AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Lola Lafon (1380)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Quand tu écouteras cette chanson

Pour son ouvrage à paraître dans la collection « Ma nuit au musée », Lola Lafon choisit le musée Anne Frank sans bien savoir pourquoi (« Je ne peux pas avouer […] que je ne sais pas ce qu’elle [Anne Frank] est pour moi, mais je dois écrire ce récit »). Ce musée est constitué par l’Annexe, cette cachette exiguë dans laquelle Anne Frank et sa famille, plus quatre personnes, vécurent pendant 25 mois, soit plus de 750 jours, et où la jeune fille écrivit son célèbre Journal, avant de connaître le destin que l’on sait.



« Mes nuits sont celles d'un imposteur sur le point d'être démasqué. Je rêve qu'on me fait passer un examen auquel j'échoue, je rêve qu'on me refuse l'entrée du Musée.

La date du départ approche et mon anxiété se mue en doute, puis en certitude : je ne suis pas celle qui devrait écrire ce livre. Comment pourrais-je écrire ce que j'évite avec tant de constance ? »



Comment (d)écrire l’indescriptible, la peur d’une mort qui rôde, comment transcrire la vérité de cette jeune écrivaine et de son journal (si retouché et remodelé par la suite dans ses multiples éditions), de celle qui ne devrait pas être vue comme un symbole ni comme une sainte (pour reprendre les mots de Lauren Nussbaum, cette amie de la famille Frank et cette universitaire qui dédia sa vie à l’étude du Journal d’Anne Frank), et pour qui le mot « espoir » est devenu vide de sens, voire absurde ou indécent ?



Lola Lafon nous embarque dans ses pensées sur ce que représente pour elle l’écriture de ce récit sur Anne Frank et sa nuit au musée. Peut-être tout simplement parce que l’image d’Anne Frank lui fait penser à sa propre famille, elle dont la mère a été cachée pendant cette guerre qui a causé beaucoup de trous, d’absences, de vide dans son arbre généalogique, un vide qui sera rapporté à celui de l’Annexe (« Otto Frank qui, lorsqu’il fut question de faire de l’Annexe un musée, en 1960, exigea que l’appartement demeure dans l’état où il l’avait retrouvé. Qu’on en soit témoin, du vide, sans pouvoir s’y soustraire ; qu’on s’y confronte. Voyez ce qui jamais ne sera comblé. Ainsi, en sortant, on ne pourra pas dire : dans l’Annexe, je n’ai rien vu. On dira : dans l’Annexe, il n’y a rien, et ce rien je l’ai vu. »).

D’une certaine façon, Anne Frank et son musée sont la pierre angulaire de beaucoup de sujets qui tiennent au cœur de l’autrice : sa judéité mal assumée voire refoulée, son rapport à l’écriture (de très belles pages sont dédiées aux raisons pour lesquelles on écrit, dans quel objectif), les absents et le rapport à l’absence, aux absents : « Avant de rentrer dans la nuit de ce mois d’août 2021, je ne sais rien, sauf ceci : les fantômes, au contraire du mythe qui voudrait qu’ils nous hantent sans pitié, se tiennent sages. Ils nous espèrent, ils ont tout leur temps, celui que nous n’avons pas. Ils attendent qu’on accepte d’être déroutés. Que nos paupières se dessillent et qu’on devine, au travers du temps, leurs ombres patientes. Alors, on pourra faire face à ceux qu’on dit avoir « perdus ». On les retrouve. ».

Peut-être aussi parce qu’Anne Frank, mais aussi Margot Frank, que Lola Lafon met tout autant à l’honneur, cette sœur dont on parle moins alors qu’elle avait une vie intérieure aussi vive qu’Anne, ressemblent aussi aux jeunes filles qui ont déjà fait l’objet de plusieurs de ses romans, dont Nadia Comaneci, et « qui toutes se confrontent à l’espace qu’on leur autorise ».



J’en reviens à l’absence car ce qui m’a tant touchée dans ce récit, bien sûr c’est l’histoire d’Anne Frank, mais surtout c’est cette tentative d’écrire sur l’absence (« dans le creux que laisse apparaître une empreinte (…), on peut voir que quelqu’un ou quelque chose est passé. La présence de la trace témoigne de l’absence de ce qui l’a formée. Les traces ne donnent pas à voir ce qui est absent, mais plutôt l’absence même ») et sur l’aide que l’écriture représente contre l’oubli (« Peut-être commence-t-on parfois à écrire pour faire suite à ce qu’on a perdu, pour inventer une suite à ce qui n’est plus. Pour dire, comme le petit point rouge sur le plan, que nous sommes ici, vivants. Si la mémoire s’étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps »).



Il y a eu beaucoup de très beaux billets sur cet ouvrage fantastique, et je pense comprendre le trouble de Lola Lafon devant sa table en écrivant le mien. Comment faire une critique quand chaque page, chaque phrase est tellement signifiante, tellement lourde de sens, de beauté, d’émotion ?

J’aimerais pouvoir transmettre ces sentiments que j’ai ressentis en lisant cet ouvrage qui vous prend aux tripes par les faits poignants concernant Anne Frank et sa famille, par le destin de son journal qui a si longtemps (et volontairement) mal compris, par le silence qu’on a fait s’abattre sur la Shoah, et par les pensées profondes traduites par l’écriture ciselée et émotionnelle de Lola Lafon. Celle-ci nous explique à la fin en quoi la figure d’Anne Frank et cette nuit à l’Annexe étaient si signifiants, pour elle, pourquoi ce titre, et j’ai eu la gorge nouée devant sa douleur, encore intacte malgré les années, devant cette beauté qui malgré tout se dégage de ces lignes. C’est magnifique de voir combien un texte si personnel peut autant tendre à l’universel.



Un grand coup de cœur pour commencer l’année 2023, et un énorme merci à Lola Lafon pour ce texte incomparable.
Commenter  J’apprécie          424
La petite communiste qui ne souriait jamais

- Nadia, comprends-tu la déception de ceux qui voyaient en toi l'athlète parfaite, celle que l'on pouvait aimer sans restriction ?

- Peut-être parce que personne n'est parfait, même pas l'enfant que j'étais encore à quatorze ans.



