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Critique de isanne


"Tant que dans la montagne régneront les ours, le soleil, se lèvera le matin. Mais, au soir où mourra la dernière reine... alors ce sera le début du temps des ténèbres."

Et au soir où périra l'Innocent, les ténèbres recouvriront la terre... et l'âme de ceux qui ne veulent pas accepter de vivre dans l'harmonie de toute chose !


Edouard Roux, est l'ami des solitaires parce qu'habité de solitude lui-même, l'ami des animaux sauvages, celui qui souffre quand on les traque, qui souffre de voir leur liberté s'amenuiser, de voir leurs vies s'écourter devant l'appétit toujours plus vorace de l'homme et de sa bêtise.

Edouard Roux, parfait dans ce qu'il est pour se confondre dans cette matière humaine "chair à canons" que le vingtième siècle a généré pour sa soif de barbarie et l'orgueil des nations.
S'il ne laisse pas la vie dans cet interminable et abominable conflit, il y perd son visage... Gueule cassée, il erre dissimulé sous une étoffe. Qui accepterait de le regarder dans les yeux ? Qui accepterait de contempler ce que l'entêtement humain peut produire comme désastre ? Même retourner vers sa mère, il ne l'ose et pourtant, il ne doit avoir honte de rien, lui l'Innocent, ce sont les Grands de ce monde qui devraient lui demander pardon de ce qu'ils l'ont fait devenir. Plus d'avenir pour Edouard, plus d'identité, l'indifférence du dégoût dans les regards qui l'effleurent encore...
Et il rencontre Jeanne... Jeanne magicienne qui lui redonne apparence, et quelle apparence, celle d'un kouros, inflexible et intimidant… d'un pur, comme si le masque devenait reflet de l'âme.

En échange de cette "renaissance", Edouard fait découvrir à Jeanne dont il s'éprend passionnément, son paradis, le Vercors, ses montagnes sauvages, la faune qui y habite encore, ses arbres qui bruissent dans le vent, le sol qui se recouvre de neige et garde en mémoire l'empreinte de ces invisibles qui le foulent... Et l'ourse, cette merveille éternelle nichée au creux d'une grotte, celle qui se laisse contempler par les doux, les sages, ceux qui sont assez humbles pour parvenir jusqu'à elle, ceux qui écoutent la montagne et les arbres raconter, cette ourse de pierre, témoignage qui incarne ceux de son espèce victimes de la barbarie des hommes, qui narre l'histoire de ces ours qui ont possédé en leur coeur et leur corps ces terres boisées du Vercors… malgré les hommes.

Mais lisez pour rencontrer Edouard, pour le regarder avec les yeux de Jeanne, pour vous rapprocher de l'ourse… pour accepter d'ouvrir votre coeur et d'y laisser murmurer le chant d'une nature partagée entre tous.
Lisez pour comprendre que l'homme vit porteur des époques antérieures, que l'homme est dépositaire de l'histoire passée… et que s'il ne le comprend, ni ne l'accepte, il périra après avoir fait tant périr…

Edouard qui a déjà mille fois payé à la société pour une dette qu'il n'a jamais contractée, paiera encore bien davantage, à cette société humaine qui le renie, le déteste, refuse de le comprendre. Edouard va "mourir pour ses idées et de mort lente" mais surtout de ce qu'on nommerait de mort lasse, sans se défendre de l'opprobre... Dans quel monde accepter de vivre si ceux que l'on aime par dessus tout ne sont plus, si ceux pour qui on se bat disparaissent... Si la flamme de l'innocence s'éteint dans le coeur des hommes, si les ténèbres ont déjà commencé leur ascension malgré la vie encore fragile de la "peut-être" dernière Reine…


Une lecture magnifique, et je garde dans mon coeur tous ces regards d'animaux libres, toutes ces prunelles étincelantes où se niche le reflet de ceux qui savent…
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