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Critiques de Jean-Marc Rochette (553)
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La Dernière Reine (BD)

Toujours beaucoup de plaisir en admirant les graphismes parfait de Jean-Marc Rochette avec des couleurs travaillées qui traduisent avec réalisme la teneur de cette histoire.



C'est une double histoire, celle d'un homme, une gueule cassée de la Grande Guerre, et celle d'une femme artiste, sculptrice, dont le talent va les unir pour l'éternité. Ce sont deux personnalités auxquelles le lecteur s'attache dès les premières planches les mettant en scène, partageant leur bonheur et leur douleur.



L'action se déroule en grande partie dans le Vercors pour l'illustration duquel Rochette a déployé tout son art, surgissant dans les levers ou couchers de soleil, avec cette magnifique lumière bleutée émergeant au-dessus des rochers, des sapins, de toute une nature superbement valorisée par un dessinateur talentueux.



Une partie de l'action emmène le lecteur dans les tranchées de la guerre, mais aussi au Moyen Age sur le plateau du Vercors, époque où les loups et les ours, craints des humains, étaient pourchassés sans relâche.



Il y a donc tout ce que l'on peut espérer d'un beau roman graphique à la lecture duquel on savoure autant la beauté des lieux que l'histoire douloureuse et belle d'Edouard Roux qui a connu le grand amour malgré son visage défiguré à la guerre.



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La Dernière Reine (BD)

Club N°50 : BD sélectionnée ❤️

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Indispensable, Rochette atteint le sommet !



Clément

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Dernier volet de la trilogie montagnarde de Rochette, après l'autobiographique et grandiose Ailefroide, puis le superbe d'atmosphère le Loup, voici La Dernière Reine.



C'est dans la lignée des deux premiers volumes, une grande réussite de scenario et son style graphique si particulier.



On est cette fois dans le Vercors, entre différentes époques avant de se poser au début du 20eme siècle et la fin de la première guerre mondiale.



On sent l'influence de Pierre Lemaitre, de Frison-Roche et sa Grande Crevasse et de l'amour de la nature et de la montagne qui ont rempli la vie de Rochette.



C'est très moderne malgré l'époque et la réflexion sur la place de la nature/homme.



Une trilogie majeure de la BD !



Greg (Club BD)

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Un récit d'une très grande force qui s'appuie sur les illustrations grandioses de Jean-Marc Rochette !



Isabelle

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Encore un chef-d’œuvre !!



A mi-chemin entre "l'Ours" de J. J Annaud et "Au revoir la-haut" de Pierre Lemaitre avec évidemment toute la qualité scénaristique de J.M Rochette.



je ne mets que 4.5/5 car cette BD méritait une édition plus prestigieuse, entre autre un format plus grand.



Aaricia

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Très belle BD !



L'histoire et le dessin abordent pleins de thématiques différentes avec une grande justesse et une grande sensibilité.



J'ai adoré !



Morgane N.

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Une pure merveille !



Il se dégage une magie incroyable, une émotion tintée de tristesse ainsi qu'une revendication de liberté à tout prix...



Gwen

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La meilleure BD de cette sélection.



Dommage que ce soit la dernière de Rochette mais il termine sur une apothéose.



Wild57

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Lien : https://mediatheque.lannion...
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La Dernière Reine (BD)

L'auteur Jean-Marc Rochette déclare que la dernière reine sera sa dernière œuvre en BD préférant poursuivre dans la sculpture et la peinture où il y a plus de liberté. Il a été fortement secoué par l'affaire Bastien Vivès et les commissaires politiques et de la moralité qui sévissent dans ce milieu où tous les coups sont désormais permis. On peut comprendre et respecter sa décision.



C'est donc une œuvre testament qu''il nous laisse en héritage. Autant dire, que c'est réellement un magnifique récit qui nous entraîne sur des sentiers encore inexplorés entre art, guerre et belle histoire d'amour entre uns sculptrice et une gueule cassé. On peut affirmer que c'est sa meilleure œuvre tant la puissance du récit emporte tout sur son passage.



Evidemment il y a un hymne à l'amour véritable mais également celui de la préservation de la nature que les hommes détruisent petit à petit. Le décor sera celui du Paris des années folles qui a suivi la première Guerre Mondiale où on voulait revenir à un peu plus de légèreté après le grand traumatisme qui avait secoué le pays. Beaucoup de soldats l'ont payé de leur vie et les survivants de leur corps et de leur âme.



Nous aurons également droit à de magnifiques paysages situés dans le Vercors qui garde encore un parfum de nature et de liberté. A noter qu'on passe d'un univers à l'autre en un rien de temps mais que le dosage est quasiment parfait au niveau de la transition.



Au niveau du dessin, c'est quand même très sombre avec des couleurs qui ne favorisent pas l'éclat et la lumière parfois indispensable. On a l'impression que l'on ne sort pas des tranchées. Il y a eu une utilisation à outrance d'encres noires qui donnent ce rendu. Mais bon, il faut s'y habituer et on est facilement pris dans l'intrigue grâce à une narration bien pensée et agréable.



La fin est véritablement poignante et triste à mourir. J'ai rarement lu quelque chose d'aussi fort où l'on a envie de crier à l'injustice (mais pas de tout casser). Il faut dire que notre système judiciaire est profondément biaisé à la recherche constante de bouc émissaire parmi les individus les plus défavorisés de la société.



C'est une très belle histoire tragique que j'ai adoré parce qu'il y avait des personnages qui sonnent vrais et qui sont charismatiques. C'est certainement la BD qu'il faut absolument lire pour ne pas passer à côté.
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Le Loup

Un album, comme un chant, un hymne à la guerre ancestrale entre l'homme et le loup.

Le trait de Rochette est âpre, noir et précis. la mise en couleur participe à cette précision du propos: j'ai ressenti ce froid qui tue ou mutile l'imprudent piégé dans la montagne. J'ai participé au festin ivre du loup.