C'est l'histoire de Nadia Comaneci, gymnaste exceptionnelle qui a obtenu la note maximum aux jeux olympiques de Montréal en 1976. Celle que tout un pays a adulée, celle qui a rapproché les deux blocs, mais aussi qui a profité d'un système (d'ailleurs pourquoi pas ?), celle dont on s'est servi pour promouvoir un pays. Et quand le monde entier ou presque lui en veut, ce n'est pas parce qu'elle perd, car elle continue à gagner, mais parce qu'elle a grandi et s'est transformée en adolescente avec des formes et des envies de jeune femme. Devenue encombrante pour tout le monde, aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest, elle connaît le parcours des idoles déchues.



Lola Lafon essaie de comprendre, à travers des échanges avec les proches de Nadia mais aussi avec Nadia elle-même, un mythe, celui d'une jeune fille capable d'accomplir avec son corps des figures impossibles. Aujourd'hui Nadia vit aux Etats-Unis, mais elle ne renie pas le passé : son enfance et de son adolescence dans un pays communiste. Elle voit les bons aspects de ce système qui lui a permis d'émerger : le travail, l'éducation, le logement pour tous, alors qu'aujourd'hui le système libéral lamine les plus faibles.



Dans cette biographie romancée où l'auteur et le sujet sont souvent en opposition, Nadia reprochant à Lola Lafon de citer des sources peu fiables et l'auteur doutant de la véracité des déclarations de l'ancienne championne, apparait le portrait d'un être hors norme qui a vécu dans un contexte historique révolu, celui de la guerre froide. Un sujet difficile dont Lola Lafon réussit à parler sans parti pris et avec intelligence.

Commenter  J’apprécie          420
La petite communiste qui ne souriait jamais

02.09.2015 : Mea culpa du coup de gueule ci-dessous (poussé.. avant d'avoir lu ce livre... Je sais c'est pas bien...)

Bon, finalement, après cet accès de mauvaise humeur et face aux très bonnes critiques de ceux qui, eux, avaient lu ce livre, je viens de le terminer et je ne peux que remercier ceux qui m'avaient conseillé de le faire. Roman-docu-bio, comment nommer cet excellent livre qui fouille au plus près et la vie de cette sportive et la société de consommation (des corps et des objets, corps-objets) et une page de l'histoire. Manipulée/manipulatrice ?, victime/complice ? consciente /inconsciente ?, Nadia Comaneci reste une énigme , un mystère. "Ne me cherchez pas, je suis nulle part", dit-elle...... Quel beau titre finalement que cette phrase !!!



LA MODE DES CELUI QUI !

Après le succès du Vieux Qui ...ne voulait pas fêter son anniversaire suivi de l'Analphabète Qui.... savait compter de J.Jonasson, voici la Petite communiste Qui..... ne souriait jamais de L. Lafon !!!

Bon ! il y a eu aussi le Fakir Qui... était coincé dans une armoire Ikea de R. Puétorfas ..... et le Sumo Qui .... ne pouvait pas grossir de EE Schmitt !

Copie, manque d'imagination , mode ?

Moi en tout cas, je pourrai copier/coller ce billet d'humeur des dizaines de fois .

Je signe la Fille Qui ....en a marre des titres des Celui Qui !

Le dernier paru (même si j'aime beaucoup David Safier qui m'avait fait rire avec Maudit karma : Le fabuleux destin d'une vache qui ne voulait pas finir en steak haché ) grrrr (16.01.2014)





Commenter  J’apprécie          4223
Quand tu écouteras cette chanson

Ce texte a été tellement ( et excellemment ) commenté sur Babelio qu'il est particulièrement difficile de mettre son grain de sel.

Je tente, malgré tout, 2 ou 3 commentaires en essayant d'éviter les redites.

Les livres de Lola Lafon sont d'abord des tentatives pour ajuster autour d'elle, de son corps surtout, un manteau narratif grâce auquel elle s'incarne. Sans celui-ci elle s'empêtre dans "un vêtement trop lâche" ou "montre les saillis de son corps" ou pire encore, disparait et s'enfonce dans le néant. Elle évoque donc des femmes dont la parole a été confisquée, transformée ou trahie : anarchistes, gymnaste roumaine, danseuses.

Anne Frank, dans la déconstruction de l'image que j'avais, que nous avions d'elle, est un hétéronyme de Lola Lafon. Cette déconstruction doit être vécue physiquement par l'autrice.

La nuit au Musée Anne Frank est une occasion magnifique pour évoquer 2 aspects essentiels de la vie de Lola: sa judéité (que j'ignorais) et son anorexie (que je supputais). Elle évoque tout cela avec une délicatesse infinie mais avec le besoin (la nécessité?) de laisser une empreinte, une trace

aussi ténue soit-elle.

Elle avoue ainsi avoir flirté avec la mort pour mieux ressentir la vie en elle. Il faut constamment épouser la pulsion de mort pour faire jaillir à grands jets intermittents la pulsion de vie.

Dans Quand tu écouteras cette chanson j'ai noté des occurrences signifiantes: faille, manque, perte, creux, néant, rien, oubli, béance, effacement, oblitération, mort.

Bon je vous vois froncer les sourcils : on s'en fout un peu de tout ça, le texte est juste magnifique, sa portée est universelle et Lola Lafon est une autrice merveilleuse. Ok, ok.

Mais c'est quand même super plombant...

Elle rode toute la nuit et attend la dernière heure pour s'autoriser à rentrer dans la chambre d'Anne !

Mais entre temps elle a reconstruit la vie et la pensée d'Anne (il y a eu tout un travail préliminaire de rencontres et de prise de notes, de recherches sérieuses et intensives en fait).

Et puis elle pousse la porte.

Et c'est elle, Lola, qu'elle rencontre. Et c'est lumineux...



Lola lafon est une écrivaine qu'on ne risque pas d'oublier.
Commenter  J’apprécie          4115
Chavirer

À la sortie de son cours de danse à la MJC, Cléo rencontre Cathy qui lui propose de postuler pour une bourse financée par la fondation Galatée. Si elle est retenue, elle pourra candidater aux plus prestigieuses écoles de danse. Quelle toute jeune fille résisterait ? Après une première sélection, elle doit affronter les membres du jury au cours d’un dîner. Le dîner dérape ou plutôt un membre du jury dérape. À qui pourrait-elle en parler ? L’auteur passe trop rapidement sur cette question pourtant importante : déboussolée, l’adolescente ne sait pas ce qu’elle a fait de trop, ou de pas assez, d’autant que la bourse lui échappe.

