il emmène ses enfants en voyage, il tente de comprendre cette part sombre en lui en retraçant l'histoire de ses aïeux qui ont exercé le même métier que lui sur sept générations.



On remonte donc le temps jusqu’au début du 19e siècle, sur une île perdu du Pacifique, où Christian I s’occupait déjà de faire passer les bébés morts de l’autre côté. Une vocation de psychopompe qui s’est transmise à tous les Christian qui ont suivi, ainsi qu’à Nicolas, le narrateur de cette folle saga morbide et drôle.



Car s’il est bien question de la mort, l’autrice danoise s’amuse beaucoup et manie un humour noir mordant. Quelle imagination ! Nous avons le Christian incinérateur, le Christian qui parle aux morts, le Christian maniaque qui mesure tout... Autant de personnages hauts en couleur, et les femmes ne sont pas en reste ! Une chose est sûre, tous ont le goût du travail bien fait et les pompes funèbres fleurissent au fil des épidémies qui passent et des vivants qui trépassent.



On se réjouit de rire de la mort ainsi, c’est tellement amoral et jubilatoire, malgré quelques passages super malaisants qui nous font découvrir une paraphilie rarement traitée en littérature… la nécrophilie.



C’est une lecture agréable, un texte profondément romanesque et foisonnant. Dans l'ordre chronologique, on suit la vie de chaque Christian et l’on prend plaisir, en début de chapitres, à voir l’arbre généalogique aux multiples branches s’étoffer.



Après «Là où vont les oiseaux», Maren Uthaug nous propose un texte plus original au sujet délicat. Elle maintient l’équilibre parfait entre humour et détails macabres. On pense forcément à la superbe série « Six feet under », que j’avais adoré !
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Une fin heureuse

A l'évidence, la Danoise Maren Uthaug n'a peur de rien et semble se réjouir de jouer avec un certain nombre de tabous liés à la mort, y compris la nécrophilie. Il ne faut pas le cacher, certains aspects de Une fin heureuse mettent mal à l'aise, même avec une belle pincée d'humour noir pour faire passer l'outrage. En racontant la dynastie des croque-morts d'une famille danoise à travers les siècles, jusqu'au dernier, pas le moins dérangé, c'est à une saga haute en couleurs que la romancière convie ses lecteurs, dans la découverte de personnages qui exercent tous leur métier avec une certaine singularité, pour ne pas dire excentricité. Un livre constamment passionnant parce qu'il prend le pouls de chaque époque traversée, avec une abondance de détails sur l'évolution de la société, des mœurs et des rites funéraires au fil du temps, et en abordant sans défaillir les différentes épidémies qui surgissent ou encore la sombre période de l'occupation allemande. L'autrice n'y va pas de main morte, c'est le cas de le dire, quand il s'agit de narrer les relations entre les membres de cette caste aux manies, vertus et vices évoqués en grandes pompes (funèbres). Et pour notre plus grand bonheur, l'alternance des tonalités côtoie les extrêmes, de la poésie (le croquemort qui dialogue avec les défunts) au sordide. Une lecture pleine de vitalité et de sensations pour les heureux mortels que nous sommes.
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Là où sont les oiseaux

Est-ce un hasard si cette auteure danoise a planté le décor de son roman à proximité d’une localité norvégienne qui porte le même nom qu’elle ? J’aime penser que non, que cette bourgade côtière en face de ce phare en briques rouges au nom pour nous imprononçable (Kjeungskjær) a pu l’inspirer. Isolement, austérité, rudesse, engendrant abus, désirs, frustrations et secrets, voilà ce qui vous attend.

Nous sommes à la fin des années 30. Le jeune Johan doit subvenir aux besoins de sa mère, veuve. Un bon poste vient de se libérer, celui de gardien du phare. La condition pour l’obtenir est d’être marié, car un homme seul y deviendrait fou. Mais il ne peut pas épouser Hannah, dont il est fou amoureux, mais dont la réputation est sulfureuse. Il épouse donc Marie, la fille du Pasteur. Ils auront deux enfants, Darling et Valdemar. Or Johan n’est pas le seul à avoir fait des concessions pour sauver les apparences, tout en nourrissant d’autres fantasmes dévorants.

Le livre est construit en 3 parties : le point de vue de Johan, puis celui de Darling, et enfin celui de Marie. Chacun à son tour nous apporte son éclairage sur cette famille aux relations austères et froides comme les pierres du phare. Au final, nous avons une vision réellement en 3D, avec beaucoup de relief et de profondeur, de réalisme, de la vie à cette époque dans ce type de bourgade loin de tout. Tant de compromissions, d’espoirs et de déceptions, mais sans renoncements. Une comète passe par moments dans la vie de nos héros, une jeune femme libre et émancipée, solaire, qui rappelle qu’ailleurs dans le monde ont lieu les années folles.

Le roman est très bien écrit et construit, prenant ; certes noir, poisseux, âpre, dérangeant, tout à fait dramatique. Si on aime le genre, en voici un très bon.
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