Entre le loup et l'homme, l'un des deux est-il vraiment de trop? Chacun ne doit-il pas trouver sa place, partager?

Gaspard le berger souffre et sa colère risque de l'anéantir. La louve est morte, et son petit a survécu. Entre le loup et l'homme, y'aura-t-il un vainqueur?

Une histoire magistrale, que postface à propos, baptiste Morizot.
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La Dernière Reine (BD)

« Tant que dans la montagne règneront les ours, le soleil se lèvera le matin. Mais, au soir où mourra la dernière reine, alors ce sera le début du temps des ténèbres. »



Édouard Roux, gueule cassée de 14-18, se rend à Montmartre chez Jeanne Sauvage, afin qu'elle lui fabrique un nouveau visage. Ne pouvant la payer, et cette dernière étant sculptrice animalière, il lui montre ses montagnes et ses forêts du Vercors, tout en lui racontant l'histoire du dernier ours abattu sous ses yeux lorsqu'il avait dix ans. Dans une grotte connue de lui seul et de ses ascendants, Édouard lui montre La Dernière Reine. De retour à Paris, la sculpture de Jeanne a un franc succès. Mais après quelques ennuis avec la justice, et la santé de Jeanne étant fragile, le couple prend la décision de s'installer définitivement dans cette montagne qu'ils aiment tant tous les deux...



Un hiver, des bêtes disparaissent. Se pourrait-il qu'il y ait encore un ours ? Déterminé à le protéger, Édouard va devoir à nouveau faire face aux hommes...



Comme dans "Le loup", Jean-Marc Rochette nous dépeint ici un paysage montagnard à couper le souffle, dans lequel ses protagonistes, isolés volontairement et par amour de ce lieu, sont en pleine communion avec lui. Ici il n'est pas question du loup, mais de l'ours, tout aussi majestueux et pour lequel on prend partie (enfin en ce qui me concerne, je suis toujours du côté de l'animal de toute façon).



Mais il n'est pas uniquement question de l'ours, il y a aussi la montagne et ses forêts, tout comme Édouard dont la personnalité est aussi bien dépeinte que les paysages qui l'entourent.



Les illustrations, telles des peintures de paysage, sont rendues vivantes, en mouvement continuel. Souvent imprécis, aux tons sobres, très aérés, les dessins de Rochette sont à l'image d'Édouard, de son visage sans nez et sans bouche, de son passé douloureux, de ses points de vue "anarchistes".



Il y a très peu de texte, mais il n'y en a pas besoin de plus. Édouard a énormément de prestance, tout comme la montagne, sa faune et sa flore. Les dessins s'imposent et en disent long et suffisamment.



En-dehors de son histoire, douloureusement belle, Jean-Marc Rochette nous offre en parallèle des tableaux à la fois percutants et immersifs.



"La dernière reine" est une très belle découverte, que j'ai d'ailleurs mieux apprécié que "Le loup", certainement parce que le lien entre l'homme et l'animal m'a ici davantage touchée.

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Le Loup

Au massif des Écrins, un troupeau de brebis se fait attaquer violemment, en pleine nuit, par une louve. Plusieurs d'entre elles meurent sous ses dents. Gaspard, le vieux berger, suivi de près par son fidèle Max, tire. Abat les brebis trop blessées mais aussi la louve. Il retire la balle logée dans son corps et retourne à sa cabane. Non loin de là, un louveteau affamé n'a d'autre choix que de s'abreuver du sang encore chaud de sa mère. Un louveteau qui n'oubliera pas l'homme qui vient de la tuer...



Deuxième attaque de l'année. Cinquante bêtes. Des brebis et des agneaux recouverts de sang. Des hurlements de douleur. Gaspard, ce vieux berger rustre, taciturne et complètement isolé dans son chalet, avait-il réellement d'autre choix que d'abattre la louve qui venait s'en prendre à ses bêtes ? Pouvait-il la laisser se repaître de ses animaux ? L'on pressent, dès les premières pages, dès le regard du louveteau posé sur sa mère, qu'une confrontation est inéluctable. Et c'est bien à cela que nous conduit Jean-Marc Rochette. Mais d'une manière si subtile, si poétique que le chemin n'en est que plus émouvant, parfois éprouvant. L'auteur, sans être moralisateur, cherche à montrer la complexité des liens entre les animaux et l'homme et la place de l'homme dans l'environnement. Une fable fascinante, mystérieuse et emplie d'émotions. Graphiquement, le trait épais, presque charbonneux et imprécis, apporte rudesse et âpreté à ce récit. L'ambiance est tout à la fois sombre, de par des couleurs obscures, froide, de par ce blanc immaculé, et rayonnante, lorsque la vie renaît.
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La Dernière Reine (BD)

Meilleur livre de l'année 2022 pour le magazine Lire, et c'est une BD, ou un roman graphique, comme vous voulez.



Une couverture de toute beauté, une histoire sur plusieurs temporalités, où les hommes n'ont pas le beau rôle.

Quelques planches retracent l'histoire du Vercors à différentes époques, avant l'apparition des hommes, à la préhistoire, au moyen age. Les animaux et ceux qui les aiment et les protègent vont y subir la loi des hommes.



L'histoire principale met en scène deux personnages: une gueule cassée de la grande guerre, Édouard Roux, déjà tenu à l'écart petit car fils d'une "sorcière" et fervent défenseur de la vie sauvage, et Jeanne , sculptrice, qui fabrique des masques pour redonner figure humaine à ces hommes que la guerre a privé d'une partie de leur visage. Ils vont s'aimer. Ils vont essayer de vivre leur vie, dans les montagnes, à l'écart des autres, mais la vie, ou plutôt la mort les rattrapera. Je ne divulgâche pas, car les premières pages nous disent que la grâce d'Édouard a été refusée.



Mais le premier personnage de cette BD c'est la nature et cette montagne du Vercors, et les animaux qui tentent d'y survivre, notamment La dernière reine.