Mais elle est douée pour recruter des candidates possibles, dont Betty qui devient alors la chouchoute de Cathy.

Peut-être Lola Lafon aurait-elle pu choisir une construction plus linéaire (ce que je préfère, sauf dans de rares cas), l’émotion aurait été plus forte. Elle a privilégié une structure plus éclatée, sous forme de puzzle. Cléo est présentée à travers d’autres personnes qui l’ont rencontré, un meilleur ami, un amoureux d’une nuit, une amoureuse qui la blesse profondément. Je ne sais pas très bien qui est Cléo et surtout à quels points ce qu’elle a vécu a influencé sa vie.

J’ai aimé néanmoins la description fine d’une adolescente prise au piège. À noter aussi le personnage attachant de Betty.


Lien : https://dequoilire.com/chavi..
Commenter  J’apprécie          410
La petite communiste qui ne souriait jamais

Un roman biographique, celle de la jeune gymnaste qui a ébloui le monde aux Jeux olympiques de Montréal en 1976.



Étonnante, cette petite fille solitaire qui travaillait très fort et dont les performances sont venues modifier les règles de la gymnastique. Il a fallu ajouter la possibilité d’attribuer un 10 à une gymnaste et la discipline est devenue un sport d’enfants, de fillettes minuscules qui pouvaient passer entre les barres asymétriques. Il a même fallu ajuster la réglementation et fixer l’âge minimum à 16 ans pour éviter que des enfants de plus en plus jeunes soient soumis à l’entrainement professionnel d’athlètes olympiques.



Étonnante aussi est la férocité des journalistes qui la dénigrent parce que Nadia a grossi et qu’elle a pris des formes féminines. On avait encensé la grâce de la petite fille, on en pouvait accepter qu’elle grandisse. Elle a dix-huit ou 20 ans et on la traite de grosse matrone. On imagine mal de tels commentaires au sujet d’un homme (quoique peut-être sur Elvis à la fin de sa vie…)



C’est une histoire de grand succès, au prix d’une vie entièrement consacrée au sport. Mais c’est aussi un symbole politique, celui d’un petit pays satellite qui vient battre les championnes russes. Et ce pays, c’est la Roumanie de Ceaușescu, avec la pauvreté et les privations du peuple, avec des idées de grandeur et même une police de la reproduction pour obliger les femmes à avoir davantage d’enfants. Un régime qui dérape et qui s’effondrera comme le mur de Berlin, mais qui se conclura surtout avec l’exécution du tyran.



Une biographie intéressante, qui parle d’un moment du siècle, mais qui s’arrête en 1990. On ne saura pas ce qu’est devenue Nadia, aujourd’hui une femme dans la cinquantaine. On saura cependant que la Roumanie n’est pas devenue un paradis et avec tous les scandales qui ont entouré les sports olympiques, le public ne pourra probablement plus jamais ressentir la même ferveur naïve que devant les exploits de Nadia.

Commenter  J’apprécie          413
Quand tu écouteras cette chanson

Il y a eu tout le battage médiatique qui aurait eu tendance à me faire fuir. Car je me méfie des lancements en grande pompe, du sérail qui encense seulement les siens. Pourtant, j’avais revu mes préventions à entendre Lola Lafon parler de son dernier livre à la radio il y a quelques mois déjà, et m’étais dit que ce serait une lecture intéressante à faire. Quelques critiques d’amis ici m’ont confortée dans cette envie.

C’est rare les livres aussi justes.

Témoignage, pans d’autobiographie, holocauste, Anne Frank. L’addition de tous ces sujets est d’une ambition folle. Pourrait flirter avec le mauvais goût le plus abject. Et non.

Loin du pathos, de la sensiblerie, de la romantisation d’une adolescence idéalisée. Loin des impossibles pleurnicheries d’un je qui n’a pas connu l’horreur et la porte pourtant dans ses veines. C’est un livre digne. Depuis la bonne place.

Dans une économie ramassée et parfaitement conséquente, il prend les allures d’une enquête, d’un documentaire autour du projet de passer une nuit au musée qui abrite l’annexe dans laquelle la famille Frank a vécu cachée pendant plus de deux ans. D’une restitution de ce qui s’y est passé pour eux dans le contexte plus général de la Shoah.

Et c’est ainsi que ce livre peut restituer au mieux la place que prend l’autrice dans cette histoire. Les résonnances qu’entretient la mémoire traumatique avec d’autres drames. Le choix de ne pas se vautrer dans une émotion larmoyante et spectaculaire pour restituer au mieux ce que c’est que vivre avec un deuil insondable et déjà éloigné dans le temps.

C’est une parole précise qui dit le parcours d’une pensée. La parole de cette troisième génération pour laquelle la béance est à telle distance qu’elle est à la fois incontournable et impossible à appréhender comme purement sienne. Il s’est passé tant de choses depuis. Tant de choses qui ne se seraient pas produites sans et qui colorent de leur état l’inqualifiable monstruosité de ce qui a été.

Le chapitre consacré à l’écriture m’a beaucoup touchée. « Ecrire n’est pas tout à fait un choix : c’est un aveu d’impuissance. On écrit parce qu’on ne sait par quel autre biais attraper le réel. Vivre, sans l’écriture, me va mal, comme un habit trop lâche dans lequel je m’empêtre. Il faut parfois rétrécir l’espace pour en entendre l’écho. »

Dans ce chapitre, Lola Lafon cite le Mur invisible qu’Anna a chroniqué récemment et qu’il faut que je lise, décidément.

Cerné de toutes parts, ce livre parvient à n’être très exactement que lui-même et c’est admirable.

Commenter  J’apprécie          4017
Quand tu écouteras cette chanson

Dans le cadre de la collection « Une nuit au musée », Lola Lafon a choisi le musée Anne Frank, à Amsterdam, dans l’Annexe pour être plus précise, sur les lieux où la jeune fille a vécu, en recluse avec sa famille de l’été 42 à l’été 44, avant d’être déportée et être assassinée au camp de Bergen-Belsen. Seul, Otto Frank reviendra de l’enfer des camps.



