Il se peut que je me sois légèrement laissé dépasser par la situation, en oubliant de mentionner que je viendrais seule. En clair, j'ai peut-être cru un peu trop longtemps au retour de Derek, comme s'il était prévu un tome II de notre histoire alors que, sur la couverture, il était mentionné, en lettres capitales : " tome unique, fin tragique."
Ma filature commence à la vitesse d’un vieux diesel mal huilé.
Il est déjà 7 h 30 et je n’ai pas débuté ma surveillance.
Les gens bien, c'est difficile à trouver.
Nous nous regardons comme deux idiots. Deux âmes sœurs qui se rendent compte après six ans qu'elles ont perdu un temps infini.
J'ai longtemps pensé que prendre une décision, c'était choisir la meilleure option parmi toutes les possibilités. Puis j'ai fini par comprendre qu'il n'y avait pas de vrai bon choix. Il n'y a que ceux dont on peut supporter les conséquences.
Aucun conte de fées n'a prévu que la fille sournoise et trop maquillée s'accapare le prince charmant, et qu'ils vivent heureux avec leurs enfants arrogants, malpolis mais surdoués.
La passivité n'apporte rien. Ou plutôt si, des remords et des regrets. Il y a toujours quelque chose que l'on regrettera de ne pas avoir fait. Parce qu'on n'a pas osé, parce qu'on a laissé filer le temps. On s'est cru perdant avant même d'avoir joué le match. Ou, dans mon cas, parce qu'on a développé une impressionnante capacité à tout faire foirer dès le départ.
En quelques secondes, mon univers a basculé. Il vient de percuter celui de Colin de la plus douce des manières.
Je laisse mes yeux papillonner à la recherche d’un endroit sûr où se poser. Un endroit qui ne soit pas lui. Lui et ses confidences timides que j’ai pris bien trop de plaisir à écouter, comme s’il appartenait à cette catégorie de personnes fascinantes qui se livrent avec une infinie pudeur. Et comme s’il y avait autre chose à découvrir derrière cette forteresse de glace.
Charlie m’a contactée le lendemain matin pour commencer le chantier. Bien sûr, mon électricien officiellement attitré n’a pas manqué de me faire remarquer qu’on lui avait forcé la main pour entamer les travaux et que, si la sécurité des habitants n’avait pas été en jeu, il aurait refusé net. Ce qui, au passage, justifiait une majoration de son tarif de trente pour cent.
En réponse, je l’ai menacé de me servir des prises tous les soirs entre minuit et une heure du matin, ce qui l’obligerait à sortir de son lit pour procéder à la réparation, puisque j’ai découvert qu’en qualité d’unique électricien du secteur il était mandaté par la mairie pour les travaux d’urgence. Sans surprise, nous avons donc fini par nous mettre d’accord sur le prix.