Des dessins magnifiques aux tonalités qui évoluent suivant l'endroit représenté, une incursion dans le cercle artistique du Paris de l'après-guerre instructive, un message déjà d'actualité à l'époque sur les désastres que l'homme fait subir à la nature et à la vie sauvage, un plaidoyer pour le droit à la différence, beaucoup de choses sont abordées dans cette BD, des thèmes chers à mon cœur.



Il reste néanmoins que le format BD me touche moins qu'un roman. Je m'y trouve moins plongée, moins emportée dans l'histoire. Voilà pourquoi ce ne fut pas un coup de cœur pour moi, malgré la splendeur des dessins.



Je pense notamment à ces planches qui nous montrent à la fin du livre, quelques animaux, à différentes distances, d'un plan rapproché sur leur regard à leur silhouette dans le lointain.
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Ailefroide : Altitude 3 954

Au musée, Jean-Marc est fasciné devant le tableau de Soutine, « Le bœuf écorché ». Alors qu'il tente de toucher la toile, sa mère le somme de ne pas le faire. Et elle commence à en avoir marre de toujours le voir enfermé dans les musées alors qu'il est entouré de montagnes. Elle leur organise alors une petite marche sur les sommets. Malgré la pluie, le gamin avance prestement, allant jusqu'à s'éloigner d'elle et atteint le haut d'un petit pic. Et là, il tombe amoureux de la montagne et n'a plus qu'une idée en tête : monter tout en haut...

Trois ans plus tard, Jean-Marc reçoit la visite de son ami, Sempé. Tous les deux ont prévu de grimper. Devant le manque de matériel de son copain, l'adolescent en emprunte à son ami, Éric Laroche-Joubert, un grimpeur chevronné. Finalement bien équipés, les deux amis escaladent une falaise d'entrainement et y prennent beaucoup de plaisir. Ils s'accordent parfaitement et se promettent de renouveler l'expérience... allant jusqu'à se jurer de grimper ensemble la face nord d'Ailefroide...



Jean-Marc Rochette se destinait à une tout autre profession, celle de guide de montagne. Tout gamin, émerveillé par tous ces paysages qui l'entourent, il ne rêve que d'une chose : grimper. Mais la vie en aura décidé autrement. La peur, les risques encourus, les amis qui disparaissent... Ce sera donc vers le dessin qu'il se tournera. Dans cet album, il se livre tout en émotion et pudeur sur la montagne qui le transforme petit à petit, ses vocations, ses premières escalades, ses amis qui l'accompagnent, sa mère qui ne le comprend pas, les accidents... De ce petit gamin renfrogné, l'on découvre un adolescent qui s'épanouit sur les sommets, qui veut toujours aller plus loin, jusqu'à prendre de nombreux risques, et le jeune adulte qui, finalement, se tournera vers la bande dessinée. Intime, sensible et passionnant, cet album fait la part belle aux montagnes que l'auteur chérit. Des étendues magnifiquement croquées par un coup de pinceau précis, des couleurs tranchantes et profondes. Avec Olivier Bocquet, il nous offre une autobiographie captivante et émouvante...
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Le Loup

- Loup, y es-tu ?

- Oh que oui, mon ami, et je vais te faire la misère !



Il était une fois un berger prénommé, non pas Michel, mais Gaspard.

Pas le gars taciturne, mais presque.

Son jardin, la montagne qu'il arpente en soliste au rythme des saisons.

Aussi, lorsqu'une louve vint chier sur ses plate-bandes en lui flinguant quelques dizaines de brebis et d'agneaux, le gars Gaspard, il a vu rouge.

Rouge comme le sang de la bête qui contraste désormais avec la neige immaculée, laissant derrière elle un louveteau peu rancunier, mais qui n'oublie pas.



Rochette, c'est chouette.

Véritable ode à la nature et à la liberté, cette montagne et les autochtones qui la peuplent peuvent parfois mettre en lumière des duels épiques.

De ceux qui marquent à jamais la cartographie mémorielle d'une région.



Ce livre m'a ramené au vieil homme et la mer, allez savoir pourquoi.

Deux ennemis ancestraux se livrant bataille tout en se respectant.

L'histoire peut sembler triste, elle s'avère porteuse d'une rare beauté assortie d'une humilité saisissante.



Si le trait parfois sombre m'a quelque peu échaudé, le récit bouleversant qui lui sert de support rafle à lui seul la mise.

Un combat sans merci entre deux belligérants bigrement intelligents et tenaces, ça a déjà de la gueule sur papier glacé, mais lorsque ce dernier va jusqu'à flirter avec une folie hallucinatoire, on touche au sublime.

Les paysages sont grandioses.

Les leçons de vie et de mort sont à l'unisson.



Ce récit est un hymne à l'intelligence et au respect mutuel.

Grand moment.
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La Dernière Reine (BD)

1898, dans le Vercors. Il n'est pas peu fier, le berger Tolozan, d'avoir réussi à tuer l'ours qui s'attaquait aux troupeaux du village. Seul ce gamin, Édouard Roux, s'indigne de ce geste infâme et honteux. Raillé par d'autres enfants, il s'énerve et s'apprête à frapper, le menaçant de mort, l'un des enfants mais finira au cachot où sa mère viendra le récupérer. Ce n'est qu'une fois rentrés chez eux, dans la montagne, que celle-ci lui dira de se méfier des hommes, souvent bien plus cruels que les animaux. Des années plus tard, sur le front, Édouard verra la plupart de ses camarades mourir tandis que lui finira défiguré. Une gueule cassée, comme on dit, qui n'osera alors plus rentrer chez lui et voir sa mère, trop honteux de ce visage dont le nez et tout le côté droit est parti dans l'explosion de la trachée. Exilé à Grenoble, il vit en permanence avec un sac en papier sur la tête. Alors qu'il vient tout juste de perdre sa mère, il fait la rencontre d'un jeune garçon, voisin de palier. Celui-ci lui conseille d'aller voir son oncle, qui habite au premier. Une gueule cassée comme lui qui lui donnera l'adresse de Jeanne Sauvage, à Paris, sur la butte Montmartre. Une artiste qui fait des miracles en refaisant les visages...