J’aime beaucoup cette collection « Ma nuit au musée » (j’en ai lu plusieurs) mais celui-ci me tentait encore plus car une nuit au musée Anne Frank qui n’a pas rêvé de visiter cette maison où la jeune fille a écrit son journal, mettre ses pas dans ce qui fut son dernier logement.



Comme tout le monde ou presque, j’ai lu ce journal il y a très, très longtemps et il reste encore présent dans ma mémoire, mais Lola Lafon m’a donné envie de le ressortir, de le relire à la lumière de ce que j’ai appris durant cette nuit.



On se rend compte de l’étroitesse des lieux, de la nécessité de vivre et marcher à pas de loups pour ne pas attirer l’attention, se contenter de peu. Cette expérience doit vraiment marquer profondément la personne qui accepte de vivre de tels instants.



J’ai aimé la manière dont l’auteure hésite à mettre ses pas dans ceux d’Anne, se cachant souvent derrière les citations d’autres auteurs comme si elle ne se donnait pas le droit de parler en son propre nom, comme si elle doutait de sa légitimité pour en parler. Mais tout change lorsqu’elle commence à évoquer la propre histoire de sa famille, les déportations, l’exil…



"Mes grands-parents ont survécu en faisant comme si la France avait vraiment été une terre d’accueil. Ils ont fait de l’oubli un savoir. Ils ont prêté allégeance à l’amnésie…"



La manière dont elle hésite pour entrer dans la chambre d’Anne, comme si elle franchissait un interdit commettait un sacrilège, m’a beaucoup touchée car je me suis demandée si j’aurais osé entrer moi aussi, en étant à sa place ?



Je retiens aussi l’hommage à Laureen Nussbaum, l’une des dernières personnes à avoir bien connu la famille Frank, qui a beaucoup étudié le « Journal »



J’ai appris au passage, qu’Anne Frank avait retouché son journal, après avoir entendu une annonce du ministre de l’Education des Pays-Bas en exil à Londres, qui demandait aux Hollandais de conserver leurs lettres, journaux intimes en vue d’être publiés plus tard, ce que j’ignorais totalement, je pensais vraiment qu’il avait été édité tel quel. De même, j’ai aimé en apprendre davantage sur sa sœur.



Je retiendrai aussi les propos sans concession de l’auteure concernant les négationnistes de tous poils :



"… Mais, si je n’écris pas leurs noms, il me faut dire leur acharnement à effacer Anne Frank. La gamine d’Amsterdam leur est insupportable, dont le récit est la preuve qu’on savait, celle qui nous interdit de prétendre qu’on ne savait pas."



Lola Lafon nous livre une belle réflexion sur l’écriture : pourquoi écrit-on, que cherche-t-on ?



Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteure dont j’ai beaucoup apprécié La Petite Communiste qui ne souriait jamais à sa sortie…



#Quandtuécouterascettechanson #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          400
Quand tu écouteras cette chanson

Grâce aux éditions Stock, via net galley, j'ai eu le plaisir de lire : Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon.

Résumé

Le 18 août 2021, j'ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l'Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu'il n'en sait pas grand-chose. Comment l'appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment ? Est-ce un témoignage, un testament, une œuvre?

Celle d'une jeune fille, qui n'aura pour tout voyage qu'un escalier à monter et à descendre, moins d'une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant.

La nuit, je l'imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J'imaginais la nuit propice à accueillir l'absence d'Anne Frank.

Mais je me suis trompée. La nuit s'est habitée, éclairée de reflets; au cœur de l'Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver.

Mon ressenti

Quand tu écouteras cette chanson est l'un des seuls romans de la rentrée littéraire qui me tentait. D'où ma joie quand ce matin les éditions Stock me l'ont envoyés en numérique. En repos aujourd'hui, j'en ai profité pour le lire d'une traite.

Avec ce livre, j'ai découvert la collection "Ma nuit au musée", dont le principe est simple : un auteur ou une autrice passe une nuit dans un musée et nous fait partager son ressenti.

Si j'étais si tenté par ce titre de Lola Lafon, c'est parce que j'aimerais énormément aller un jour visiter l'annexe d'Anne Franck.

En effet, depuis que j'ai découvert la jeune fille quand j'avais 10 ou 11 ans, j'ai lu son journal de nombreuses fois mais aussi de nombreux ouvrages sur elle.

Et puis, comme je l'ai déjà dit, je suis une grande lectrice de romans, témoignages, en rapport avec la seconde guerre mondiale.

Je trouve l'idée qu'une autrice puisse passer une nuit dans ce lieu chargé d'histoire fascinante, j'avais hâte de lire son ressenti.

Lola Lafon est juive, pourtant elle se demande si elle réellement légitime pour écrire sur Anne Franck. Après tout, elle évite autant que possible de regarder ou lire tout ce qui est en rapport avec La Shoah.

J'ai aimé découvrir ses pensées, ses hésitations. Son cheminement est très intéressant.

Même si j'ai l'impression de bien connaitre Anne Franck vu tout ce que j'ai lu la concernant, j'ai appris différentes choses sur elle et sa famille. Notamment sur la publication du journal, sur l'argument de vente des éditeurs..

J'ignorais également que sa sœur Margot avait elle aussi écrit un journal, qui n'a jamais été retrouvé. Cette jeune fille aussi était dans l'annexe, pourtant.. personne ne vient pour elle..

J'ai aimé découvrir comment l'autrice prépare sa visite au musée, notamment avec ses lectures. Elle évoque notamment l'ouvrage de Miep Gies, que j'ai lu il y a quelques années et que j'ai dans ma bibliothèque. Cela m'a donné envie de le relire.

Sa rencontre en Visio avec Laureen Nussbaum, une amie d'enfance de Margot, m'a beaucoup touché.

L'autrice a des réflexions très pertinentes sur l'écriture. Elle partage avec nous quelques souvenirs personnels comme son arrivée en France à l'âge de 12 ans. En effet, elle a auparavant vécu son enfance dans la Roumanie de Nicolae Ceaușescu. A défaut d'avoir des amies à son arrivée en France, elle commence à écrire..

Ses réflexions sur le fait d'être juive sont également très pertinentes.

Et j'ai aussi beaucoup apprécié sa façon de clore son ouvrage.

Quand tu écouteras cette chanson est une très bonne surprise de la rentrée littéraire 2022. J'ai adoré ma lecture, tout m'a plu. Aussi bien l'écriture que le contenu.

