Citations de Lola Lafon (1211)
Quand la foi tragique qu’Otto Frank a placée dans son pays d’adoption lui apparaît-elle enfin comme une erreur ?
Les Pays-bas ne se contentent pas d’obéir aux ordres de l’occupant, ils participent activement à la mise en place des mesures antijuives.
Dès le mois de décembre 1940, les nazis excluent les juifs de la fonction publique, leur interdisent l’exercice des professions libérales : il faut « déjudaïser » l’économie.
Les enfants ont tout le temps du monde
C'est tout petit, l'amour, ça rend jaloux et inquiet
S'habitue-t-on à être en danger?
Certaines rencontres commencent au moment où on se quitte, quand le temps presse. Alors les mots battent au cœur de l'essentiel
Chez nous, on avait rien à désirer. Et chez vous, on est constamment sommet de désirer.
Nadia, dès 1975, est-elle une simple citoyenne roumaine où est-elle déjà devenue une parcelle de drapeau, une histoire en cours d'écriture, une arme nationale ?
Je suis celle qui met fin à mes propres rêves chaque matin par une sonnerie de réveil.
Je mets fin à mes rêves pour aller m'entasser dans des wagons de RER de métro contre des corps froids et rigides que je ne veux pas toucher.
Je mets fin à mes rêves pour obéir et produire des objets des idées toutes petites dans des grands bureaux insonorisés à moquette beige.-
J'interromps des rêves qui chatoient pour ne pas perdre ma place même si ma place est un quart de strapontin dans le monde et l'entreprise qui m'emploie à me gâcher la vie.
Je vais mourir je le sais. Mais je n'y pense pas je mets le réveil quand même un matin de plus en-core.
J'obéis à moi-même.
Je ne combats pas. Je n'ai pas le temps. Je mets le réveil.
Le flou est une espèce en voie de disparition dans un monde où règne l’exigence de transparence. On y vante la limpidité , la clarté d’une intervention médiatique. Savoir résumer son propos en quelques mots est un savoir contemporain, un idéal d’agence immobilière.
Des fois, il croyait que j'avais peur de l'orage et il me serrait la nuit entière dans ses bras. J'arrivais à la hauteur de son épaule et j'avais peur parce que je savais que c'était déjà fini en commençant.
Des fois, je ne pouvais pas dormir de la nuit quand il était à côté de moi parce que j'essayais de trouver la solution pour forcer le futur à reculer encore un peu plus tard.
« La résignation est un suicide quotidien.»
Et j'ai entre-aperçu la paix de mon âme dans les lacrymos qui font verser des larmes quand on veut juste court-circuiter un Ordre Nouveau.
Je me souviens de l'heure en cristaux liquides bleus devant moi. Avec tous les chiffres 23:27 23:30 23:31 23:32 23:58. Les chiffres qui changeaient l'air de rien. Comme si c'était la nuit normale.
Il est libre il est vivant il est dehors il est libre moi plus vraiment.
Il a des tennis blanches il est insoupçonnable.
Je ne veux pas vraiment mourir, je ne peux pas vivre avec ce qu'il a fait c'est tout.
Cette histoire est dédiée à toutes les vies encombrées d'un homme insoupçonnable, qui, poliment marche sur les vies, les fait craquer et revient chez lui, l'air de rien avec ses tennis blanches.
Cette histoire est une somme d'événements qui n'auraient pas dû être là. Et de toute façon on ne me croira pas.
Je ne connais pas le poids du soupçon. Mais je sais le poids d'un homme insoupçonnable.
Cette histoire est aimablement dédiée à la Vérité qui est très bizarre dernièrement.
Cette histoire est dédiée à toutes les vies encombrées d'un homme insoupçonnable.
Et il y a des fois où ce n'est pas qu'on veut en mourir, c'est juste qu'on ne veut pas continuer à vivre avec ce qu'il a fait, c'est tout.
Ce n'est pas ce à quoi on nous oblige qui nous détruit, mais ce à quoi nous consentons qui nous ébrèche.
Plutôt que savoir, il faudrait dire que je connais cette histoire, qui est aussi celle de ma famille. Savoir impliquerait qu’on me l’ait racontée, transmise. Mais une histoire à laquelle il manque des paragraphes entiers ne peut être racontée. Et l’histoire que je connais est un récit troué de silences, dont la troisième génération après la Shoah, la mienne, a hérité.
Je sais l’histoire de ces familles élevées dans l’amour d’une France de fiction, celle d’Hugo, de Jaurès et de la Déclaration des droits de l’homme. Je sais que, loin du havre qu’ils espéraient y trouver, ils y ont été humiliés, pourchassés, déportés.
Le 18 août 2021, j’ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l’Annexe.
Je suis venue en éprouver l’espace car on ne peut éprouver le temps. On ne peut pas se représenter la lourdeur des heures, l’épaisseur des semaines. Comment imaginer vingt-cinq mois de vie cachés à huit dans ces pièces exiguës ?
Les vraies images, sur le mur, étaient jaunies, pour certaines déchirées. Elles se superposaient, s'annulaient, au rythme des désamours de la jeune fille. Une mosaique pop qui s'en fichait, du bon goût : des chimpanzés réunis autour d'une table côtoyaient des fillettes trop blondes, la Pietà de Michel-Ange effaçait la silhouette d'une patineuse collaborationniste, Michel-Ange et Hollywood s'inclinaient devant une princesse rieuse âgée de douze ans à peine, Élizabeth d'York.
L'anorexie est un monologue. Qui dit que quelque chose nous dévore, qu'on brûle du désir de vivre. L'anorexie, je crois, est une promesse de fidélité faite à des absents. L'anorexie est , je crois, la langue que parle celles qui héritent de récits silencieux.
On ne pourra pas dire qu'on se savait pas ; on pourra dire qu'on ne savait pas que faire de ce qu'on savait .
La mémoire est un lieu dans lequel se succèdent des portes à entrouvrir ou à ignorer; la mémoire, écrit Louise BOURGEOIS, " ne vaut rien si on la sollicite, il faut attendre qu'elle vous assaille".