La dernière reine n'est autre que la dernière vieille ourse qu'Édouard, dans toute sa noblesse et son honneur, tentera de sauver des hommes qui cherchent à la tuer. Bien avant cela, devenu une gueule cassée qui n'osera montrer son visage à quiconque, et surtout pas à sa propre mère, Édouard Roux, grâce à Jeanne et à son art, reprendra goût à la vie et retrouvera l'espoir. Sur fond de chasse à l'ours, dans le Vercors, Jean-Marc Rochette nous plonge au cœur de passionnantes, vibrantes, presque viscérales, histoires d'amour. Amour entre un homme et une femme, entre un homme et un territoire, celui des montagnes du Vercors, entre un homme et un animal. Si l'auteur interroge sur l'art, le sens de la guerre, la chasse, le deuil, la place de l'homme dans la nature, il transcende, toutefois, cette histoire d'amour entre Jeanne, un personnage fort, accompli, humaniste et libre, et Édouard, un homme puissant, farouche et respectueux qui se révélera au contact de cette dernière. Sensible et intense, cet album se révèle tout à la fois tragique et beau. Graphiquement, l'auteur nous offre de magnifiques paysages de montagnes. Le trait charbonneux et les planches sombres nous plongent dans une atmosphère particulièrement troublante.



À noter qu'un film est déjà en préparation...



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La Dernière Reine (BD)

Depuis quelques mois, j'ai fait l'impasse sur les bandes dessinées et je rattrape mon retard avec quelques titres incontournables.

Tout d'abord ce splendide album de Rochette, « La dernière reine ».

Cette dernière reine, c'est la dernière ourse encore présente dans le massif du Vercors.

Enfant, Edouard Roux a assisté à une battue pour exterminer les derniers ours présents et tenté de s'interposer, ce qui lui vaudra une réputation de rebelle délinquant.

Après la première guerre, devenu une « gueule cassée », il n'ose pas revenir au village et se fond dans la foule parisienne.

C'est là qu'il rencontrera Jeanne Sauvage, sculptrice animalière, qui lui confectionnera un masque (oui comme dans « Au-revoir là-haut ) qui lui changera la vie et le rapprochera à jamais d'elle.

Et quoi de mieux, pour enrichir son inspiration, que lui faire découvrir son merveilleux Vercors et ses légendes...



Tout est beau dans cette bande dessinée !

Le scenario, riche, met en scène les légendes immémoriales sur les ours, la boucherie de la première guerre, le Paris des années 20 et son effervescence artistique, la magnificence du Vercors, et une histoire d'amour improbable et tragique !

Le dessin et les couleurs, sombres, sépias, avec des bleus profonds et des taches de rouge grevés de quelques rares morceaux de ciel bleu, collent complètement au récit.

Tout nous émerveille et nous émeut dans cette histoire et on ne se lasse pas de détailler chaque épisode et son atmosphère particulière.

Une bande dessinée à relire et à offrir !

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Le Loup

Ahoooouuuuu ! Ahhooouuuuuu !

C’était un plaisir de me fondre à nouveau dans ce décor blanc immaculé des montagnes en compagnie de Jean-Marc Rochette.

J’ai retrouvé dans cette histoire celle de Et vous passerez comme des vents fous, sauf qu’ici c’est le loup qui prend la place de l’ours.

Gaspard est un vieux berger qui vit en ermite dans la montagne avec son chien. Il s’enferme dans la solitude, tout particulièrement après la mort de son fils militaire au Mali.

Alors, quand un louveteau blanc apparait dans le paysage, né d’une magnifique louve abattue quelques mois plus tôt en plein parc régional par Gaspard, ce dernier va s’enferrer dans une lutte à mort contre l’animal et son propre désespoir.

Une lutte qui va l’emmener très loin, au bout de lui-même et des à-pics rocheux.

Un conte noir mêlé au sang dans lequel le sombre l’emporte malgré la blancheur des glaces et des neiges. Conte qui donne à réfléchir sur la relation homme-animal sauvage, au cœur d’une lutte ancestrale pour les territoires.

Cet album aborde les relations complexes engendrées par ce retour à leur habitat naturel de prédateurs longtemps disparus des paysages avec lesquels les jeunes bergers (peu nombreux) doivent composer, dans l’espoir d’une cohabitation pacifiée plutôt qu’un affrontement sanguinaire.

Cependant, si la condition difficile des bergers, dont les aides financières de l’Etat ne compensent pas la perte d’un troupeau mené tout entier dans l’abîme par un animal déchainé est bien décrite, j’ai été moins séduite par cet ouvrage que par La dernière reine.

Dans ce récit pourtant simple, (ce qui n’est pas un problème en soi, mais là peut-être un peu trop simple à mon goût), il y a plusieurs incohérences ; Gaspard fait preuve d’une force de vie surhumaine pour un homme de son âge, à lui les iron-man pour vétérans ! Je me suis demandé s’il n’allait pas se transformer en godzilla armé de fulguropoings.

Par ailleurs, je n’ai pas bien compris si Gaspard vivait seul ou non puisqu’il est dit à plusieurs reprises qu’il est seul, mais aussi que sa femme a sombré dans une forte dépression au décès de leur fils, sans qu’elle n’apparaisse jamais dans le roman graphique, là n’est pas l’essentiel me direz-vous à juste titre, mais mon petit esprit cartésien a tiqué : bon alors, il est seul ou il n’est pas seul ? il faudrait savoir...

Même si le coup de crayon qui tranche à vif reste agréable, il ne m’a pas portée aux sommets cette fois comme La dernière reine l’avait fait. Ce Loup reste une belle aventure en montagne, vous pouvez enfiler raquettes et crampons !