J'ai vraiment eu un coup de cœur.

Je mets un énorme cinq étoiles à ce nouveau titre de Lola Lafon, que je vous recommande sans aucune hésitation :)









Commenter  J’apprécie          402
Chavirer

Dans « Chavirer » Lola Lafon rentre au plus intime de l’âme et du corps. La construction de son roman est époustouflante et l’étude psychologique de ces personnages est fine et vraie. Son écriture est sûre, efficace et le rythme rapide donne un formidable souffle au récit.

Nous suivons Cléo à 13, 16, 40 ans qui suite à des évènements traumatisants, essaie de trouver la voie de l’oubli, du pardon et la possibilité de supporter sa honte, de vivre avec ce qu’elle préfère taire… aux autres, et à elle-même.

Danseuse elle considère sa difficulté de réussir et les souffrances que son corps endure comme autant de possibilités de rachat de ses profondes et traumatisantes erreurs.

Lola Lafon est d’une grande justesse dans l’écriture de ce roman : elle fait naître la tension, elle nous dévoile avec pudeur les affres de ces héroïnes-victimes Cléo, Betty… dont les vies sont brisées.

« Le système Galatée ne disait pas autre chose : que le meilleur gagne ! L’affaire Galatée nous tend le miroir de nos malaises : ce n’est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche ; ces hontes minuscules, de consentir journellement à renforcer ce qu’on dénonce : j’achète des objets dont je n’ignore pas qu’ils sont fabriqués par des esclaves, je me rends en vacances dans une dictature aux belles plages ensoleillées. Je vais à l’anniversaire d’un harceleur qui me produit. Nous sommes traversés de ces hontes, un tourbillon qui, peu à peu, nous creuse et nous vide. N’avoir rien dit. Rien fait. Avoir dit oui parce que on ne savait pas dire non ».

Profondément perturbant… A méditer !!!









Commenter  J’apprécie          400
De ça je me console

C'est difficile de faire un billet pour ce livre parce qu'il est de ceux qui parlent à chacun en particulier, en sondant les convictions et même l'intime. Alors forcément, en parler, c'est parler de soi, de ce que l'on croit, de ce à quoi on aspire et au final, risquer en prenant parti de ne pas donner envie de le lire alors qu'en le refermant, c'est vraiment ce que je voudrais transmettre : donner l'envie de parcourir ces lignes, histoire de se questionner...

Parce que ce livre a été pour moi un questionnement au fil des pages - ou peut-être davantage une action de légitimer certains points de vue ou attitudes qui dérangent tant autour de moi...





Emylina arrive en France à l'âge de douze ans, en fuyant la Roumanie de Ceausescu, ses parents l'ont fait quitter le pays, par prudence, ils la rejoindront ensuite. La seule rencontre véritable est une jeune italienne, dont le regard pointe dans la même direction et cette amitié vraie qui épaule et stimule Emelyna est brisée par la disparition de cette jeune fille qui est recherchée par la police pour meurtre...



C'est le regard d'une apatride sur ce qui l'entoure, un regard vif et acéré du fait de son éducation : un père qui a su lui donner comme cadeau la liberté : celle de vivre, celle de penser par elle-même, celle d'avoir le droit (et le devoir) de se démarquer...

A son entrée dans la vie adulte, celle de l'indépendance consentie et permise par l'entrée dans un mode de société, Emelyna décide qu'elle n'en sera pas .. de ces "presque morts", de ceux qui rentrent dans un moule, dont la vie est toute tracée, dont les pensées s'arrêtent au bord des territoires de leur propre moi. Elle ne sera pas non plus de ces "jeunes jeunes" qui n'avancent que par le désir de posséder encore et encore, dirigés par les modes, les codes que l'on échange ou l'image que l'on donne de soi, la même que ceux qui font partie de cette communauté.



Vivre hors d'une société où on évolue est ardu, les rencontres font avancer, font réfléchir, se forger un esprit pour allier ce que l'on juge juste et ce que l'on fera pour le mettre en pratique au quotidien.





C'est un très beau récit sur la personne de ce père, sur le rapport entre ces deux êtres - un père spécialiste de Diderot et sa fille, qui construit véritablement cet être libre qu'est Emélyna, c'est le don de sincérité de celle qui s'émeut sur la misère du monde et décide de faire bouger les choses, sur le partage de la notion d'exil, sur les combats passés de ces libertaires qu'elle rencontre, qu'elle fréquente et sur ce qu'ils ont ouvert comme portes, lors de leurs batailles passées, sur ce qu'il reste de leurs espoirs...

C'est surtout un récit qui nous crie de refuser de suivre le groupe, de vivre en pensant librement au risque d'être exclu, mais qu'importe, puisqu'en retour il nous donne la certitude d'agir pour les autres, ceux qui sont oubliés, ceux dont la vie se résume à trois lignes dans les journaux, pour ceux dont il est de règle d'éviter le regard quand on les croise...



Un texte très original, tantôt récit, tantôt introspection, tantôt révolté, tantôt reflet d'un quant à soi, mais jamais résigné, et qui bouscule et scrute.







De cette indifférence généralisée et de cette vie frivole et en apparence facile qui nous éloignent des vraies questions que l'on doit se poser : il ne faut pas se consoler.

Commenter  J’apprécie          3912
Mercy, Mary, Patty

Encore une histoire d'enlèvement et de séquestration, mais totalement différente de celles que je trouve dans mes polars et thrillers.

Il s'agit ici de l'affaire Patricia Hearst, la 'milliardaire des guérilleros'. A dix-neuf ans, cette héritière promise à un avenir doré a été enlevée par le SLA (Symbionese Liberation Army), un mouvement d'extrême gauche américain. En guise de rançon, les ravisseurs ont exigé que son père distribue pour 70 dollars de vivres à tous les individus 'économiquement faibles' de Californie (soit au total 6 millions de dollars).



L'affaire a été très médiatisée, il faut dire que le père était un magnat de la presse américaine. La police était évidement sur le pied de guerre, en cette époque agitée de rébellion contre l'engagement au Vietnam (début des 70's).

A travers les messages que la jeune femme envoyait à ses proches, il est rapidement apparu qu'elle s'était ralliée à la cause de ses ravisseurs. D'ailleurs, de Patricia, elle a choisi de devenir Tania.

Lavage de cerveau ? Syndrome de Stockholm ? Ou prise de conscience de la vacuité de la vie à laquelle elle était promise, et rejet en parallèle du monde pourri des 'dominants' ?



Lecture pénible de cet ouvrage à cause de sa construction : imbrication de parcours de trois femmes (et même quatre avec l'auteur), d'autant plus confuse que la narration est à la deuxième personne du pluriel.

Le propos est pourtant passionnant, ce fait divers illustrant à merveille des sujets d'actualité : injustices et revendications sociales, situation socio-politique explosive, terrorisme, médias, police...

En fil conducteur, se posent les questions de l'identité à cet âge charnière, et de la liberté.

« Laquelle est la vraie ? Tania, Patricia ? Et s'il n'y en avait aucune de vraie ? »

Quand cette jeune fille était-elle libre ? Avec ses parents, dans sa cage dorée, dans le carcan des conventions ? Ou après, avec ses amis 'terroristes' ? : « [Mon avocat] dit qu'il va réussir à me libérer mais j'ai peur... d'être prisonnière à perpète si on me libère. Dans la maison de mes parents. »



A la fois roman et documentaire, cet ouvrage est très riche... ou pourrait l'être s'il était plus accessible.
Commenter  J’apprécie          395
Chavirer

♥ intense et bouleversant (première pépite de l'année) ♥

.

« Au collège, on adorait les films où un homme plus âgé "révélait" une jeune fille, comme dans 'Pretty Woman'. Je me sentais choyée. » Paroles d'une femme qui 'sortait' à seize ans avec un quadragénaire.

Oui, (pré)adolescente dans les années 70-80, on s'imaginait vivre l'Amour avec un 'vieux', comme dans le film 'Beau-père' (Blier fils, 1981). Je ne sais pas si c'est encore le cas ?

On s'émouvait aussi de chansons d'hommes mûrs déclarant vouloir 'aimer une enfant' ou 'être amoureux de tout un pensionnat', et nous invitant, nous qui ne l'avions 'jamais fait', à 'basculer avec eux'...

Mais d'un fantasme de jeune fille à la réalité d'une sexualité d'adulte, il y a un grand pas que la plupart d'entre nous n'étions pas prêtes à franchir.

.

Lola Lafon nous parle ici d'un temps où la femme était "objet" dans les pubs, films, chansons & clips...

La très jeune femme/fille, et même l'enfant (cf. Brooke Shields à dix ans, prépubère) étaient érotisées, également. La belle aubaine pour une p3dophilie qui se prétendait artistique ! Que de proies attrapées ainsi...

L'auteur raconte le parcours de deux jeunes adolescentes happées par un système de miroir aux alouettes. Sa plume subtile et pudique exprime à la perfection, avec respect & douceur, leurs sentiments pétris d'ambivalence - doutes, peur, honte, douleur, mal-être... qui ne les lâcheront jamais, peut-être/certainement. Quid du pardon et/ou de l'oubli...

.

Le propos m'a rappelé 'La petite danseuse de quatorze ans' (C. Laurens) où les mères étaient souvent complices, en revanche, au XIXe siècle.

J'ai également pensé à Virginie Despentes, cette fois pour l'époque ("nos" années 80). Lola Lafon est aussi douée pour les portraits, mais dans un autre style (moins cru, mais j'adore aussi le ton de VD).

.

A ceux qui rétorquent que "tout ça", c'était une question d'époque, je peux répondre que j'y étais, dans les 1970's-1990's, et qu'à aucun moment mes parents, ceux de mes copines, n'auraient trouvé naturel, évident, qu'une de leurs filles, enfant ou ado, atterrisse entre les pattes d'un homme adulte. Là encore, fantaisies d'hommes riches, de pouvoir...

Cela ne s'est en outre jamais arrêté (cf. jeunes prêts à tout pour la téléréalité, et profiteurs dégueulasses comme un Morandini).

.

Infiniment merci à Pascale pour ce conseil. Je n'avais pas eu envie de relire cette auteur depuis 'Mercy, Mary, Patty' - roman qui m'avait perdue. J'ai maintenant hâte de découvrir ses autres ouvrages.

.

Ces paroles d'une chanson que j'avais souvent en tête pendant ma lecture :

♪♫ Petite poupée brisée entre les mains salaces

De l'ordure ordinaire putride et dégueulasse... ♪♫ 😥

('Demain les Kids', Hubert-Félix Thiéfaine)
Commenter  J’apprécie          386
Chavirer

Dans les années 80, Cathy a repéré Cléo une jeune fille de 13 ans qui a pour rêve de devenir danseuse de modern jazz. Mais derrière cette fondation Galatée qui accorde des bourses d’études dans tous les domaines, se cache un véritable piège sexuel et malheureusement d’autres collégiennes vont en être victimes.

En 2019, la police lance un appel à témoin pour retrouver les victimes de cette fondation et elle comprend qu’il est temps d’affronter ce passé.



Roman poignant, bouleversant qui aborde la possibilité ou non de pardonner l’impardonnable et de la capacité de se pardonner à soi.

Le personnage de Cléo est complexe, à la fois victime et coupable car elle est devenue complice dans le recrutement. L’auteur met en lumière le consentement, à ce que l’on participe ou laisse faire par le silence.

Construction originale. Une écriture puissante. Ce roman a été un véritable coup de cœur pour ma part. Belle découverte. Un roman que je vous recommande et qui a bien mérité de recevoir le prix Landerneau 2020

Commenter  J’apprécie          380
Mercy, Mary, Patty

***

Jeune fille de bonne famille. Patricia Hearst a été kidnappée. C'est un petit groupe révolutionnaire, qui veut de la nourriture et une vie digne pour tous, qui la détient. Alors que Patricia envoie des messages à ses parents pour les rassurer, elle épouse rapidement la cause de ses ravisseurs et participe même à un bracage dans une banque.

C'est pour la défendre lors de son procès que l'avocat de la famille fait appel à différents experts dont Gene Nevena, une américaine devenue professeur dans une école en France. Cette dernière engage une jeune fille, du même âge que Patricia, pour l'aider a décortiquer la multitude de documents concernant Patricia... Violaine va lui être d'une grande aide, et lui ouvrir les yeux...