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La Dernière Reine (BD)

Bravo ! Waahoooou ! Coup de cœur ! Celui qui dit que la BD est un art mineur n’a pas lu cette BD !

Bon oui, d’accord, j’arrive complètement après la bataille, moyenne de 4,52 sur 428 notes, élu meilleur livre de l’année par le magazine Lire en 2022.

Cet ouvrage, je l’ai emprunté à la médiathèque sans trop y croire, il me tendait ses petits bras avec un joli « Coup de cœur des bibliothécaires » barrant sa couverture.

Malgré tout ça, j’ai quand même hésité au départ tant le graphisme me paraissait sombre, j’irais même jusqu’à dire un peu « sale », tout me paraissait uniformément triste.

Pourtant, très vite cette impression s’est dissipée, au bout de quelques pages, j’étais ferrée, et n’ai fait que deux bouchées en apnée de ce conte majestueux et poignant !

Jamais roman graphique ne m’a paru aussi riche, intelligent, érudit et subtil ! Oui, je sais, je suis décidément tout en nuances après cette lecture si enthousiasmante !

Edouard Roux passe son enfance dans les montagnes du cirque d’Archiane au cœur du Vercors. Il n’est pas toujours facile d’être le fils de la « sorcière », la femme seule qui élève son fils, riche de ses connaissances des plantes et de la faune. D’ailleurs quand le dernier ours est tué en 1898, le fils du gendarme n’hésitera pas à dire à son « camarade » Edouard qu’il est le fils de l’ours.

17 septembre 1916, changement radical de décor dans la Somme, à la suite d’une explosion, Edouard perd toute sa jeunesse, son nez, et une partie de sa bouche, il devient une gueule cassée. De retour de la guerre, il porte en permanence un sac percé de deux trous sur la tête. Il vivote de sa maigre pension qu’il écluse dans les bars quand il apprend l’existence d’une femme, Jeanne Sauvage, qui redonne un visage aux gueules cassées.

J’ai découvert ici un pan de l’histoire fascinant, Jean-Marc Rochette s’est inspiré de la vie de Jane Poupelet qui a fabriqué des masques pour ces hommes au visage fracassé, les photos avant/après visibles sur internet sont incroyables. Grâce à un matériau très souple et un art maîtrisé, ces hommes reprennent forment humaine et un semblant de vie sociale sous les mains de Jeanne. La similitude avec la Jeanne Sauvage de l’histoire ne s’arrête pas en si bon chemin, Jane Poupelet était également une véritable artiste qui maîtrisait la sculpture animalière et réalisait de superbes nus féminins.

Jeanne Sauvage ne va pas uniquement redonner gout à la vie à Edouard, ils vont vivre une magnifique histoire d’amour. Edouard emmènera Jeanne dans son Vercors natal lui faire découvrir la faune sauvage, les superbes paysages de montagne…

L’auteur a mis ses tripes et son âme dans ce récit brut, poignant, qui met en scène majestueusement la nature et ses animaux sauvages. La Terre si longtemps généreuse avec les hommes est massacrée, bafouée, les vies animales prises pour des raisons absurdes. Ainsi, la dernière reine, la magnifique ourse - qui se détache sur la neige en couverture - est tuée pour finir empaillée dans un musée à Grenoble. Car la véritable héroïne de l’histoire, c’est elle, cette ourse, tantôt bien vivante, tantôt fantasmée, dessinée, sculptée, prisonnière, adorée, déifiée…

Le lecteur passe du Paris artistique des années 20 brillamment évoqué, à Grenoble, puis aux forêts et montagnes du Vercors, ces dernières étant les seules à procurer un havre salvateur à Edouard : « Il faut fuir les hommes. Les forêts sont devenues trop petites… pour cacher les ours et ceux qui s'aiment. Ils débusquent et tuent tout ce qui n'obéit pas à leur loi. Les forêts sont devenues trop petites pour la liberté. Beaucoup trop petites. » (p.89)

Les textes et les dialogues sont superbes, rarement des dessins m’auront donné autant d’émotions.

« Les jours que j'ai passés ici sont les plus beaux de ma vie.

J'aurais tant voulu qu'ils durent l'éternité. Rien de plus, rien de moins. Voir les saisons s'égrainer, regarder et sentir tout ce qui est là, découvert et caché.

J'aurais eu besoin de l'éternité pour apprendre à aimer, pour ne pas me lasser.

Le vent qui irise l'étang, le souffle des pierres, les couleurs. Ce fleuve qui se répand en nous chaque seconde. Et les arbres, les animaux, et toi, mon amour, que je vais quitter.

L'art n'est rien s'il ne force le réel. [...]

Jure-moi qu'on ne m'enterrera pas.

Fais de moi un nuage. » (p.188-189)

Alors même si vous lisez très peu de romans graphiques, je ne peux que vous recommander de choisir celui-ci ! Voilà qui aura au moins le mérite de vous faire passer un moment agréable avant notre fin prochaine, l’auteur prophétisant le temps de ténèbres, après la mort de la dernière reine, et l’avenir ne semble que pouvoir lui donner raison.

Une superbe déclaration d’amour à la nature, à la préservation des espèces, à arrêter le massacre de notre Terre qui nous mène à notre perte. Un message écologique qui touche en plein cœur et suscite le besoin d’être partagé. Un superbe roman graphique qu’on a très envie d’offrir …



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Le Loup

Au début, j'ai eu du mal à entrer dans cette histoire. Je me disais : encore une histoire avec un loup qui décime les troupeaux et qu'il faut abattre ! Car au début, bien sûr il faut comprendre Gaspard, notre berger, vivant seul avec ses bêtes et ses souvenirs, son fils, soldat, mort au Mali et sa femme complètement déboussolée depuis. Quelle peut être sa réaction première face au loup, n’ayant pour bagages mémoriels que peine et douleur ? La mort, la vengeance, car tout est la faute du loup.

Puis petit à petit se dessine dans ces hautes montagnes un autre scénario entre l'homme et le loup qui se poursuivent sans relâche. Pas un attachement sentimental non, mais une cohésion avec la nature, avec la vie rude sur ces hauteurs enneigées et gelées, avec un état de survie permanent où chacun, homme comme animal, doit trouver en lui et autour de lui les ressources nécessaires pour arriver jusqu'à demain.

Au final, une très belle histoire de partage, dans un monde où chacun peut trouver sa place.

Un conte ? Peut-être.



Quant aux dessins, très peu colorisés, ils sont souvent faits de hachures nettes et précises et donnent aux reliefs le mordant nécessaire pour ressentir le vent glacé de l'hiver montagnard.



Une BD qui met à l'honneur la montagne dans toute sa rudesse, sa violence et sa beauté, un paysage peuplé de loups et d'hommes, un territoire à partager, la nature n'est pas la possession de l'homme.

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Le Loup

Quelque part dans le massif des Ecrins.

Fatigué de perdre ses brebis, Gaspard abat la louve, laissant un orphelin pas encore sevré. Le petit loup deviendra grand, et ne s'éloignera jamais du berger-chasseur qui a tué sa mère. Pour solde de tout compte ?



Le nature writing, j'évite, je pars vaincue d'avance - je vais assurément m'y ennuyer. A fortiori dans des montagnes en hiver. Le froid, je n'aime pas, le blanc à perte de vue, ça m'angoisse (vive la verdure ou l'océan !).

Par contre les histoires de loups dans les contes et légendes me fascinent, lorsqu'on ne sait pas très bien ce qui se cache derrière la bête (cf. les contes traditionnels, la Bête du Gévaudan, 'La bête' de Chabouté, 'L'homme à l'envers' de Vargas...).

Rien de tel ici, il s'agit bien de lutte entre un homme et un animal, comme dans le 'Vieil homme et la mer' d'Hemingway.

Une lutte qui dure, qui devient une obsession pour Gaspard - il n'abandonnera pas. Une lutte qui se redéfinit.



Un bel album. J'ai aimé les expressions du loup, et bien sûr la question de notre place d'humain dans un écosystème, qui doit se poser en terme de cohabitation et non plus de domination.



Pour résumer et conclure, ces jolis mots de Baptiste Morizot (en postface) : « Un récit initiatique silencieux, dans lequel un homme occidental se libère des mythes belliqueux dont il a hérité, pour passer à des relations de respect mutuel et de réciprocité. » ♥
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Ailefroide : Altitude 3 954

L'histoire d'un gamin qui fréquente le lycée Champollion et qui découvre le massif des Écrins par sa face Nord.



L'histoire d'une région, Grenoble, entourée des plus belles montagnes que je n'ai jamais gravies. Et pourtant...



L'histoire d'un jeune illustrateur émerveillé par un peintre russe. de Soutine à Rochette.



Ce jeune gamin qui s'emmerde profondément au lycée découvre par hasard l'escalade. Et là, la magie des lieux, de l'effort aussi, le prix du risque et l'insouciance de la jeunesse, font qu'il trouvera sa voie, en même temps qu'il dessinera quelques croquis. le récit initiatique de l'adolescence face à l'adversité et à la bravoure. Parce que là-haut, tout aux sommets des montagnes et si proches des anciens de renom, il s'émerveillera d'un ciel aussi bleu que Soulages ses peines.



Beaucoup de bleus dans le ciel, de bleus à l'âme jusqu'aux souvenirs de la lune bleue. Les cases sont bleues. Un peu grises aussi, comme la roche à gravir, ou comme la vie d'un adolescent de Grenoble. Une teinte blanche, est-ce la neige au sommet du col, ou le faux col de ma bière ?



C'est surtout l'histoire d'amour entre l'homme et la montagne, entre l'homme et le sommet, une romance faite de noblesse et de courage. Car en chemin, la mort rôde à chaque pas. L'escalade peut t'emporter au moindre instant d'inadvertance ou d'oubli. La mort, ce jeune gamin la côtoie, la rencontre, la frôle...



Ce gamin qui escaladait les façades du Lycée Champollion, quelques années plus tard, dessinera le fameux Transperceneige. Mais il y a aussi, entre les cases, l'histoire d'un autre gamin qui a dû pisser contre un arbre près du Lycée Champollion et qui est devenu un pauvre type, le genre à se cacher derrière un pseudo bestial, et qui écrit des pseudos mots sur les maux de sa putain de vie. Comme quoi, juste des petits détails font la grandeur d'un homme.
Lien : https://memoiresdebison.blog..
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La Dernière Reine (BD)

"Tant que dans la montagne régneront les ours, le soleil, se lèvera le matin. Mais, au soir où mourra la dernière reine... alors ce sera le début du temps des ténèbres."



Et au soir où périra l'Innocent, les ténèbres recouvriront la terre... et l'âme de ceux qui ne veulent pas accepter de vivre dans l'harmonie de toute chose !





Edouard Roux, est l'ami des solitaires parce qu'habité de solitude lui-même, l'ami des animaux sauvages, celui qui souffre quand on les traque, qui souffre de voir leur liberté s'amenuiser, de voir leurs vies s'écourter devant l'appétit toujours plus vorace de l'homme et de sa bêtise.



Edouard Roux, parfait dans ce qu'il est pour se confondre dans cette matière humaine "chair à canons" que le vingtième siècle a généré pour sa soif de barbarie et l'orgueil des nations.