Basé sur l'histoire vraie du kidnapping de Patricia Hearst, Lola Lafon a choisi un style de narration très particulier : l'ensemble du livre est écrit avec un "vous" qui met de la distance avec les personnages. C'est une troisième jeune femme qui nous raconte la rencontre, le travail et la vie de Gene et Violaine. C'est assez déstabilisant et j'ai eu du mal à me rapprocher des protagonistes. Mais cela donne un ton plus documentaire, plus journalistique au roman.



Lola Lafon se détache une fois de plus avec ce récit, et ce n'est finalement pas pour me déplaire !!
Commenter  J’apprécie          381
Quand tu écouteras cette chanson

Lola tu choisis l'Annexe comme musée

Une nuit à arpenter les pièces, en apnée

Inconsciemment lieu des retrouvailles, un lien

avec le passé familial , son lourd silence

Tu observes les photos, cernes les absents

Si peu de souvenirs de Roumanie, des tiens

La chambre d'Anne t'appelle, tu n'oses pas t'y rendre

Au matin, tu rejoins son destin d'enfant juive

Avec elle tu partages cette marque apatride

Une nuit au musée tellement révélatrice



Après toutes ces belles critiques, je voulais juste écrire ces quelques vers, traduisant mon ressenti. Lola Lafon montre bien combien le journal d'Anne Frank a eu de retentissement dans le monde entier, mais aussi ce qu'il est devenu, notamment aux États-Unis : une image presque romantique , mettant en avant son amour pour Peter, édulcorant les scènes difficiles, notamment la fin,et les attaques contre les nazies.



J'ai surtout aimé l'entrecroisement des deux destins, celui d'Anne et de Lola. Et cette réflexion de l'auteur sur cette judaïté si difficile à exprimer et à vivre, encore aujourd'hui, hélas.



Un livre court mais profond, marquant. Et un bel hommage à Anne, au plus près de ce qu'elle a pu être.



Commenter  J’apprécie          373
Mercy, Mary, Patty

Je ferai court vu le nombre de commentaires, tout a été dit, déjà!



Encore une histoire de kidnapping ! Celle de Patricia Hearst, petite - fille du célèbre magnat de la presse William Randolph Hearst, en février 1974, dont je n'avais pas entendu parler ou vaguement , enlevée par le S.L.A——groupuscule d'extrême gauche——

Pour ma part, j'ai été très gênée par l'usage du «  Vous »pour Gene Neveva, le « Elle » pour Violaine, le «  je » pour la narratrice .

J'ai même peiné à me glisser dans ce récit, pourtant l'auteure , dont j'ai lu «  La Petite Communiste qui ne souriait jamais  » a du style , de l'audace dans le traitement de ce thème original: des jeunes femmes kidnappées découvrant la liberté en épousant la cause de leurs ravisseurs:

Des idées politiques opposées à la vie qu'on leur imposait, rencontre décisive de trois femmes «  Kidnappées » , point de chavirement où l'on tournerait le dos définitivement à ses origines.



Patricia Hearst condamne «  L'Amérique » contée par ses parents.



Lola Lafon peint une Amérique bien loin de la légende tant vantée : un pays en proie au racisme, à des inégalités sociales criantes ,en pleine guerre du Vietnam .

Un très curieux roman déroutant, par sa construction, magistralement maîtrisé , féministe , mi- documentaire mi- roman, où l'auteure questionne, dérange, remet en cause , laisse le doute et l'incertitude planer , ausculte à sa manière les béances et les non- dits d'une Amérique sûre d'elle .

Je me suis interrogée sur la sincérité de Patricia Hearst ...

Un ouvrage riche qui aurait pu être plus accessible !

Mais ce n'est que mon avis, bien sûr !



Commenter  J’apprécie          370
Chavirer

Alors là, franchement, c'est une belle surprise ! J'avais lu avec plaisir « La petite communiste… » et « Mercy, Mary, Patty » sans pour autant crier au chef-d'oeuvre… Mais là, on grimpe d'un cran et d'un grand ! C'est bien simple, tout est parfait : la construction narrative, le rythme du récit, l'écriture… Les thèmes abordés riches, multiples et passionnants touchent tout un éventail de domaines aussi bien psychologique que sociologique, politique, artistique, philosophique… Sans compter que l'on trouve dans ce roman le portrait admirablement bien rendu d'une époque... Franchement, chapeau bas Madame Lafon !

J'en viens au sujet.

1984 : nous sommes à Fontenay dans la région parisienne, « Cléo, 13 ans, quatre mois et onze jours » s'ennuie vaguement dans sa petite vie monotone et un brin tristounette entre le collège, les copines et les soirées télé avec ses parents. Seuls les cours de modern-jazz qu'elle prend à la MJC du quartier la sortent un peu de ce train-train déprimant. Elle s'adonne sans limites à cette passion et la moindre remarque encourageante du prof illumine sa journée.

Un jour, à la sortie du cours, elle est abordée par une femme très chic qui la félicite pour ses prouesses techniques et lui propose d'obtenir une bourse au nom de la Fondation Galatée afin de lui permettre de s'améliorer encore davantage dans son art auprès de grands professionnels de la danse ; elle pourrait devenir ainsi, peut-être, un jour, une pro… Le rêve ! Enfin, une petite éclaircie dans cette vie bien terne ! Et puis, cette femme, d'une grande douceur et d'une extrême gentillesse, lui offre des cadeaux, lui fait visiter les hauts lieux de la capitale… Bref, Cléo est séduite (et le mot est faible!), ses parents, de modestes employés, le sont tout autant et la gamine est prête à suivre Cathy les yeux fermés et à peu près n'importe où, notamment dans de vastes appartements bourgeois des beaux quartiers où des hommes attendent…

Et la petite n'imagine pas une seule seconde que c'est un piège sexuel machiavélique qui se referme sur elle...

Lola Lafon restitue parfaitement les années quatre-vingt, la classe moyenne, l'ennui des banlieues, la façon dont, pour s'extraire de tout cela, certaines gamines (et leurs parents) se laissent très facilement abuser : parce qu'il faut réussir dans la vie, gagner de l'argent, passer à la télé, s'inonder de paillettes et de gloire… Et les mômes servent de proies, se font bouffer par les prédateurs sexuels à l'affût, puis elles servent elles-mêmes de rabatteuses, passant de victimes à coupables (sans même l'excuse d'avoir agi par nécessité : « elle n'a aucune excuse sociologique »), ce qui leur enlève définitivement l'envie de porter plainte et les contraint au silence et à la honte pour longtemps, peut-être jusqu'à la fin de leur vie… Avec, en prime, l'impossibilité de s'accorder le moindre pardon…

C'est terrible.