S'il ne laisse pas la vie dans cet interminable et abominable conflit, il y perd son visage... Gueule cassée, il erre dissimulé sous une étoffe. Qui accepterait de le regarder dans les yeux ? Qui accepterait de contempler ce que l'entêtement humain peut produire comme désastre ? Même retourner vers sa mère, il ne l'ose et pourtant, il ne doit avoir honte de rien, lui l'Innocent, ce sont les Grands de ce monde qui devraient lui demander pardon de ce qu'ils l'ont fait devenir. Plus d'avenir pour Edouard, plus d'identité, l'indifférence du dégoût dans les regards qui l'effleurent encore...

Et il rencontre Jeanne... Jeanne magicienne qui lui redonne apparence, et quelle apparence, celle d'un kouros, inflexible et intimidant… d'un pur, comme si le masque devenait reflet de l'âme.



En échange de cette "renaissance", Edouard fait découvrir à Jeanne dont il s'éprend passionnément, son paradis, le Vercors, ses montagnes sauvages, la faune qui y habite encore, ses arbres qui bruissent dans le vent, le sol qui se recouvre de neige et garde en mémoire l'empreinte de ces invisibles qui le foulent... Et l'ourse, cette merveille éternelle nichée au creux d'une grotte, celle qui se laisse contempler par les doux, les sages, ceux qui sont assez humbles pour parvenir jusqu'à elle, ceux qui écoutent la montagne et les arbres raconter, cette ourse de pierre, témoignage qui incarne ceux de son espèce victimes de la barbarie des hommes, qui narre l'histoire de ces ours qui ont possédé en leur coeur et leur corps ces terres boisées du Vercors… malgré les hommes.



Mais lisez pour rencontrer Edouard, pour le regarder avec les yeux de Jeanne, pour vous rapprocher de l'ourse… pour accepter d'ouvrir votre coeur et d'y laisser murmurer le chant d'une nature partagée entre tous.

Lisez pour comprendre que l'homme vit porteur des époques antérieures, que l'homme est dépositaire de l'histoire passée… et que s'il ne le comprend, ni ne l'accepte, il périra après avoir fait tant périr…



Edouard qui a déjà mille fois payé à la société pour une dette qu'il n'a jamais contractée, paiera encore bien davantage, à cette société humaine qui le renie, le déteste, refuse de le comprendre. Edouard va "mourir pour ses idées et de mort lente" mais surtout de ce qu'on nommerait de mort lasse, sans se défendre de l'opprobre... Dans quel monde accepter de vivre si ceux que l'on aime par dessus tout ne sont plus, si ceux pour qui on se bat disparaissent... Si la flamme de l'innocence s'éteint dans le coeur des hommes, si les ténèbres ont déjà commencé leur ascension malgré la vie encore fragile de la "peut-être" dernière Reine…





Une lecture magnifique, et je garde dans mon coeur tous ces regards d'animaux libres, toutes ces prunelles étincelantes où se niche le reflet de ceux qui savent…

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La Dernière Reine (BD)

Je lis rarement de la bande dessinée ou des romans graphiques et pourtant, lorsque j'ai vu la superbe couverture de « La dernière reine », il était évident que je lirai un jour ce récit, pour ses illustrations, pour son titre, pour ses thèmes qui me sont chers : le destin de vie d'un homme revenu abimé de la guerre, l'art, le féminisme, la montagne, l'ours et le respect de la vie animale.

Je ne regrette pas mon choix, j'ai adoré cette histoire tragique, sa tristesse, sa palette de couleurs sombres en beaux aplats, ses nombreuses réflexions.



*

Nous sommes à Grenoble dans les années 1920.

Un homme, Edouard Roux, est en prison pour une raison qui nous est inconnue. Sa demande de grâce vient d'être rejetée, il va bientôt être exécuté.



Et puis contre toute attente, le lecteur est embarqué dans un incroyable voyage qui nous fait remonter le temps jusqu'aux temps préhistoriques et le récit reprend son court dans une alternance de courtes scènes où la voix du dernier ours du Vercors et celle de cet homme, intimement liées, se répondent en un jeu de miroir.



*

On voit Edouard grandir, être témoin de la disparition du dernier ours de sa région, se révolter face à la bêtise des hommes qui détruisent sans discernement.

Et puis, c'est la grande guerre, l'homme nous plonge dans la bataille de la Somme en 1916, l'enfer des tranchées, les combats et le choc des obus, la barbarie des hommes et les traumatismes tant psychologiques que physiques.



Gueule cassée, objet de méfiance, de honte et de dégoût, Edouard retrouve la paix auprès de l'artiste Jeanne Sauvage qui fabrique des masques pour dissimuler les mutilations des visages des soldats et leur permettre de poursuivre une vie plus décente sans le regard scrutateur, incisif et révulsé des gens.

Ce personnage féminin est inspiré de Jane Poupelet, une sculptrice animalière, qui se servit de ses talents pour rendre l'apparence d'un visage aux victimes défigurées.



Il est donc question d'art.

On voyage dans le temps et l'espace, de la préhistoire aux années 1920, de la vie dans les montagnes du Vercors au milieu artistique parisien des Années folles. On rencontre un autre sculpteur animalier, François Pompon, dont on peut admirer les formes généreuses et gracieuses de son ours blanc au Musée d'Orsay.



*

L'auteur saisit la beauté de la nature, de la montagne du Vercors, ce sont des instants de grâce et d'une poésie infinie. En cheminant au côté d'Edouard dans ces montagnes qu'il aime tant, on découvre sa sensibilité derrière son visage détruit, son amour de la nature, des grands espaces et de ses habitants.



"Ici, le monde est si léger que les montagnes flottent sur les nuages."



Mais plus encore, Rochette capture des regards, hommes et bêtes. Des regards expressifs, perçants. A travers eux passent la peur et la haine, l'incompréhension et la douleur, la tristesse et l'agressivité, la bienveillance et la bonté. Ceux qui m'ont le plus accrochée sont ceux d'Edouard, bien évidemment, mais aussi et surtout ceux des animaux qui croisent sa route, notamment l'ours, l'orang-outan, le renard, ou la laie et ses petits.



J'ai aimé les illustrations de Jean-Marc Rochette, les lignes épaisses des traits, la sobriété des décors, ses grands aplats de couleurs, la maîtrise des couleurs mates et sombres, leur densité et leur profondeur feutrée, le superbe contraste entre blanc et noir.



*

Les multiples thèmes s'imbriquent et s'entremêlent avec délicatesse et force : la nature et notre besoin de dominer, la guerre et ses horreurs, l'homme et l'animal, l'amour au-delà des apparences, la condition humaine et le respect des femmes, le temps et le tragique, la beauté et le sacrifice, l'art et la protection de l'environnement.



" … tant que dans la montagne régneront les ours, le Soleil se lèvera le matin. Mais, au soir où mourra la dernière reine, alors, ce sera le début du temps des ténèbres."



*

Coup de coeur pour cet émouvant et bel album rempli de tendresse et de cruauté, de simplicité et de beauté ! J'ai aimé ces pages au magnifique graphisme où le présent se mêle au passé, où les émotions sont là.

Une ode émouvante à la majesté de la montagne et à ses êtres qui la peuplent.
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Le Loup

Le loup est une magnifique BD de Jean-Marc Rochette, que j'ai découverte à la faveur d'une opération « Du vent dans les BD », à laquelle participe la médiathèque de ma commune.

Le scénario repose sur une histoire simple. Au coeur du Massif des Écrins, un grand loup blanc et un berger vont s'affronter, jusqu'à leurs dernières limites.

En entrant dans cette histoire, je venais avec mon vécu, à la fois passionné par la montagne, mais sensible aussi à celles et ceux qui défendent la cause des loups. Je connais bien certains endroits du Massif des Écrins. Je connais aussi le Mercantour, lorsqu'un été, dans un camping à la ferme, j'ai pu découvrir de plein fouet le drame d'un berger dont une centaine de ses brebis venait de se précipiter dans le vide à cause des loups...

Ici le propos n'est pas de défendre ni la cause des loups, ni celle des bergers. Alors me direz-vous, serait-ce une sorte d'entre deux, un compromis ? Oui, mais c'est bien plus que cela...

Nous suivons l'itinéraire de Gaspard berger, rythmé par les saisons. Sa vie solitaire se résume à accompagner ses brebis vers les alpages de haute montagne. Il a fait le choix de se couper du rester du monde, de la vallée où « la neige est moins belle ».

En tuant une femelle loup qui vient de décimer son troupeau, il ne soupçonne pas que le louveteau qui va survivre va très vite revenir grandi, occuper le terrain et crier vengeance. Ainsi se dressent les conditions pour accueillir le combat qui va commencer entre ces deux êtres : le berger et le loup.

C'est beau comme une tragédie. Il y a une lutte qui m'a fait inévitablement penser à l'oeuvre d'Ernest Hemingway, le vieil homme et la mer.

C'est le récit d'un affrontement magistral qui, finalement, n'est pas si important que cela dans son dénouement. Dans le chemin difficile, ardu, arpenté, nous voyons se dessiner une réflexion philosophique entre l'homme et l'animal, la place de l'un et l'autre dans un territoire où chacun revendique sa légitimité d'exister.

D'ailleurs, le récit soulève avec pertinence cette question de la légitimité d'appartenir et de dominer un territoire.

Ce que j'ai aimé, apprécié, lu dans ce récit est cette manière qu'a Gaspard d'évoluer dans son ascension pour tuer le loup. Gaspard se métamorphose en montant vers les sommets. C'est un récit initiatique, silencieux, il s'allège peu à peu de ce côté guerrier qu'on confie si facilement aux hommes des vallées face à la question du combat contre les loups.

Le trait du dessin est à la fois généreux et rude, comme les reliefs de la montagne.

Je me suis demandé, si les bergers étaient des femmes, ou plus souvent des femmes, la question du loup serait-elle traitée différemment ?

Dans ce voyage initiatique, j'ai vu se déployer une réconciliation du monde du vivant, vers une sorte de vivre ensemble...

Un très beau texte du philosophe Baptiste Morizot conclut en postface cette BD et illustre ce propos.
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Transperceneige - Intégrale

Parcourant la blanche immensité d'un hiver éternel et glacé, d'un bout à l'autre de la planète roule un train qui jamais ne s'arrête.

C'est le "Transperceneige" aux mille et un wagons.

C'est le dernier bastion d'la civilisation !

Il abrite et transporte en ses flancs les derniers survivants de ce monde, ceux que la mort blanche a condamné au voyage à perpétuité....

Proloff est un fumier d'queutard, un passager des wagons d'queue...

On dit qu'ils sont des milliers à être entassés dans des fourgons à bestiaux, à crever d'faim et d'froid !

Adeline Belleau appartient au groupement d'aide au tiers-convoi...

Et tandis que dans leur sillage, violence et maladie font rage, tandis que "sainte-loco" poursuit sa course aveugle, Proloff et Adeline remontent obstinément le convoi...

Cet album est une trilogie.

Un premier album "le Transperceneige" écrit par Jacques Lob, dessiné par Jean-Marc Rochette.

Apocalyptique, noir et blanc, tendu, nerveux et tragique, il est superbe.

Paru initialement, au début des années 80, dans l'excellente revue "A suivre", il est transposé en album en 1984 chez "Casterman".

Les deux chapitres suivants, "L'arpenteur" et "La traversée" m'ont beaucoup moins accroché.

Si le dessin de Rochette n'a rien perdu de sa puissance, le scénario, repris par Benjamin Legrand est moins prenant, moins coulant.

Mais ces deux suites, qui datent de 1999 et de 2000, si elles ne sont pas, à mon avis, au niveau du premier opus, restent tout de même deux excellents albums de SF apocalyptique.

Cette trilogie, parue chez "Casterman", offre, en fin de volume une postface, richement illustrée, qui fait l'historique de la série et présente ses auteurs.

Et c'est une fichue bonne idée...





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