Et pendant ce temps, les violeurs restent impunis.

Lola Lafon opère des choix narratifs très judicieux : elle met en place, par exemple, des chapitres très courts rythmant parfaitement le texte et matérialisant l'étau terrible qui se resserre, à chaque fois un peu plus, inéluctablement et tragiquement, sur la jeune fille. Par ailleurs, ces courts chapitres rendent admirablement le rythme effréné des représentations de danse, des changements de costume (le corps comparé à une voiture de course...) et de la danse elle-même… (« Chavirer » est aussi un vrai roman sur la danse et sur les corps meurtris des danseuses).

J'ai vraiment beaucoup aimé ce kaléidoscope de très courts chapitres qui permettent de découvrir Cléo à travers le regard d'autres personnages (inoubliables eux aussi !) auprès desquels elle va puiser des forces et tenter de se construire : portrait par petites touches, comme on construit un puzzle, d'une jeune fille puis d'une femme (ce roman aurait d'ailleurs pu s'appeler « Une vie » à la manière de Maupassant…) Les angles d'approche sont ainsi multipliés comme si une quantité infinie de caméras tournaient sans cesse autour de Cléo afin d'en percer les mystères, les malaises, toute la complexité qui est la sienne.

Un peu plus loin, autre choix narratif intelligent, l'autrice a choisi de laisser en blanc l'indicible en maintenant le lecteur à une distance pudique, en suggérant, à travers, une simple synecdoque (celle des doigts par exemple) les attouchements et le viol…

Et puis, il y a aussi l'écriture qui se veut précise, dynamique, nerveuse : les phrases sont courtes, nominales, orales parfois. Elles portent en elles le rythme de la vie, la vivacité des émotions, elles fusent, jaillissent, claquent… Le texte fourmille de détails et les descriptions sont pur plaisir de lecture : que ce soient les costumes des danseuses, l'appartement silencieux d'un ami juif, un concert de rock… tout est là, sous nos yeux et on y est ! On sent les parfums entêtants et la sueur des corps, on caresse le velours des tissus et des peaux talquées, on souffre devant les muscles meurtris des danseuses…

« Chavirer » est un roman incarné, puissant et terrible.

À lire absolument !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
Commenter  J’apprécie          374
Quand tu écouteras cette chanson

« Le 18 août 2021, j'ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l'Annexe. Je suis venue en éprouver l'espace car on ne peut éprouver le temps. On ne peut pas se représenter la lourdeur des heures, l'épaisseur des semaines. Comment imaginer vingt-cinq mois de vie cachés à huit dans ces pièces exiguës ? »



L'Annexe, lieu où Anne a écrit son journal, dernier lieu où elle et sa famille ont été réunis, avant que l'ignoble pan de l'Histoire que nous connaissons bien ne les sépare à jamais. Lola Lafon raconte sa nuit passée dans ce lieu, une expérience extrême que l'on comprend nécessaire pour l'auteure, convoquant et se confrontant au fantôme d'Anne Franck, « vénérée et piétinée », à celui d'Otto Franck, le père d'Anne, seul rescapé, traumatisé, mais également à ses propres fantômes.

Un récit fort, émouvant, intimiste, riche d'informations notamment sur la jeune vie brisée d'Anne Franck, sur l'ardent désir d'une adolescente vive et drôle en dépit du reste, de devenir écrivaine et d'être publiée. Lola Lafon lui rend un bel hommage.



« Si la mémoire s'étiole, les mots, eux, restent intacts, ils sont notre géographie du temps. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
Commenter  J’apprécie          361
Quand tu écouteras cette chanson

“Quand tu écouteras cette chanson” est le fruit d’une commande passée dans le cadre de la collection publiée chez Stock: “Ma nuit au musée”. Cette dernière consiste à demander à un(e) auteur(e) de choisir un musée dans lequel il (elle) passera la nuit pour ensuite nous livrer ses impressions et ce que cela a provoqué en lui. Ainsi, le choix de Lola Lafon s’est porté sur le musée Anne Frank à Amsterdam, qui est en réalité la dernière demeure de la jeune fille, avant qu’elle et les siens ne soient déportés.



Malgré déjà douze publications, c’est la première fois que je lis un texte dans cette collection qui, il faut l’avouer, ne m’attirait pas particulièrement… Après tout, que pourrait m’apporter la lecture d’une expérience solitaire dans un décor que je ne pourrais jamais connaître, pas dans ces conditions en tout cas? Or, est-ce le choix de ce musée en particulier, ou la plume particulièrement évocatrice et chargée d’émotions de Lola Lafon, mais j’ai été complètement happée et bouleversée par ce récit qui nous partage son expérience d’une nuit, seule, dans ce lieu particulièrement chargé d’Histoire. Une expérience très personnelle puisque le lieu va réveiller chez l’auteure d’anciens souvenirs d’exil et de fuite liés à l’histoire de sa famille. Un choix de musée qui n’est donc pas tout à fait innocent…



A travers ses errements et ses réflexions, c’est aussi l’occasion pour Lola Lafon de remettre l'œuvre d’Anne Frank dans son contexte historique et de montrer que le chemin fût long avant qu’elle soit acceptée comme une œuvre littéraire à part entière. J’ai le sentiment d’avoir appris plein de choses et d’avoir redécouvert sous un nouveau jour un texte que j’avais lu il y a fort fort longtemps.!



En bref, c’est passionnant, puissant et bouleversant et ça fait partie des textes marquants de cette rentrée littéraire!

Commenter  J’apprécie          360




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Lola Lafon Voir plus

Quiz Voir plus

Quand tu écouteras cette chanson (Lola Lafon)

Quand Lola Lafon passe-t-elle une nuit dans l’Annexe du Musée Anne Frank à Amsterdam ?

Le 18 août 2021
Le 28 août 2021

20 questions
31 lecteurs ont répondu
Thème : Quand tu écouteras cette chanson de Lola LafonCréer un quiz sur cet auteur

{* *}